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^1^^
LA MAISON
D'UN
ARTISTE
I
,1
II
LA MAISON
D'UN
ARTISTE
PAR
EDMOND DE GÔNGOURT
• •
• te
TOME PREMIER
•
NOUVELLE ÉDITION
PARIS
BIBLIOTHÈQUE-CHARPENTIE.R
EUfièNE FASQUELLE, ÉDITEUR
11, RUE DE GRENELLE, 11
1898
Tous droits réservés-
C
PREFACE
En ce temps où les choses, dont le poète latin
a signalé la mélancolique vie latente, sont asso-
ciées si largement par la description littéraire
moderne à l'Histoire de THumanité, pourquoi
n'écrirait-on pas les mémoires des choses au
milieu desquelles s*est écoulée une existence
d'homme ?
Edmond de Gôncourt
Auteuil, ce 26 Juin i88û,
LA
MAISON D'UN ARTISTE
PRÉAMBULE
Sur le boulevard Montmorency, au n® 53, s*élève
une maison portant, encastré dans son balcon, un
profil lauré de Louis XV, en bronze doré, qui a tout
Tair d'être le médaillon, dont était décorée la tribune
de musique de la salle à manger deLuciennes^ repré-
senté dans Taquarelle de Moreau que Ton voit au
Louyre. Cette tête, que quelques promeneurs regar-
dent d'un œil farouche, n'est point, — ai-je besoin
de le dire? — une aMche des opinions politiques du
propriétaire, elle est tout bonnement l'enseigne d'un
des nids les plus pleins de choses du xviii^ siècle
qui existent à Paris.
La porte noire, que surmonte un élégant dessus de
grille de chapelle jésuite en fer forgé, la porte
ouverte, du bas de l'escalier, de l'entrée du vesti-
bule, du seuil de la maison, le visiteur est accueilli
par des terres cuites, des bronzes, des dessins, des
I. i
291451
s LA MAISON D'UN ARTISTE.
porcelaines du siècle aimable par excellence, mê-
lés à des objets de l'Extrême-Orient, qui se trouvaient
f^re si bon ménage dans les collections de Madame
de Pompadour et de tous les curieux et les cwnolets
du temps.
hjf La vie d'aujourd'hui est une vie de combattivité;
elle demande dans toutes les carrières une concen-
tration, un effort, un travail, qui, en son foyer
enferment l'homme, dont l'existence n'est plus ex-
térieure comme au xviii® siècle, n'est plus papillon-
nante parmi la société depuis ses dix-sept ans
jusqu'à sa mort. De notre temps on va bien encore
dans le monde, mais toute la vie ne s'y dépense plus,
et le ckez'soz a cessé d'être Fhôtel garni où l'on ne
faisait que coucher. Dans cette rie assise au coin du
feu, renfermée, sédentaire, la créature humaine, et
la première venue, a été poussée à vouloir les qua-
tre murs de son Aome agréables, plaisants, amusants
aux yeux; et cet entour et ce décor de son inté-
rieur, elle Va. cherché et trouvé naturellement dans
l'objet d'art pur ou dans l'objet d'art industriel, plus
accessible au goût de tous. Du même coup, ces habi-
tudes moins mondaines amenaient un amoindrisse-
' ment du rôle de la femme dans la pensée masculine ;
eUe n'était plus pour nous l'occupation galante de
toute notre existence, cette occupation qui était au-
trefois la carrière du plus grand nombre, et, à la
suite àe celte modification dans les mœurs, il arri-
PRÉAMBULE. 8
vait ceci : c'est que l'intérêt de l'homme, s'en allant
de Têtre charmant, se reportait en grande partie
sur les jolis objets inanimés dont la passion revêt
un peu de la nature et du caractère de l'amour. Au
xyin® siècle, il n'y a pas de bibelotews jeunes : c'est
là la différence des deux siècles. Pour notre généra-
tion, la b7icabracomanie n'est qu'un bouche-trou de
la femme qui ne possède plus l'imagination de
l'homme, et j'ai fait à mon' égard cette remarque,
que, lorsque par hasard mon cœur s'est trouvé oc-
cupé, l'objet d'art ne m'était de rien.
Oui, cette passion devenue générale, ce plaisir
solitaire, auquel se livre presque toute. une nation,
doit son développement au vide, à l'ennui du cœur,
et aussi, -il faut le reconnaître, à la tristesse des
jours actuels, à l'incertitude des lendemains, à l'en-
fantement, les pieds devant, de la société nouvelle, à
des soucis et à des préoccupations qui poussent,
comme à la veille d'un déluge, les désirs et les en-
vies à se donner la jouissance immédiate de tout ce
qui les charmeL, les séduit, les tente : l'oubli du mo-
ment dans l'assouvissement artistique.
Ce sont ces causes, et incontestablement l'éduca-
tion de l'œil des gens du xix* siècle, et encore
un sentiment tout nouveau, la tendresse presque
humaine pQur les choses, qui font, à l'heure qu'il
est, de presque tout le monde, des collectionneurs et
de moi en particulier le plus passionné de tous les
collectionneurs.
VESTIBULE
Un riant pavé en marbre blanc et en marbre rouge
du Languedoc, avec, pour revêtement aux murs et
au plafond, un cuir moderne peuplé de perroquets
fantastiques dorés et peints sur un fond vert d'eau.
Sur ce cuir, dans un désordre cherché, dans un
pittoresque d'antichambre et d'atelier, toutes sortes
de choses voyantes et claquantes, de brillants cuivres
découpés, des poteries dorées, des broderies du Ja-
pon et encore des objets bizarres, inattendus, éton-
nant par leur originalité, leur exotisme, et vis-à-vis
d'un certain nombre desquels je me fais un peu
Teffet du bon Père Buffier quand il disait : « Voilà
des choses que je ne sais pas, il faut que je fasse un
livre dessus. »
Ça, une petite jardinière à suspension, fabriquée
d'une coloquinte excentrique, dont la tige tournante
et recroquevillée est une tige de bronze qui a la flexi-
bilité d'une liane ; cette grande planchette fruste de
bois, toute parcourue des tortils d'un feuillage de
lierre, exécuté en nacre et en écaille : lé porte-éven-
tail qui tient dans l'appartement l'éventail ouvert
VESTIBULE. 5
contre le mur; cette petite boule de porcelaine
jaune impérial si délicatement treillagée : la cage
au grillon ou à la mouche bourdonnante, que le Chi-
nois aime suspendre au chevet de son lit ; et cette
plaque de faïence figurant une branche de pêcher
en fleur, modelée à jour dans un cadre de bois en
forme d'écran, vous représente la décoration de Tan-
gle religieux et mystique d'une chambre de prosti-
tuée de maison de thé, l'espèce de tableau d'autel
devant lequel elle place une fleur dans un vase.
Des broderies du Japon, ai-je dit plus haut, c'est
là, dans leurs cadres de bambous, la riche, ia splen-
dide, Yédairante décoration des murs du vestibule et
un peu de toute la maison. Ces carrés de soie brodés
appelés fusha ou foukousa font la chatoyante couver-
ture sous laquelle on a l'habitude, dans l'Empire du
Lever du Soleil, d'envoyer tout présent quelconque,
et le plus minime, fût-il même de deux œufs(l). Les
Siïiciens foukousas fabriqués à Kioto (2) sont des pro-
duits d'un art tout particulier au Japon, et auxquels
l'Europe ne peut rien opposer : de la pemture, de
vrais tableaux composés et exécutés en soie par un
brodeur, où sur les fonds aux adorables nuances, et
telles qu'en donne le satin ou le crêpe, un oiseau, un
poisson, une fleur se détache dans le haut relief
d'une broderie. Et rien là dedans du travail d'un art
{{) JX n'est guère besoin de dire que le carré est toujours rap-
porté à son maître par le porteur du présent.
(2) Les foukousas modernes seraient aujourd'hui fabriqués à
Togané, d'où on les expédierait à Yedo.
1.
ï-
H
C LA MAISON D'UN ARTISTE.
mécanique, du dessin bête de vieille fille de nos bro-
deries à nous, mais des silhouettes d'êtres pleins de
vie, avec leurs pattes d'oiseau d'un si grand style,
avec leurs nageoires de poisson d'un si puissant con-
tournement. Quelquefois des parties peintes, peintes
à l'encre de Chine, s'associent de la manière la plus
heureuse à la broderie. Je connais, chez M""® Auguste
Sichel, une fusée de fleurs brodée dans un vase en
sparterie peint ou imprimé, qui est bien la plus har-
monieuse chose qu'il soit possible de voir. M. de Nittis
a fait un écran, d'un admirable et singulier carré,
où deu^ grues, brodées en noir sur un fond rose
saumoné, ont, comme accompagnement et adoucis-
sement de la broderie, des demi-teintes doucement
lavées d'encre de Chine sur l'étoffe enchanteresse. Et
dans ce vestibule, il y a, sur un fondlilas, des carpes
nageant au milieu de branchages de presle brodées
en or, et dont le ventre apparaît comme argenté par
un reflet de bourbe: un efl"et obtenu par une réserve
au milieu du fond tout teinté et obscure d'encre de
Chine. 11 est même un certain nombre de foukousas
absolument peints. J'ai coloriée, sur un crêpe gris,
dans l'orbe d'un soleil rouge comme du feu, l'échan-
crure pittoresque d'un passage de sept grues, exécuté
avec la science que les Japonais possèdent du vol de
l'échassier. J'ai encore, jetées sur un fond maïs, sans
aucun détail de terrain, deux grandes grues blanches,
à la petite crête rougie de vermillon', au cou, aux
pattes, à la queue, teintés d'encre de Chine. Et ne
vous étonnez pas de rencontrer si souvent sur les
broderies la grue, cet oisesin qui apparaît dans le
haut du ciel aux Japonais comme un messager cé-
leste, et qu'ils saluent de l'appellation : Tsowi
Sama, Sa Seigneurie la Grue.
Cependant le foukousa proprement dit est brodé,
entièrement brodé, et semblable à celui-ci qui re-
présente un coq et une poule avec ses poussins.
Voici l'échevèlement du pUima^'e pleureur du coq,
le duvetis de la plume naissante d'un poussin monté
sur le dos de sa mère, la chair caronculeuse des
cr6tes, et à toutes les pattes, des ongles faits d'une
soie qui joue la corne, de vrais ongles. C'est encore,
celui-là, le planement de deux grues parmi des
branches de sapin couvertes de neige, avec la blan-
cheur vivante de l'animal, si bien différenciée de la
blancheur mate et morte de la neige; ou enflij ce
dernier : sur un fond de soie azur, l'argentement
vague ettout lointain du Fusi-yama, avec au dessous,
tout seul dans l'espace et semblant voler dans l'air
célestement bleu des altitudes, un faucon, les ailes
déployées.
Et tous les sujets, les Japonais les tentent et les
réalisent en broderie. Ils font le tableau de sainteté,
le tableau de genre, que j'aime moins que le reste,
— l'humanité en étant toujours médiocre, — el la
paysage et la caricature. En ce dernier genre, est-
il une composition plus drôlatiqui
de rats costumés en Japonais, tira
d'un câble d'or, une immense r
haut de laquelle une rate s'évente "
8 LA MAISON D'UN ARTISTE.
Une des représentations que les Japonais réussis-
sent le mieux après les animaux, c'est la représen-
tation de la nature morte. Regardez, sur ce fond
cendre verte, ces trois éventails ouverts imitant trois
éventails en papier doré, avec le relief de leur des-
sin gaufré, et dans un coin rattache d'un petit cor-
net de papier d'où sort un bouquet de fleurettes.
L'éventail est un objet familier pour lequel l'artiste
de là-bas a une prédilection, et il revient souvent
sous l'aiguille des brodeurs. Voyez cet autre fou-
kousa, où sur un fond rose turc sont déployés deux
éventails blancs brodés de paysages. Il présente, ce
carré, une particularité charmante. Le fond, dont
le dessin damassé figure des bambous, montre ses
bambous roses dans la marge, blancs dans la réserve
des deux éventails. Un autre foukousa étale sous
vos yeux, au milieu de pétales de fleurs, des albums
avec le fac-similé de la mosaïque de leurs couver-
tures et le cordonnet extérieur de leur reliure ; et
dans un coin se trouve un râteau en bambou, et dans
l'autre un balai, que tiennent parfois un vieil homme
et une vieille femme, l'Adam et l'Eve du Japon, et
qui sont, comme la grue et la tortue, des porte-bon-
heur dans les intérieurs. Sur celui-ci pendent trois
kakémonos : une branche d'arbuste fleuri, une vue
du Pusi-yama, un personnage saint appuyé sur un
cerf blanc. Le foukousa le plus remarquable de la
série est un carré de soie rouge, sur lequel sont
deux coffrets dorés de la plus fine sculpture, d'où se
détortillent de grosses cordelières bleues, se perdant
VESTIBULE. 9
parmi des coquilles à Tintérieur laqué, et qui, bâil-
lant demi-ouvertes, laissent entrevoir de minus-
cules Japonaises dans des jardins roses (1). C'est dans
cette broderie la plus étonnante imitation à la fois
d'une ciselure d*or et d'un fin ouvrage de laque
polychrome; et la soie sous les doigts de ces mer-
veilleux brodeurs pour cette^ figuration, et la figura-
tion de tout au monde, se prête à des travaux à plat,
à des travaux de chaînette, de cordelette, à de petits
carrelages, à de petits cloisonnages, à des entremô-
lements,à des entre-croisements, à des habiletés de
métier incroyables, qui arrivent au pelage d'un
quadrupède, au plumage d'un oiseau, à l'écaillé
d'un reptile, au pulpeux, au charnu presque d'une
fleur de magnolia s'entr'ouvrant.
Toutefois le plus extraordinaire foukousa que je
possède, et le plus beau que je connaisse parmi tous
ceux que j'ai vus, représente deux pigeons, l'un en-
tièrement blanc, l'autre mi-roux, mi-blanc, tous
deux avec des pattes et des yeux roses. Je ne sais
pas Comment c'est fait, et par quel artifice des fils
de soie arrivent à être de la plume si réelle, mais la
lumière joue sur le plumage des deux pigeons
comme sur un plumage naturel (2).
1) Parmi ces foukousas, il s*en trouve un très curieux, mais
que je crois d'origine chinoise. Sur un fond de soie grège écrue
est représentée une pivoine arborescente au-dessus d'un rocher
en lapis. L'envers des parties brodées est absolument l'envers
du travail des tapisseries des Gobelins.
(2) Ces merveilleuses broderies, M. Real, lors d^ son séjour
au Japon en 1867, les payait un dollar pièce.
10 LA MAISON D'UN ARTISTE.
Un des côtés curieux de cet art industriel dans
la reproduction réaliste de la nature, c'est l'intro-
duction d'éléments de pure fantaisie, c'est, par
exemple, l'emploi de l'or, de cette chose qui ne se
trouve ni dans les végétaux ni dans les animaux,
et que les brodeurs savent si bien marier à de vraies
couleurs de nature, sî bien incorporer dans leur
brillant trompe-l'œil. Ainsi voici, sur du blanc, une
langouste, dont le fond n'est pas seulement mou-
cheté d'or, mais dont toute la carapace est écla-
boussée de parcelles dorées, qui se font très bien
accepter et imitent, à s'y tromper, la lumière gra-
nuleuse et micacée d'une carapace (1). Voici encore,
sur de la pourpre, une jonchée de grosses fleurs
jaunes où toutes les nervures du feuillage sont en
or, sans que le bouquet perde de sa réalité. Et voilà,
— audace encore plus extraordinaire, — voilà,
sur un fond cerise, un pêcher au tronc rocailleux,
coquillageux, tout brodé d'or, et qui, sans que cette •
orfèvrerie choque, semble, avec ses petites pousses
vertes et ses fleurettes blanches, un arbuste de mé-
tal poussant une végétation de feu d'artifice.
Mais au fond la qualité supérieure de ces brode-
ries et leur remarquable originalité, c'est d'être
des choses tissées, tenant d'une manière intime au
grand art du dessin, et dans lesquelles les brodeurs
(1) Cette langouste est signée : Mntsontnni Kitsoubeï. Les
Japonais seuls ont fait de ces broderies, répétons-le, les Chi-
nois n'en ont pas fait ; et s'il existe quelques carrés chinois,
rimitation de la nature n'y est jamais rigoureuse.
VESTIBULE. 11
japonais luttent avec les peintres, travaillent à ob-
tenir sur la soie des effets qui sont du domaine ex-
clusif de la peinture, tentent, — le croirait-on? —
avec Taiguille à broder, Tébauche, l'esquisse, la cro
quade. Vous trouvez dans des foukousas des parties
restées volontairement à l'état de première idée, au
milieu du fini du reste, des lointains touchés avec
quelque chose de la liberté heureuse et volante
d'un pinceau qui pose des tons, sans les assembler,
et dans les ciels, des volées d'oisillons pareils à ces
accolades faites en courant de deux coups d'une
plume écrasée. Dans cet ordre de confection artis-
tique, je possède un carré des plus intéressants.
Sur une soie gros bleu, sillonnée de bandes pourpre,
imitant les eaux de la mer éclairées des derniers
feux du soleil couchant, nage, en se jouant, une
bande de cormorans indiqués seulement par des
traits brodés, tantôt en soie noire, tantôt en soie
blanche, tantôt en or, avec sur les têtes une touche
de couleur également brodée : un foukousa qui
donne l'illusion d'im croquis d'artiste, où il n'y
aurait encore sur le papier que de vagues contours
et des taches. La broderie conçue et exécutée ainsi
n'est plus de l'industrie, mais bien un peu de l'art.
Les beaux foukousas ne sont presque jamais sur
ce bleu dur de soie légère, qui sert de fond aux fou-
kousas modernes :ils s'enlèvent sur des satins ^pais
comme des cuirs, sur des gros grains teints de bien
céleste, de vert poreau (1), de ventre de biche, do
(1) Chez M. Lansyer, qui a une collection de foukousas choisis
12 LA MAISON D'UN ARTISTE.
feuille morte, de jaune maïs, de rose groseille, etc.,
Ils ont aussi, en ji^énéral, au lieu de leur doublure en
crêpe de Ghino rouge assez commune, des envers de
soie damassés d'or et d'argent, où parfois se trou-
vent dans un coin les armoiries d'un prince. Une
remarque curieuse faite par moi sur les vieilles
broderies : les yeux dos animaux sont faits en soie.
C'est un point noir dans un ton brun ou bleu, —
quelquefois recouvert d'un morceau de verre dans
un petit rond de métal, — mais seulement chez les
plus ordinaires. Les yeux en émail indiquent en gé-
néral une origine moderne. Autre remarque : les
foukousas que j'ai rencontrés sur fond noir, soie ou
velours, sont toujours d'une qualité exceptionnelle.
Les anciens foukousas portent quelquefois, mais
très rarement, la signature ou le cachet du brodeur.
Les deux pigeons sont signés : Shiko.
Parmi ces bibelots orientaux, une merveille fran-
çaise, un bas-relief de Clodion !
Un satyre agenouillé, un seul genou en terre,
d'un bras nerveux entourant les deux jambes d'un '
bacchante nouées autour de son cou, est prêt à sou-
lever la folle et jeune rieuse, qui, glissée au bas du
ses reins et mollement renversée en arrière, s'ap-
a\cc le goût d'un peintre coloriste, et dont les fonds sont faits
des clartés les plus tendres, on tombe en admiration devant un
Ibukousa jaune citron, sur lequel le brodeur n'a pas craint de je-
ter (les grue^ brodées en or, et Ton retrouve le même plaisir
des yeux devant un autre vol de grues sur un fond jaune, couleur
de la toile non encore blanchie, et toute sillonnée de raies d'or
imitant la chute d'une cascade.
VESTIBULE. 13
puîe d'une main sur Tépaule d*un petit faunin, se
haussant sur la pointe du pied.
La jeunesse et la gracilité de la fille des bois et
des vignes, le modelage de ses petits seins rigides et
de son ventre douillet, l'ingénu et voluptueux aban-
don de son attitude, le rythmique agencement des
lignes gracieuses, l'art délicat et spirituel d'esquisse
de la sculpture, le parti tiré de la demi-ronde bosse
et de ses amincissements gradués, la caresse dans la
glaise des détails de la tête, des mains, des mignons
petits pieds se raidissant, enfin la science de cette
œuvre facile, qui pourra la bien dire?
Cette terre cuite est une de mes bonnes fortunes
des ventes publiques. L'expert avait inséré dans son
catalogue : « Tout ferait supposer que ce bas-relief
est de Clodion s'il n'était pas signé Michel », et encore
il ne disait pas avec une faute d'orthographe. L'ex-
pert ignorait que le vrai nom du sculpteur est Mi-
chel, et qu'il n'a jeté ce surnom de Clodion au bas de
ses œuvres qu'à une certaine époque de sa vie.
.^
t.
SALLE A MANGER
Une porte du vestibule ouvre à droite dans la
salle à manger : une vraie boîte comme je les aime,
et oh ne se voient ni murs ni plafond sous les tapis-
series.
Une suite d$ panneaux qui décorait autrefois un
pavillon de musique dans un jardin, s*est trouvée/
une suite qui recouvre, sans qu'il y manque un
pouce, les quatre parois avec leurs angles coupés.
Ces tapisseries, exécutées sur les dessins de Leprmce
et de Huet, mettent contre les murailles un paysage
(le fantaisie, où se mêle le rustique théâtral de Bou-
,clier aux perspectives de terrasses à balustres de
Lajouc, aux lointains d'île enchantée de Watteau.
Et le paysage de convention est peuplé par une créa-
lion adorablement mensongère : des gardeuses de
moutons enrubannées, des Tircis poudrés à blanc,
des fileuses de campagne aux engageantes de den-
telle, des chasseresses vêtues de l'habit rouge de
Vanloo dans sa partie de chasse, et de petits
paysans faunins chovauchant des chèvres : tout ce
monde détaché d'un fotid blanc, de ce fond précieux
SALLE A MANOER. K
qui est l'eiiTeloppement, l'atmosphère leDdre des
jolies tapisseries du xvin' siècle, et dans l'harmonie
crémeuse duquel, sous les jeux du jour, le
rose, le bleu, le jaune soufre sont à tout moment
sillonnés de l'illumination hrillànlée de la soie
transperçant la laine. Riants tableaux qu'enca-
drent, courant sur un vert, couleur de vieille
mousse, des arabesques enguirlandées de chutes de
fleurs et de lambrequins amarante. Au plafond,
c'est une tapisserie d'Aubusson représentant la com-
position de Lancret gravée sous le nom de I'Adoles-
"liiscE. Malheureusement, cette tapisserie achetée à
Muiiicb en 1873, et sans doute prise en quelque
chftteau français pendant la guerre, — et qui n'a-
vait guère moins souffert que la France, — fut si
malheureusement réparéeà deux reprises différentes,
qu'il a été nécessaire de prier l'ami Eugène Giraud
de la repeindre un peu, — et peut-être l'a-t-il re-
peinte avec trop de générosité?
Sur ces murs de peinture tissée qui ne souffrent
aucune décoration, rien que deux grands bras en
bronze doré, mettant sur le panneau du fond leur
riche serpènteraenl contourné, et dressant leur
feuillage de rocaille, d'où la bobèche sort et s'épa-
nouit comme l'efOorescence vigoureuse jaillissant
du resserrement et du nœud d'une branche. Un
beau et libre travail de bronze doré, qui n'a dans sa
perfection quoi que ce soit du fini sec, du travail
per/e moderne.
Le merveilleux art industriel que l'art des Meisso-
16 LA MAISON D'UN ARTISTE.
nier, des Gouthière, et de tant de grands inconnus,
pétrisseurs de bronze doré, fabricateurs de ces ro-
bustes et élégantes choses qui ont Tair de sculp-
tures tournées dans un or malléable! Quel assou-
plissement de la matière rebelle, et les habiles
caresses des ciselets sur cette fonte qui perd sa rigi-
dité et prend quelque chose de la mollesse de son
modèle en cire! Ces bronzes dorés, j'en possède
quelques-uns qui sont de remarquables échantillons
de la large facture de Meissonier, et de la facture
précieuse des bronziers de la fin du siècle. J'ai dans
mon antichambre un portoir, un des plus purs spé-
cimens de cette rocaille, au départ semblable au
dos bombé et sinueux d'un coquillage, et qui se
creuse, et se renfle, et ondule, et serpente, et se
branche, et se termine en des tiges ornementales
qui ont pour boutons de fleurs ces perles longues
qu'on dirait les larmes de la sculpture. Kt l'or de ce
portoir, si tranquille et si reposé en son éclat sourd,
cet or qui a, pour lui, cette patine que le temps
appprte aux vieux métaux! Parmi mes porce-
laines de Chine est une gourde plate en céladon,
montée dans le temps, et dont la monture est
une des plus délicates montures du xviii^ siècle. La
gourde, au socle et au goulot à palmettes, est en-
guirlandée du flottement léger, soulevé par parties,
et comme battant contre le vase, de quatre rameaux
de branchages étoiles de fleurettes, attachés en haut
sur les côtés par des nœuds de rubans, et s'ontre-
croisant au rentrant des deux panses de la gourde.
SALLE A MANGER, 17
Et là-dessus une dorure mate imitant le chagriné de
la feuille, et au milieu de laquelle brille seulement le
bruni des pétales. Parmi mes bijoux en bronze doré,
n'oublions pas une paire de flambeaux en forme de
caïquois dont les perles, les branches de lauriers,
un entrelacement de myrte aux grains brillant
dans les intersections des feuilles, les ailettes du
carquois, sont de cette ciselure inimitable, poussée
au dernier fini, et qui, en son net détachement, n*a
rien de coupant.
Mais à la description de ces bronzes dorés, il faut
joindre la description des bronzes, oîi le bronze
florentin des corps nus de femmes et d'hommes et
d'enfants s'allie avec tant de goût aux accessoires
dorés. Voici une paire de candélabres, un premier
exemplaire des modèles bien connus de Glodion :
Iq faunin aux pieds de bouc et la petite fille cou-
ronnée de pampres, tous deux si joliment à cheval
sur la double branche du candélabre et semblant
s'y balancer. Le beau gras et le chaud ton obscur
du bronze au milieu de l'or du socle, de l'or de ces
deux bras pareils à des thyrses tordus d'où pendil-
lent des raisins dans de la vigne ! L'intelligente en-
tente de l'ornementation, et le soin et l'amour avec
lesquels l'ouvrier du temps a parfait sa tâche, et le
riche objet d*art que sont ces deux candélabres, qui
ont cependant, — signature de Tépoque, — de sim-
ples écrous en fer pour le rattachement des pièces 1
Ces deux candélabres ont pour milieu, sur la chemi-
née du petit salon, un Gupidon, dont je ne connais
2.
.oSitÊÊ
18 LA MAISON D'UN ARTISTK
pas de double, et que je ne sais à quel sculpteur
français du xtiii*^ siècle attribuer. Debout, la tête
baissée, le corps fléchi en avant, son carquois d'or
tombé sur un socle de marbre blanc, il essaye du
bout d'un de ses doigts le piquant d'une flèche. Un
Amour qui n'a rien des rondeurs de Boucher, mais un
Amour élancé à la longueur éphébique de ces génies
de l'Hymen, dressés en haut des lettres de faire part
de mariage de la fin du siècle, un bronze d'un mo-
delage des plus savants et dont les jambes ont la filée
ressentie des jambes d'un bronze italien du xvi® siècle.
Un mobilier des plus simples que le mobilier de
la salle à manger : une table et huit chaises sculp-
tées par Mazaros à ses débuts, et encore dans les
angles coupés deux meubles de deux civilisations
bien différentes.
L'un est une servante en bois de rose , aux angjes
de bronze doré, à la galerie dp cuivre entourant la
tablette de marbre blanc : la servante sur laquelle
successivement ma grand'mère et ma mère se sont
fait apporter leur chocolat. L'autre meuble, c'est
un grand écran, derrière lequel les daïmios se tiennent
dissimulés à la porte de leur habitation : un pan-
neau de trois pieds de hauteur merveilleusement
sculpté sur les deux faces, et dont un côté repré-
sente un pêcher en fleurs, et le revers un rocher
fleuri d'iris d'eau.
Sur la cheminée, entre la rocaille argentée de
deux flambeaux à trois branches portant les armes
d'un cardinal, luit dans la blancheur polie du Paros
SALLE A MANGER. 19
un petit marbre de Falconet : une baigneuse à moi-
tié .accroupie, à moitié agenouillée , et essuyant, de
la torsade de ses cheveux ramenée et épandue sur
sa poitrine , une goutte d'eau restée au bout d'un
de ses seins, dans un ramassement du torse, où
apparaît, délicieusement tortillée, la grâce abattue,
fluette, allongée de son petit corps. Une sculpture
où il y a du Corrège dans une matière, pour ainsi
dire, voluptueuse, et que la lumière pénètre presque
comme de la chair vivante.
Cette statuette, ces tapisseries éclairées du doux
feu des bougies d'un lustre et de candélabres , alors
qu'elles garnissaient notre ancienne salle à manger
de la rue Saint-Georges , ont vu de gais dîners , de
gais soupers. Janin, Gautier, Murger, de Beauvoir,
Gavarni qui arrivait toujours en retard, et à qui on
mettait une montre dans son assiette pour lui re-
procher son inexactitude, et encore de très spiri-
tuels gens , pas du tout célèbres , ont été charmants
de verve et de gaieté entre ces tentures. Il y avait
en ce temps à la cave un certain Léoville, et un
extraordinaire Saint-Péray, achetés à une vraie
vente de diplomate, qui mettaient les convives en
joie et en aimable folie , et avec ces deux vins nous
possédions une cuisinière très forte sur le pudding,
la posta frolla, le kari^ et nombre de plats étrangers
vers la confection desquels elle était poussée par
une vocation bizarre, une curiosité d'exotisme culi-
naire. Elle avait, cette espèce d'artiste passionnée
pour son art, une cuisine qui parlait à l'imagination
Â
20 LA MAISON D*UN ARTISTE.
de l'estomac : qualité rare! Et vraiment Ton fai-
sait, dans notre petit quatrième, du manger pas or-
dinaire à Paris. Les Parisiens dînent de l'architec-
ture des plats montés, du damassé, du linge, de
l'éclat des cristaux, des fleurs qui sont sur la table,
de la cravate blanche des domestiques, mais de
beurre à 30 sous la livre, mais de vin ordinaire qui
vient de chez le marchand de vins d'à côté ; mais de
poisson aux arêtes imprimées en bistre sur les filets,
les malheureux ne se doutent en aucune façon ! Il
n'y a positivement que les provinciaux ouïes hom mes
d'origine provinciale pour avoir ce qu'on appelle la
gueule fine^ et pour aimer la cuisine délicate, la cui-
sine que font seulement les femmes. Un gourmand
émérite, M. de Montalivet, même en ses ministères,
n'eut jamais de chef. Moi donc, qui suis de la pro-
vince que je regarde comme la province des plats
cuisinés, fricotes, mijotes avec le plus d'amour et
d'art, j'avais eu l'ambition d'introduire à mes dî-
ners un peu de vraie cuisine lorraine. Et pour cela
j'accomplissais presque une œuvre méritoire : je
faisais venir à mes frais à Paris , et m'engageais à
loger et à nourrir pendant tout le carême, un vieux
cordon bleu des Vosges, ancienne cuisinière d'é-
vôque, demeurée très dévote et prise de la tentation
de faire un carême dans la capitale, où elle n'était
jamais venue. 11 s'agissait de la bisque d'écrevisse
et du salmis de bécasse I Me comprenez-vous bien?
d'une bisque qui ne fût pas cette odieuse panade de
crevettes et de blé de Turquie colorée avec quelques
SALLE A MANGER. 21
gonttes d'une teinture pourpre, mais un vrai beurre
d'écrevisse obtenu avec les coquilles pilées et sur
lequel sont étalées les plus belles queues ; d'un sal-
mis de bécasse qui ne fût pas cette ratatouille avec
une liaison rousse , mais un salmis parfumé de baies
de genièvre, dans une vraie sauce de coloriste,
une sauce chaudement noire , où il y a comme des
yeux d'huile
Dans ce temps , il faut le dire , nous étions deux ;
c'était presque un ménage qui recevait.... Aujour-
d'hui la salle à manger d'Auteuil n'est plus que la
salle à manger d'un vieil homme seul, qui aime
mieux la salle à manger des autref.
J
PETIT SALON
Pauvre petit salon! Que de tristes et anxieuses
journées passées entre «es murs, d'où l'ébranlement
du canon faisait tomber les cadres, au milieu des
livres ficelés en paquets, et près de ce feu de bois
vert, le feu parisien des mois de décembre et de
janvier 1870-1871!
Ce salon était à la fois ma chambre à coucher,
ma cuisine et tout, et j'y vivais en compagnie d'une
poule, la dernière survivante de six volailles : toutes
les provisions que j'avais faites, hélas! — moi qui
mange avec les yeux, et ne pouvais m'habituer au
rose noirâtre de la viande des tire-fiacres.
Cette poule ou, pour mieux dire, cette poulette,
toute blanche, et joliment cailloutée^ et coquette-
ment huppée, était bien la plus impudente petite
bête que j'aie jamais rencontrée, sautant sur la table,
au moment où on me servait à déjeuner, — quel
déjeuner, mon Dieu! — et de deux coups de bec
rapides comme deux éclairs, nettoyant là moitié du
maigre plat. La petite misérable pondait, mais il n'y
eut jamais moyen d'avoir d'elle un œuf; il n'était
PKTIT SALOK tl
pas sorti de son corps qu'il était avalé ! El ramiisant
spectacle qu'elle me donna, quand nous aiTivâmes à
ce pain qui resf^cmblait à un cataplasme lardé de
cure-dents. Elle commençait à jongler avec les
petits morceaux qu'on lui jetait, à la fois dédai-
gneuse et colète, puis elle gémissait, puis elle pleu-
' rait, demeurait rognoxitatUe toute la journée, et ne
se décidait à manger le pain du siège que le soir.
Somme toute, je m'y étais attaché, elle avait des
allures si gamines, des remuements de la huppe si
crânes, des famlliaiités si dràlrttes, elle donnait à
ses gloussements, à son caquetage un langage si
humain; elle grimpait avec tant de gentillesse le
long de mon corps, pour de là s'élancer sur la che-
lïiinée, et donner force coups de bec furibonds à la
^ace qui lui montrait une autre elle-même !
Bref, tous les matins, je la peignais au peigne
fin... et ne pouvais me résoudre à la manger.
Cependant les moineaux et même les merles, en
oiseauï intelligents, avaient disparu de l'aris, ne
s'offrant plus aux coups de fusil ; j'avais dévoré mes
poissons rouges; là mairie d'Auteuil venait de nous
délivrer pour moi et ma domestique une petite
queue de morue salée qui devait faire notre nourri-
ture pendant trois jours; le pain était inavalable : il
fallut prendre un parti. Je dis à ma domestique de
tuer fi/anc^e- Elle ne savait pas, elle n'avait jamais
tué d'animaux. Moi pas plus, et je voulais faire pas-
ser de vie à trépas la bestiole sans la faire souffrir.
Longtemps je cherchai le moyeu, quand je me rap-
y
U LA MAISON D'UN ARTISTB.
pelai avoir à la maison un sabre japonais, dont la
trempe, m'avait-on dit, valait la trempe des cime-
terres avec lesquels le sultan Saladin coupait en deux
un coussin de plumes.
L'instrument de mort était trouvé, et j'appelais la
poulette dans le jardin. En ce moment, il y avait
dans le ciel un ouragan d'obus prussiens passant au-
dessus de la maison pour aller tomber dans le fau-
bourg Saint-Germain ; et la poulette interrogeait le
ciel avec le regard défiant desbôtes du Jardin des Plan-
tes d'alors, — el qui avaient Tair, du fond de leurs
cabanes, de demander si l'orage qui tonnait là-haut
depuis deux mois n'allait pas finir. Il faisait aussi le
terrible froid de ce terrible hiver, et la frileuse hési-
tait à se risquer dehors. Enfin la gourmandise
triompha, j'avais émietté par terre un peu d'une
galette de vraie farine, cuite le matin, sur les car-
reaux de ma cheminée. Je prenais bien mes mesu-
res, et au moment où elle relevait le cou pour la
déglutition d'un morceau un peu plus gros que les
autres, avec mon sabre japonais, je lui détachai la
tète aussi bien qu'aurait pu le faire un bourreau du
pays du sabre... mais ne voilà-t-il pas que la
poulette décapitée se met à courir en laissant der-
rière elle un sillon rouge sur la neige de l'allée, et à
travers le jardin aux arbustes cristallisés, dans le
jour blême de l'heure entre chien et loup, elle allait
toujours sur ses pattes titubantes, battant frénéti-
quement des ailes, — une aigrette de gouttelettes de
sang, au-dessus de son col coupé, à la place de tête.
PETIT SALON. J5
Cet assassinat est un de mes remords, ... d*autant'
plus que, je dois l'avouer, elle était horriblement
dure, Blanche!
Enlin, un jour, de ce petit salon devenu un pou-
lailler sou> le siè^e, une cible à balles et à obus sous
la Commune, il me prit la fantaisie d'en faire une
espèce de musée des dessins de Técole frap^^aise re-
cueillis par mon frère et moi depuis longue* années.
Faire une pièce dans ma maison : voilà presque
toujours, après la publication d'un livre et avec
l'argent qu'il rapporte, la récréation, la récompense
que je me donne. Bien souvent je me suis dit : Si je
n'étais pas litléraleur, si je n'avais pas mon pain sur
la planche, la profession que j'aurais choisie, ça
aurait été d'être un inventeur d'intérieurs pour gens
riches. J'aurais aimé qu'un banquier, me laissant la
bride sur le cou, me donnât plein pouvoir en un
palais qui n'aurait eu que les quatre murs pour lui
en imaginer la décoration et le mobilier avec ce
que je trouverais, rassortirais, commanderais, avec
ce que je découvrirais chez les marchands de vieux,
les artistes industriels modernes ou dans ma cer-
velle. Mais cette profession n'étant pas encore la
mienne, je travaille pour mon compte dans des
conditions plus modestes. J'ai donc cherché mon
nouveau pelit salon de façon à faire ressortir le
mieux possible des dessins, et des dessins montés
en bleu, en ces intelligentes montures dont l'hon-
neur de l'invention revient à Mariette. Après avoir
I. 3
26 * LA MAISON D*UN ARTISTE.
«
longuement médité, et ainsi qu'on médite un cha-
pitre de livre, je suis arrivé à la conviction qu'il n'y
avait que le rouge mat et le noir brillant pour faire
valoir les dessins anciens. Et j'ai fait peindre les
boiseries, les portes, les corniches en noir, toutefois
3i\ipoh\ et de cette peinture employée pour les pan-
neaux de voiture, et qui dure trois mois par les
ponçages successifs , mais qui a le mérite d'enfer-
mer les choses dans des compartiments d'ébène.
Restait la tenture et la qualité de son rouge que je
voulais mat : c'était là la difficulté. Je me rappelle
un jour, sous le merveilleux plafond de Baudry,
]^me ^Q Païva me disant à propos de la tenture de
son salon dont j'admirais la pourpre profonde :
«Oui... mais voilà l'histoire dema tenture. J'ai dit
au fabricant de Lyon qui nie présentait son plus beau
et son plus doux échantillon : Monsieur, il me
faut une étoffe six fois plus épaisse que celle-ci,
pesant six fois plus, vous m'entendez? — Et me fai-
sant apporter un pèse-lettres, j'ai pesé son échantil-
lon devant lui pour qu'il n'y eût pas d'erreur. »
— « Mais, Madame, jamais cela ne s'est fait. Et
l'homme me regardait comme une folle. »
— « Eh bien, cela se fera pour la première fois! »
« Je pensais, continua-t-elle, que cette épaisseur
qui ferait un cuir de l'étoffe, apporterait au tissu
une qualité de couleur qu'il n'avait pas, et vous
voyez que je ne me suis pas trompée. »
En effet, M"^" de Païva avait eu raison, mais la
tenture coûta 800,000 francs, et moi je devais trou»
PETIT SALON. * 17
Ter quelque chose d'un peu moins cher. La soie,
dans les conditions ordinaires, n'était pas mon af-
faire; les étoffes de laine se mangent, deviennent
facilement violettes, vineuses : il n'y a au fond que
les étoffes de coton pour garder leur intense nuanco
de géranium. Et tout fut couvert d'andrinople. Je
risquai même le plafond rouge, une audace! mais
qui m'a réussi, et qui, par l'enveloppement complet
des dessins dans une coloration une et chaude, en
fait saillir les blancs et toutes les clartés laiteuses
que tue un plafond de plâtre. Au fond, posons en
principe qu'il n'y a d'appartement harmonieux que
ceux où les objets mobiliers se détachent du con-
traste et de l'opposition de deux tonalités largement
dominantes^ et le rouge et le noir est encore la plus
heureuse combinaison qu'un tapissier ait trouvée
comme repoussoir et mise en valeur de ce qui meu-
.ble une chambre.
Les boiseries ainsi peintes, les murs ainsi tendus,
on a refait avec du vieil or la toilette des cadres de
chêne sculpté, trouvés en grande partie chez le
vieux Goguet de l'ancienne rue de Childebert, sa-
cristain de Saint-Germain-des-Prés, je crois bien, à
certaines heures, et brocanteur amoureux de bois
' doré, le restant de la journée.
Et ce sont sur la rouge muraille, autour des des-
sins, ces élégants profils, ces délicats rangs de perles
sculptées qui ne sont pas comme dans les cadres
modernes un chapelet de boulettes de pâte enfilées
dans une ficelle , et ces plates bordures aux jolies
d
18 LÀ MAISON Dv'UN ARTISTE.
feuilles d*eau et surmontées d'un écusson. que sur^
plombe tantôt une coquille au milieu d'une chute
de fleurettes, tantôt un cartouche dans un nœud
de ruban dont les deux bouts retombent de
chaque côté.
Là, dans ce petit salon est la plus grande partie
de mes dessins, qui couvrent encore les parois du
grand salon, montent et descendent l'escalier, rem-
plissent les cartons dans cette chambre et cette
autre, et se répandent ainsi par toute la mai-
son.
Cette collection est ma richesse et mon orgueil.
Elle témoigne de ce qu'un pauvre diable avec de la
volonté, du temps, et en massant un rien d'argent
sur une seule chose, peut faire. Une collection de
tableaux et très charmante, — elle m'était possible
en ce temps; — mais je sentais qu'avec ma petite
fortune, je ne pouvais faire qu'une collection secon-
daire, tandis qu'une collection de dessins, il m'était
donné d'en rassembler une qui n'eut pas d'équivalent,
qui fut la première de toutes. Et je puis dire sans
fausse modestie que mon frère et moi Tavons réali-
sée, cettecollection de dessins français du xvui® siècle !
Oui, grâce au dédain de l'époque pour cette école,
aux timidités de mes concurrents tous plus riches
que moi, et à la résolution bien arrêtée de ne jamais
acheter un tableau quelque bon marché qu'on me
l'ofFrît, j'ai pu réunir près de quatre cents dessins
montrant l'école française sous toutes ses faces, et
presque dans tous ses spécimens, et des dessins qui
sont en général les dessins les plus importants de
chaque Maître, petit ou grand.
Mais vais-je en passer la revue en couran
j'aime mieux faire l'honneur de ma coll
mon lecteur, en lui mettant entre les main:
logue inédit précédé d'uue préface.
PREFACE
Qaî se rappelle aujourd'hui la vieille place du
Carrousel avec tous ces cartons bâillant entc'ouverls
k la porte de ses centaines d'échoppes? En 1848, j'y
achetais, à seize ans, mon premier dessin, une aqua-
relle (te Boucher : et elles ne sont pas communes, les
aquarelles de Boucher. Qui se rappelle leS cartons
b&illant entr'ouverts sous les arcades de l'Institut,
et tout le long des quais, et à l'entrée de cet antre
s'ouvrant sous un jardin, là où s'élève aujourd'hui
le Journal officiel? Je trouvai là un jour dans un car-
ton à vin^ sous, et collés sur une même feuille, neuf
croquis de Gabriel de Saint-Aubin pour une illustra-
tion du Zadig de Voltaire qui n'a point été gravée.
Qui se rappelle les cartons à la porte des bric-à-
brac du boulevard Beaumarchais et dans le renfon-
cement de tous les vieux murs délites et des édiGces
reli)i;îeux abandonnés, ainsi
pelle Saint-Nicolas, au ha
Honoré, où l'étalagiste fixail
beaux dessins dans la pifirn
82 LA MAISON D*TJN ARTISTE.
pièce de trois francs, je devenais possesseur d'un de
mes jolis Gochin. Car, en ces années, il y avait des
dessins partout, des dessins mêlés à de la ferraille,
des dessins exposés entre des tire-bouchons sur des
bouts de trottoirs, et Tun de mes Watteau me vient
d'un vendeur de flèches de sauvages et de têtes d'In-
diens boucanées. Donc on rencontrait alors des des-
sins, et des dessins de l'école française du xvui* siècle
chez tous les brocanteurs de vieiHeries quelcon-
ques. Et j'ai le souvenir lointain d'une regrattière
de la rue Jacob à la cornette lorraine, qui, de sa
porte quelquefois, me hélait, lorsque je me rendais
à l'École de Droit, me disant : « Jeune homme, j'ai
pour vous un petit dessin pas cher. » La vieille
femme avait flairé ixn pays k qui elle aimait à vendre.
Et le beau temps des ventes, de ces ventes de des-
sins en l'hôtel BuUion de la place de la Bourse, en
l'hôtel de la rue des Jeûneurs, où dans la solitude
de la grande salle, il y avait bien en tout douze per-
sonnes, et où un dessin, adjugé à 25 francs, faisait
pousser des oh ! et des ah ! comme pour une adjudi-
cation de fou, et où l'enchère était suivie, pendant
quelques minutes, de risées, et comme d'éternu-
ments de mépris, par deux ou trois contempteurs de
l'école française aux chapeaux roux. Je vois, je vois
encore une des premières et malheureuses ventes
que faisait, en qualité d'expert, Thoré : vente dans
laquelle une série de préparations de têtes de
femmes pastellées par notre grand La Tour, et qui
n'étaient pas encadrées, et qui n'étaient pas même
PETIT SALON. »
montées, mais tout bonnement enveloppées de pa-
pier de soie dont on entortille les oranges, attei-
gnaient avec une peine extrême 5 et 6 francs. Pas
une ne dépassa ce prix. Et longtemps les ventes
durèrent ainsi, et longtemps mon frère ou moi, un
La Bruyère dans notre poche, pour tromper Tennui
de la vacation, nous allions tour à tour conquérir à
vil prix quelque précieux dessin : un dessin comme
« rÉpouse indiscrète» de Baudouin, ou les «Négril-,
Ions heiduques » de Portail.
Mais alors même les ventes n'apportaient à une
collection que quelques dessins. Ce qui la grossis-
sait soudainement, c'étaient les coups, ces acquisi-
tions fortunées d'un marchand arrivant /^remzer après
un décès tout chaud, et lorsqu'on avait la chance de
tomber dans l'emménagement de l'achat. J'ai dans
la mémoire une de ces heureuses affaires faites par
Danlos père, et où, pour quelques mille francs, il
avait eu un régiment de cartons, bondés des plus
curieux dessins et des plus rares estampes. — une
collection à se vendre maintenant 500,000 francs.
Dans la boutique, une montagne, un entassement
de vieux portefeuilles éventrés, d'où se répandaient
sur le plancher des morceaux de papier montrant
des coins de crayonnages adorables ; dans l'arrière-
boutique, des amis, des bouteilles, des verres, et la
célébration et le joyeux arrosage du marché fêté à
la cantonade.
« Ehl... combien ça, monsieur Danlos? »
Et Danlos, au bout de quelques instants, faisant
•k LA MAISON D'UN ARTISTE.
sa rentrée dans la boutique, en se grattant la tète
de sa casquette violemment remuée sur son occiput,
vous prenait la chose de la main, et la regardant
d'un oeil vague, et de côté, tout au bout de son bras
tendu à la hauteur de sa cuisse, vous disait au hasard
un prix fort cher... pour le temps, mais bien bon
marché pour aujourd'hui.
Ah! l'heureuse époque pour un collectionneur,
que ces années oîi, du lever au coucher du jour, il y
avait chez les marchands d'estampes dix jours en-
tiers à regarder des dessins français, et de quoi pour
un homme qui aurait eu plus d'argent que je n'en
avais alors dans ma poche, de quoi en charger
on fiacre.
£t les pittoresques silhouettes de marchands,
hélas 1 tons défunts.
Tout d'abord le père Blaisot, le descendant du
libraire établi au xviii® siècle sur les marches
du grand escalier de Versailles, le doyen des mar-
chands d'estampes, qui avait eu d'abord la petite
boutique de la rue Guénégaud, puis le long boyau
de la rue Taitbout, où furent exposés tant de beaux
et précieux dessins, enfin le grand magasin de la
rue de Rivoli : un petit homme maigre, toujours en
cravate blanche, avec du jovial et du renarré sur la
physionomie, et une seule dent dans la bouche. On
le rencontrait trottinant dans tous les quartiers de
Paris, une gravure, un dessin, une toile sous le bras,
qu'il vous mettait sous le nez en pleine rue. Un
homme de goût, un connaisseur, le seul tenant dans
PETIT SALON. 35
sa profession pour l'école française, et le seul con-
current redoutable dans les ventes d'alors. Au fond
bonhomme sympathique à ses jeunes clients, s'inté-
ressant à leurs collections. Une des dernières fois
que je l'ai vu avant sa mort, c'était le 8 septembre
1870, un jour où j'étais allé voir les travaux du fort
de Montretout. Des 20,000 ouvriers qui devaient re-
muer la terre, il y en avait bien en tout deux ou trois
cents, mais que regardait, avec une inquiétude suffi-
sante, le pèreBlaisot, en cravate blanche, d'une pe-
tite vigne toute chargée de ceps de raisins noirs :
une vigne, sa propriété où était arrêtée la construc-
tion de la maison dans laquelle sa vieillesse voulait
respirer l'air pur de la colline, après avoir respiré
tant d'air putride de salles de vente.
Un autre singulier petit homme, — celui-là tout en
boule, — était Mayor, le marchand de dessins an-
glais, qui, dans sa figure rondelette et blême, avait
deux petits yeux noirs, assez semblables à des pépins
dans un quartier de poire, et un nez qui était comme
une gousse de piment. Perpétuellement à cheval sur
Londres et sur Paris, Mayor avait ses dessins dans
de grandes boîtes, et vous les montrait au fond d'un
appartement aussi sombre que les boutiques des
anciens marchands de drap de Paris. Debout devant
vous, il tirait de ses boîtes posées sur le parquet des
dessins qu'il vous présentait, et cela indéfiniment.
Vous aviez beau demander grâce, il allait toujours
avec la régularité mécanique d'un automate, un sou-
rire en fer à cheval d'une caricature du Punch, et un
"3^5^
A
36 LA MAISON D'UN ARTISTE.
nez qui, par Taffiux du sang à sa tête à tout moment
penchée à terre, passait de la couleur écarlate à la
couleur aubergine. Je soupçonne mon ami Mayor
^'^^ d'avoir parachevé bon nombre de Watteau que le
Maître avait laissés à l'état de croquis.
Mais parlons un peu du vieux Guichardot, du
temps de ma jeunesse, où il habitait la rue Saint-
Thomas du Louvre, en un logis qui était le vrai ca-
dre de Foriginal personnage.
Une rue d'ombre et de silence, où rarement s'a-
venturait le soleil, où jamais ne passait une voiture.
Guichardot avait dans cette rue une boutique, une
^^ espèce de resserre rustique, aux volets clos, et con-
tre les murs de laquelle montaient jusqu'au plafond
des cartons, des cartons, des cartons comme je n'en
ai vu nulle part, et tout remplis de dessins de toutes
les écoles et qu'on n'avait jamais songé à débrouiller.
Là dedans, c'était une odeur de papier moisi, délec-
table et prometteuse pour un amateur. Avec une
lenteur qui désespérait votre impatience, Guichar-
dot vous apportait une chaise cassée, puis un carton
qu'il plaçait dans une filtrée de jour venant de la porte
de la rue entre-bâillée, et dénouait longuement, lon-^
guement les cordons... Enfin, au milieu de l'eff'are-
ment de cloportes fuyant dans tous les sens à travers
les dessins, commençait la séance. Lui, placé derrière
vous, regardait par-dessus votre épaule chaque des-
sin que vQus regardiez, avec un regard énigmatique
do son bon œil. Les heures passaient, une nuit rem-
branesque remplissait la boutique, une pénétration
PETIT SALON. 9
humidité vous tombait sur les épaules comme une
petite pluie invisible, la fatigue de voir commençait
à vous venir... et lorsque vous vous retourniez, et
que vous retrouviez cet œil narquois, et cet autre
boucbé par un morceau de taffetas noir, et cette
houppelande qui avait des blanchiments imitant le
salpêtre sur un vieux mur, il vous venait le senti-
ment d'avoir dans le dos un être fantastique : le
gnome des vieux dessins.
Oui, pour terminer, rien n'était plus facile et à
meilleur marché, dans ce temps, que de faire une
collection de dessins finançais du xviii® siècle : seule-
ment, il y avait dans. l'atmosphère un si énorme
dédain pour cette école, les gens que vous connais- "{
siez faisant delà peinture, vous plaignaient avec des
regards si tristes, vous passiez pour un homme
tellement privé de goût par les Dieux, qu'il fallait
avoir un grand mépris de l'opinion des autres, pour
la faire, cette collection !
COLLECTIONS DE DESSINS DE GONCOURT
PEINTRES , SCULPTEURS , DESSINATEURS , VIGNEÏTISTES ,
ORNEMANISTES, ARCHITECTES DU XVIIl^ SIÈCLE
Anonyme. — Sur un fond d'architecture, entre deux
colonnes torses entourées de guirlandes de fleurs, un voile
tendu par deux amours; en haut, au milieu, un petit
cartouche représentant Jésus amené devant Gaïphe ; en
1. 4
/
m- LA MAISON D*UN ARTISTE.
bas, le layement des pieds des Apôtres prenant tout le ba»
de la feuille de papier.
Dessin à la sanguine et à la pierre d'Italie (I).
Encadrement de page d'un livre religieux, dont le texte
devait être imprimé sur le blanc et le vide du voile.
Manière de Halle.
H. 34, L. 22.
— Même entourage ; en haut, cartouche représentant
l'Annonciation ; en bas, le prophète Élie avec un aigle à
5es pieds.
Dessin à la sanguine et à la pierre d'Italie.
Même destination que le précédent.
Manière de Halle.
H. 31, L. 22.
Anonyme. — Sous de grands arbres, au bord d'une
rivière, une Diane dormant nue au milieu de ses nymphes.
Bistre sur crayonnage.
Manière de Callet.
H. 23, L. 26.
Anonyme. — Une femme, un pied sur un banc, et qu'un
jeune homme soulève, l'aidant à atteindre un bouquet de
cerises; un homme couché à terre et regardant sous les
jupes de la femme.
Lavis à l'encre de Chine sur trait de plume.
Manière de Queverdo.
H. 21, L. 17.
Anonyme. — Un sultan assis, les jambes croisées sur un
(1) A propos de la pierre noire et de la sanguine, ces deux
matières employées par les dessinateurs du xviiic siècle, nous
avons une lettre de Watteau qui se plaint de la dureîé de la
sanguine, et nous savons qu'il la faisait venir d'Angleterre.
Descamps se plaint également, dans une lettre à Deslriches, de
la pierre noire qu'on achète à Paris, et dit se la faire envoyer
d'Espagne.
k
PETIT SALON. Si
divan, une aigrette de rubis à son turban; derrière lui
trois Turcs, dont Fun fume.
Aquarelle sur trait de plume.
Manière mélangée de Liotard et d'Hilaire.
H, 25, L. 31.
Anonyme. — Zéphyr caressant Flore couchée à terre.
Faune surprenant une nymphe endormie sur son urne.
Dessins sur papier jaune, à la pierre noire estompée,
rehaussée de craie.
Ces deux dessins dont j'ai yu autrefois les tableaux, non
signés, chez Évans, marchand de curiosités, sont faits dans
la première manière de Vien.
H. 9, L. 25.
Anonyme. — Une vue des nouveaux boulevards, pleine
de monde qui regarde un Arlequin, au son d'un violon,
balancer un coq sur une corde.
Encre de Chine, très légèrement lavée d'aquarelle.
École de Huet.
H. 27, L. 34.
Adam [Lambert-Sigismond), Le sculpteur auquel
Mariette reproche « de faire tout en sorte que tout
forme trou dans ses ouvrages », le dessinateur facile
et tourmenté.
— Fontaine, au pied formé par deux dauphins rejetant
l'eau que versent, au sommet, deux amours aux extrémités
de poissons. Tout autour du vase, orné de masques, court
une frise représentant des jeux d'amours.
Bistre sur trait de piume^
Signé : Adam,
H. 40, L. 25.
Amand {Jacques-François). Un artiste que l'on ne
..^t^'dH
40 LA MAISON D'UN ARTISTE.
connaît guère que par la petite eau-forte insérée
dans le « Dictionnaire des graveurs » de Basan, un
peintre qui a eu l'ambition de refaire pour son
temps, dans une suite de grands dessins, les inté-
rieurs d'artisans de Bosse qu'il peuple d'ouvriers à
la tournure d'apôtres, — des ressouvenirs de pein-
tre d'histoire, transportés dans la vie familière du
xviii^ siècle. Deux des dessins de cette suite, le
Menuisie7'ei le Doi^eur, mentionnés dans le catalogue
du graveur Le Bas, se retrouvaient à la vente de
M. Laperlier.
— Dans un atelier aux poutres du plafond soutenues
par des colonnes de pierre, des ouvriers sont occupés à
des travaux de menuiserie. Au premier plan, à gauche,
une femme agenouillée remplit un panier de copeaux (1).
Dessin lavé à l'encre de Chine sur trait de plume.
Signé sur un rabot posé à terre : Amand,
Gravé par Chenu et Le Bas de la même grandeur sous
le titre : V Atelier du sieur Jadot établi dans remplacement
de Vancienne église de Saint-Nicolas.
Vente Lebas et Laperlier.
H. 33, L. 44.
AuBRY {Etienne), Des dessins dans la manière de
Greuze, lavés avec le bistre de Fragonard, mais qui
n'ont pas la fougue du dessin du premier, ni la
chaleur du procédé du dernier; le bistre en les des-
sins d'Àubry ne fait que des salissures (2).
(1) La plupart des dessins de ma collection ont été reproduits
en fac-similé par la maison Braun.
(2) J'excepte deux études d'un homme en chapeau rond, conser-
vées dans les cartons du Louvre, et qu'on pourrait prendre pour
des bistres de Fragonard.
PETIT SALON. 41
— Dans une chambre de la campagne, ane dame
faisant embrasser par un garçonnet en matelot un
tout petit enfant, que tient sur ses genoux une jeune
femme; à gauche est assis un gentilhomme jouant avec
une grande canne ; à droite, derrière la chaise de la visi-
teuse, une vieille paysanne et un vieux paysan se tenant
debout.
Bistre.
Gravé par De Launay, sous le titre : les Adieux a la
NOURRICE. Le tableau a été exposé au Salon de 1777, et de-
puis a fait partie de la collection de M. Boitelle.
Vente Valferdin.
H. 39, L. 48.
— Femme tenant contre elle un enfant effrayé à la vue
d'une souris, que lui montre, dans une souricière, une au-
tre femme agenouillée.
Bistre.
Portant la marque A G P B, la marque de M. de Bize-
mont, fondateur du Musée d'Orléans.
H. 28, L. 24.
Bardin. Un dessinateur du nu, plus anatomiste et
moins conventionnel que ses contemporains.
— Au milieu de femmes ivres, aux mains garnies de
cymbales, un corybante dansant, en agitant au-dessus de
sa tête un tambour de basque.
Camaïeu de gouache sur papier jaune réservé pour les
lumières.
Signé : Bardin^ 1776.
Vente Tondu.
H. 32, L. 16.
BAJjDOvm (Pie7Te'Antome) Je ne puis que répéter ce
que j'ai déjà dit : c'est que la gouache de Baudouin
4.
4$ LA MAISON D'UN ARTISTE.
n'a rien du petit art fini et pourléché de Lawreince,
mais que ses gouaches sont esquissées dans la pâte
à Teau, ainsi que Fragonard esquissera, plus tard,
ses nudités dans la pâte à Thuile. Et j'ajouterai que
toute gouache finie, pinochée, qui a perdu le carac-
tère d'esquisse, n'est pas un Baudouin ou n'est plus
un Baudouin. Je vais m'expliquer sur cette dernière
phrase. 11 y a un certain nombre de Baudouin qui
ont un dessous vrai, mais qui n'ont que cela, avec
une peinturlure bête par dessus, et je citerai la
« Soirée des Thuileries » venant du baron de Saint-
Vincent, oîi il n'y a plus guère du peintre, à l'heure
qu'il est, qu'un peu de la femme et son gant long;
je citerai encore « le Coucher de la mariée » ayant
appartenu à Roqueplan, où la touche de l'artiste
n'est plus retrouvable que sur la garniture de la
cheminée. Les gouaches de Baudouin, ces peintures
fragiles, un moment abandonnées à Thumidité des
fonds de magasins et même à la pluie des quais, ont
généralement beaucoup soufTert et ont été restau-
rées pour le goût de ceux qui les achetèrent bien
avant les artistes, pour les vieux polissons. Puis au
fond il n'a jamais existé de restaurateur capable de
faire, revivre l'esprit, le faire d'ébauche de ces sortes
d'ouvrages. Non, disons-le encore, jamais on ne
rencontre chez Baudouin le travail du dessus de
tabatière, le joli peiné de la gouache courante ; ^u
contraire, il préfère au plaisant du métier, aux agréa-
bles et fausses colorations du genre, des couleurs
qui visent à la solidité, à l'intensité, à la vérité de la
\
PETIT SALON. 4t
peinture à l'huile, et les « Soins tardifs », de ma collec-
tion, sont un curieux spécimen du sérieux introduit,
dans la gouache, par l'artiste si maltraité par le ver-
tueux Diderot. Mais s'il y a beaucoup de Baudouin
repeints, il est encore un plus grand nombre de copies
du temps, exécutées dans une coulée sans transpa-
rence, sans ruptura de^ tons, h l'apparence mate
et plâtreuse de papier peint, et parmi lesquels je
classerai, les gouaches jusqu'ici connues du « Con-
fessionnal » et du « Catéchisme ». Parmi tous les
Baudouin que j'ai vus, je ne connais de Baudouin
originaux et sincères, en dehors de ceux catalogués
ici, que sa gouache de réception d'une exécution très
faible, le croqueton du « Fruit de l'Amour secret »
gardé dans un carton du Louvre, un second exem-
plaire avec différences de « l'Épouse indiscrète »
provenant de la vente du baron Saint- Vincent et
possédé par M. Edmond de Rothschild (1).
— Une femme, cachée par un amas de matelas jetés sm
un fauteuil, épiant son mari, qui prend la gorge d'une
chambrière, renversée sur le lit qu'elle était en train de
faire.
Gouache.
Gravée en réduction par Simonet, sous le titre : 1*Épousb
INDISCRÈTE. Elle est gravée avec changement : la femme,
agenouillée dans la gravure, est debout dans le dessin
Provenant de la collection Paignon-Dijonval, dans le ca-
(1) A la vente Pourtalès, était exposée la gouache de la
composition gravée sous le titre du Curieux, mais elle était ex
posée au-dessus d'une porte, et il m*a été impossible de la voir,
de manière à la juger.
4* LA MAISON D'UN ARTISTE.
talogue de laquelle cette composition est cataloguée sous
le n» 3542.
H. 33, L. 29.
— Un gouverneur pénétrant avec son élève dans une
chambre à coucher, où se voit, sur un lit, une femme dor-
mant presque nue.
Aquarelle sur trait de plume.
Gravé par de Ghendt en réduction et avec changements
dans la suite des Quatre parties du Jour, sous le titre : le
Matin.
Vente Prault, où cette aquarelle est décrite sous le n? 43,
et seconde vente Tondu.
H. 25, L. 20.
— Une jeune villageoise et son amant surpris dans un
grenier, au milieu de leurs ébats amoureux, par la mère
de la jeune fille, dont la tête apparaît dans l'ouverture
d'une trappe.
Gouache.
Gravé par De Launay sous le titre : les Soins tardifs.
Vente Tondu.
H. 29, L. 22.
— Une femme & sa toilette, dont un coiffeur accommode
les cheveux, pendant qu'une fille de chambre l'éclairé avec
une bougie; un gentilhomme accoudé sur la toilette.
Croquis à la plume, lavé d'aquarelle. •
Première idée du sujet gravé par Ponce, sous le titre :
LA Toilette, mais différente de la composition définitive.
H. 23, L* i8.
Beugnet. Un de ces ignorés dessinateurs, dont je
crois que toute l'existence artistique est révélée par
« la Marchande de bouquet et la Marchande de
noix à la guinguette », deux estampes mentionnées
dans le catalogue de Paignpn-Dijonval, et la piésence
dans ma collection, de deux grandes et mauvaises
gouaches, très curieuses pour l'iconographie de la
Révolution. L'une d'elles est incontestablement Vile
d'Amour de fielleville, bal devenu une mairie, et qui
avait conservé, dans sa cour, le kiosque de treillage
de mon dessin, existant encore il y a une vingtaine
d'années. Elles ont encore un intérêt, ces deux
gouaches datées de 1793 : elles vous donnent la re-
présentation du bonnet rouge élégant de ces années,
du bonnet, pour ainsi dire, des muscadins du temps,
une espèce de bonnet à la houssarde, au ^land tom-
bant sur le côté, bleu de ciel, bordé d'une large
bande rouge.
— Un cabaret de la Courtille sons la Terreur.
La façade est surmontée d'un écusson flanqué de dra-
peaux tricolores et couronqé d'un bonnet rouge. Aui
tables du jardin, des femmes, des enfants, des civils, des
militaires boivent, mangent, fout l'amour. Sous l'ombre
de grands arbres, un orchestre composé d'un violon, d'un
cor, d'une basse, fait danser une contre-danse à quatre
couples. Au premier plan est assis sur une table un mili-
taire, le casque sur la tête, en habit à parements rouges,
en gilet et en culotte jaunes, eu bas bleus.
Gouache.
Signé ; Beugnel, (793.
H. 35, L. S3.
— L'Ile d'Amour.
Sous un pavillon de treillage surmonté d'un bonnet
rouge, un couple danse. Les tables sont peuplées de fem-
mes au petit bonnet de linge noué d'un ruban, aux am-
4« LA MAISON D'UN ARTISTE
pies fichus croisés sur la poitrine, et d'hommes poudré»
en carmagnole de couleur tendre, en vléf^anii bonnet
rouge. Un homme, tout habillé de rose, donne le bras à
une femme tout habillée de bleu, et qui poite sur la tête
une sorte de chapeau de pierçot, entouré d'une guirlande
de roses. Une femme qui a une ceinture tricolore, s'évente,
un pied posé sur un tabouret, tout en causant avec des
gardes nationaux. Au premier plan, à gauche, dans un
appentis, un garçon cabaretier verse le viu d'un broc dans
un litre d'étain.
Gouache.
Signé : Beugnet, 1793.
H* 35, L. o3*
Blarenberghe {Louis- Nicohs). On connaît le faire
microscopique de cet artiste de tabatières et de
boîtes. Aurait-il fait parfois des choses plus larges ?
Voici un dessin qui a tout Tair d*un Lepaon, et que
je n'aurais jamais songé à attribuer à Blarenberghe,
si je n'avais trouvé chez M. Edmond de Rothschild
la gouache terminée et, je crois, signée. Malgré cela,
je n'ai pas une bien entière confiance dans moa
attribution.
— Course de chevaux dans la plaine des Sablons. Au
premier plan des gentilshommes à chevalet des carrosses,
dont l'un est attelé de six chevaux.
Croquis à la plume, lavé à l'encre de Chine, avec les
figures de second plan et le paysage seulement indiqués
à la pierre noire.
La gouache de M. Edmond de Rothschild porte la date
de 1782.
H. 26, L. 64.
PETIT SALON. 4T
BoiLLY (Zow/s-Zeo/}o/c?). Dessinateur, dontles grandes
aquarelles de scènes bourgeoises, aux contours d'une
calligraphie facile, aux colorations par larges teintes
plates étendues sur des ombres uniformément pré-
parées à Tencre de de Chine, ne manquent pas d'un
certain effet dû à la simplicité du procédé, de l'effet
qu'obtenait avant lui, dans ses humoristiques lavis
en couleur, l'Anglais Rowlandson.
— Dans une rue de Paris, par une pluie battante, un
mari, donnant la main à deux enfants, et suivi de sa femme
et de sa fille, qui tient un parapluie sur la tête de sa mère
en toilette de soirée, traverse une passerelle jetée sur
un ruisseau. A gauche, un homme du peuple causant avec
une cuisinière.
Dessin sur trait de plume, rehaussé d'aquarelle sur
lavis d'encre de Chine.
H. 32, L. 40.
BoissiEU [Jean-Jacques de). Un Hollandais de Lyon
retrouvant parfois, en ses laborieux lavis à l'encre
de Chine, les habiles petits coups de lumière des
grands maîtres des Pays-Bas.
— Un groupe d'arbres, éclairés sur leurs cimes, par une
lumière frisante qui vient de la gauche, et projetant leurs
ombres à terre; au fond, un lointain montagneux du
Lyonnais.
Lavis à l'encre de Cine.
Signé : D. B, 1793.
H. i2, L. 24.
BoQUET. C'est le dessinateur officiel des Menus-
Plaisirs, rimaginateur, pendant toute la seconde
48 LA MAISON D'UN ARTISTE.
moitié du XTiii** siècle, de tous les costumes et tra-
vestissements pour les opéras représentés et les
bals de la cour. Un trait de plume ou de crayon à la
Eisen, mais encore plus cursif, balayé de quelques
touches à l'aquarelle jetées à la diable, et voilà sur
le papier pour le costumier un ingénieux, coquet,
lumineux habillement. Et ces croquis ont encore,
pour l'histoire du costume au théâtre, de précieuses
indications écrites de la main de Boquet au bas de
chacun d'eux. On connaît trois recueils de ces pré-
cieux dessins : l'un qui faisait partie de la collection
d'estampes de M. Devéria, et qui a été acquis avec sa
collection par le cabinet des Estampes, un autre qui
a été acheté 5,600 fr. par les archives de l'Opéra, à la
vente du baron Taylor, le troisième qui est chez moi.
— Sophie Arnould, en costume d'Eucharis dans TOpéra
des « Caractères de la Folie ».
Aquarelle sur plume.
Le dessinateur des Menus a écrit au bas de son croquis :
]jl/[iîe Arnould. Eiicharis, 2"^« entrée. Fond de petit satin rose
à bandes tamponnées, bandes de gaze d'Italie aussy tampon-
nées bordées de rézeau d'argent frisé ; la gaze d'Italie traversée
de bandes de satin découpées, bouillonnées de nœuds par
distance de satin rose; une frange d'argent avec un rézeau
sur la teste; vêtement de dessous d'argent; mante de satin
rose imprimé,
H. 24, L. 15.
— Recueil de 106 costumes et travestissements exécutés
pour les opéras représentés à la cour et les bals de la Reine.
Opéra. Le chant. — M"»* S. Arnould, 3 costumes poui?
Topera d'Argie. — M"^ Duplant, i pour le Prologue des
PETIT SALON. 49
Amours des Dieux. — M"® Chevalier, 2 pour Acis et Ga-
latée, etc. — M^** Dubois, 2. — M. Pillot, i pour les Carac-
tères de la Folie. — M. Cassaignade, 2 pour le Fragment
de l'acte Turc, etc. — M. Legros, 2 pour Persée, etc. —
M.Larrivée, i pour les Romans. La danse M^'°Guimard, 8
pour les opéras de Persée d'Azolân d'Ismenias, etc. —
M^i^ Lyonnois, 3 pour la pantomime des Suivantes de la
Mode, etc. — W^^ Peslin, 3 pour Tancrède, Orphée, etc.
— W^^ Vestris, 4 pour les Talents Lyriques. — W^° Heinel,
1 pour Anacréon. — M^^® Allard, 3. — W^^ Lany, i pour
Dardanus. — M'^® Mion, i. — M. Vestris, 4 pour Cythère as-
siégée, etc. — M. Dauberval, 4 pour la Provençale, etc. —
M. Lany, 2. — M. Laval, i. — M. Léger, 1 . — M. Gardel, 4.
— M. Dupré, 1 . Et encore des costumes d'acteurs et d'ac-
trices chantant dans les chœurs, de danseuses et de dan-
seurs, de figurants, de comparses, et de personnages intitu-
lés « un Ruisseau », « un Plaisir », « un Monstre né du sang
de Méduse » ; puis de nombreuses feuilles de groupements
d'acteurs et d'actrices, ou d'actrices seules, comme la figu-
ration par M^^*^^ Audinot, Duperré, Dervieux, du groupe
des trois Grâces dans l'opéra d'Atalante. Enfin, des croquis
préparatoires de la mise en scène, avec des légendes ainsi
rédigées : « Un abbé apprenant à jouer de la flûte avec son
maître; le maître est havre sec (sic), Vabbé gros, joufflu,
avec de gros sourcils noirs. »
Comédie française, W^^ Doligny, 1 pour la Princesse de
Navarre.
Bals de la Reine. La comtesse de Boufflers, 1 . — Le duc
de Bourbon, 1. — Le duc d'Avray, 1.
Tous ces dessins, sauf deux exécutés à la mine de plomb,
sont croqués à la plume, et le plus souvent, enlevés au
pinceau trempé d'encre de Chine et lavés d'aquarelle.
BoREL {Antoine.) Le dessinateur et le vignettiste
galant, qui de la volupté spirituelle de ses maîtres,
I. 5
50 LA MAISON D'UN ARTISTE,
fait la volupté bête et pataude, qui est le caractère
et la signature de ses dessins et de ses tristes lavis.
— Un repas dans la campagne, où sur une table dressée
sous de grands arbres, au milieu de paysans auxquels on
distribue du vin, deux gentilshommes trinquent avec de
jeunes villageoises.
Dessin à la plume, lavé d*encre de Chine et par dessus
d'aquarelle.
Signé : Borel.
H. 22, L. 30. /
BoucHARDON {Edme), Le dessinateur que les mon-
teurs de dessins du temps appelaient Apeliotès^ dans
le cartouche de leur encadrement; le dessinateur
dont de simples contre-épreuves dépassaient 700 li-
vres à la vente Mariette ; le dessinateur à la filée sa-
vante du contour, à Téphébisme de la ligne dans le
nu académique, à la carrure puissante du trait dans
rhabillé de ses Cris de Pans; oui, celui-là, si haut
placé par le xviu® siècle, et si digne d'estime à toutes
les époques, aurait-on pu penser qu'il tomberait si
bas, que le dessin de ma collection, — et un dessin
de cette même vente Mariette, — serait acheté 2^ sous
par Gavarni, dans sa jeunesse, étalé où? sur le bou-
levard du Temple, dans la bouel
— Un monstre ailé, sur des nuages, semant des fleurs.
Sanguine.
Au bas du dessin, de récriture de Bouchardon : le Vent
d'orient.
Il porte la marque de Mariette, et était catalogué sous
le n° 1121 de sa collection.
H. 39, L. 28.
PETIT SALON. U
BoucHEK (François) (1). Le sentiment et le rendu
de la chair de la femme, de sa vie frémissante, de
sa molle volupté, en dessin aussi bien qu'en pein-
ture, c'est le talent de Boucher et qui n'appartient
qu'à, lui seul. A ce don joignez la perception du dé-
sordre pittoresque, du fouillis du paysage, qui fait
du peintre de M"*® de Porapadour un révolution-
naire dans la nature académisée et le feuillage à cinq
doigts du xvn® siècle. Et ce nu féminin et ce rusti-
que de la campagne de son temps , Boucher le for-
mule sur le papier avec toutes les adresses et toutes
les habiletés imaginables, et vous trouverez, dans
ma collection, des académies de femmes qui vont au
maître des maîtres de la chair, à Rubens, et des
paysages matutineux faits d'une caresse d'estompé
d'une modernité qui étonne (2). Vous y rencontrerez
aussi presque tous ses procédés, même un spécimen
de peinture à l'essence sur papier, et, une chose
tout à fait rare, une aquarelle à la tonalité d'une
vieille tapisserie passée. Ils sont nombreux et de
belle qualité, les Boucher, en ma maison d'Auteuil,
(1) Je ne reprendrai pas ici Tétude que j'ai faite sur le des-
sin de Boucher dans « l'Art du xviii*^ siècle » ; j'y renvoie le
lecteur ainsi que pour les procédés du dessin de Waiteau, de
Chardin, de La Tour, de Greuze, des Saint- Aubin, de, Gravelot,
de Cochin, d'Eisen, de Moreau, de Debucoui't, de Fragonard,
de Prud'hon.
(2) Des paysages de Boucher, surtout quelques mines de
plomb, dont j'ai vu deux ou trois échantillons choz la baronne
de Conantre, semblent des mines de plomb de 1830. J ajipelle
aussi l'attention sur la ressemblance de certains dessins de
Boucher avec quelques dessins de paysage de Jacques l'aqua-
fortiste.
5! LA MAISON D'UN ARTISTE.
et cependant il m'en manque un, auquel je pense
de temps en temps, comme on pense à une femme
qu'un rien stupide vous a empêché de posséder. Il y
avait en ce temps, dans la dernière boutique du quai
Voltaire qui touche à l'École des Beaux-Arts, un
marchand de tableaux et de dessins, un vieux Hol-
landais du nom de Steinhaut, méprisant très fort
l'école française, et dans l'escalier noir duquel j'ai
trouvé mon Moreau de « Marie-Antoinette se ren-
dant à Notre-Dame ». Un jour cependant je voyais
exposé à son étalage un Boucher, une merveille, un
tout petit portrait de M™® de Pompadour, miniature
au pastel, dans un encadrement d'amours et d'attri-
buts d'art de la plus large facture, pardieu! un Bou-
cher, dont je retrouvais plus tard la description dans
le catalogue de la collection de M. Sireul, celle que
l'expert désignait souslenom du Portefeuille de M, Bou-
cher. Je marchandai le dessin au bonhomme Stein-
haut: ilme disait qu'il était honteux,qu'il s'était laissé
entraîner dans une vente, — je crois, la vente de M. de
Cypierre, — qu'il l'avait payé beaucoup trop cher, et
m'engageait à ne pas acheter son dessin. La nuit, je ne
pouvais dormir et avais tout le temps, dans mes yeux
fermés, ledit Boucher. Le lendemain matin, après
avoir réuni les 160 francs demandés du dessin^ je
courais quai Voltaire : le Boucher était vendu à un
Anglais, et je sortais de chez mon Hollandais avec
l'âpre et l'enragé désir des choses qui vous sont en-
levées. A quelques jours de là, passant sur le quai,
Steinhaut m'appelait du seuil de sa porte, et me
PETIT SALOK» 53
disait que son Anglais était dèscoùtè du de^J^în, quH
me le céderait au prix qull Taxait payé, que o'étaU
conrenu* que je n'avais qu*à y aller un dimanoho
matin, jour où j'étais sûr de le trouver. Le dîman-
che suivant» j'étais de fort bonne heure à Tailrt^sso
de TAnglais. Une affaire imprévue par hasanl Tavv^il
forcé de sortir, et je me trouvais en présence d'une
longue lady. Elle sonnait, on apportait le Boucher»
et je commençais à sortir de mon gilet, avec des
doigta tremblants d'émotion, mes huit louis, quand
cette Anglaise, qui semblait avoir autant de vinaigre
dans le caractère que de coupeixiso sur la liguro.
s'écria tout à coup :.« Mon mari, Monsieur» uVsl pas
forcé de vendre ce dessin comme vous stMnbloK lo
croire?» — « Mais non.Madamo, rien dans inos
paroles... » — « Mais si. » — « Mais non. » Kl llna-
lement elle se refusa absolument à mo lo vendre.
Ce n*est pas mon seul desideratum ^ il me reviont on
ce moment, dans le souvenir, un dessin do Waltoau
que moi seul à la vente, où il se trouvait, savais ôlro
la première idée de la Conversation, roproduisatil li^
portrait de Watteau et de M. do Julienne, ot c^nooro
dans une autre vente un vrai bijou, une gouac^lu^ tlo
Taunay, représentant une chasse fl courre en hnhiU
rouges, sous la fouillée d'automne d'une forôt, et
combien d'autres, hélas 1
— Académie de femme nue, vue de do», hanchnnt k
droite sur ses pieds entre-croisés; une do h<!h m/iirts est
appuyée sur des étoffes, que son autre main «oulève.
5.
j
LA. MAISON D'UN ÀBTISTB.
"sin sur papier jaune, aux trois crafoas, retuuusé ds
H. 36, L. 3i.
(académie de femme nue, rue de dos, le taloa da
le derrière un peu soulcvi^, el dans le mouvement
fi'mme passant une chemise.
9in sur papier gris, à la pierre d'Italie, rehaussé da
H. 36, L. 2J.
\<^adémie de femme nue, vue de face, le haut da
appuyé sur un piédestal sculpté d'amours, les
■élevés au-dessus de la tête et la pouronoant.
sin sur papier gris, k la pierre d'Italie, rehaussé de
a. 35, L. 19.
Académie de femme nue, couchée, vue de dos, la
du corps un peu soulevé, une jambe repliée sous
i et dont on voit la plante du pied,
sin sur papier jaune relevé de quelques touches da
bleu.
H. 28, L. 39.
L'Adoration des bergers.
uisse à l'essence sur papier.
(ueLte pour le tableau d'autel de la chapelle du chA-
lant la marque da chevalier Damery et provenant
vente Viltenave.
Une jeune Olle encore vêtue de sa chemise, du bout
I pieds essayant l'eau d'un ruisseau ilans lequel elle
baiguer; elle aie bras passé sur les épaul^ d'une
PETIT SALON. »
compagne ; des amours, à mi-jambes dans Teaa, jouent
avec un cygne.
Dessin à la pierre d'Italie.
Gravé à l'eau-forte par Huquier sous le titre : Vénos au
BAIN, en tête du Troisième livre de sujets et pastorales par
F. Boucher, peintre du Roy; gravé également en fac-similé
dans l'œuvre de Demarteau, n° 345.
H* 22, L* io*
— Jeune femme vêtue « à l'espagnole », assise sur une
chaise aux pieds contournés; elle a un collier de ruban
au cou, et tient, de la main droite levée en l'air, un éventail.
Dessin sur papier jaune aux trois crayons.
Signé : Boucher, 1750.
Ce dessin, provenant de la collection Niel, passait en
1781 à la vente Sireul, où il était acheté 123 fr. par M. Dulac^
H. 34, L. 24.
— Jeune femme assise dans un fauteuil de profil, tour-
née à gauche, la tête vue de trois quarts. Un petit bonnet
jeté sur ses cheveux roulés, elle tient un écran à la main.
Dessin à la pierre d'Italie (1).
Vente Villot.
H. 34, L. 23.
— Un berger agenouillé retirant les bas d'une bergère
en chemise qui va se mettre à Teau ; derrière, une femme
qui commence à se déshabiller.
Dessin sur papier jaune à la pierre d'Italie rehaussé de
craie.
H. 26, L. 23.
— Jardinière à mi-corp^, un grand chapeau de paille
(1) Ce dessin, qui n'est pas tout à fait dans le faire connu de
Boucher, est signé pour moi dans la rondeur du dessin de la
main.
LA MAISON D'CN ARTISTE.
haat de la tête, et peDCbèe sur un panier qn'ella
:e ses deui mains.
lin SUT papier bleu à la pierre d'Italie, rehaussé de
H. 27, L. 30.
ergère assise sous des arbres, et mettant à sod cha-'
ine rose que lui demande un berger; auprès d'elle,
icvre et des moutons,
are Ile.
H. 16, L. 21.
In vase à l'anse formée par un masque d'où pend
lirlande de lauriers, sur la pan^e, un culbutis d'a-
I, fond de paysage,
iln sur papier jaune, à la pierre noire, rehaussé de
de pour le rase figurant, dans la composition
i par Aliamet, sons le titre de la Bergëeie pré-
H. 26, L. 18.
Petite passerelle en bois sur laquelle un enfant re-
un autre péchant à ta ligne,
sin à la piene noire, au ciel estompé,
te Aussant.
H. 31, L. 23.
Cour de ferme rustique; sous la treille de la porte
te, une mère avec un enfant dans sa jupe, au bas de
ier, une femme soulevant une terrine; au premier
un homme assis par leire à côté d'un âiic.
sin à la plume, lavé de bistre, sur un frottis de san-
H. 24, L. 21.
ha d'une chaumiéje au toit de chaume, une femme
PETIT SALON. 57
en train de laver dans une auge, sous l'enchevêtrement
de petits arbres s'entre-croisant au-dessus d'un puits.
Dessin sur papier gris, à la pierre noire, rehaussé de
craie.
Signé à Tencre sur l'auge : Boucher,
H. 24, L. 26.
Caresme [Philippe,) Un bistreur, un aquarelliste,
un gouacheur, toujours erotique, volontiers obscène,
au dessin lourd, à la grâce mastoc^ à la sensualité
toute matérielle, et dont Téternelle bacchanale res-
semble à une suite de dessins copiés d'après de
mauvais bas-reliefs de la décadence romaine.
— Des satyres courent dans la campagne, portant à cru
sur leurs épaules des nymphes nues, la coupe à la main.
Au premier plan une nymphe et un satyre sont tombés
aux pieds d'un autel, décoré de têtes de bouc.
Dessin à la plume et au bistre.
Signé : Ph, Caresme i780.
Vente Ôdiot.
H. 32, L. o3.
Carmontelle {Louis), « L'homme aux profils », un
dessinateur qui n'est qu'un amateur, un aquarel-
liste dont les colorations ont quelque chose des petits
tableaux de l'époque, fabriqués en paille colorié; e1
cependant, malgré tout ce qui lui fait défaut, Car-
montelle est intéressant, comme un homme qui a
fait poser devant lui la société de son temps, et a
recueilli tout ce que donne à un artiste incomplet
le (Tapj'ès nature du dessin. Il faut avouer que ses
58 LA MAISON D'UN ARTISTE.
croquis au crayon noir et à la sanguine sont très
supérieurs à ses aquarelles.
— Une femme en robe blanche à fleurette rouges, en
mante! et noir fermé, travaillant les mains couvertes de
mitaines. Elle est enfoncée dans une bergère sur le dos-
sier de laquelle s'appuie un homme, le chapeau sous le
bras, et a en face d'elle une femme en robe bleue, assise
sur le bout d'une chaise et penchée vers elle.
Aquarelle.
J'ai cru longtemps que ces deux femmes étaient
]y[mes Hérault et de Sécbelles, gravées par Delafosse, mon
dessin ayant une certaine ressemblance avec la gravure,
mais un examen plus attentif m'a convaincu que je m'é-
tais trompé, et que les deux femmes, représentées ici, n'a-
Taient point été gravées.
H. 26, L. 19.
— Un gentilhomme de profil tourné à gauche, le tri-
corne sur Toreille, la main enfoncée dans la poche de sa
veste.
Dessin au crayon noir et à la sanguine.
Au dos, d'une écriture du temps : M. le chevalier de MB'
niglaise (1).
H. 20, L. 15.
Casanova. Dessinateur qui, en ses dessins, a ua
peu de la /wr/a que mettait le Bourguignon dans sa
peinture militaire.
— Charge de cavalerie sur une batterie d'artillerie ; au
premier plan un artilleur, la tête nue, une mèche à la
main.
(1) Le chevalier de Menllglaise est un faiseur de romances,
dont plusieurs sont données dans les Chansons de Laborde.
PETIT SALON. 59
Bistre sur trait de plume.
H. 22, L. 40.
— Près d'un grand arbre, sous lequel est bâti un petit
corps de bâtiment, une pyramide surmontée d'une fleur
de lys que des gens regardent.
Dessin à la pierre d'Italie, lavé de bistre.
Dans la marge, d'une écriture du temps : Obélisque
élevé à Turenne oà il fut tué d'un boulet de canon. Esquisse
de Casanova.
H. 39, L. 31.
Chardin {Jean-Simon). « Chardin, dit Mariette, ne
voulait s'aider d'aucun croquis, d'aucun dessin sur
le papier. » Donc les dessins de Chardin sont de la
plus grande rareté, et aucun des dessins très termi-
nés, que les catalogues de ventes modernes lui attri-
buent, ne lui appartiennent. Tout ce qu'on peut
espérer rencontrer de sa main, ce sont de hâtives
croquades d'une composition, quelques études dans
le genre de ce fusain représentant une femme le
panier au bras, mentionné dans la collection des
dessins de d'Argenville , des études pareilles à mon
« Joueur de boule », à la silhouette flottante et
comme estompée par le pouce du peintre, — une
sanguine qui, par parenthèse, est la seule étude que
je connaisse, signée d'une signature authentique.
— Homme coiffé d*un tricorne , de profil , tourné à
gauche, une épaule appuyée à un mur, se disposant ù. lan-
cer une boule.
Sanguine estompée. '
Signé : J. B. Chardin 1760.
H. 33, L. 22.
60 LA MAISON D'UN ARTISTE.
— Un homme montrant la curiosité à deux polissons.
Sanguine avec queJques touches de crayon noir et de
craie sur papier jaunâtre.
Au bas, d'une écriture du temps : Chardin, en haut, à
droite, de la main de Chardin '.demain Mouffard...
vhapon p.,, detin. C'est sans doute, rognée parle couteau
du monteur Glomy, une invitation du peintre à un ami,
écrite par lui sur son dessin, pour l'inviter à manger le
lendemain un chapon au Plat d'Étain.
Ce dessin passait avec le titre de la Curiosité sous le
n*> 482 à la vente anonyme du 2 mai 4791.
H. 20, L. 22.
— Un jaquet, un petit laquais au grand chapeau aui
rebords retroussés, à la houppelande qui lui tombe sur les
talons ; il désigne de son bras droit étendu quelque chose
à la cantonade.
Dessin aux trois crayons sur papier jaunâtre.
Ce dessin, dessiné sur le même papier que « la Curiosité »
et monté dans la même monture ancienne, était attribué,
par une écriture du temps, à Chardin.
H. 49, L. 40.
— Une vieille femme assise de face, représentée à mi-
corps et tenant à deux mains un chat sur ses genoux.
Dessin sur papier jaunâtre, à la pierre d'Italie, rehaussé
de craie.
Le dessin portait au dos, d'une écriture du temps, le
nom de Chardin.
Première idée du portrait peint, possédé par M"^® la ba-
ronne de Conantre, un des plus beaux portraits du xvin^ siè-
cle et dans la facture à la fois blonde et bitumineuse des
Chardin de Vienne. On le dit signé, mais je n'ai pu véri-
fier la signature.
H. 26, L. 19.
PETIT SALON. 61
Ghasselat. Pauvre illustrateur, dont les dessins
d'avant la Révolution sont rares. Ces dessins, qui
viennent de chez Masquelier, avaient été attribués à
ce petit maître par M. Villot, qui ignorait que Ghas-
selat avait légué, à sa mort, tous ses dessins à Mas-
quelier.
— Jeune femme assise de côté dans un fauteuil, la tête
de face tournée à droite, les mains croisées à gauche sur
un genou relevé ; coiffure bouffante, robe à manches cour-
tes, fichu sur les épaules.
Dessin sur papier jaunâtre, au crayon noir, rehaussé de
craie.
Vente Villot.
H. 30, L. 18.
— Femme assise sur un fauteuil de face, un pied dont
la pointe est relevée, posé sur un coussin. Coiffure dans
laquelle est piquée une rose, ample fichu, rose au corsage
à échelle.
Dessin sur papier jaunâtre, au crayon noir rehaussé
de craie.
Vente Villot.
H. 30, L. 20.
GocHiN [Charles- Nicolas). Le dessinateur issu de ces
générations d'artistes, que Marolles appelait les /ae/fes
Cochins, l'homme qui dessina pendant soixante-sept
ans, se reposant le soir des dessins de commande de
la journée par des dessins pour les amis, l'historio-
graphe au trait des Mariages et des Deuils royaux ,
le profileur des célébrités de son temps, Vestampiei
de tous les livres illustrés de l'époque, l'alerte
crayonneur, dans une silhouette à la Guardi, du
I. b
8t LA MAISON D'UN ARTISTE.
petit gentilhomme cambré , de la petite femme à la
jupe ballonnante d'alors, et auxquels il fait une phy-
sionomie avec quatre points d'encre, le dessinateur
à la pierre noire , à la mine de plomb , à la san-
guine, au bistre, à l'encre de Chine, à l'aquarelle î
Disotis, par parenthèse, que Cochin est un assez piè-
tre aquarelliste et dont les grandes aquarelles des
Fêtes de cour ne valent pas beaucoup mieux que
des enluminures, et Moreau jeune lui-même n'est
guère plus aquarelliste que Cochin. De vrais pein-
tres à Teau, de coloristes tripoteurs du procédé,
il n'y a guère parmi tous les artistes français du
XVIII®, que Baudouin et Gabriel de Saint- Aubin, et
encore, dans le paysage, Moreau l'aîné, dont je me
rappelle une petite vue du Pont-Neuf, qui avait tous
les caractères de modernité d'une aquarelle anglaise
de 1830.
Dans la série des Cochin qui sont réunis ici , il en
est trois, qui sont de précieux documents pour l'his-
toire de notre ancienne académie, de son enseigne-
ment : ils nous font assister aune séance du modèle^
ils nous introduisent dans la salle d'un concours.
— Portrait de Fenotiillot de Falbaire; il est représenté
dans un petit cadre octogone, surmonté d'un rameau de
chêne.
Dessin à la pierre noire.
Signé au-dessous de la tablette : C N. Cochin delin, 1787
Gravé par Augustin de Saint-Aubin.
H. 14, L. 9.
— Portrait de M"^'^ Dessaux, femme du premier méde-
I
PETIT SALON. «*
cin de l'Hôtel-Dieu de Paris; elle est représentée les che-
veux frisés et hérissés autour de la tête, une large cra-
vate de mousseline blanche au cou, la poitrine dans
un corsage aux gros boutons et aux revers d'un habit
d'homme.
Dessin à la pierre noire.
Signé dans la marge : C. N- Cochin f. delin, 1788.
Le nom de M"^® Dessaux, ainsi que celui de so» mari
sur un dessin qui faisait pendant à celui-ci, était écrit au
dos, d'une écriture du temps.
H. 15, L. 11.
— Portrait de femme, de profil, tournée à gauche ; elle
est représentée dans un médaillon, une fanchon de den-
telles dans les cheveux, un collier de fourrure au cou, un
mantelet jeté sur son corsage décolleté.
Dessin à la mine de plomb et à la sanguine.
Signé au-dessous de la tablette : C. N. Cochin filius 1759.
H. 17, L. 13.
— Petite société de gentilshommes et de dames parées
conversant, en se promenant dans un parc; à gauche, une
femme, vue de dos, montre en Fàir quelque chose du bout
de son éventail fermé.
Aquarelle sur trait de plume.
H. 13, L. 20.
— Salle de spectacle de Versailles garnie de ses spec-
tateurs des loges, du parterre et des musiciens de Tor-
chestre; le roi est le seul homme assis au milieu des
femmes qui garnissent la première rangée du balcon.
Lavis à l'encre de Chine.
H. 31, L. 41.
— Dans le décor et la perspective d'un immense palais,,
«4 LA MAISON D'UN ARTISTE.
quatre groupes de danseuses et de danseurs, costumés
d'une manière différente, exécutent un ballet.
Aquarelle sur trait de plume.
Signé sur le soubassement d'une colonne : Cochin f.
Au dos du dessin se trouve écrit de la main du peintre :
Les Amours de Tempe, Ballet héroïque de quatre entrées
1752, à Versailles.
H. 41, L. 60.
— Deux compositions allégoriques : « L'une figurant
le mausolée do la Reine de France (Marie Leckzinska) érigé
dans Téglise de Saint-Denys le \ \ aoust 1768 et représentant
la France désolée, couchée auprès d'un cyprès, à côté du
tombeau de la Reine; l'autre figurant le catafalque de la
Reine de France dans l'église Notre-Dame de Paris le
6 septembre 1768 et représentant le cercueil de la Reine,
entourée des Vertus qui pleurent pendant que l'Immorta-
lité lui présente une Couronne d'étoiles. » (Catalogue de
Cochin fils par Jombert.)
Sanguines.
Le second de ces dessins est signé : C. N. Cochin filius
delin. 1768.
Tous deux ont été reproduits en fac-similé par Demar-
teau.
H. i1,L. 22.
— La Sûreté, le Péril. — La Simplicité, la Uuse ou la
Fourberie. — L'Opinion, VEntétement, l'Incertitude.
Les deux premiers dessins à la pierre noire, le troisième
à la sanguine.
Ces trois dessins allégoriques ont été gravés dans l'Ico-
nologie par Ponce, Gaucber, Leveau.
H. 9, L. 5.
— Au-dessous du cadre d'un médaillon vide, au haut
duquel des amours attachent des guirlandes de fleurs.
PETIT SALON. 65
un génie assis, une majn posée sur un livre; au bas, des
amours regardent avec des loupes, les tiroirs d'un mé-
daillier.
Sanguine.
Signé : C.N. Cochin del. i77G.
Gravé par Augustin de Saint-Aubin comme frontispice
des «. Pierres gravées » du duc d'Orléans.
Vente d'Augustin de Saint- Aubin, où il était catalogué
sous le n» 20.
H. 22, fc. 15.
— Sur une estrade, une jeune femme, dans une jupe
falbalassée, un soulier au haut talon appuyé sur un cous-
sin, la tête ceinte d'une couronne de lauriers, pose
assise 'au milieu d'un cercle d'élèves-peintres, dessinant le
carton sur les genoux. Derrière la femme, trois profes-
seurs dont le plus rapproché du modèle est Cochin.
Dessin sur papier jaunâtre à la pierre d'Italie, rehaussé
de craie (1).
Signé dans la marge : Dessiné par C N, Cochin le fils
i76i. On y lit à côté de la signature : Concours pour le
Prix de VÉtude des Têtes et de I'Expression fondé à V Aca-
démie royale de peinture et de sculpture par M. le comte de
Caylus, honoraire amateur en 1760.
Gravé en réduction sous le même titre par Flipart
en 1763.
Ce dessin exposé au Salon de 1767, après avoir appar-
tenu à M. de Caylus, passait chez Chardin où il était
vendu sous le n° 48 du catalogue de sa vente.
H. 30, L. 39.
— Une femme assise, vue de dos, la tête couronnée de
roses, le visage un peu retourné, posant devant trois
(1) n existe une répétition de ce dessin, mais sans inscrip-
tion.
6.
.^ÉÊ^KÊ
«s LA MAISON O'VH ARTISTE.
Itirnes d'élâves-peiotres assis sur des gradins ; ao fond un
r debout, la main dans sou gilet,
sur papier jaunâtre, à la pierre d'Italie, rehaussé
ne sujet que le précédent, mais moins heurense-
iposé et ^andonné pour le premier.
H. 31, L. 39.
ice du modèle d'iiomnie à l'Académie. Le mo-
)ngé sur ia table, soulevé sur une main, et
s, pose devant les élèves, dont le premier rang
k terre, lea jambes croisées à la façon du dessi-
Cbardin.
I à la pierre d'Italie sur papier jaunâtre.
H. 36, L. 53.
. [Charles). Quelque chose de fondu, de
dans ses dessins qui sent le pastelliste
le peintre Goypel.
) d'une colonne d'un palais, sous un pan de dra-
vée par un gland, une femme dans un costume
, l'antique, une coupe à la main, l'autre tendue
lateau qu'apportent deux suivantes.
sur papier bleu & la pierre noire estompée avec
: milieu du dessin il semble qu'on distingue les
■es GO Y. EatHje une signature?
H. 36, L. 24.
é-Bardon {Michel- François). Un académique,
n dégingandé de la décadence italienne , et
pie ses ciels, de génies maniant la foudre
^^esti^s et les emperruquements de danseurs
£mps.
PETIT SALON. er
— Allégorie. Assise sur le fût d*un canon, une femme
a les bras levés, dans un mouvement de i econnaissaiice,
vers un héros suspendu dans le ciel, un rameau d*oUvier
k la main, et derrière lequel s'envolent les génies de la
Discorde.
Dessin à la plume, lavé au bistre sur frottis de san-
guine, et rehaussé de blanc dé gouache, avec un repentir
pour la figure de la femme.
Signé : Dandré Éardon : On lit de l'écriture du peintre,
au bas du dessin : Louis XV donne la paix à l'Europe en
détruisant par son pouvoir tous les projets de la Discorde ;
et sur un phylactère déployé par un amour dans le dessin :
La paix de 1748.
Répétition du dessin possédé par le Louvre et venant
de chez Mariette.
H, 29, L. 19.
— Apollon, mie main appuyée snr sa lyre et entouré
des Muses, dans une salle fermée par une balustrade, et
aux colonnes de laquelle des amours suspendent des ten-
tures.
Croquis à la plume, lavé de bistre.
Signé : Dandré Bardon; et au dos du dessin, de l'écri-
tm'e du peintre : Parnasse pour le fond de la salle du con-
cert de la ville d'Aix en Provence par M. Dandré Bardon.
H. 20, L. 49.
Dayid (Louis). Parfois, mais rarement, il échappe
au semblant d'épuré qu'il trace d'un corps humain;
cependant dans un portrait, — le portrait est au
fond son original et grand talent, — David jette, sur
un morceau de papier, modelée dans une encre de
Chine brutale et cernée par un trait dur, une phy-
sionomie pleine d'une vie intense.
68 LA MAISON D'UN ARTISTE.
— Portrait de DaAid. Il s'est représenté en buste, de
profil, tourné à gauche, les bras croisés. Il a au cou une
large cravate blanche, et porte un de ces habits aux am-
ples revers, au haut collet, un habit de l'époque de la
Résolution.
Dessin à l'encre de Chine sur trait de plume.
Signé : L. David.
H. 18, L. 18 (ovale).
Debucourt {Louis-Philibert), L'habile et char-
mant graveur en couleur, aux dessins d'une telle
rareté, — du temps qu'il gravait ses femmes en robe
blanche et ses hommes en habit rouge, — que je n'ai
jamais pu en rencontrer un. Je n'ai vu passer sous
son nom que des broutilles fort contestables. M. Ja-
zet lui-même, le descendant de Debucourt, ne pos-
sédait guère qu'une assez ennuyeuse étude de la
vieille Annette, faite pour le médaillon d'Annette et
deLubin. Et, sauf la Fête de la Fédération, un dessin
qui n'est pas terminé, — découvert chez Blaizot
par M. Delbergue-Cormont, — on ne rencontre de
Debucourt, que des dessins de l'époque du Directoire
et de l'Empire, dans lestjuels survit bien peu du
talent du graveur et du petit peintre de la fin du
XVIII® siècle.
— Une tabagie, dans laquelle une jeune femme, coiffée
d'une calèche ridicule, et qu'un homme cherche à retenir
par la taille, se bouche le nez avec la serviette d'un gar-
çon, porteur d'un plat de poisson dont la sauce se répand.
Gouache sur trait de plume.
PETIT SALON. 09
Ce dessin caricatural a été gravé sans nom de dessina-
teur, sous le titre : les Goûts éifférens,
H. i8, L. 29.
«
-— Femme en tunique courte, en jupe transparente,
rattachant les bandelettes de sa chaussure.
Aquarelle gouachée.
Gravé sous le titre : le Prétexte (Modes et Manières du
jour, n<» i).
H. 16, L. 10.
Desfriches. Négociant, amphitryon de Cochin
qui vient 7nboter sous les chênes verts de sa Cartau-
dière, collectionneur, artiste, amateur, inventeur du
papier-tablette, aujourd'hui papier Pelée, Desfriches
est un agréable paysagiste de la banlieue d'Orléans,
avec son branchage ramenx, son feuillage étoile,
ses fonds légers, et ses petites lumières égratignées
au grattoir.
— Un chemin bordé par deux bouquets d'arbres, sous
l'un desquels est une chaumière; au premier plan, un
homme soulevant un seau, causant avec une femme.
Dessin à la pierre noire sur papier-tablette.
Gravé en fac-similé de crayon par Demarteau, sous le
n» 223 de son Œuvre.
H. 15, L. 20.
Desrais (C-Z.) . Le premier dessinateur, chez lequel
meurt la ligne rondissante et verveuse de la vignette
du XVIII® siècle dans la ligne raide et sèche de la
vignette de la Révolution et de l'Empire.
— Vue de l'intérieur de la salle du Panthéon de la rue
30 LA MAISON D'UN ARTISTE.
de Chartres. Huit danseurs et danseuses groupés, deux par
deux, dansent V Allemande (i) sous les yeux de nombreux
spectateurs, amassés autour d'eux ou garnissant les deux
balcons circulaires de la coupole.
Lavis à l'encre de Chine sur trait de plume avec quel-
ques rehauts de blanc de gouache. La partie architectu-
rale du dessin n'est lavé que d'un seul côté.
Gravé par Croisé dans le Journal Polytypk des Sciences
et des Arts du 27 octobre 1786.
Vente Lavalette.
H. 20, L. 44.
DuCLOS [Antoine- Jean), L'habile graveur qui a
produit quelques dessins à la facture petite et gen-
tillette.
' — Un homme dépouillé de son uniforme militaire, et
que des soldats emmènent.
Bistre sur trait dtî plume.
Signé : A. J. Duclos invenit 1772.
En bas, dans la marge, de la main du dessinateur : lb
Déserteur. Oui, je déserte !
H. 15, L. 9.
Dumas. Architecte dont les dessins d'architec-
ture sont animés de petites figures gribouillées
sans une trop grande maladresse.
— Représentation de la Halle à la marée au moment
de la criée.
Aquarelle sur trait de plume.
On lit dans la marge : Vue en perspective de la HcUle à
(1) Desrais a effrontément pillé, dans ce dessin, l'Allemande
du « Bal paré » d'Augustin de Saint-Aubin.
PETIT SALON. 7|
la marée. Cour des Miracles, commencée en 1785 par les or-
dres de monseigneur de Galonné.., de messire Charles-Pierre
Lenoir, alors lieutenant-général de police, et finie au mois de
juillet 1786, sous les ordres de messire Thiroux de Crosne..»
par Dumas architecte.
H. 35, L. 51.
— Rentrée d'un régiment de gardes françaises dans
une grande caserne, au fronton décoré de fleurs de lys, et
au milieu duquel se voit une tête entourée de rayons.
Carrosses, chaises à porteur, vinaigrette dans laquelle deux
Savoyards traînent une femme.
Aquarelle sur trait de plume.
H. 26, L. 44.
Duplessis-Bertaux {Jean). Le dessinateur que TEm-
pire appelait son^ Callot, le dessinateur au dessin
mouvementé, incisif, selon l'expression de M. Renou-
vier, qui lui reproche avec justesse le parti pris de
ses corps allongés, de ses bras tendus, du théâtral
apporté à ses petites figures. Je possède un dessin
intéressant pour l'histoire de ses débuts. C'est le
n° 368 du cabinet du frère de M""® de Pompadour,
un dessin qu'un catalogue postérieur annonce
avec cette mention : fait à Vâge rfe 13 ans (1), et qui,
entièrement exécuté dans la manière de Callot, dont
il copiait alors les estampes, est un des plus cu-
rieux dessins historiques pour l'histoire de Paris du
xvni® siècle : une composition énorme représentant
en 1762, avec tous ses détails, la Poire Saint-Ovide.
[\) Les biographes le font naître les uns en 1747, les autres
en 1750.
,A
LA MAISON D'UN ARTISTE.
i Foire Saint-Ovide.
les boutique!} établies autour de la place Venddme
Ihéâlres forains adossés au piédestal de la statue
lis XIV, Au milieu du passage des carrosses et
)romenade d'uoe escouade du guet, nombre de
ligui-es, parmi lesquelles il y a des marcbandes de
des vendeurs d'orviétan, des débitants de moulins
ïour les enfants. Sur la baraque la plus en vue, on
rois affiches : Le sieur Nicolet fera l'ouverture de son
lundi. — Atgourd'hui Arlequin Racolleur bUivi d'un
laltet p<mlondme. — La grande troupe des sautewi
tours de corde, la petite Hollandaise commencera. On
ne encore sur d'autresbaraques: Chassinet joueur du
■ Au Caffé royal. — Magasin de toutes sortes de vins
'gogne et autres.
n à la plume.
S dans la marge : Foire Saikt-ûvide. Dédié à M. la
s de Marigny, conseiller du Roy en ses conseils...
à la plume par son très humble et très obéissimt ser-
ieHaux 11 62.
B du marquis de Henars, a' 368.
H. il, L. 54.
ue d'une fête sous la Révolution. Au fond,- derrière
tues de chevaux cabrés, trois temples, le premier
i la Paii, le second aux Arts, le ti-oisième à l'Indus-
droite, en avant d'une espèce de figuration de la
i, défile de la cavalerie; au premier plan des hom-
1 peuple, des enfants, des boussards, des femmes
que près d'une vendeuse en plein air,
n à ia plume trempé dans le bistre et lavé à l'en-
Ê B. D. et dans la marge : Dupkssis Bertaux 1794.
mEAu [Louis]. Peintre d'histoire qui a souvent
lé dans ses dessins le rembranesque, faisant
PETIT SALON. 7S
choix de papier fauve ^ chauffé de sanguine qu'il
lavait de bistre, et dont il éclairait les lumières res-
treintes, de blanc de gouache. Durameau a fort peu
traité de sujets de la vie contemporaine.
— Une partie de cartes, aux bougies, entre deux gentils-
hommes et une dame.
Dessin sur papier rosâtre, lavé de bistre et rehaussé de
blanc de gouache.
Signé : Du Rameau 4767.
H. 17, L. 23.
— Scène romaine au lit de iQort d'un mourant.
Dessin sur papier brunâtre à la pierre noire, lavé de
bistre et rehaussé de blanc de gouache.
H. 29, L. 22.
— Éole ouvrant l'antre des Vents, qui se précipitent
dtshors, le visage gonûé par des souffles faisant une tem-
pête autour d'un vaisseau : tempête que regarde, flottante
dans le ciel, Vénus descendue de son char attelé de paons.
Dessin au crayon noir et à la sanguine, lavé et rehaussé
de gouache.
Signé : Du Rameau 1775.
H. 33, L. 41.
Durand {P.-L.). Dessinateur très peu connu. Sans
rindication, au bas de la gravure de Fessard, de :
P.-L. Durand delmeavtt, j'aurais été tenté d'attribuer
ce dessin à un Marillier quelconque.
— Un obélisque sur lequel un amour attache un mé-
daillon de Marie-Thérèse ; une figure allégorique de cha-*
que côté, au bas une femme pleurant, la tête d'un amour
sur son genou, dans le ciel une Renommée mettant en
u 1
74 LA. MAISON D'UN ARTISTE.
fuite le Temps. Encadrement coiiiposf de palmes et d'a-
mours, surmonlé des armes de Marie-Antoinette.
Lavis à l'encre de Cliine,
Le dessin porte dans une tablette r Filix, uxon, matri-
que Cxsarutn, et dans la marge : Giilliarum regitue pielati,
Félix Nogaret Massilienns et Andegavensis Academix so~
cius.im). umimt... anno M DCC LXXII.
Dessin commémaratif de la mort de Marie-Thérèse,
gravé par Fessard, [Voir la longue descriptioa de ce dessin
dans Bachaumont, vol. XVII, p. 249 et 250.)
EiSEN (Charles). Vigneltlste inférieur à Gravelot,
et trop abondant et trop facile, mais un dessina-
teur au contour fluide et joliment contourné, et qui
a fait dans la traduction d'Anacréon et ailleurs, du
nu microscopique que lui seul sait faire : de petites
académies de femmes qui dans le cadre d'un cul-
de-lampe, apparaissent, ainsi que de grandes études
de Boucher, vues par le petit bout d'une lorgnette.
Il y a une vingtaine d'années, j'ai acheté chez M.
Jaquinot, l'heureux déterreur connu de tous les
amateurs, un album oîi les imaginations d'Eisen
sont visibles dans leur première conception et leur
vague ébauche : le livre des Pensées de l'artiste, ainsi
qu'on s'exprimait au xviii' siècle. Ces croquis, ces
pensées étaient les esquisses des compositions, que
l'illustrateur soumettait à l'éditeur, et qui, acceptées,
étaient reprises par lui, dans des dessins finis très
souvent sur peau vélin. Quelques-uns de ces cro-
quis sont curieux, eu ce qu'ils poi ..ut en marge les
changements demandés par l'éditeur et quelquefois
PETIT SALON. 75
les explications et les objections du dessinateur.
Outre un certain nombre de croquetons pour les
livres illustrés par Eisen, et parmi lesquels il y en
a du format d'une pierre gravée, le livre des Pensées
d'Eisen contenait des projets de décorations pour
lambris de château, la première idée de « la Nuit »
et encore la première idée du seul tableau his-
torique que le vignettiste ait jamais exécuté.
— Recueil de 68 croquis reliés en un volume.
Pensées des contes de La Fontaine suivants : Joconde,
les Oies du frère Philippe, A Femme avare galant Escroc,
le Calendiier des vieillards, On ne s'avise jamais de tout,
le Contrat, le Tableau, le petit Chien, etc., et encore les
variantes du Berceau, de TAbbesse malade, etc. Pensées
pour les Métamorphoses d'Ovide, la Henriade, les « État
actuel de la musique du Roi », etc., etc.
Tous ces dessins sont à la mine de plomb, sauf un seul
à la sanguine.
— Apollon et les Muses dans un vallon, au-dessus duquel
piaffé Pégase.
Dessin lavé à l'encre de Chine sur trait de plume.
Signé : C. Eisen f,
H. 18, L. 22.
— Vénus entourée de sa cour, descendant sur un nuage,
dans les forges de Vulcain, qui la regarde, une main ap-
puyée sur son marteau.
Lavis à l'encre de Chine sur trait de plume.
H. 20, L. 16.
— Dans un bosquet près d'une fontaine, Henri IV aux
pieds de Gabriel d'Estrées, entourée de groupes d'amours
jouant avec les armes du Roi; Sully apparaissant dans le
lointain.
76 LA MAISON D'UN ARTISTE.
Dessin à la plume, avec des parties seulement indiquées
à la mine de plomb.
Croquis du tableau d'Ëisen gravé par de Mouchy, sous
le titre : Henbi IV et Gabrielle.
H. i8, L. 22.
— Deux enfants en buste^ dont Tun a la joue appnyëe
contre ses deux mains, posées sur une cage.
Dessin lavé à l'encre de Chine sur trait de plume.
Gravé par Louise Gaillard.
H. H,L. 19.
' — Amours attachant, au milieu des plis de deux dra-
peaux croisés, un écusson représentant un coq, la tête levée
vers une étoile, et que surmonte une banderole, où est
écrit ; Viget audax.
Mine de plomb.
Projet de décoration pour lambris, dans la marge du-
quel on lit de la main d'Eisen : Charles Eisen pour les po-
naux de derrière,
H. 32, L. 16.
— Dans une chambre à coucher, où se voit un lit à la
couverture faite, une femme assise à sa toilette, et que
ses filles de chambre accommodent pour la nuit, cause
retournée avec un homme en robe de chambre
Croquis à la mine de plomb.
Première idée de la composition gravée par Patas, sous
le titre de : la Nuit.
H. 24, L. 19.
— Une femme lisant à sa toilette, qu'un amour derrière
son fauteuil montre du doigt à un jeune homme qui en-
tre. La scène a un encadrement à cariatides, et au bas
PETIT SALON. Tt
des instraments de musique entourant un médaillon, qui
contient ces quatre vers :
Bans ce moment cher à mon cœur
Qui m'offre tout ce que f adore.
Ma belle a l'éclat d*une fleur
Que l'amour vient de faire éclore.
Lavis à Tencre de Chine sur trait de plume.
L'encadrement seul a été gravé dans le temps, sans nom
de dessinateur ni de graveur.
H. 20, L. 26.
Pragonabd [Honoré), Des imaginations de poète
prenant corps dans des taches de la plus belle couleur^
en des eaux bistrées d'un bistre chaud, roux, cou-
leur d'écaillé.
— Une jeune femme assise de côté et tournée à droite,
la tête vue de trois quarts, Habillée d'une robe ouverte sur
la jupe, elle a la poitrine enveloppée d'un fichu menteur^
et est coiffée, sur ses cheveux relevés et bouffants, d'un
pouf; ses pieds reposent sur un coussin.
Dessin estompé sur crayon noir et rehaussé de craie.
Cette étude est le portrait en pied de Rosalie Frago-
nard, une fille du peintre morte à ses vingt ans, ainsi que
l'atteste l'authentification faite par son petit-neveu
T. Fragonard, le peintre de la manufacture de Sèvres.
H. 49, L. 35.
— Femme assise sur une chaise de paille de face, la
tête de trois quarts tournée à droite. Elle est vue jusqu'à
mi-jambes, les mains l'une dans l'autre posées sur ses
genoux, et a sur sa robe un mantelet à capuchon borjclé
d'une large ruche, se croisant sur sa poitrine.
Sanguine.
7.
LA MAISON D'UN ARTISTa
Signé : Frago. 1785.
Collection Marcille père.
H. 22, L. 17.
— Jeune fille assise par terre, la téta penchée, les bras
abandonnés, les jambes croisées sous elle. Coiffée d'ua
petit bonnet, et habillée d'une robe et d'un mautelet (I),
elle se détache d'un drap blanc étendu sur une table k
l'effet de faire ressortir le modèle.
Sanguine.
Signé : Frago. t785.
Collection Harcilte père.
H. 22, L. n.
— Une femme allongée sur un banc de jardin, an dos-
sier à balustres, une joue appuyée sur sa maindroite,
ses souliers au haut talon posés l'nn sur l'autre.
Dessin an crayon noir, légèrement lavé d'encre do
Signé au crayon : F... g
— Dans un hangar, au fond duquel s'élève une presse,
et où travaillent des ouvriers imprimeurs, prés d'un gen-
tilhomme qui parle à un homme mettant en page une
feuille d'impression, est assise une femme, tenant un mas-
que à la main.
Grisaille à l'essence sur papier.
Un catalogue anonyme des premières années de la Ré-
volution donne celte grisaille comme étant la représenta-
tion d'une H Imprimerie secrète ».
H. 32, L. 22.
PETIT SALON. 79
— Un grand-papa dans un fauteuil, une main appuyée
sur une béquille, sourit à un enfant tenu par sa mère et
qui lui tend les bras ; le père est penché derrière le vieil-
lard. /
Dessin dans la manière de Greuze, à Tencre de Chine,
dessiné et lavé au pinceau.
H. 32, L. 24.
— Dans un cellier, entourée d'enfants, une jeune fille
est en train de couper du pain dans une grande miche ;
un petit garçon, à la courte chemisette, se tient debout
devant elle, attendant sa tartine.
Bistre.
Dessin gravé en réduction par De Launay, sous le titre :
Dites donc, s'il vous plaît?
Vente Villot.
H. 32, L. 4o.
— Sur le pied d'un lit en désordre, où se voit deux
oreillers, une jeune femme en chemise est assise, une
jambe repliée sous elle, les mains jointes, la tête appuyée
au mur; monté sur un escabeau, son chien la regarde
tristement.
Bistre rehaussé de blanc de gouache autour de la tête
de la femme.
Première idée du sujet gravé en fac-similé par Saint-
Non, et au burin par Dennel, sous le titre : S'il m'étoit aussi
fdèl (sic).
Porte la marque à froid F. R.
H. 27, L. 37.
— Dans une grange, un peintre en train dépeindre une
jeune villageoise, et dont le chevalet et la personne sont
renversés par la brusque irruption d'un amoureux qui a
jeté le modèle sur une botte de foin, où il le tient em-
brassé*
80 LA MAISON D'UN ARTISTE.
Bistre.
Gravé en fac-similé par Charpentier, sous le titre : la
Culbute.
H. 28, L. 40.
— Un Tieillard penché sur des sacs d'argent, que ses
mains semblent défendre de la convoitise d'une jeune
femme, les regardant par-dessus son épaule.
Dessin sur papier jaune, au crayon noir, rehaussé de
brutales touches de pastel.
Vente Villot.
H. 20, L. 22 (ovale).
— Un berger et une bergère s'embrassant près d'un
abreuvoir; un taureau les contemple.
Bistre.
H. 23, L. 17.
— Une écurie pleine de l'envolée de volailles, où des
jeunes filles s'amusent d'un âne tout chargé d'enfants, et
que tire par la bride, pour le faire entrer, un jeune garçon.
Aquarelle relevée de plume.
Signé ; Fragonard 1770.
Gravé deux fois par Saint-Non, en 1762 et en 1770.
H. 18, L. 26.
— Paysage au milieu de rochers au pied d'un arbre
tordu par le vent ; un berger, couché à plat ventre, garde
des bestiaux ; à droite, une femme tenant sur les bras un
marmot et donnant la main à un autre enfant.
Gouache.
Vente Perignon.
H. 29, L. 42.
— A l'entrée d'une allée de grands arbres, vue d'une
fontaine au milieu de laquelle s'élève une colonne sur-
K~--
PETIT SALON. 81
montée d'une statue; à gauche, une chsurrette au trot.
Bistre.
H. 16/L. 22.
— Près des remparts d'une ville baignés par une
rivière, un petit aqueduc où une roue fait monter Teau;
à droite, de grands arbres sous lesquels se promènent des
gens ; à gauche, une femme chargée de deux cruches.
Bistre.
H. 19, L. 31.
— Sous l'avance d'une roche, dans un site boisôy des
bestiaux boivent à un abreuvoir.
Bistre.
H. 25, L. 30.
— Un four public rempli de femmes apportant leurs
pains à cuire, et qu'un homme enfourne.
Bistre.
Sur une poutre de la toiture est écrit, de la main de
Fragonard : Four banal de Négrepelisse, octobre 1773.
Et au dos du dessin se lit d'une écriture du temps :
Dessin d'Honoré Fragonai^d fait dans son voyage d'Italie
Q^vec M. Bergeret. Du cabinet de M» le duc de Chabot,
Dans le journal manuscrit et inédit, qu'a rédigé Berge-
ret de ce voyage d'Italie, il fait mention d'un séjour de
Fragonard du 12 au 26 octobre 1773, à sa terre de Négre-
pelisse, près Montauban.
H. 29, L. 37.
— Un escalier de parc italien surmonté de deux statues,
et derrière lesquelles s'entrevoit une fontaine monumen-
tale aux eaux jaillissantes. Au premier plan, au milieu de
gens couchés à terre, une femme debout tenant une om-
brelle.
Sanguine. .
H. 22, L. 38.
l UAISON D'UN ARTISTE.
filla Borghèse, animée de groupes de ppr^
ts pins pat'asols.
H. 25, L. 39.
elles, au haut desquelles se voit entre des
nde à colonnes; an premier plan, contre
[D grand vase où montent des plantes
adossée une femme quia près d'elle deux
signé au dos : Honoré Fragonard feeit
H. 51 , L, 37.
nétairie de la campagne romaine, des en-
!st monté sur le dos d'un âne, font manger
m autel antique, devenu une mang'eoire,
es d'une marmite qui bout, montée sur
le jeune fille immobile se tient drapée
l'une statue.
de Chabot.
H. 34, L. 46.
{Sfffismond). Un singe de Moreaa
pas trop maladroit, mais dont la grâce
meilleures compositions légèrement
3s deux dessins de l'illustration du
lu Costume », en compagnie de cinq
yoreau de la même suite, étaient pas-
: M. Gigoux a eu le bonheur de les y
je me somicns bien de ses paroles,
dizaine de francs chacun, Morcau ou
PETIT SALON. 83
Freudeberg, — et seul, un Freudeberg de cette suite,
s'est vendu 5,500 francs à la vente Mahérault.
— Dans une charabre à coucher, une jeune femme, déjà
en bonnet de nuit, se fait enlever des épaules par une
chambrière son caraco, pendant qu'une autre fille de
chambre bassine son lit.
Bistre sur trait de plume.
Gravé sous ce titre ; le Coucher par Duclos et terminé
par Bosse, dans la « Suite d'Estampes pour servir à l'His-
toire des Mœurs et du Costume des Français dans le
xviu® siècle ».
Vente Gigoux.
H. 28, Lf 22«
— Dans un appartement aux lambris délicatement
sculptés, une femme couchée sur un sofa, dormant la
tête appuyée sur sa main ; au dehors, par une porte-fenê-
tre entr'ouverte, on voit une chambrière lutinée par un
^ntilhomme, et le repoussant d'une main posée contre
sa bouche.
Bistre sur trait de plume.
Gravé sous ce titre : le Boudoir par Maleuvre, dans la
<i Suite d'Estampes pour servir à l'Histoire des Mœurs »,
Vente Gigoux.
H. 28, L. 22*
GiLLOT [Charles). Le maître de Watteau, un grand
talent original à cheval sur l'antiquité et la comédie
italienne, un dessinateur élégant et serpentant, un
€roqueur à la plume pleine de fantaisie, mais qui
n'a jamais pu, dans ses dessins faits, se dépouiller
de la sécheresse du graveur. Son crayon a quelque
chose de la pointe d'un style qui entrerait dans le
papier, et ses sanguines vues à distance apparais-
t A MA-SOND'UN ART!5Ta.
lomme des contre-épreuves de fines impres-
^irées eo rouge.
a dessous d'une niche, où est placé le busto du
an, trob faunesses attirant à elle une panerée de
ipportèe par un satyre; & droite, & gauche, des épi-
le hacchanale.
[nine.
é par Gillot, sons le titre : Fbstr du dibo Pan.
H. 15, L. 36.
k>D9 un drapeau déployé, marchant en bataillon,
laps d'amonrs, dont chacnn porte, sur son petit corps
accessoire on nn morceau de costume de la Comé-
Jienne.
^iue.
H. 14, L. 21.
QDET DE RoucT Trioson {Anne-Louù) . L'artiste
lessins si en faveur sous la Restauration, si
Clés aujourd'hui.
iédaillon aui deux têtes accolées, où le peintre s'est
enté avec sa maltresse, dessinée les chevenx coupés
et coiffée en garçon.
iio an crayon noir, relianssé de craie et de blanc de
he qui a noirci.
dos du dessin, l'amant a écrit :
! n'ai pu de tes traits retracer la douceur
iM cette grâce enchanteresse
ue leur d(mnent à la fois ton esprit et ton ccew.
ependant à mon dme ils sont présents sans cette,
',t ma main seule est coupable d'CTTeur.
tais que du sentiment ce faible et léger g<tgt
Oit s'est tracé ton plus Hdéle ami
PETIT SALON. 8S
Répète encor après mus, d'âge en âge.
Que mon cœur à ton coBur fut constamment uni (1).
A bien des années de là, sur le papier jauni, la maîtresse
prenant la plume^ écrivait au bas des vers de son amant :
17 ans après.
Un amour immortel m'entraînait à sa gloire :
J'appris à Vadmirer autant qu'à le chérir.
Et c'est pour m'attacher encore à sa mort^
Que j'ai différé de mourir.
Ces quatre lignes sont signées Julie y que suit un nom de
famille qui a été gratté.
H. li,L. 14 (ovale).
Bourguignon de'^ Graveldt {Hubert -François). Le
grand vlgnettiste du xYiii* siècle, un des plus savants
dessinateurs de son temps (2), et dont le dessin a
cette qualité d'être toujours, en les plus petites choses,
un contour flottant et roulant de la forme, et cela
encore très souvent cherché sur la chaleur du fond,
sur un frottis de sanguine, — une des habitudes à la-
quelle on reconnaît, sur le papier, les coloristes de Té-
poque. — Gravelot a enfin une grâce, toujours appuyée
sur rétude de nature, que n'a pas Eisen, fabriquant
trop souvent sa grâce de chic. La vente du général
(!) On a deux pièces de poésie de Girodet imprimées, Tune :
« A sa maîtresse » ; l'autre : a Portrait de sa maîtresse » ; dans
toutes les deux, il parle « d'une noire <îhevelure aux anneaux lé-
gers, capricieux ».
(2) Dans ce siècle-ci, je ne vois guère que Meissonier qui
dessine aussi bien que Gravelot, et j'avancerai même que cer-
tains dessins du maître moderne ont une parenté avec les des-
sins du vignettiste du xviii<5 siècle,
L 8
^
m LA MAISON D'UN ARTISTE.
Andreossy, en livrant aux enchères de grands des-
sins trouvés par le général pendant son ambassade
en Angleterre, a été une révélation de l'énorme tra-
vail de préparation des petites vignettes de Gravelot.
11 les cherchait d'abord d'après nature, ou d'après
des mannequins articulés qu'il avait fait exécuter à
Londres, dans de larges dessins au crayon noir
rehaussés de blanc, et tout semblables à des études
deLancret. Cela fait, il les mettait au carreau, puis les
réduisait en de petits dessins du format des livres,
exécutés à la mine de plomb avec le plus grand fini.
En 1809, à la vente Guyot passait le Portefeuille
de Gravelot, le livre de ses croquis. C'est sans doute
cette réunion de dessins retrouvée, par M. Danlos
fils, qui a été vendue, il y a deux ou trois ans, à
M. Bocher.
— Jeune homme en costume de cour, saluant, le trt-
corne à la main; derrière lui un piédestal, où il y a une
femme-sphinx^ sur le dos de laquelle est assis un amour.
Dessin à la mine de plomb et à la sanguine.
Vente Andreossy.
H. 24, L. 17.
— Jeune homme en costume de cour, le tricorne sous
le bras, une main étendue en avant; dans le fond, une ar-
chitecture de palais.
Dessin à la mine de plomb et à la sanguine.
Ce dessin et le précédent sont frottés de sanguine au
revers pour être gravés.
Vente Andreossy.
H. 24, L. 17.
PETIT SALON. 87
— Dame debout, jouant de l'éventail, tout en s'entrete-
nant avec un gentilhomme qui a le chapeau sous le bras.
Dessin sur papier jaunâtre, au crayon noir estompé, et
rehaussé de craie.
Vente Andreossy.
H. 42, L. 34.
— Femme en petit bonnet, en manteau de lit, assise
près d'une table de toilette autour de laquelle sont grou-
pées trois silhouettes de jeunes filles, dont l'une semble
tenir à la main une houppe ; à ses pieds est couché à terre
un homme, le coude appuyé sur un tabouret.
Dessin sur papier jaunâtre, au crayon noir, rehaussé de
craie.
Vente Andreossy.
H. 28, L. 43.
— Femme couchée dans un lit, dont le pied découvert
est manié par un chirurgien pour une saignée. Par une
porte ouverte, une fille de chambre entre, portant sur un
plateau une chocolatière.
Dessin sur papier jaunâtre, au pinceau trempé dans le
bistre, sur estompage de crayon rehaussé de craie.
H. 43,L. 54.
— Deux personnages penchés sur une cuve.
Trait de plume lavé de bistre.
Signé : H, Grav, delin.
C'est un dessin satirique fait par Gravelot en Angleterre,
et tiré, je crois, du poème d'Hudibras, et qui porte, en haut
de son encadrement rocaille, cette inscription : The itinérant
Handy-Craftsman or Caleb turn'd Tinker.
Vente Andreossy.
H. 22, L. 30.
— Une fouille à la porte d'une église d'architecture an-
88 LA MAISON D^UN ARTISTE.
•
glaise, et qui porte, dans une ogive, la date de 130i ; un
homme, la tête découverte, remet une lettre à un vieillard
appuyé sur une canne, en train de surveiller les ouvriers.
A gauche, sous un pigeonnier, sont assis un jeune homme
et une jeune ûlle près d'un paon qui fait la roue.
Dessin à la plume, lavé d'encre sur papier jaunâtre.
H. 26, L. 22.
— Sur un fond d'architecture gravé, le char de Neptune,
précédé de Vénus portée sur un dauphin et entourée d'a-
mours; sur les deux rives des Turcs et des Indiens, aux-
quels des Néréides apportent des produits de l'Océan.
Outre la scène principale tout entière dessinée, il y a, dans
la voussure du plafond, des cartouches, dans les entre- .
colonnements du palais de théâtre, des niches, remplis par
des écussons et des statues également dessinés.
Lavis à l'encre de Chine.
Dessin pour une Fête de Versailles, qui, après que les
figures ont été dessinées sur le commencement de la gra-
vure, a été entièrement gravé sous un titre que je ne re-
trouve plus.
H. 30, L. 48.
— Le Colin-maillard.
Dessin à la sanguine relevé de plume.
Signé deux fois dans la marge : H. Gravelot iwcen.
Gravé par Martinet dans une série de quatire vignettes
avec des vers au has.
H. 18, L. 12.
— Une jeune femme couchée sur un grabat, dont s'ap-
proche, suivi d'un petit garçon, un homme qui fait un geste
d'étonnement.
Dessin sur papier jaunâtre, au crayon noir estompé, re-
haussé de craie. Il a été mis au carreau pour la réduction
du dessin en vignette.
J
PETIT SALON. 89
C'est le dessin de la vignette gravée par Pasquier, 1. 1«',
p. 189 de V Histoire de Tom Jones, traduit par M. de la
Place, 1751.
Vente Andreossy.
H. 38, L* 46.
Greuze (Jean-Baptiste). A propos du grand dessin,
exposé par Greuze au Salon de 1769, Diderot dit : « Il
ne faut à Greuze qu'une matinée pour faire un. des-
sin comme celui-là. » Oui, Greuze a lejaillissement
du trait comme inspiré et enthousiaste; son lavis
semble avoir la fièvre, et même en ses têtes d'études
où il s'astreint à un travail de hachures, il apporte
là dedans une fougue qui n'y laisse rien de mécani-
que. Un dessin, catalogué ici, présente un intérêt :
c'est la répétition, pour ainsi dire, du « Coucher »
de Yanloo, un dessin désagréable piar la masculinité
du torse, mais dont le fier et coloré modelage des
jambes montre le puissant artiste qu'était Greuze à
certaines heures.
— Dans un parc^ un jeune homme debout, soutenant
de la main gauche son fusil appuyé sur un banc de pierre,
où se repose un chien, tandis que son bras droit est entouré
des deux mains d'une jeune femme assise, qui appuie
amoureusement sa tête contre lui.
Lavis au pinceau à l'encre de Chine.
Étude pour le portrait d'un jeune ménage, pôut-être
celui des de La Borde.
H. 38, L. 35*
'— Jeune femme au seuil d'une porte, la tète baissée,
les bras pendants; sur ses épaules est jeté un fichu à la
large pèlerine.
8.
M LA MAISON D'UN ARTISTE.
Dessin au crayon noir et à la sanguine fondus et es-
tompés.
Étude de femme d'après M°*« Greuze pour la com-
position gravée par Massard, sous le titre : la Dame bien-
faisante. Une étude semblable, mais à la sanguine seule-
ment, existe au Louvre.
Vente Hope.
H. 49, L. 31.
— Une vieille femme paralytique, qu'un jeune homme
approche d'un fauteuil, en la soutenant filialement sous les
bras.
Lavis au pinceau à l'encre de Chine.
H. 3i, L. 22.
— Académie de femme nue, vue de dos, la tête retour-
née par derrière. Une main appuyée sur un coin de toi-
lette, elle a la jambe gauche agenouillée sur un fauteuil
où est posée sa chemise.
Dessin au crayon noir et à la sanguine fondus et estompés.
Vente de M"^ Caroline Greuze, n<» 35.
H. 59, L. 37.
— Trois études d'amours.
Lavis au pinceau à l'encre de Chine sur trait de crayon
et balafré de sanguine.
H. 26, L. 22.
GuÉRiN [François], Un académicien de la vieille
académie bien peu connu, et dont les dessins grouil-
lants et tumultueux, lavés de bistre et sabrés de
blanc de gouache, sont un mélange de faire de Bou-
cher, son maître, et de Gabriel de Saint-Aubin. Ils
ne sont pas signés, les dessins de ma collection, mais
j'ai vu en 1860, chez Mallinet, un dessin du même
PETIT SALON. W
I
Maître, et absolument de la même facture, représen-
tant, dans un atelier plein d*enfants, une femme pei-
gnant à un chevalet^ dessin signé F. 6r., les initiales
de François Guérin.
— Un marché à la yq] aille du temps. Allée de boutiques
faites de quatre perches, au haut desquelles est noué, ser-
vant de toit, un vieux morceau de toile, d'où pendent ac-
crochés toutes sortes de volatiles. Au premier plan du
marché, peuplé de vendeuses et d'acheteuses, une vieille
femme agenouillée sort d'un panier, appelé couveuse, un
poulet qu'elle met entre les mains d'une fillette.
Dessin sur papier jaune, au bistre, rehaussé de blanc
de gouache.
Portant la marque du chevalier Damery.
H.. 23, L. 28.
— Une marchande de marrons en train de renverser le
contenu de sa poêle dans un morceau de couverture ; à
côté un garde française embrassant une grisette; dans
le fond, une femme jouant du violon auprès d'un homme
qui fait la parade devant les tableaux d'une baraque.
Dessin sur papier jaune, au bistre, rehaussé de blanc de
gouache.
Portant la marque du chevalier Da nery.
H. 23, L. 28.
HoiN {Claude), Un nom d'artiste complètement
sombré, et que seulement depuis quelques années
vient de réapprendre aux amateurs le passage, dans
les ventes d'estampes, de deux ou trois gravures en
couleur d'après ses compositions. Les experts avaient
une telle défiance de l'inconnu de son nom, et cela
encore à la vente Tondu, qu'ils livraient aux en-
Vt LA MAISON D'UN ARTISTE.
chères ses gouaches, signées en toutes lettres, sous
>m de Fragonard. Un très habile gouacheur que
, et peutrétre l'inventeur de ces petits zigzags
anc, employés si joliment par Hall dans les demi-
es nentres de ses étoffes, et qui font l'effet de
illoQS brillants qu'un patin laisse sur la glace,
faisait, par parenthèse, annoncer que ces coups
lanc étaient exécutés avec le blanc de zioc, tout
ellemeat inventé par le chimiste de Horveau.
, en définitive, est l'un des quatre ou cmq
remarquables gouacheurs du siècle. On ne peut
îprocher qu'un goût trop prononcé pourlacolo-
D gorge de pigeon, qui apporte h ses composï-
. une harmonie un peu ardoisée.
H'** DugazoQ dans le rOle de Nina. Elle est reprè-
a ea ficha de gaze, en corsage jaune, en robe de
seline blanche à dessous rose, courant vers une grille
âteau, des Heurs dans les cheveux, un bouquet à la
iiache.
né sur nne pierre de la grille : Hoin P. de M. (peintre
)nsieur), 1789.
nposition ditférente de Ffina la folle, gravée en con-
}ar Janinet en 1787, d'après Hoin.
ite Tondu.
H. 25, L. 19. ,
UEL (Jean-Pierre-Lom's). D'élégants dessins de
is sortes, parmi lesquels on remarque une série
aiiaches représentant des paysages italiens, où
ste cherche à échapper ans tous conventionnels
PETIT SALON. 93
de ce genre de peinture, pour se rapprocher de la
couleur vraie de la nature.
— Sous les arceaux d'une vieille construction, une écu-
rie où l'on voit un petit cavalier en selle sur un cheval qui
caracole; à droite, un escalier. où monte un homme por-
tant un sac sur son dos.
Bistre sur trait de plume.
Signé : Houel f. 4764.
H. 32, L. 27.
— Une colline boisée, surmontée d'une église à campa-
nile entourée de cyprès ; au bas, un lac avec une barque
amarrée ; à gauche un homqae qui brouette une barrique.
Gouache.
Signé lEouelf. li, 1772.
H. 30, L. 47.
HuET (Jean-Baptiste). Le copiste, le plagiaire des
dessins, des motifs, des procédés* même de Boucher
dont il a pris jusqu'aux petits traits géminés dont le
puissant crayonneur accidente, zèbre y pour ainsi dire,
le plane de son estompage : travaux que Ton sent chez
le Maître l'œuvre d'une main et qui ne semblent
chez son disciple que la façon d'un outil, d'une mé-
canique. Déclarons-le bien haut, le joli chez Boucher
a parfois du grandiose, il n*est jamais que joli chez
Huet.
— Une bergère, en chapeau de paille, au corsage dé-
colleté et enrubanné, à la jupe faisant retroussis, les pieds
nus, une rose à la main; derrière elle des moutons cou-
chés à terre.
^
é : J. fl. met, (788.
H. 39, L. 28.
lans an jardiuel fleuri de roses trémiêres, una jeuoe
!, assise prés d'une caisse d'orangers, p6che à la ligne;
ôtés an petit g'arçon joue avec un chien.
é au crayon : /. B. Hûet, 1783.
H. 20, L. 29.
lans una chambre où les gens sont aveuglés par la
d'un poêle qu'on allume, deux amoureux profitent
^dent pour s'embrasser sans être vas (1).
in taïé au bistre sur trait de plume.
lé: J. B. Hûet, (789.
'é en couleur par Delacour, sous le titre : l'Heureux
NT.
H. 2*. L. 37.
[arche d'aDÏmaui à la Benedetle Castiglione, où,
i bousculade, un taureau monte sur une vache,
in sur papier jaune, au crayon noir, rehaussé de
lé à l'encre: J. B. Hûet, 1771.
H. 32, L. 43.
tâtiments de ferme dans une saulaie, au bord d'au
LU oft pêche à la ligne un petit garçon.
lé: J. B. Hûet, 1787.
H. 34, L. 44.
In motif eo faveur dans oe temps. On trouve dios le ca-
1 Paignon-Dijonval une gouache de Debiiuaurt reprà-
l le même sujet, qui a été encore repris par Fragonard
n charmant bistre possédé par M. du Sommerard.
r'
PETIT SALON. 95
— Cour de ferme, où sur des bottes de foi» est assise
une jeune villageoise, adossée à la porte rustique d'un ver-
ger, sous laquelle joue un enfant.
Signé : J. B. Hûet, 1787.
H. 34, L. 44.
— Canard prenant son Tol.
Aquarelle.
Signé : C. Huet, 1754 (1).
H. 21, L. 30.
Huez. Un sculpteur qui fait des dessins de sculp-
teur,
— La France, appuyée sur un bouclier fleurdelysé, fait
le geste de bénir une femme, ayant la main sur un aérostat.
Dessin au bistre et à Tencre de Chine sur trait de plume.
Signé : B'Buez, qui a écrit dans la marge : La Physique
présentant la machine aérostatique à la France qui la pro-
tège. '
H. 31, L. 24.
Jeaurat {Edme). Dessinateur de scènes « du bas
peuple » à la façon de Chardin, mais qui n'a rien
de son ampleur magistrale. Ses dessins sont pres-
que toujours exécutés au crayon noir avec une
pierre d'Italie, presque grise, et très légèrement
rehaussés de blancs à peine visibles, cela sur un
papier bleuâtre, en sorte que ses études, aux con-
tours et aux détails arrêtés par un petit trait sec,
(1) Huet est né en 1745, donc il aurait eu 9 ans quand il au-
rait fait ce dessin, en outre ses prénoms sont Jean-Baptiste, et
cependant le dessin est marqué au caractère de ses études, et
de plus la signature est parfaitement de l'écriture du peintre.
M LA MAISON D'UN ARTISTE,
apparaissent comme éclairées par un clair de lune.
On remarquera que trois de ces dessins de Jeaurat,
quoique provenant de ventes différentes, portent
gravée à froid une petite ancre : la marque du che-
valier Damery. Cet amateur, dont le nom se trouve
aa bas d'un certain nombre d'estampes, comme le
nom du possesseur d'une collection considêcable de
tableaux et de dessins, fut un bomme d'un goûL sûr,
UD cAoismew délicat et raffiné. Je signale sa marque
aux amateurs : elle n'est jamais sur un dessin mé-
diocre.
— Un homme et nna femme du people dansant.
Dessin sur papier bien, à la pierre d'Italie, rehaussé de
craie.
Êtnde des deax figures principales pour le tableau de
LA Place des Halles, gravé par Aiiamet.
Portant la marque do chevalier Damerf.
H. 22, L. 27.
— Trois femmes des halles faisant les cornes.
Dessin sur papier bleu, à la pierre d'Italie, rehaussé de
craie.
Étude pour le Thanspobt ses nLLEa de joie a l'hApiial,
gravé par Levasseur.
Portant la marque du chevalier Damerjr et du peintre
Joyant.
H. 22, L. 28.
— Uq homme attelé au brancard d'une charrette; en
bas, à gauche, uoe répétition de la tête coiffée d'un bonnet
au lieu d'uu chapeau.
Dessin sur papier gris, à la pierre d'Italie, rehaussé de
PETIT SALON. 97
Étude pour le Déménagement du Peintre, gravé par
Duûos.
H. 22, L. 19.
— Une femme assise dans un fauteuil, «n sac an bras.
Dessin sur papier jaunâtre, à la pierre d'Italie, rehaussé
de ci^ie.
Étude de la femme pour la composition gravée par
Balechou,*sous le titre ; le Mari jaloux.
H. 34, L. 26.
— Un malade assis à une table, comptant les parties
de son apothicaire, un laquais appuyé au dos de sa chaise,
une fille de chambre une seringue à la main.
Dessin sur papier bleu, à la pierre d'Italie^ rehaussé de
craie.
Portant la marque du chevalier Damery.
H. 24, L. 30.
Lafitte [Louis). L'illustrateur que les éditeurs du
Directoire et de TEmpire acceptèrent pour le conti-
nuateur de Moreau, un dessinateur incorrect et niais,
dans rimagerie duquel la recherche de David s'allie
à des sentimentalités à la Bartolozzi.
— hitérieur d'atelier, à la muraille garnie de plâtres,
du commencement de la Révolution ; des élèves dessinent
et peignent, d'autres lisent; un modèle de femme se re-
pose la main sur un tabouret.
Dessin sur papier jaune, au crayon noir, rehaussé de blanc.
Signé à l'encre ; L, Lafitte , 1790.
Ce dessin est le n* 98 de la vente Lafitte, 1828, où il est
ainsi décrit dans le catalogue : Re'présentation de Vatelier
de Vincent et portraits de plusieurs de ses élèves pendant
une heure d'étude»
H. 42, L. 54.
9
9S LA MAISON D'UN ARTISTE.
Lagurnée dit rainé [Louis-Jean- François), Un pein-
tre et dessinateur gracieux, faisant de la grâce dans
laquelle commence à apparaître le goût de Tantique
et ces profils à la grecque,- où le front passe au nez
par une ligne droite sans rentrant.
— Une sultane accroupie à terre, une cuiller à la main,
près d'une petite table basse où sont posées une tbéière et
une tasse; dans le fond, deux suivantes versant de l'eau
dans une bouilloire posée sur un trépied allumé.
Bistre sur trait de plume, rehaussé de blauc de gouache.
Étude pour un dessus de porte.
H. 11, L. 25.
La Joue [Jacques). Un artiste au dessin verveux et
tordu^ et qui, dans les personnages, semble le dessin
d'un grand orfèvre, associant l'hom/ne à la rocaille
de ses créations. Un génie abondant, comme on disait
alors, une imagination meublée de paysages aux
arbres ornementaux^ d'architectures ronflantes, de
ruines tiiéâtrales.
— Un encadrement portant en haut l'écusson de la mai-
son d'Orléans, soutenu par deux amours, et descendant
des deux côtés par des chutes de verdure et de treillage
A des scènes de chasse au milieu desquelles se voit dans
un cartouche le portrait de Wouwermans.
Dessin à la plume lavé d'encre de Chine.
Signé ; Lajoue,
Gravé par Le Parmentier, sous le titre : Frontis'pice de
VŒuvre de Wouwermans,
H. 34, L. 45.
— Dans une bibliothèque, deux amours dont l'un porte
PETIT SALON. M
ans toque, one fraise, un manteau, et sur son ventre nn, le
baudrier de la Comédie italienne. Tons deui sont appuyés
sur nn globe terresfre.
Un amour couronnant nn bnste encastré dans un obé-
lisque, dont le soubassement porte les trois Qeurs di
nn second ainour étendant les bras vers le buste.
Lavis k l'encre de Chine.
Tous deuï signés : Lajoue.
Études pour dessus de portes.
H. 33, L. 32.
— Au pied d'un bouquet d'arbres et d'une fou
surmontée d'un groupe d'animaux représentant un
forcé, des chasseurs se reposent couchés à terre ; df
lointein, une chasseresse à cheval qui a une amie en en
Dasdn à la plume lavé d'aquarelle.
H. 23, L. 27.
Labcret {Nicûlas). Un dessin descendant de '
teau, mais sans ces appuiemenis cassés et ce t
, ment aigu de la ligne, qui sont le charme et la s
iure du grand Maître. En outre, le dessin est
lourd, plus rond, plus ramassé, et toujours avei
extrémités balourdes. Lancret ne fO(ï;>as long co
voyait Watteau. 11 serait toutefois injuste de m
accorder à Lancret une certaine ampleur décor
' de beaux contours rocailleux, des grâces parfoi
iides, et, dans le procédé, la trituration du cr
noir et de la sanguine d'un vrai coloriste.
— Une femme debout et déclamant, un masque
main, nn autre assise et chantant, les yeux sur nn lii
musique , toutes deux en robes et en petits toquels ^
de fourrurea.
LA MAISON D'UN ARTISTE.
in sur papier jaunAtre, au crayon noir et à la san-
gouache de blanc.
dem figures se retrouvent dans un tableau de Lan-
louserré dans les apppartements du chAteau de
;in.
le VUlot.
H. 18, L. 30.
)eux femmes vêtues, comme dans le dessin prëcé-
le robes et de toquets &. la polonaise. Elles sont de-
'une en face de l'autre et semblent jouer une scène
Stre,
iin aux trois crajon^s sur papier chamois.
H. 18, L. 24.
)enx hommes dans l'attitude de présenter la main
femme au bas d'un escalier, trois hommes vus de
iQS l'inclination d'un salut.
[Ile de croquis au crayon noir et à la sanguine sur
■ blanc.
ude de l'homme présentant la main a été employée
.ancret, avec un changement, dans I'Adûlescence,
! par de Larmessin.
H. 23, L. 32.
Jn homme de profil tourné à droite dans le mouve-
d'ajuster. Dans le fond, deux répétitions de sa têto
I d'une manière différente.
un sur papier verdâlre rehaussé de blanc.
H. 31, L. 22.
Un homme couché à terre, va de dos, la tête de pro-
rné à gauche.
PETIT SALON. 101
Dessin à la pierre d'Italie, rehaussé de blanc sur papier
jaune.
Étude.
H* 22y L. 23.
Lantâra {Simon Mathurtn). Le peintre, le dessina-
teur amoureux des jeux de la lumière dans les va-
peurs, dans les nuages, et qui met toujours un peu
des vaporisations d'un clair de lune en ses ciels du
jour,
— Un bord de rivière, ayant à droite un bouquet d'arbres,
à gauche les toits d'un village, dans le fond une tour en
ruine. Au premier plan, un homme dont une bourrasque,
qui fait le ciel nébuleux, enlève le chapeau.
Dessin sur papier bleu au crayon noir estompé avec
rehaut de craie.
H. 25, U 39.
La Rue (dit des Batailles), Dessinateur au gros et
épaté contour roussâtre, qu'on dirait une cernée faite
par la pourriture du papier. Les dessins de La Rue
sont très rares.
— Une course de chevaux dans un site italien.
Dessin au bistre tracé à la plume de roseau et lavé d'ane
teinte bleutée.
Vente Peltier.
H. 19, L. 47.
La Tour {Maurice-Quentin de). Un grand, un très
grand pastelliste, mais avant tout Thomme unique
des prépaj'cctionSj de ces savantes et vivantes ébauches
delà physionomie humaine, qui peuvent tenir à côté
9.
102 LA MAISON D'UN ARTISTE.
de n*importe quel portrait de quelque école que ce
soit.
— Une femme vue de face, à mi-corps. Poudrée, en
coiffure basse du milieu du siècle, et d'où s'échappe et se
déroule, à gauche, sur sa gorge, une boucle de cheveux
appelée repentir, elle porte au cou un collier de ruban
bleu, et sa robe décolletée est une robe de velours bleu
garnie de dentelles et de fourrure de cygne. Derrière elle,
le dos d*un fauteuil sculpté se détachant d'un fond bleuâtre.
Pastel.
H. 54, L. 48.
— Masque de La Tour.
Préparation pastellée sur papier jaunâtre.
Étude pour le portrait de l'artiste du Louvre.
H. 27, L. 47.
— Tête de femme de trois quarts tournée à gauche.
Préparation sur papier jaune, poussée au fini du pastel
dans le visage; les cheveux seulement frottés d'une colora-
tion de poudre, le cou indiqué pai^ un trait de craie, le
fond haché de bleu. Préparation mise au carreau.
Étude pour le grand portrait en pied de M™® de Pompa*
dour du Louvre.
H. 36, L. 26 (ovale).
— Tête de femme de trois quarts tournée à gauche.
Préparation sur papier bleu, au crayon noir, rehaussée
de craie, avec de la sanguine seulement sur les lèvres.
Le nom de M"° Dangeville était écrit, d'une écriture
du temps, sur une bande de papier collé sur le petit
cadre noir habituel aux préparations de La Tour. Il est
encore au dos du dessin. L'authenticité de l'attribution
est confirmée par une seconde étude plus avancée qui
figure au Musée de Saint-Quentin sous le u9 64.
H. 30, L. 20.
, • I
PETIT SALON. 1(»
— Tête d'homme vu de trois quarts, tourné à droite, un
mazulipatan noué sur la tête.
Préparation sur papier bleu, aux trois crayons, rehaussée
de pastel.
Étude pour le portrait de Dumont le Romain, conservé
au Louvre.
H. 30, L. 20.
Layreince [Nicolas] . Un gouacheur qui n'a rien de
la large manière de Baudouin, mais non sans mérite
dans ses compositions d'une coloration aimable,
d'un travail précieux, d'un badinage de pinceau dans
les étolTes, léger, volant, zigzagant, et dans les
chairs d'un fin aiguillage de petits tons délicats.
Lavreince est, à l'heure qu'il est, la coqueluche des
amateurs de tabatières, et cette année un riche carros-
sier, M. Miilbacher^ vient d'acheter 25,000 francs les
deux gouaches de « l'Assemblée au Salon » et de
« l'Assemblée au Concert ». Les deux gouaches, cata-
loguées ici, ont été achetées par moi moins chèrement
chez un coiffeur de la rue de Vaugirard. Le besoin
d'amuser, par quelque chose accroché au mur,
l'homme auquel on coupe les cheveux, dont on racle
le menton, a fait de la boutique des coiffeurs de la
banlieue et de la province une des mines où les mar-
chands de Paris et quelquefois les amateurs ont fait
les plus heureuses retrouvailles de dessins et de
gravures du xyiii^ siècle.
— Dans un parc, un homme assis à terre et lisant une
broehure, où se distingue le nom de Figaro , à une société
parmi laquelle sont deux femmes debout, abritées sous
104 LA MAISON D'UN ARTISTE.
la même ombrelle ; en un coin, une jeune fille chatouille
ayec une paille la figure d'un petit garçon qui dort.
Gouache sur vélin.
Signé : Lavreince^ 1782.
Gravé de la même grandeur par Gutenberg, sous le
titre : le Mercure de France. On lit dans l'annonce de la
mise en vente de cette gravure publiée dans le Mercure
de France du 27 novembre 1784 : « La principale figure est
M. de Beaumau^chais lisant dans le Mercure l'extrait du
Figaro» »
H. 29, L. 34.
— Sous de grands arbres, un homme couché à terre,
un coude appuyé sur un tabouret, jouant de la flûte, un
abbé pinçant de la guitare, une femme jouant de la man-
doline ; au milieu du groupe, une autre femme tenant ou-
vert un livre de musique, sur lequel est penchée une jeune
fille.
Gouache sur vélin.
Signé : Lavreince,
Gravé de la même grandeur par C.-N. Varin, sous le
titre : le Concert agréable.
Les gouaches du « Mercure de France » et du « Concert
agréable » passaient en 1787 sous le n^ 378 à la vente
Collet.
H. 29, L. 34.
Le Barbier [Jean- Jacques-François)» L'artiste qui
déshonore les Chansons de La Borde par sa collabo-
ration, l'auteur de grands dessins philosophiques
et patriotiques au trait d'un maître d'écriture, lavés
sur des ombres à l'encre de Chine, de la froide aqua-
relle d'un lavis d'architecture.
— La Peinture et l'Histoire immortalisant Voltaire dans
le temple de Mémoire, où son portrait est accroché à une
PETIT SALON. 105
colonne par un amour, et peint par une femme en tunique
la palette à la niain. Encadrement fait d'un rameau de
laurier enrubanné.
Aquarelle sur trait de plume.
Signé ; Lebarbier l'aîné, 4770.
H. 44, L. 31 (oyale).
Le Bas {Jacques-Philippe), Des dessins en quête
de Lancret, et encore assez souvent de uïignards cro-
quetons à la mine de plomb sur peau vélin, où le
sérieux graveur s'amuse à faire de la bergerie galante.
— Autour d'une table dressée sous un arbre, deux
femmes et deux enfants, au milieu desquels un vieillard,
le chapeau à la main, semble dire le Benedicite.
Dessin sur papier bleu, à la pierre d'Italie avec rehauts
de craie.
Signé dans la marge : J, P. Le Bas, 1739.
H. 27, L. 32.
— Jeune villageoise marchant avec un enfant, les pieds
dans l'eau d'un ruisseau ; au fond, deux femmes chargeant
un cheval.
Croquis à la mine de plomb sur peau vélin.
H. 17, L. 23.
Lemoine. Ce pastelliste , ce dessinateur (1), cet au-
teur du joli profil de la Saint-Huberty, gravé par Jani-
net dans les « Costumes des grands théâtres de Paris »
est aujourd'hui complètement oublié, — et l'homme et
l'œuvre, — et ses dessins, qui ne sont presque jamais
(1) Il était aussi peintre et aurait peint le plafond du théâtre
de Rouen, dont il était originaire.
IM * LA MAISON D'UN ARTISTB.
signés, donnent lieu aux attributions les plus extrava-
gantes. Cependant le portraitiste a laissé des dessins
qui méritent la restitution de son nom au bas de leur
nuageuse indication. Ce sont des bustes de femmes,
des femmes en pied dessinées avec des ombres et
des lumières, sans l'arrêt, pour ainsi dire, d'un con-
tour. Baignées de lueurs diffuses, ces femmes sont
flottantes dans lo fusinage, seulement fortifié çà et
là de quelques accentuations de sauce. Des images
troubles délicieusement vagues, qui demandent
une grande intelligence de la lumière, et qui se rap-
prochent, avec un peu moins de légèreté, de l'estom-
page gris de quelques rares études d'Honoré Pra-
gonard.
— Une femme posée à contre-jour devant une fenêtre,
«ntre une toilette et un pupitre à musique, Elle est assise
les jambes croisées, une main tenant un livre dans le creux
de sa jupe. Vêtue d'une blanche toilette de linon, elle porte
sur la tête un chapeau de paille enrubanné, an rebord
abaissé sur les yeux.
Dessin estompé à la sauce.
H. 45, L. 38.
hÈuoYJHE {François), Un grand dessinateur incorrect,
le précurseur de Boucher, et qui a gardé dans ses
corps de femmes et leurs airs de tête un peu de la
grâce du Parmesan et de la manière de Véronèse.
— Une jeune fille en chemise, assise sur un tertre, la
jambe droite allongée en avant, dans le mouvement d'une
femme qui Ta se laver les pieds.
PETIT SALON. 10?
Dessin sur papier bleu, à la pierre noire, rehaussé de
craie.
Portant les marques des collections Lempereur et Des-
perret.
H. 38, L. 26.
Lempereur {Jean-Baptiste- Denis). Un graveur au-
quel, sans qu'il soit nommé, l'œuvre gravé de Wate-
let doit beaucoup, et un agréable paysagiste en ses
moments de loisir. De Taimable banlieue de Paris,
il a laissé des sanguines d'un cj'oquant particulier,
des aquarelles lavées des eaux de la pâle et blonde
aquarelle de Boucher, des paysages au crayon noir
dont Testompage, mélangé de craie et d'un rien de
sanguine, semble le procédé moderne de Glerget.
— Un escalier, snrmonté de deux sphinx à tôte et à
gorge de femme, posés à rentrée d'une terrasse à balustres
menant à une habitation sous de grands arbres; en bas, on
homme qui pousse une brouette.
Sanguine.
Signé : Lempereur, 1773,
Au dos du dessin était écrit : Vue éPun jardin à Fonte-
nay-aitx-Roses,
H. 30, L. 37.
— Une cour de ferme, où sur la droite est un hangar
fait de troncs d'arbres et de branchages, au fond un homme
assis sur une auge.
Aquarelle sur trait de plume.
Signé : Lempereur f,, 1772.
Dans la marge de Tancienne monture^ de récritare du
paysa^te : A Auinay près Sceaux,
H. 22, L. 29.
A
lOS LA MAISON D'UN ARTISTE.
— Une chaumière au toit défoncé dans un bouquet
d'arbres.
Dessin au crayon noir estompé, mélangé de craie et de
sanguine.
Signé : Lempereur, 1773.
Dans la marge : A Aulnay près Sceaux.
H. 20, L. 31.
Lepaon {Jean- Baptiste). De jolis petits soldats, de
jolis petits canons, de jolis petits campements, de
jolis petits sièges : ce sont là les dessins de cet artiste,
qui s'engagea pour voir la guerre de près, et qui n'en
a jamais été que l'enjoliveur et le bistreur coquet.
Parmi les dessins de Lepaon qui figurent ici, il
en est un curieux. C'est une grande aquarelle qui
détruit Tassertion de Brunn Neer,gaard, avançant
dans le Moniteur du 29 août 1806 (i) que Lepaon
n'a jamais fait d'aquarelle. Puis cette aquarelle
représente l'équipage de chasse de la maison
de Condé, dont Lepaon était le peintre officiel, et
où parmi les piqueurs et au milieu des chevaux et
des chiens figurent les princes de Conti et de Condé.
Du resle, le dessin est assez mauvais, pas assez
cependant, pour que le marchand qui le possédait,
ait cru devoir me le donner par-dessus le marché
pour envelopper une gravure qu*il m'avait vendue.
— Opérations d'un siège avec la vue du camp assié-
geant, de ses tranchées, de ses batteries. Au premier plan,
(1) L'article de Brunn-Neergaard était fait sur le livre : FArt
du dessin en France depuis son rétablissement jusqu'à nos jours,
par le docteur Fiorillo, Gœttingue 1806, un volume allemand
qui, je crois bien, n*a jamais été traduit.
r
PETIT SALON. 109
une femme se promène, une ombrelle à la main, au bras
d'un officier, tandis qu'un peintre, un genou posé à terre,
fait un croquis.
Dessin au bistre sur trait de plume.
H. 19, L. 48.
— Halte de cavalerie dans un village ; au premier plan,
un cavalier, descendu de cheval, prend un sac des mains
d'une vieille femme.
fiistre sur trait de plume.
H. 29, L. 39.
— Un hallali à Chantilly. Un piqueur sonnant de la
trompe à cheval, valet? de chiens se reposant couchés à
terre, chiens se désaltérant à une mare. Sur la droite, en
habits rouges à collets et à revers de velours noir, le
prince de Gonti et le prince de Condé causent ensemble.
Aquarelle.
Signé : Lepan (sic) fecit 1769.
H. 41, L. 56
LÉPiciÉ {Nicolas-Bernard). Du petit, du très petit
Chardin, dans un dessin cependant serré, détaillé,
étudié à la pointe d'une pierre d'Italie très grise, sur
du papier jaune, avec des rehauts de craie et de san-
guine, qui font des études d'après nature de Lépicié,
de tièdes et de blondes préparations pour sa claire
peinture.
— Dans un intérieur rustique, Lépicié, assis, prend un
verre de vin sur une taÈle, ayant entre ses jambes un
enfant qui mange un morceau de pain.
Dessin terminé au crayon noir, rehaussé de craie et de
sanguine.
Signé : Lépicié,
:. 10
IW LA MAISON D'UN ARTISTE.
C'est le dessin du tableau qui figurait dans la galeh»
Boitelle.
H. 45, L. 38.
liEmmcE {Jean-Baptiste). L'esprit, le ragoût, la cou-
leur de Boucher transportés dans des dessins, dan*
des lavis, presque tous consacrés à la reproduc-
tion de sujets russes. Le dessin des « Joueurs de
tonneau » a son histoire : acheté par le marchand
de gravures Dauvin, chez le peintre Decamps,il avait
fait presque les frais de la composition d'un de ses
tableaux.
— Une jeune femme en costame russe, tm oiseau posé
sur un doigt de sa main.
Sanguine.
Gravé en fac-similé dans l'œuvre de Demarteati, sous le
n« 537.
H, 33, L. n.
' — Dans un riche intérieur, une femme en eostume russ&
jouant de la guitare, pendant qu'une petite esclave pose
un rafraîchissement sur une table.
Aquarelle.
Gravé en couleur par Marin, sotis le Utre : The JPuiasoees^
op 90LITCD, et publié à Londres.
H. 23, L. 15.
— Dans un paysage russe, un pont élevé sur de hauts-
piliers menant à la porte d'une ville fortifiée.
Bistre.
Signé ; JB. Le Prince.
H. 24, L. 26.
— A la porte d'une chaumière, cinq paysans jouant au
PETIT SALON. 111
tonneau;. dans le fond, un homme prenant une femme par
la taille.
Bistre.
fl. 27) L. 35»
— Dans un caback, une guinguette des environs de
Moscou, devant une estrade où des gens boivent et fument,
un couple de Russes exécute la danse nationale, aux sons
d'un orchestre monté sur des tonneaux.
Lavis d'encre de Chine sur frottis de sanguine.
Signé : Le Pnnce, i 776.
Gravé par Leprince, sous le titre ; la Danse bussb.
H. 32, L. 57.
Lesueur {Louis). Dessinateur-paysagiste qui raye
«t grifTonne ses lavis de fins traits de plume, ressem-
blant à Tégratignure d'une aiguille sur du cuivre.
— Cour de ferme devant la porte de laquelle un âne
chargé de paniers se met" au pas, suivi de la fermière.
Bistre retouché de plume.
Signé ; L. Lesueur, 1782.
H. 13, L. 21.
LioTARD [Jean-É tienne). L'artiste excentrique et
cosmopolite, le pastelliste de « la Chocolatière » dont
les trois crayons ont une certaine ressemblance avec
les trois crayons de Portail, et dont, par un hasard
inexplicable, on ne connaît guère que des contre-
épreuves. Je crois que la femme de ma collection
est de la suite de ces costumes de femmes de tous
les pays contre-épreuvées, que possède le cabinet
des Estampes.
ut LA MAISON D*UN ARTISTE.
— Femme de profil tournée à droite, la tête vue de trois
quarts. Habillée d'une robe semée de pois sur laquelle est
jeté un mantelet à capuchon, elle tient ses mains dans un
petit manchon de soie au rebord de fourrure.
Contre-épreuve d'un dessin à la pierre d'Italie et à la
sanguine.
H. 30, L. 20.
LouTHERBODRG {Philippe-Jacques). Tantôt imitant
le faire de Leprince, tantôt le faire des maîtres fla-
mands, et, dans cette dernière imitation, se servant
d'un papier rugueux assez semblable au papier pré-
paré pour la peinture à l'huile, et sur lequel, les
lavis au bistre prennent le caractère d'esquisses
brossées au bitume.
— Réjouissances publiques, où des pifferari font danser
des marionnettes; sur une fontaine décorative est écrit
de la main du peintre : Il nous est rendu
Bistre sur trait de plume.
Signé au pinoeau : Loutherbourg,
Vente Tondu.
H. 27, L. 36.
— Repos de pâtres italiens sous un grand arbre ; à droite,
un homme, monté sur une mule caparaçonnée, boit à une
gourde, la tête renversée en arrière.
Bistre avec rehauts de blanc de gouache sur un papier
préparé, à la nuance verdâtre.
H. 33, L. 43.
Machy [Pierre-Antoine de). Devant les aquarelles de
cet homme, dont la peinture rappelle un peu la pein-
ture de Guardi, un étonnement vous prend à les
PETIT SALON. 113
trouver si sales, et peuplées de personnages qui an-
noncent les bonshommes de Béricourt.
— La colonnade du Louvre en perspective, au fond le
palais Mazarin et l'Hôtel des Monnaies, à droite les mai-
sons qui masquaient la façade de Saint-Germain-l'Auxer-
rois (i). De nombreux personnages sur la petite place, un
arracheur de dents, un marchand de morts aux rats, un
porteur d'eau, des marchandes à éventaires, des pro-
meneurs.
Aquarelle.
H. 33y L. 63.
Mallet [Jean-Baptiste). Le dernier représentant
de la gouache, de cet art tout xviii^ siècle, et qui ne
survécut pas à la monarchie. Aussi les gouaches de
Mallet, passé la Révolution, sont aigres, ses chairs
de femmes briquées, Tensemble du travail pénible.
Et il arrive un moment où Mallet laisse le faire et le
badinage de Tancienne gouache française, pour une
gouache qu'il touche avec les petites lumières car-
rées de la peinture de Téniers, appliquée à des sujets
français qu'il habille à la hollandaise.
— Dans une chambre, décorée à la mode du Directoire,
et que des objets de peinture, posés sur un secrétaire, disent
la chambre d'un peintre, un jeune homme verse une tasse
de thé à son modèle, une femme m chemise assise sur
ses genoux, tandis qu'une autre femme, debout devant le
gioupe, remue une cuiller dans la tasse qu'elle tient à la
main.
(1) On rencontre, du môme artiste, de nombreux croquis de la
démolition de ces maisons.
10,
LA MAISON D'UN ARTISTE.
r un carlon : Malet f. (1).
H. 22. L. 29.
tiquaire assis dans une galerie, où se yoieot dei
!S bustes, des vases, des lampes, une nioniie ;
femme, qu'un jeune homme tient par la taille,
ec lui dans le tiroir d'un médaillier.
e sur trait de plume, relevée de gouacbe.
u tableau exposé au Salon de l'ao IX.
H. 24, L. 32.
l'encadrement d'une fenêtre soutenue ao
une statuette d'Amour, et où monte une vigne,
e, eu costume flaoïand, fait pisser, dans un vasa
un petit enfant i La J>Eaisière écourtée.
I pinceau dans la muraille : Mallet.
H. 23, L. 17.
ER [Cléntmt-Pierre). Ce vigneltiste.que les
es sont en train de fairel'égal des premiers
genre, commence la série des illustrateur*
plus le dessin du peintre, ainsi que l'avaient
Moreau, Eisen, et ne peuvent sortir du
in pinoché du graveur. Dans ses composi-
plus réussies, Marilljer ne s'élève jamais
e la gentillesse,
jeune femme alitée dans sa chambre à couclier
ti pas besoin de dire que les riiules d' orthographe
mes rl;ins les signatures parnùtemcnt auihenliqtie»
PETIT SALON. US
«t à laquelle une fîlle de chambre apporte une tasse de
tÎMoe; à son chevet est assis un gentilhomme.
Dessin à la plume lavé de bistre.
Signé dan» la marge : €, P. Marillier inv. 1775.
Gravé par de Longueil pour les œuvres d'Arnaud de
Baculard.
H. 6, L. 9.
— Une jeune femme, qu'une fille de chambre habille
deviaint un miroir tenu par une autre chambrière; un
rustaudi le chapeau à la main, e^ en train de saluer 1«
femme.
Bistre«
Signé dans la marge : 0. P. MariUier ino. 1775.
Gravé par Delaunaj pour le conte de Pauuni kt Sozstti»
4mecdote flrançaiie,
H. 6, L. 9.
•^ Dans un eadre^ un enfant nu couché aux pieds de deux
bornes, au-dessus un miroir entouré de rayons, au-des-
sous une épée suspendue dans une couronne de laurier.
Lavis à l'encre de Chine.
Signé : C. P. Marillier inv, 1779.
firavé par Texier pour le cul- de-lampe de \auus9B$
anecdote.
H. H,L. 8.
Massé {Jean- Baptiste), Un portraitiste faisant revi-
vre dans les petits* portraits qu'il fait de ses con-
temporains, le sourire de l'époque. Il est miniaturiste
dé son métier, et ses dessins, lumineux et roses sur
papier jaune, ont quelque chose de l'ébauche sur
rivoire d'une miniature.
Buste d'un homme de cour poudré, un laFge nœud de
mban noir au cou.
M
LA MAISON D'UN ARTISTE.
Dessin sur papier jaune, au crayon noir estompé avec
rehauts de craie et de sanguine, et encore avec un léger
lavis d*aquarelle sur la figure.
Signé dans Tencadrement : J,-B. Massé fecit,
H. 17, L. 13 (ovale).
Meissonnier [Juste- Aurèlé), L'ornemaniste au beau
dessin turgide, amendé toutefois, en sa correcte
exubérance, des extravagances et des écarts de goût
du Borromini, — le créateur de la rocaille française.
— Candélabre à cinq lumières, imaginé dans le serpen-
tement et Tentre-croisement de branchages; un aigle
dans la niche, formée en bas par les tortils de la rocaille,
un amour soutenant la plus haute girandole.
Dessin au crayon noir et à la plume et à Tencre de
Chine, lavé d'une teinte jaune. Il a été mis au carreau.
Gravé dans l'Œuvre de Meissonnier sous le titre : Projet
d'un grand Chandelier pour le Roi.
H. 29, L. 19.
Monnet [Charles), Peintre d'histoire et dessinateur
possédant le dessin courant du temps.
— Le Dauphin, la Dauphine travaillant à un métier de
tapisserie, entourés de leurs enfants {Louis XVI, Louis XVIII,
Charles X).
Lavis d'encre de Chine sur trait de plume.
On lit au dos du dessin, d'une écriture du temps :
« M, le Dauphin, M^^ la Dauphine, les trois princes, M. le
duc de la Vauguyon et le Père Berthier, composition origi-
nale de Monnet, peintre du Boi. J'en ai trois autres du même
sujet par le même avec différences. » Un de ces trois autres
projets, en hauteur et au bistre, existe au revers du dessin.
Ce dessin du tableau exposé au Salon de 1771 1 réduit
PETIT SALON. 117
I
à la dimension d'une vignette, a été gravé sous le titre :
Quelle école pour les pères! dans « le Vicomte de Valmont
ou les Égarements de la Raison », vol. IV.
Vente Monmerqué.
H. 38, L. 41.
— Télémaque embrassant l'Amour dans les bras d'Eu-
charis; au fond, danse de nymphes.
Gouache sur vélin.
Dessin original (i) faisant partie de l'illustration de
l'exemplaire du « Télémaque » de Didot in-4», imprimé sur
peau vélin que j'ai possédé.
H. 20, L. 14.
MovŒAi} le jeune [Jean- Michel), L'habile ordonna-
teur et metteur en scène des assemblées de gentils-
hommes et de grandes dames parées, des Sacres,
des Revues, des Bals de cour, des Feux d'artifices,
le dessinateur sans pareil des intérieurs et des élé-
gances de la vie de son temps. J'ai eu la bonne for-
tune d'acquérir son plus beau dessin et je vais
raconter l'histoire de ce dessin. Dans la vie de Le Bas
d'après des notes manuscrites de l'expert Joullain,
chargé de la vente du graveur, mon frère et moi
avons dit qu'il avait été commandé par Le Bas h
Moreau :'« M. 'Moreau jeune avait fait prix avec
M. Le Bas pour ce dessin à 600 livres payées comptant,
et deux douzaines de la planche qui devait être gra-
(1) Les dessins au trait, lavés de bistre, tels qu'ils sont gravés,
sont de Monnet; mais je doute que les miniatures finies soient
du peintre. Les peintres d'alors, à l'imitation de Boucher, de
Fragonard, avaient des femmes artistes, des femmes miniatu-
ristes, qu'ils faisaient souvent travailler sous leur nom.
118 LA MAISON D'UN ARTISTE.
vée d'après ce dessin, dont moitié desdites épreuves
avant et moitié après la lettre. Il a exigé de la sue-
cession de M. LeBas pour indemnité de ces épreuves
la somme de 480 livres. Il avait reçu 600 livres ;
total 1,080 livres. » A cette vente Le Bas, en 1783, le
xlessin payé 1,080 livres se vendait seulement 610, et
était acheté par le libraire Lamy qui l'acquérait pour
le faire graver (1). Des mains de Lamy où passait le
dessin ? On ne le savait, et on le croyait perdu, lors-
qu'il se retrouvait, en 1859, en la possession d'un
petit chemisier'du quartier des Halles, dont la femme,
de bonne famille, était la fille d'une personne qui,
je crois, avait été attachée au service du comte de
Bordeaux. Le dessin était offert au Musée, et suc-
cessivement à tous les riches amateurs de Paris, au
prix de 1,000 francs.M.Reiset m'indiquait l'existence
du dessin. J'allais le voir et étais très tenté, mais je
me trouvais n'avoir devers moi que quelques cen-
taines de francs et ne pouvais en offrir que quatre
cents francs. J'étais refusé, et n'y pensais plus
quand, à quelques semaines de là, un soir on sonna
chez moi. J'allais ouvrir et me trouvais en face d'un^
jeune femme, portant sur son bras un enfant, et
tenant de sa main libre une grande chose enve-
loppée dans une serviette. C'était la Revue du Roi.
J'avoue que, quand je regarde mon Moreau aujour-
d'hui, je ressens comme un remords d'avoir eu à
offrir si peu d'argent à cette pauvre femme si tou-
(1) Voir plus loin, aux lettres de peintres, le traité pour la
gravure de ce dessin entre l'éditeur Lamy et le graveur Malbeste.
à
PETIT SALON. Il»-
chante dans son sacrifice, où Ton sentait la gêne
â*affàii^s embarrassées.
— Petite fille endormie dans son lit. Elle est représen-
tée de profil tournée à gauche, ses deux bras reposant
sur le drap que soulève une de ses jambes relevée.
La même petite fille endormie tournée de l'autre côté.
Elle a la tête soulevée et enfoncée dans Toreiller, et les
deux bras étendus et croisés devant elle.
Dessins lavés d'encre de Chine sur trait de plume.
— Deux études, très probablement faites parle père, d'a-
près la petite fille, devenue depuis la mère d'Horace Vemet.
H. iO, L. 15.
-^ 'Vieille femme assise, les bras croisés, an mantelet
de soie noire sur les épaules; à côté d'elle, un chat snr
une table. Le mur du fond est décoré de quelques estam-
pes encadrées, parmi lesquelles on remarque la Tête d'ex^
mBssiON, gravée par Cochin, et une marine d'après Vemet,
à laquelle la mère de Cochin a travaillé. Serait-ce le por-
trait de Madeleine Horthemels?
Dessin lavé an bistre sur trait de plume.
H. 19, L. 16.
— Le roi Louis XY à cheval, son livret en main, passant
la revue de sa Maison militaire, qui défile dans le fond ;
an premier plan nombreux earrosses sur lesquels sont
montées des chambrières dont les jupes s'envolent sous
un coup de vent.
Dessin lavé à l'encre de Chine sur trait de plume.
Signé : J. M. Moineau le Jeune i 769.
Ce dessin, exposé au Salon de 1781, a été gravé de la
même grandeur par Malbeste, sous le titre : la Revue du
Roi a la plaine des Sablons.
Vente Le Bas.
H. 35, L. 74.
A
120 LA MAISON D'UN ARTISTE.
— Dfins la basilique de Reims, le roi Louis XVI prê-
tant entre les . mains de l'archevêque « le serment du
royaume ».
Dessin lavé de bistre sur trait de plume.
Signé : J. M. Moreau le Jeune, 1773.
Première idée de la scène gravée avec changement et
ampliation à droite, sous le titre : le Sacre de Loois XVI,
dessiné d'après nature et gravé .par J. M. Moreau le Jeune,
dessinateur et graveur du cabinet du Roi, 1779.
H. 37, L. 49.
— La reine Marie-Antoinette allant, le 21 janvier 1782,
rendre grâce à Notre-Dame et à Sainte-Geneviève pour
la naissance du Dauphin. Partie de la Muette, ayant pris
ses voitures au rond du Cours-la-Reine, elle passe sur la
place Louis XV, dans un carrosse attelé de huit chevaux
blancs, et suivi des cent-gardes du corps du Roi. Le des-
sin est pris de la terrasse du palais Bourbon, où des cu-
rieux pressés contre la balustrade regardent le défilé et
la foule immense de l'autre côté de la Seine. Dans le coin,
à gauche, le prince de Condé et le duc de Çourbon cau-
sent, les mains dans des manchons, avec un groupe de
femmes.
Dessin lavé à l'aquarelle sur trait de plume.
Ce dessin, qui faisait partie des dessins commandés à
Moreau pour perpétuer le souvenir des journées des 21 et
23 janvier 1782, n'a point été gravé. Est-ce le dessin lavé
offrant une vue perspective de la place Louis XV prise de
la terrasse du palais Bourbon, que Thierry place dans
le boudoir du palais?
H. 45, L. lOo.
— Diane, — Iphigénie, — Oreste — Thoas, — Garde de
thoas, — Scythe.
Dessins à l'aquarelle sur trait de plume.
PETIT SALON. 121
Signés tous. les six : J. M. Moreau le Jeune, 1781.
Recueil des costumes commandés par l'Académie royale
de musique à Moreau, pour moiiter l'opéra d' « Iphigénie
en Tauride », dont la première représentation eut lieu
le 23 janvier 1781.
H, 23, L. 16.
— Un pont en bois jeté sur une petite île et reliant les
deux rives d'une rivière ombragée d'arbres, où se tien-
nent des pécheurs à la ligne.
Dessin à l'encre de Chine.
H. 26, L. 35.
Moreau l'aîné (Louis). Un des gouacheurs les plus
habiles, les plus légers, les plus pimpants, et le
paysagiste qui, pour moi, a seul rendu la gaieté et
le riant de la campagne parisienne. Les deux goua-
ches de ma collection sont de la plus belle qualité du
Maître. Le jour où je les vis à l'exposition du boule-
vard des Italiens en 1860, ce fut chez moi un désir
foù de les posséder. Et ce désir était de temps en
temps réveillé par une vente que faisait, par-ci par
là,leurpossesseur, le miniaturiste Carrier : une vente
où les gouaches désirées n'apparaissaient jamais.
J'en étais venu à des vœux homicides, et étais pres-
que tenté d'imiter ce monsieur, auquel un de mes
oncles avait enlevé aux enchères une paire de cornets
de Chine d'un rouge très laid, mais introuvable;
pendant plusieurs années, il vint tous les ans s'in-
former chez le concierge si mon oncle était encore
vivant. Enfin M. Carrier mourait en 1875, et les
aquarelles étaient vendues; mais cette fois, au lieu
1. 11
122 LA. MAISON D'UN ARTISTE.
de les acheter 2 ou 300 francs, leur valeur en 1860,
J'étais forcé de les payer 4,325 francs.
— Entrée d'un parc auquel mènent cinq marches^ à
gauche une rangée de caisses et de pots de fleiws. Dame,,
nne ombrelle à la main, dont un serviteur porte la traîne.
Gouache.
Signé : L, M. 1780.
Vente Carrier.
H. 29, L. 23 (ovale).
— Intérieur de parc, où, sous un arbre penché, se voit
le départ d'une rampe d'escalier, surmontée d'une pomme
de pin en pierre. Bergère assise, une houlette en travers
des genoux ; un berger lui offre un bouquet de Ûears.
Gouache.
Signé .L,M. 1780.
Vente Carrier.
H. 29, L. 22 (ovale).
— Jardin chinois, où s'élève au milieu des arbres nne
pagode à clochetons; une gondole à l'anere dans une
pièce d'eau. A droite, au premier plan, un gentilhomme
donne des ordres à un jardinier; à gauche, un homme,
une bêche à la main, est assis sur un rouleau à fouler 1&
gazon.
Aquarelle légèrement gouachée.
H. 39, L. 32 (ovale).
Natoire [Charles), Le Boucher de la seconde
moitié du siècle, mais n'ayant de son prédécesseur,
et de seconde main encore, que la pratique et la
convention, et rien de ce que Boucher avait vu de
la nature, même avec ses yeux du xviif siècle.
Toutefois il y a, dans l'œuvre de Natoire, des paysa-
iAL
PETIT SALON. in
ges romains, amusants, spirituellement décoratifs,
faits d'un rien d'aquarelle et de gouache jeté sur une
feuille de papier Jileu couverte d'un croquis à la
plume : des dessins que le peintre aimait, collection-
nait, et dont on vendait une suite de 160 à sa mort.
— Dessin aJlégoriqne pour la naissance d'un dauphin
de France. Un génie dans une drHpevie Ueurdelysée, pré-
sentant un nouveau-né à l'Olympe trônant .sur les nuages,
sous les yens d'une tamme assise, au manteau doublé
d'hermine, et entourée des Muses. Au premier plan, à
droite, les nymphes de la Seine offrant des fleur?, à gau-
che, une caverne où reuteent les génies de la Discorde,
an milieu des amours joaant avec des globes terresti-es
et des télescopes.
Aquarelle sur crayonnage.
H. 43, L. 69.
— Deux figures de femmes couchées sur les nuages et
représentant : le Priutemps, l'Été.
Lavis au bistre sur papier bleu avec rehauts de blaoo
de gouache (1).
Ces deux dessins ont été exécutés pour des plafonds.
H. 20, L. 25.
— La Huse de la musique entourée d'amours , nua
main sur une lyre, l'autre soutenant la bande d'une parti-
tion qu'on amour déroule dans le ciel.
(t) Ces deui dessins sont d'une manière un peu différente de
la maniËre de Natoire, d'un faire plus italien, mais je les lleDS
pour de parfaits Natoire. Reconniitre un dessin écrit avec l'écri-
tnre de tous les jours d'un peintre, ce n'est pas absolument dif-
ficile pour un amateur qui vit dans les dessins: mais reconnaî-
tre un dessin, où le maître a modilîé sa mnniére, a varié ses
procàdêa : Toilà quelle doit être lambiticai du connaisseurl
124 LA MAISON D'UN ARTISTE.
Dessin sur papier bleu à la pierre d'Italie rehaussé de
craie.
Dessin d'un dessus de porte.
H. 2i,L. 29.
— Vue de la villa d'Esté. Au premier plan une femme
agenouillée donnant à boire à des chèvres, et sur le piédes-
tal d'une louve allaitant Rémus et Romulus, un homme
jouant de la guitare.
Croquis à la plume lavé d'aquarelle et de gouache sur
papier bleu.
Signé : Villa d'Est magio 1766 C. N.
H. 30, L. 47.
Nattier [Jean-Marc), Le portraitiste auquel est
attribué un certain nombre d'études rapides, enlevées
d'une manière similaire, mais dont on n'a pas
retrouvé, que je sache encore, la peinture ou la gra-
vure d'aucun de ces jets sur le papier (1). A ces
études de portraits se trouve réunie dans ma collée-
tion, une grande machine décorative, une de ces
composition^ avec lesquelles Nattier, qui se levait de
fort bonne heure, amusait ses matinées avant l'ar-
rivée de ses modèles du grand monde.
— Une femme à mi-corps, assise de face sur une chaise,
le haut du corps un peu penché à droite, en train de faire
de la frivolité.
(1) Cependant on parle dune étude faite dans ces conditions, et
où Nattier a écrit sur le dessin, avec son orthographe singulière :
Madame de Pris — filles de M. de Pleneuse — estant jeune, lon-
gue fay — fait toute la famille de — M. de Pleneuse,
PEUT SALON. 125
Dessin snr papier bleu, à la pierre d'Italie, rehaussé de
craie.
Vente Villot (1).
H. 33, L. 30.
— Un homme à mi-corps, de profil, tourné à droite,
la tête retournée et vue de trois quarts, un carton sur les
genoux, à la main un compas avec lequel il trace une
figure géométrique.
Dessin sur papier bleu à la pierre d'Italie, rehaussé
de craie.
Vente Villot.
H. 30, L. 25,
— Triomphe d'Amphitrite ; au-dessus de la conque
traînée sur les eaux, une grande voile déployée dans le
ciel que soulèvent et tendent des amours.
Lavis d'encre de Chine sur trait de plume, avec dans
certaines parties des rehauts de blanc de gouache. Le
dessin a été mis au carreau.
Signé au dos du dessin : J. M. Nattier invenit et delinea-
vit 1758, et, d'une écriture du temps, au crayon : Peint
en 1759. ,
Vente Peltier.
H. 29, L. 52.
NoRBLiN [Jean- Pierre de la Gourdaine), Un faiseur
de taches à Tencre de Chine, à l'imitation des taches
au bistre faites par Fragonard ; un crayonneur gras
et croquant à la mine de plomb, à Timitation des
crayonnages de Fragonard à la sanguine.
^ — Un cabaret où un homme cherche à embrasser une
femme qui se défend.
(1) Catalogué sous le nom de Roslin.
11.
..JÀ
126 Là maison D'UN ABTISTB.
Une course à la bague dans la campagne, où Ton voit
au premier plan un homme caracolant, armé d'une lance.
Deux croquetons à la mine de plomb.
H. 10, L. i7.
— La Main-chaude. Sous de grands arbres, au milieu
d'une nombreuse compagnie, une jeune fille frappant
dans la main posée sur le dos d'un homme, dont la tête
est cachée dans les jupes d'une femme.
Lavis à l'encre de Chine sur trait de plume, en forme
d'écran,
H. 29, L. 27,
— Le Jeu de bascule. Sous de grands arbres^ des jeunea
filles et des jeunes gens se balançant sur un tronc d'aibre
basculant.
Lavis à l'encre de Chine sur trait dé plume, ea forme
d'écran.
H. 29, L. 27.
Olivier {Michel-Barthélémy). Des dessins non si-
gnés, que les marchands ont offerts pendant long-
temps aux amateurs, sous des attributions absurde's,
et que les amateurs n'achetaient pas, les croyant
fabriqués par un faussaire : ces dessins ayant quel-
que chose d'une modernité suspecte. Enfin, il y a
une quinzaine d'années, dans une vente, je crois, d'un
descendant d'Olivier, arrivait aux enchères un lot de
ses eaux-fortes et de ses dessins, dont quelques-uns
étaient la première idée de quelques-unes des eaux-
fortes. Ce jour-là on était fixé sur ces dessins incon-
nus, on avait à faire à Olivier, le peintre officiel du
prince de Conti, l'auteur des curieux tableaux du
PETIT SALON. m
Thé à tanglaise dans le salon des Qualn-Glaces au
Temple, d e la Fête dans le Bois de Cassan à CJle-Adam .
Les dessins d'Olivier sont de petits, petits, petits des-
sins, àla recherche d'intentions spirituelles, et s'ap-
pliquant à rappeler dans le mélange de la sanguine,
du crayon noir, de la craie, l'esprit et la couleur
des dessins de l'école de "Watleau. Quelquefois même
des touches de pastel viennent s'ajouter aux trois
crayons et agrémenter les études du peintre galant
du Temple, d'un coloriage léger et gai. Très souvent
aussi, à l'iniitalion de Walleau, le sujet principal est
accompagné du crayonnage d'une tête, d'un bras,
d'une main, d'un croipieton qui fait contraste avec
l'étude terminée.
— Deux femmes de profil, tournées & gauche, se pro-
menant. Elles sont hahilléea en grand habit a^ec des plumes
dans les cheïeui ; l'UDe d'elles tient Ô la main un Éventail
fermé. Sur le Tond est jetée une étude de ISte.
Dessin aui trois crayons sur papier chamois.
H.24, L. 17.
— Femme assise à terre, coiffée d'un papillon , elle est
entourée d'études de bras et de mains.
Sanguine-, (rois des études de bras et de mains sont à
la pierre d'Italie.
H. 15, L. 20.
— Femme assise, les jambes allongées, une main tendua
128 LA MAISON D*UN ARTISTE.
— Rose endormie, couchée sur une chaise longue, un
livre tombé de ses mains; du dessous de ses jupes remon-
tées, son petit chien toutou aboie après un garçonnet pen-
ché sur le dossier et regardant les mollets de la belle.
Dessin sur papier bleu, à la pierre d'Italie, frotté de
sanguine et rehaussé de blanc.
Ce dessin, en hauteur, a été gravé en largeur avec de
nombreux changements et l'introduction d'une fille de
chambre, sous le titre ; le Sommeil interrompu. Il ne porte
ni nom de dessinateur ni nom de graveur, dans sa marge
qu'emplissent vingt-cinq vers.
H. 32, L. 26.
OuDRY {Jean-Bàptîste), On disait, de son temps, Ou-
dry encore plus attaché à ses dessins qu'à ses ta-
bleaux, et que, de ses dessins, il composait des por-
tefeuilles de cinquante morceaux variés, de manière
que celui qui en possédait un seul, avait un échan-
tillon de tous les genres embrassés par le peintre.
En effet, Tillustrateur des Fables de la Fontaine est
universel, mais plus particulièrement paysagiste et
avant tout animalier. Dans ses dessins d'animaux
presque toujours exécutés sur papier bleu, àla pierre
noire avec rehauts de craie, il apporte une habileté
dont le seul défaut est peut-être la constante égalité,
le faire uniformément semblable, une perfection qui
vous laisse sans surprise. Ses dessins aux beaux écra-
sements de crayon noir dans l'ombre, aux détails
simplifiés dans les clairs, — et tout lumineux des lu-
mières posées par l'homme qui peignait des oiseaux
blancs sur fond blanc, — arrivent à une unité d'effet
extraordinaire et sous des apparences faciles, à ce
PETIT SALON. 12»
résumé concret de Tobjet représenté que donne seul
un savoir énorme. Et les heureux et magistraux des-
sins qu'a laissés ce dessinateur toujours occupé à
crayonner, ce dessinateur « des perdrix au plumage
bizarre, des cerfs à tête singulière » tués par le Roi,
ce dessinateur de tous les animaux inconnus et
étranges arrivant à la ménagerie de Versailles. Ce
sont de pittoresques accumulis de poissons qui lui
faisaient faire, au dire des « Mémoires des Académi-
ciens », dix voyages à Dieppe pour les dessiner dans
toute leur fraîcheur; ce sont de ces buffets ou de ces
dispositions de deux pièces de gibier, accrochées à un
clou au-dessus d'une tablette garnie de victuailles
ou d'accessoires, d'une touche de crayon qu'on sup-
poserait être celle de Chardin ; ce sont de savantes
études de chiens, de la grosse bête chassée par la
vénerie royale, etc. Et même le paysagiste n'est pas
à dédaigner; ses dessins de grands parcs avec un bout
d'escalier, avec un angle de terrasse à balustres, se
font remarquer tout de suite par une connaissance
de l'anatomie de l'arbre, une science de ses embran-
chements, et encore par un éclairage du dessous des
grandes futaies qui n'appartiennent qu'à Oudry.
A propos des dessins à la sanguine d'animaux
d'Oudry, on doit se défier de certains dessins un peu
dans sa manière, mais d'un crayonnage plus maigre,
et qui sont du nommé Dugommer; quant à ses pay-
sages à la pierre d'Italie, sur papier bleu, il faut
prendre garde à quelques dessins de Pierre, moins
libres cependant que ceux d'Oudry, mais qui a tra-
^
i30 LA MAISON D'UN ARTISTE.
vaille d'après nature à Arcueil, dans l'ancien parc du
prince de Guise, et reproduit les mêmes motifs que
son confrère. Enfin il ne faut pas craindre d'ache-
ter des paysages d'Oudry dans lesquels se promènent
des personnages deTEmpire : un marchand'du com-
mencement du siècle qui en possédait un certain
nombre, ayant eu, pour les vendre, l'idée de faire
peupler leur vide et leur solitude, par un artiste
contemporain dont on m'a dit le nom que j'ai ou-
blié.
— Un chien barbet surprenant un cygne sur ses œufs.
Dessin sur papier bleu, lavé à l'encre (Te Chine, rehaussé
de gouache.
Signé : Oudry fecit pour présent.
Dessin du tableau exposé au Salon de i742 et peint pour
la salle à manger de M. Bernard l'aîné.
H. 35, L. 40.
— Attaque d'un loup par trois dogues.
Dessin sur papier bleu, à la pierre d'ItaUe, rehaussé de
blanc et de quelques touches de pastel.
H. 44, L. 27.
— Dans l'angle ruineux d'un parapet donnant sur la mer,
un amoncellement de poissons surmontés d'un congre et
d'une anguille de mer ficelés à un clou; sur le parapet, un
perroquet.
Dessin sur papier bleu, à la pierre d'Italie, rehaussé de
craie.
Signé à la plume : Oudry, 1740.
Vente Andreossy.
H. 31 , L. 43.
PETIT ;8AL0N. 131
— Un baquet débordanl de poissons de mer répandus
à terre; sur un bout de mât où sèche un filet, un perro'
Dessin sur papier bleu, à la pierre d'Italie, rebaussé de
Signé à la plume : Oudry, 1740.
Vente Andreossj.
H. 31, L. 40.
— Un canard et un lièvre accrochés à nn cloii ; ea bas,
des bouteilles, du pain, du fromage.
Dessin sur papier bleu, k la pierre d'Italie, rehaussé de
craie.
Dessin du tableau peint pour le dessus de chemÎDée de
M. Jombert, libraire, et exposé au Salon de 1742.
H. 39, L. 2Î.
— Dans une niche de buffet, un faisan et un liËvre ac-
crochés à an cloc ; sur la tablette, gigot, Tolaille piquée,
cardons, bouteilles et panier.
Dessin sur papier bleu, & la pierre d'Italie, rehaussé de
Signé iJ.B.Oudry, 1743.
Dessin du tableau fait pour la salle à manger de M. Roet-
tiers, orféïre du Roi, et exposé au Salon de 1753. 11 y a
quelques changements dans les accessoires.
H. 35, L. 26.
— Un chien à côté d'un tubouret de canne où sont posés
une musette, des estampes, un livre.
Dessin sur papier bleu, à la pierre d'Italie, rebaussé de
craie.
Dessia du tableau pour devant de cheminée eicposé
au Salon de 1742 et aciiuis par M. Watolet. Le tableau est
132 LA MAISON D'UN ARTISTE.
aujourd'hui au château de Jeand'heurs appartenant à
M. Léon Rattier.
H. 24, L. 33.
— Vue d'un parc terminé par une terrasse à halustres
donnant sur une rivière.
Dessin sur papier bleu, à la pierre d'Italie, rehaussé de
craie.
Signé : J. B, Oudi-y, 1744.
Vente Guichardot.
H. 32, L. 53.
Pajou {Augustin), Un sculpteur qui dessine avec le
pittoresque, le brio d'un dessinateur de profession.
Ses dessins, qui ne sont pas très communs, sont gé-
néralement lavés d'un chaud bistre sur un trait
de plume.
— Projet d'une fontaine à têtes de béliers et à godrons,
surmontée d'un cygne, et dont la panse, où deux amours
s'embrassent, est soutenue par deux satyres. Le socle ost
formé par trois cariatides à queue de serpent.
Bistre sur trait de plume.
Signé ; Pajou,
Vente Tondu.
H. 32, L. 18.
— Projet de brûle-parfum, au couronnement formé
d'un amour et de deux satyres.
Bistre sur trait de plume avec rehauts de blanc de
gouache.
H. 14, L. 18.
— Dans un fronton, accoudées à une écusson vide et
couronné de lleurs de lys, les figures de la Prudence et de
la Libéralité.
PETIT SALON. 133
Sanguine.
Ce dessin, très terminé, est le projet définitif, et tel qu'il
a été exécuté, du fronton du pavillon de droite du Palais-
Royal, sur la place.
H. 22, L. 59.
Parizeau [Pk,-L.). Des dessins de paysage où tout
est gracieux : les arbres, les bêtes, les paysans.
— Une chaumière, où une femme, assise dans la baie de
a porte, est entourée de petits enfants jouant sur Je seuil.
Sanguine.
Signé sur le mur de la chaumière : Ph. I». Parizeau,
1775, près Longjumeau.
Étude par Parizeau, dans un voyage avec Wille, et dont
Wille donne les étapes dans ses « Mémoires », à la date du
3 septembre 1775.
H. 18, L. 43.
Parrocel [Charles). Le peintre de l'entrée de l'Am-
bassadeur turc, le coloriste, dont les yeux semblent
avoir toujours gardé la mémoire de ces tableaux de
Bourguignon faits sur cuir doré, et où Tor, épargné
par la peinture, faisait les cuirasses ; le dessinateur
dont la plume et la sanguine ont une sorte de furia^
le croqueur instantané habitué à saisir le galop d'un
cheval, et qui, en ses hâtifs et cursifs et carrés des-
sins, rencontra quelquefois de petits cavaliers au
torse superbe, aux pans d'habits renflés, qui ont quel-
que chose du crayonnage de Watteau.
— La course de la bague, avec la tête du pistolet, la tête
de Vépêe, la tête de lance, la tète de Méduse, etc.
Sanguine.
Gravé à Teau-forte par Parrocel, en réduction et avec
I. 12
134 LA MAISON D*UN ARTISTE.
quelques petits changements dans « l'École de cavalerie »
par M. de la Gneriiiière, vol. I", p. 30 ».
Vente Le Bas, où ce dessin était catalogué sous len*37.
H. 26, L. 46.
— Un palefrenier étrillant un cheval. — Une échoppe de
regrattier. — Un maréchal-ferrant travaillant la mâchoire
d'un cheval.
Lavis d'encre de Chine sur trait de plunie.
Ces trois dessins sont gravés dans une suite d'après le
Maître.
H. 17, L. 43.
Pater (Jean-Baptiste). En dépit de la disproportion
des parties d'un corps, d'un dégingandement parfois
singulier de ses figures dessinées, Pater est le dessi-
nateur qui approche le plus de son Maître. Il ne
vous trompera pas avec un de ses trois crayons, —
là Watteau défie tout le monde ; — mais le plua fin
connaisseur pourra être pris à un croquis, à un cro-
queton à la sanguine, tant l'élève s'est assimilé le
jet et le ressentiment du contour de Watteau. Disons
ici que c'est tout à fait une rareté que de rencon-,
trer un dessin qui soit la première idée presque
complète d'un tableau de Pater; on ne connaît guère
de lui que des études de figures isolées. Sous le nom
de Pater je catalogue, avec une espèce de certitude,
un lavis dont pour moi le pointillage du pinceau a
la plus grande analogie avec le faire du crayonnage
du dessinateur; toutefois, pour affirmer d'une ma-
nière positive mon attribution, il aurait fallu voir
des lavis de ço maître parfaitement authentiques, et
je n'en connais pas.
PETIT SALON. 1^
— Un eouple assis sur un tertre et devisant; dans le
fond^ à gauche, un galant dont la tête n'est indiquée que
par un ovale, caressant la gorge d'une femme qui se
défend.
Dessin aux trois crayons sur papier chamois.
Première idée du tableau gravé par Filleul, sous le titre :
l'Amour et le Badinage.
H. 25, L. 31.
— Près d'une niche, à la sculpture rocaille, et d'où tombe
un filet d'eau, un négrillon pose un déjeuner de porcelaine
sur un guéridon, placé devant une dame à l'ample robe.
A côté de la femme se tient debout, le bras appuyé au pié-
destal d'un grand vase, un homme en robe de chambre
un bonnet de coton à fontange sur la tête ; plus loin un
gentilhomme, son chapeau sur la cuisse, est assis sur im
tabouret.
Dessin à l'encre de Chine, dessiné et lavé au pinceau sur
papier bleu.
Vente Thibaudeau, où il était catalogué sous le nom
d'Eisen père.
H. 2/, L. 38.
•
Perroneau {Jean-Baptiste). Un grand pastelliste
injustement sacrifié par Diderot à La Tour, et dont
la préparation de Laurent Cai's, au Louvre, donne la
plus haute idée. Perroneau est plus naturellemen
coloriste que La Tour; il est, dans sa peinture de
poussière colorée, tout plein de tons clairs, frais,
presque humides. Certes son heureux rival a une
science anatomique et physiôgnomique d'un visage
bien supérieure à la sienne, mais trop souvent ses
tons sont fatigués, ne se montrent plus entiers, et
jamais, au grand jamais, il ne s'est élevé à ces clartés
136 LA MAISON D'UN ARTISTE.
d'une figure faites de la pose franche de touches do
bleu, de vert, balafrés de rose, et qui ont la plus
grande parenté avec la couleur à Thuile des portraits
de Reynolds, des portraitistes anglais de la fin du
xviii* siècle.
— Louis Claude, comte de Goyon de Vaudurant, sous-
gouverneur de Bretagne, coiffé à Toiseau royal; il est en
habit de velours noir, jabot de dentelle, gilet de soie à
fleurettes traversé par le cordon rouge de commandeur de
de Tordre de Saint-Louis.
Pastel sur peau vélin.
Provient de la collection du docteur Aussant de Rennes,
où il était attribué à La Tour. Ce pastel, qui a tous les ca-
ractères du faire de Perroneau , n'a pu être exécuté par
La Tour qui, déjà un peu fou, ne travaillait plus à l'époque,
où M. de Goyon était nommé commandeur de l'ordre de
Saint-Louis.
H. 71, L. 58.
Pierre {Jean- Baptiste Marie), Le remplaçant et le
continuateur de Boucher, un dessinateur dont les
dedans sont un peu vides, mais un contourneur élé-
gant et joliment maniéré de l'humanité de son temps.
Ses femmes nues sont très désirables avec leur pe-
tite gorge drue, leur corps allongé dans la rondeur,
leur derrière en poire, et l'élève de Natoire n'est
point encore trop maladroit au tortillage d'une toi-
lette d'homme ou de femme de son temps. Ce dessin
du «Peintre sicilien» catalogué plus bas, je me vois
toujours l'achetant, au temps des ventes fastes et
secourables aux désargentés, en cette vieille maison
du fond de la rue de Vaugirard, cette maison toute
PETIT SALON. 137
bondée de dessins et de gravures, et où les lots de
choses d'art semblaient ne pouvoir s'épuiser : la mai-
son de Villenave. Je le payais, mon Pierre, je crois,
quelque chose comme 7 francs, et je l'achetais aux
côtés de M. Reiset, qui, encore plus heureux que
moi, acquérait là, pour moins de cent francs, deux
Watteau qui sont aujourd'hui deux des joyaux de la
collection du duc d'Aumale.
— Le gentilhomme Adrasle aux genoux de Tesclave
grecque dont il vient d'ébaucher le portrait.
Dessin sur papier blanc à l'encre de Chine, rehaussé de
blanc de gouache.
Signé dans le dos d'une chaise ; Pierre,
Dans la marge du dessin est écrit : Le Sicilien. Eh bieUf
alleZf oui, j'y consens,
H. 22, L. 27.
— La Folie faisant fuir la Religion. En bas, un prôtre
renversé, un soldat se tordant les mains, un laboureur
levant les bras au ciel, un magistrat à genoux regardant la
Religion s'envoler. Allégorie satirique contre la philoso-
phie et l'irréligion du ministère Maurepas, Sartine, Miro-
mesnil.
Dessin lavé à l'encre de Chine relevé de plume.
Signé au crayon dans la marge de l'ancienne monture :
Pierie, le merc{redi) i^^ février 1775.
H. 32^ L* 27.
— Une jeune femme vue de dos, peignant un paysage
posé sur un chevalet.
Sanguine.
Signé à l'encre : Pierre,
H. 23, L. 18»
12. .
X3B LA MAISON D'UN ARTISTE.
PiLLEMENT {Jeon). Un çhinoiseur faisant de la chi-
noiserie rococo au goût du temps, et de petits pay-
sages proprets avec un crayon taillé menu, menu,
menu.
— Un pont à l'arche de pierre rompue et remplacée par
nne passerelle en bois ; an premier plan, un homme monté
sur un âne qu'il pousse à coups de bâton.
Dessin à la pierre noire.
Signé : J. Pillement, 1769.
H. 16, L. 23.
— Une masure au bord d'une rivière ; sur une estacade
une femme qui file debout, la quenouille à la main.
Dessin à la pierre noire.
H. 16, L. 23.
Portail {Jacques- André). Des deux crayons ayant
l'air de dessins de la vieillesse de Watteau — qui
n'en eut pas, — des dessins hésitants, tâtonnes, et
comme tracés par des doigts un peu tremblants, et
jamais, sans cette belle audace même dans la mala-
dresse, qu'ont parfois et Pater et Lancret; des des-
sins cependant tout pleins, dans une interprétation
ingénue et plaisamment maladroite, de la physio-
nomie du xviii® siècle. Longtemps ces deux crayons
se vendaient sans qualification. Ce n'est qu'en 1851,
à la vente du baron de Silvestre, que l'apparition
d'une dizaine de ces dessins, sauvés des soixante-
neuf ramassés par son grand-père, le Maître à des-
siner des enfants de France, réapprenait aux ama-
teurs et aux marchands le nom du bonhomme'PoTiaiïi.
.__j
PETIT SALON. jjg
Ou remarquera qu'en général les dessins de Portail
sont seulement à la sanguine et à la pierre noire
sans mélange de craie. Indépendamment de ces deux
crayons. Portail, dont, le titre était «peintre de
fleurs », a exécuté, à Taquarelle et à la gouache, de
nombreuses et savantes études de fleurs, de plantes
même de légumes, dont quelques-unes, indépen-
<lamment d'une série de miniatures, passaient à la
vente de M. de Menars. Elles sont la plupart, main-
tenant, je crois, en la possession du marquis de
dhennevières.
— Portrait du peintre, en tuste, vu de trois quarts et
tourné à gauche, la tête un peu soulevée, une joue ap-
puyée sur sa main droite.
Dessin à la pierre noire et à la sanguine avec quelques
touches de lavis à l'encre de CMne.
Une inscription d'une écriture du temps porte dans la
marge : Dessiné 'par M. Portail, de l'Académie royale de
peinture et sculpture, premier dessinateur du cabinet du
Roi, garde des plans et tableaux de la couronne.
Vente Aussant.
H. 22, L. 47.
— Deux négrillons en costume de porte-queues de
robes, et coiffés du casque à la moresque orné de pana-
ches; ils sont accoudés à une tabJe de toilette, sur laquelle
il y a posés un pot à l'eau et une cuvette.
Dessin à la sanguine et à la pierre noire.
H. 27, L. 25.
— Une dame en grands paniers, assise dans une chnise,
une canne à la main, causant, la tête letournée, avec un
gentilhomme appuyé au dossier.
«
UO LA MAISON D'UN ARTISTE.
Dessm à la sanguine et à la pierre noire
Collection Niel.
H. 30, L. 24.
— Un jeune homme assis, JQuant de la flûte, auquel
nn autre homme, appuyé au dossier de sa chaise, présente
la partition.
Dessin à la sanguine et à la pierre noire.
H. 26, L. 22.
— Jeune fille, yue à mi-corps, en déshabillé et regar-
dant dans son corset qu'elle soulève de ses deux mains.
Dessin à la sanguine et à la pierre noire.
Étude pour la miniature portant le n° 329 du marquis
de Menars, ainsi décrite : « Une jeune fille assise et en
déshabillé. Elle ouvre sa chemise et paraît y regarder
attentivement. »
H. 26, L. 49.
Prud'hon (PiejTe-Paul). Le dernier dessinateur de
la grâce.
— Accroupie sur ses pieds, un ruban lui servant de
guides, Psyché est traînée par l'Amour à genoux et dont
les mains sont enchaînées derrière le dos.
Dessin à la pierre d'Italie sur papier jaunâtre.
Ce dessin est le modèle du bras de fauteuil pour l'a-
meublement ,de l'impératrice Marie-Louise, fondu par
Thomi're.
Porte la marque de M. His de la Salle qui avait fait un
échange avec Blaisot.
H. 21, L. 36.
Pujos. Le portraitiste de Belle et Bonne, dessina-
teur consciencieux, appliqué, au crayonnage un
peu froid, mais adroitement contre-taillé.
PETIT SALON. lU
— Portrait de Sue, représenté dans une houppelande
à collet de fourrure, et tenant de la main gauche une tête
de mort.
Dessin à la pierre d'Italie.
Dans la tablette de l'écriture du peintre : Sue, célèbre
ANATOMisTE, et au-dcssous : Dessiné par son ami Pujos en
1785.
Vente Cape.
H. 19, L. 43.
— Buste de femme, un pouf jeté sur le haut des che-
veux et coiflfée avec deux coques derrière l'oreille. Elle est
habillée d'un peignoir bordé d'une ruche, et à son cou se
voit le cordonnet d'un médaillon.
Dessin sur papier jaunâtre à la pierre d'Italie,' relevé de
craie.
Signé dans la marge : L. Pujos... en 1775.
H. 14, L. 14 (ovale).
QuEVERDO {Fi'ançoiS'Marie-Isidoré). Le dessinateur,
dont j'ai vu dans ma jeunesse, chez Mayor, deux des-
sins qui, s'ils n'avaient été signés, auraient été pris,
par tout le monde, pour des Eisen, — le dessinateur
devenu, dans les dernières années du xvni® siècle,
l'affreux illustrateur que l'on connaît.
— Le Coucher de la mariée. Une femme entourée de
ses chambrières, dont l'une tient une bougie, et qu'un
homme agenouillé sollicite d'entrer au lit.
Lavis au bistre mélangé de carmin et rehaussé de" blanc
de gouache.
Signé dans l'encadrement carré fait à l'ovale du dessin
par le dessinateur : Queverdo 1 762.
V
H. 20, L. 18.
1« LA MAISON D'UN ARTISTE.
— Dans un confessionnal fait en treillage et fleuri de
plantes grimpantes et couronné de deux pigeons qui se
becquètent, un moine confesse une jeune villageoise qui
s'essuie les yeux, tandis que de l'autre côté son amou-
reux attend son tour. A droite et à gauche du dessin, un
groupe de berger et de bergère, couchés à terre, qui s'em-
brassent.
Lavis de bistre sur trait de plume.
Gravé sans nom de dessinateur et de graveur dans les
imageries de Basset, sous le titre de : la Belle Pénitente ^
avec des vers au bas qu'on chantait sur l'air du Confiteor,
H. 45, L. 28.
Rang {Jean). Peintre de portraits, élève deRigaud. li
a laissé, de ses portraits à l'huile, des études crayon-
nées aux ombres légères et comme effacées, et dont
l'éclairage de craie semble exécuté sur une contre-
épreuve.
— Une vieille femme, au triple menton, à la coiffure
basse, un pan de draperie jetée sur l'épaule droite. Elle
est représentée vue de face dans le cadre d'un œil de
bœuf architectural.
Dessin sur papier bleu, à la pierre d'Italie, rehaussé de
craie.
H. 23, L. 47.
Robert (ZTwôe?*^). L'artiste qui a inventé la ruine
spirituelle^ le crayonneur agréable, Faquarelliste à
l'aquarelle à la fois délicate et décoratoire. En dehors
de ses villas italiennes, Hubert Robert a donné, sur
notre ancien Paris, quelques dessins inspirés parune
démolition, par un incendie, par une catastrophe
montrant le monument ruineux et pittoresque, des-
sÎDS oti it apporte son taleat prîme-sautier dans la
représentation de localités qui ne sont guère peintes
qne par un Raguènel.
— Un portique de villa italienoe surmonté d'une ter-
rasse, et dans la niche duquel tombe l'eau d'une fontaine.
Un gentilhomme, le chapeau sous le bras, et donnant le
bras à une dame en mante noire, s'apprête k monter an
escalier s'ooTrant entre deux statnea antiques; an pre-
mier plan, nue femme puise de l'ean dans un chandron,
près d'nne mère qui tient son enfant par les lisières.
Aquarelle sur trait de plume.
Signô : H. Robertiim.
H. 34, h. 21.
— Jardin d'âne TÏlIa italienne, où nn escalier, au bas
dnqnel eit coaehé nn Flenre sur son nrne, mène à une
fontaine monnmentale retombant en cascade; en bas, le
long d'un mur, aux bas-reliefs encastrés, deux femmes
arrangent des arbustes dans de grands pots de terre
rouge.
Aquarelle.
Signé 1 ff. Robert fedt 1710.
H.2I,L. «.
— Escalier monumental que gra^t nne Italienne, son
enfant sur le bras ; au premier plan près d'un sphinx de
bronze vert jetant de l'eau dans une vasque, une fenone,
accoudée sur une borne, tient un petit chien dansseabra».
Aquarelle sur trait de plnme.
"Signé : H. Robert.
H. 33, L. 28.
— Vue de l'inlérieur d'un cellier romain où nn gros
cbittn a pour nicbe un tonneau ; une fomnve, un marmot
114 LA MAISON D'UN ARTISTE.
sur le bras, monte un escalier, où un enfant, assis sur une
marche, mange sa soupe.
Croquis sur un large frottis de sanguine, lavé de bistre
et relevé de plume.
H. 36, L. 47.
— Vue, prise sous une arche du Pont-Neuf, du Pont-au-
Change tout chargé de maisons; une grande estacade à
droite au pied de laquelle sont amarrés des bateaux ; au
premier plan, un groupe de trois hommes dont Tun tient
une ligne.
Croquis à la pierre noire.
Portant la marque FR.
H. 3i,L. 46.
— Vue de l'Hôtel-Dieu, après Tincendie de 1772;
une échelle est appliquée contre l'arceau du milieu ;
au premier plan, un groupe de deux femmes et d'un
homme.
Sanguine.
H. 28, L. 36.
— Vue de la démolition du cimetière des Innocents. Par
la baie d'une arche ogivale, on aperçoit une tour au-dessus
du cloître dont la partie supérieure est déjà démolie ; au
milieu de la cour, amoncellement de poutres et de débris ;
au premier plan, un homme regardant appuyé sur le mur
d'appui.
Sanguine lavée d'encre de Chine, relevée de plume et
rehaussée de blanc de gouache.
H. 37, L. 29.
Sablet le jeune. Des dessins nobles, des études
d'après nature qui rappellent des académies d'atelier.
-— Une vieille femme aux pieds nus, en costume de la
PETIT SALON. 145
campagne romaine, représentée de proûli tournée à gau-
che et tendant la main.
Layis à Tencre de Chine.
H. 35, L. 27.
Saint- Aubin {Gabriel). Un gribouilleur de génie,
dans les croquis, les croquetons duquel il serait
possible, en les gravant, de reconstruire une Illus-
tration du XYiii^ siècle, qui aurait ses légendes tou-
tes faites avec le bavardage écrit de la main de Tar-
tiste-croqueur, en marge, au dos, au revers, et
même à travers le crayonnage et la peinturlure de
868 dessins d'après nature.
— Portrait d'Augustin de Saint-Aubin enfant, dormant
tout habillé sur un tabouret; dans le coin, à gauche, une
répétition pTus étudiée de la tête du dormeur.
Dessin à la pierre noire.
Au dos, de la fine écriture d'Augustin : Étude faite d'a-
près nature par Gabriel de Saint- Aubin en 1747 é^aprés
son frère Augustin qui lui servait de modèle (1).
H. 21, L. 19.
— Portrait de Louis XYI dans un cadre, au bas duquel
jouent deux amours, au milieu d'attributs et de médail-
lons représentant des épisodes de la vie du monarque.
Dessin sur papier jaunâtre, au crayon noir et frotté de
blanc, signé : Gabriel de Saint- Aubin f. 1770. Il a écrit en
bas : Locis-AuGusTE, DAUPHIN DE France. Marié le IGflicqf
1770, et ajouté plus tard : Roi le,.. 1774.
H. 33, L. 22.
(1) Le couteau maladroit du monteur de destins a rogné la
première ligne de cette note.
I. 13
146 LA^MAISON D'UN ARTISTE.
— Deux études du portrait.de Young.
L'une représente l'écrivain dans un médaillon, au bas
duquel est une lampe, un sablier et une tête de mort ser-
vant d* encrier ; l'autre le montre dans un médaillon sou-
tenu par un Génie, avec au bas une Muse la tête voilée
de noir, une plume à la main.
Le preinier dessin est à la pierre d'Italie et à la san-
gtdne relevé d'encre ; le second est à la pierre d'Italie.
Tous les deux sont signés. Le second porte au bas trois
lignes au crayon, qui commencent ainsi : Gabriel de Saint-
Aubin l'ami de Young..,
Le premier a été gravé par Augustin de Saint-Aubin, en
tête de la traduction des Nuits de Young, par Letour-
neur, 4770.
H. 44, L, 8.
— La Vierge exposant l'Enfant Jésus à l'adoration
d'un moine et d'une sœur. Le sujet principal est entouré
de quinze petits médaillons àlaplumCjrepréseçitant quinze
épisodes de la vie du Sauveur.
Dessin lavé sur crayon noir à l'encre de Gbine.
Signé : G, d. S. A.
Vente Péri gnon.
H. 20, L. 48.
— Matatbias renversant les idoles et massacrant les
prêtres.
Dessin à la plume, lavé d'aquarelle avec rebauts de
gouacbe.
Vente Pérignon.
H. 17, L. 23.
«— La mort de Germanicus.
Dessin à la plume, lavé sur frottis de sanguine, et
rehaussé de gouacbe.
Gravé sous le n» 44 de llllustration faite par Gabriel Saint-
Aubin de « l'Abrégé d'histoire romaine », publié chez Nyon,
H. 24, L. 46.
PETIT SALON. 147
— Une châsse promenée à la porte d*one église par le
clergé.
Dessin à la pierre noire, relevé de plume.
Projet de tableau, ainsi que Findique la mention de
14 pieds y écrite en bas, au crayon, par Gabriel de Saint-
Aubin.
H. 5, L. 10.
— Les Dimanches de Saînt-Cloud.
Dans une allée de boutiques, au milieu du cercle fait
par la foule^ un homme et une femme dansent aux ac-
cords d'un joueur de violon et d'un harpiste.
Bistre relevé de plume.
Signé au bas, à gauche : Gabriel de Saint- Aubin del., et
sur le toit d*une boutique : Vu à Saint-Cloud le 12 septenh
bre 1762. G. de S. A.
H. 20, L. 28.
— Vue du Pont-Neuf et de la Samaritaine prise au
quai de la Mégisserie à Tépoque où se construisaient, sur
les demi-lunes du pont, les guérites dont la location fut
affermée par le Roi, au profit des veuves de TAcadémié
de Saint-Luc. Sur le premier plan un marché aux fleurs,
une rixe de femmes, un groupe de racoleurs.
Dessin à la sanguine et à. la pierre noire, accentué dd
plume.
Signé : Gr. de Saint- Aubin 1775.
Ventes Brunn-Neergaard, Sylvestre (l).
H. 23^ L. 38*
— Pitres de parade se fendant pour un assaut, gros
abbé le nez en Tair, vieillard vu de dos dans un grand
manteau, savoyard sautillant sur un pied, femme assise
sur un banc soulevant son enfant pour voir.
(1) Il existe un faux dessin de ce sujet, ou du moins un dessin
qui a été poussé au fini, sur un léger croquis de Gabriel.
^^
7*rr^
148 LA MAISON D'UN ARTISTE.
Feuille de croquis sur papier grisâtre, à la pierre noire,
rehaussés de blanc.
Étude pour la « Vue des Boulevards » de Gabriel de
Saint-Aubin, gravée sans titre par Duclos.
H. 43, L. 26.
• ■
-r- Deux vues du Wauîhall.
Dessin à la plume sur un dessous de crayon lavé.
Sur l'un de ces dessins on lit, de l'écriture de Saint-
Aubin : Vue du salon des Muses faite au Wauxhal par
Gabriel de Saint- Aubin, 4 769, avec indication de café turc
et de restaurateur,
H. 5, L. 10.
— Vue des tables d'un café des boulevards, devant le-
quel défilent des carrosses.
Croquis au crayon noir rehaussé de blanc.
Vente Pérignon.
H. 14, L. 19.
— Dans le fond l'École-Militaire, au premier plan une
foule immense regardant, du quai, un bateau au milieu
de la Seine.
Dessin à l'aquarelle repris de plume.
En bas, de l'écriture du dessinateur : Bateau insubmersi-
ble de M, de Bernière éprouvé le 1^' août, Gabriel de Saint-
Aubin, 1776. Le véi'itable honneur est d'être utile aux hom-
mes. Pour la société établie à cette fin, 1776. (Voir sur cette
expérience les u Mémoires de la République des lettres » à
la date du 4 août 1776.)
H. 19, L. 14.
— Un laboratoire de chimie, au manteau du fourneau
décoré d'une figure allégorique présentant un miroir à
Vulcain. Au-dessous sont groupés, autour d'une table,
des savants, des femmes, des abbés, au milieu des-
PETIT SALON. 14f
quels on remarque un seigneur au grand cordon en sau-
toir. Un homme tient une cornue entre ses mains. C'est
sans doute la chambre d'expérimentation du chimiste-
amateur, le duc de Luynes, où se lit sur une porte sculp-
tée : Au Sage,
Dessin à la pierre noire, relevé de quelques coups de
plume.
Signé : G. S. A. 1779.
Vente Pérignon.
H« loy L» i2.
— Sous un ciel, où les Naïades versent la pluie avec
des arrosoirs, et où les Vents soufflent la tempête, des
jouteurs de régates de la Seine s'avancent, leurs lances
de bois appuyées sur la cuisse. Au premier plan, un cabrio-
let stationnant à côté d'une ancre.
Dessin à la pierre noire, relevé de plume, lavé d'aqua-
relle et de gouache dans le ciel.
Signé j G. de S. A.
Vente Pérignon.
H. 22, L. 18.
— Danse d'hommes et de femmes dans des arbres, au
pied de statues, avec un fond de ciel qui semble éclairé
d'illuminations et de lueurs de feux d'artifice.
Dessin sur papier gris à la pierre noire, rehaussé de
craie et de quelques touches de pastel dans Je fond.
On lit dans le ciel de ce dessin représentant sans doute
quelque réjouissance publique : le Retour désiré.
Vente Pérignon.
Ija ZÀf Ïj» AO»
— Le Salon de 1757. Plusieurs personnes, parmi les-
quelles se trouve un Turc, sont arrêtées devant une statue
de Vénus.
Dessin à l'encre de Chine sur trait de plume.
13.
LA MAISON D'UN ARTISTE.
En bas, au crayon de la main de Gabriel : Saïon de 4757,
figure de M, Mignot. C'est la tigure ainsi mentionnée au
livret de l'exposition : « Vénus qui dort. Cette figure est
de la même proportion que THerm^aphrodite antique et
doit faire son pendant, par M. Mignot, agréé. »
H. 14, L. 16.
— Une jeune f^mme dessinant dans un atelier une
statuette de Vénus, posée sur un guéridon. Un peintre, la
main qui tient sa palette, posée sur Tépaule de la femme,
lui indique, de son autre main, une correction.
Dessin sur papier jaunâtre à la pierre noire, édairô
d*un frottis de craie.
H. 21,L. 15.
— Trois jeunes filles dessinant sur un coin de table.
Dessin à la pierre noire, relevé de plume.
On déchiffre à peu près, sur ce dessin, de la main de
Gabriel : ... Four M^^ J. G. Colignon de Preneuse; et en
bas, sous la jeune fille de premier plan : pied en l'air,
IL17, L. 4i.
— Dans un appartement aux lambris sculptés, au mo-
bilier somptueux, un commissaire verbalisant avec son
clerc à une table, tandis qu'un soldat aux gardes saisit
dans un secrétaire une boîte, en présence d'un homme en
robe de chambre et en bonnet de coton.
Lavis à l'encre de Chine sur un frottis de sanguine.
Portant la marque du chevalier Damery.
H. 24, L. 19.
*■
— Une fenwne donnant de la bouillie à un enfant, ren-
Tersé sur ses genoux.
Dessin sur papier bleu à la pierre noire, rehaussé de
craie.
Signé : G. cZe S. A. 1773.
H. 28, L. 20.
PETIT SALON. 15X
— Une femme assise, un pied sur mi tabom'et, lisant
dans un livre.
Contre-épreuve d'un dessin à la pierre noire, avec, en
marge de la femme, des eroquetons à la plume et au
crayon.
H. 23, L, 18.
— Deux hommes assis sur des chaises, à l'entrée d'une
grande allée d'arbres ; à côté d'eux deux femmes couchées
à terre.
Dessin à la pierre noire, lavé d'encre de Chine et d'une
coloration bleuâtre. Au dos du dessin, croquis de statue
à la plume et tête d'homme baissé et paysage au crayon.
H. 18, L. il.
— L'Étude et les Amours cherchant à arrêter le Temps,
un pied posé sur les constitutions des Jésuites.
Dessin estompé au crayon noir.
Signé ; G. de S. A.
Ce grand dessin académique, dont le dessinateur semble
avoir eu une sorte d'orgueil, porte en bas, de la main de
Gabriel : Bon à coler derrière mon portrait.
H. 54, L. 43.
— Un Génie ailé, à la main une trompette de Renom-
mée, montrant un portrait lauré, et repoussant du pied
l'Envie et la Haine.
Dessin lavé de bistre sur papier bleu, rehaussé d'aqua-
relle et de gouache.
Signé ; Gabriel de Saint- Aubin f, avec la mention :
Pour le prince de la Paix.
Vente Peltier.
H. 24, L. 2i,
— La Ville de Paris, figurée par une déesse tenant une
rame, et montrant à une femme qui serre deux enfants
15t LA MAISON D*UN ARTISTB.
sur sa poitrine, la colonne de Thôtel de Soissons, encas-
trée dans les nouvelles Halles aux grains et aux farines.
En liaut, un petit dessin architectural de rencastrement.
Dessin au crayon et à la plume, lavé de bistre et d'en-
cre. Au revers, sur un fond aquarelle de bleu, le crayon-
nage d'un homme assurant un lorgnon dans son œil, à
côté d'un autre homme couché sur un banc; autour d'eux,
plusieurs objets d'art.
Nombreuses écritures sur le dessin du recto^ et au
verso, à côté d'une petite statuette religieuse, deux fois
dessinée : Bronze à Saint-Jean •par le 1" octobre 1769.
Allégorie relative à l'érection de la colonne donnée
par Bachaumont à la ville de Paris, et dont le dessin des-
tiné aux « Étrennes françoises » dont Gabriel Saint- Aubin
a fait presque toute l'illustration, a été remplacé par un
Gravelot.
H. 18, L. 12.
— Études d'amours pour un plafond, avec la composi-
tion du milieu cherchée deux fois, d'une manière différente.
Dessin moitié à la sanguine relevé de plume, moitié au
lavis d'encre de Chine sur crayonnage à la pierre noire.
Signé ; (j. de Saint-Aubin^ 1779.
Ce dessin porte en b^^ de la main de Gabriel : pour
le plafond de Serait-ce un plafond pour l'hôtel de
M. d'Angiviller, dont le nom se trouve dans un cartouche
sur lequel est assis un amour?
H. 18, L. 14.
— Près d'une femme, un personnage grotesque et coiffé
d'une calotte, tenant renversée une marotte à laquelle se
suspend un amour.
Dessin à la pierre noire.
Signé : G. de S. A. et griffonné, en marge, de chiffres,
d'écritures, d'adresses, de recettes de peinture*
Vente Pérignon.
H. 18, L. 13.
PETIT SALON. ISS
— Dans un appartemeat à colonnes et oA la porte est
surmontée d'un groupe de deux amours, deux hommes
causant Sebout, nne main de l'an posée sur la main de
Dessin à la pierre d'Italie, releïé de qui
plume.
Signé : G. de Saint-Aubin del.
Gravé par Augustin de Saint-Aubin pon
soTjNEL, aete II, scène IL
H. 12, L. 7.
— Neuf compositions pour l'illustration i
Gribouillis à la plame, dont nu seul est I
d'encre de Chine.
H. 10, L. 8 {forme orale).
— Trois dessins d'armoiries : deuï difl'i
armes de Madame de Ponipadour, un poi
■ son frère, M, de Marigny.
Trois dessins au crayon, à la plume, U
Chine, sur papier et sur peau vélin.
Signé au bas des deux poissons de Har
^. 6, L. 12.
Saiht-Aubin (Auguslin de). Un cade
tre, moins savant dessiaateur, moins s
a!né, mais doué d'un contour de grâi
vite de dessin, d'une naïve galanliste
fait le peintre de la volupté de la î'
temps. Pour le juger complètement, ill
habile fureteur déterrit les originaux
paré » et de son « Concert bourgeois "
présentations typiques du monde du
154 LA MAISON D'UN ARTISTE.
exposées au Salon de 1778, et faites avec ce joli procédé
qui lui réussit si bien : un doux crayonnage balayé
d'un nuage d'aquarelle. Dans Tordre de ces dessins
de Tapeurs, et parmi lesquels je citerai la première
idée de « Au moins soyez discret », c'est dans un
certain vague à peine coloré d'aquarelle ou de pastel,
comme la pâle vision d'une femme rose, entrevue
dans un rêve amoureux.
— Portrait à mi-corps et de profil, du dessinateur à l'âge
de vingt-huit ans. Il a les cheveux en accommodage du
matin, un carton sur les genoux, un porte-crayon au bout
de sa main droite, levée et tendue. Au fond, sur un cLô-
valet, une toile représentant une nudité mythologique.
Bistre sur trait de plume.
Signé : Aug. de Saint- Aubin deU 1764.
Vente Renouard.
H. 19, L. 14.
— Portrait d'une jeune femme de profil, tournée à gauche^
aux cheveux bouffants et retombants, serrés par un ruban
au sommet de la tête, un collier de perles au cou, un ficha
lâchement noué sur le décolletage de sa poitrine.
L'encre de Chine, relevée de quelques petits traits de
plume, est légèrement lavée d'aquarelle.
Signé au crayon dans le cercle blanc de l'ovale : A, de
Saint' Aubin, 1780.
Au dos, d'une écriture du temps : Aimée Lmi$e Chevrau
de Moussy (1).
H. 12, L. 10 (ovale).
— Portrait d'une jeune femme de profil, tournée à drcnte»
*
(1) Les a Mémoires de Maurepas » donnent cette madame de
Moussy comme maîtresse à d'Argenson, le ministre de la guerre.
PETIT SALON. 155
coiffée en chien couchant. Elle a une perle longue à roreille,
et ses épaules décolletées sortent d'une robe jaune.
Dessin à la mine de plomb, légèrement lavé d'aquarelle
et relevé de pastel.
H. 17, L. 44 (ovale).
— Portrait d'une femme âgée,^ vue de trois quarts, en
cheveux relevés et surmontés d'un pouf. Un fichu de
mousseline est jeté sur ses épaules.
Dessin à la pierre noire et à la mine de plomb, rehaussé
de sanguine dans la figure.
H. 18, L. 13.
— Portrait de femme, représentée la tête renversée, les
cheveux épars, les yeux au ciel, la gorge nue à demi voilée
par une vapeur d'encens.
Sanguine.
H. 16, L. 13.
— Jeune femme debout, un petit tablier sur sa robe,
les bras nus croisés, et les mains enfoncées daiïs les enga-
geantes de ses manches. Derrière elle, un intérieur de
chambre, où se voit une console au-dessous d'une glace.
Au dos, de l'écriture d'Augustin : Étude (f après M^ L, Cf.
dessinée par Aug, de Saint-Aubin, 1763.
H. 21, L. 13.
— Une femme jouant de la harpe et chantant.
Mine de plomb reprise de plume.
H. 17, L. 10.
— Une petite fille, assise dans un grand fauteuil de paille
et lisant un Hvre qu'elle tient de ses deux mains entre-
croisées; à terre, une poupée.
Mine de plomb.
H. 19, L. 13.
IS6 LA MAISON D'UN ABTISTB.
— Une femme en corset, ea camisole qu'elle ramène
sur un de ses seins, envoyant un baiser dn boyt des doigts.
Mioe de plomb légèrement aquarellëe sur la. ligare.
Première idée du dessin gravé par Augustin de Saïnt-
Âubin, sous le titre de : Au moins soyez discret.
H.21,L. 16.
— Dame habillée, Tue de face; un bras passé derrière
SOQ dos. Coifl'ure de fleurs et de plumes, robe violette avec
nœuds, glands, barrières et votants jaunes; gants montant
jusqu'au! coudes.
Aquarelle sur dessous de mine de plomb.
Gravé dans ia a Gallerie des Modes et Costumes français
dessinés d'après nature >> et publiée par Esnauts et Ra-
pilly, gravé par Dnpin flls sous le n" 360, avec la légende :
Grande robe de cour garnie de gazes entrelacées et de guir-
landes
H. 2S, L. 18.
— Dame habillée, vue de face, ta tête toomée de profil
' à gauche, une main appuyée sur la hanche. Robe bleue
falbalassée sur jupe rose à guirlandes de fleurs.
Aquarelle sur dessous de mine de plomb.
Gravé danslacollectionEsnautsetRapiUj, parDupiuiils,
sous le n" 375, avec la légende : Grande robe de courà l'éti-
quette
H. as, L. 18.
— Dame habillée, de profil, tournée à gauche et tenant
d'une main un éventail fermé. Corsage rose, retronssis
bleu sur une jupe rose entr'ouTerta sur un dessous k bor-
dure jaune, brodé de fleurettes.
Aquarelle sur dessous de mine de plomb.
Gravé dans la collection Esnauts et Rapilly , par Dupia flls,
sous le u° 357, avec la légende : Robe asiatique ornée de
gaies et de guirlandes de chine
PETIT SALON. 157
Ces trois dessins de costumes d'Augustin de Saint-Aubin
proviennent de la vente Hope.
H. 25, L. 18.
Un commissionnaire, tenant de ses deux mains son cha-
peau contre sa poitrine.
Mine de plomb.
Gravé par Augustin de Saint-Aubin, sous le n* 4, dans
la suite : « Mes gens, ou les Commissionnaires ultramon-
tains. »
H. 20, L. 14.
Trois petits garçons jouant à )a toupie, devant la colon-
nade du Lonvre. ,
Sanguine.
Gravé par Augustin de Saint- Aubin, sous le titre : la
Toupie, dans la suite : « C'est ici les différents jeux des petits
foUssons de Paris. »
H. 17, L. n.
Saint-Aubin (M"' Germain dé). Tous les hommes
et toutes les femmes de cette famille Saint- Aubin
peignent et dessinent. Un curieux document, à
Tappui de cette assertion, est Talbum possédé par
M. Destailleurs, où les dessins de Gabriel et des Au-
gustin sont entremêlés des dessins de celui-ci et de
celle-là, d'un neveu, d'une nièce.
— Portrait de Germain de Saint- Aubin, Fauteur des
Papillonmeries humaines.
Mine de plomb.
Au revers du dessin, on lit : Charles Germain de Saint-
iuôtn, dessinateur du Roy, né le 17 janvier 1721, dessiné
«i 1761 par M}^^ de Saint- Aubin pour M. Sedaine, son amy.
H, H, L, 11 (ovale).
I. 14
1S6 LA MAISON D'UN ARTISTE.
Sadît-Quentin. Un dessinateur à la fois médiocre
et facile, et dans^raquarelle duquel se glissent des
bruns qui ne sont pas les roux d'un coloriste.
— A Tombre d*im saule, un laToir, dans le fond une
cbarrette dételée et basculée ou jouent de petits paysans;
au premier plan, à côté d'une cuve à lessive, un bonime
baignant des enfants.
Dessin lavé à Taquarelle légèrement gooacbôe.
Signé : Saint-Quentin tnv, f. 1764.
H. 23, L. 35.
SoLDi. Un Italien devenu français, séduit par Char-
din, et qui cherchait à imiter ses sujets et sa manière
dans des dessins chauds et blonds.
— Dans un pauvre intérieur aux paniers pleins de linge,
près d*une table à repasser, où est appuyée un petit garçon,
une jeune fille, accotée à un cuveau, est grondée par une
vieille femme, qui lui met sous le nez un linge dans lequel
elle lui montre un trou.
Dessin à la sanguine, lavé d'encre de Chine, rehaussé
de blanc et repris de plume.
Gravé par Henriquez, avec un changement dans le petit
garçon, sous le titre : la Négligence aperçue.
Swebach-Desfontaines [Jacques), Un dessinateur
du soldat et des foules, qui a des allumements de
lumière assez' gais, et de petites adresses de plume
et de pinceau parfois amusantes.
— Vue d'un camp, où des fantassins et des hussards à
cheval boivent, groupés autour d'une vivandière, à la porte
d'une baraque transformée en cabaret.
PETIT SALON. 15»
Lavis à Tencre de Chine sur papier verdâtre, rehaussé
de hlanc de gouache.
H. 24, L. 34.
— Foule groupée devant les tréteaux du théâtre des
Associés. Foule sortant de dessous Fauvent du théâtre
d'Audinot.
Deux croquis lavés de bistre sur gribouillage de plume.
On lit de la main de Swebach, sur le premier : A^sossiés;
et sur le second : Sortie de chés Odinot (sic).
H. H, L. 17.
— Entrée d'un café à la devanture soutenue par des
piliers de bois, garnis de jalousies, et sur la porte duquel
on lit : Café Godet (1). Des hommes et des femmes, dans
des costumes du Directoire, se pressent vers les tables
en plein air. Devant le café, un vielleur, une marchande
d'oubliés, de petits Savoyards.
Aquarelle.
Au dos du dessin, se lisait : Sweback^ 1798.
• H. 14, L. 28.
Tarayal {Hugues), Le peintre dont on disait: «Il a
un très beau pinceau », et dont les dessins sont rares.
Au fond un artiste qui est de la monnaie de Bou-
cher, mais avec des enveloppements moins ronds de
la forme, des ressentiments plus nature, et une cer-
taine venusté dans ses figures de femmes.
— Académie de femme agenouillée, les mains jointes
80US son menton.
(i; Café des boulevards, célèbre par les batailles des La^
iayettistes et des Maratistes au commencement de la Révolution.
leO LA IfAISON D*UN ARTISTB.
Dessin estompé aax trois crayons.
Portant la marque F. «R.
H. 29, L. 20.
Saugrain {Élise), De petites lumières papillonnan-
tes, des eaux égayées de reflets, des verdures bleuâ-
tre3, une nature couleur de mousse et d'automne :
c'est là la palette de cette élève de Moreauraîné, qui
gravait les gouaches de son Maître, avec cette men-
tion au bas de l'estampe : Élise Saugrain sculp, Mo-
reau direxit.
— Un bonqnet de saules au bord d'une rivière, dont les
détours et les sinuosités baignent de petites langues de
terre et de petits îlots verts.
Aquarelle légèrement gouacbée
Signé : Saugrain, 1767.
m
H, 2J,L. 39.
ScHENAu. Encore un Allemand, et le plus Allemand
de tous les Allemands qui ont fait de l'art français.
-— La maîtresse d'école. Une vieille paysanne, entourée
de petites filles et de petits garçons, fait lire, dans un livre,
un marmot juché sur une table, qu'elle tient entre ses
bras contre sa poitrine.
Dessin à l'encre de Chine lavé d'aquarelle,
H. 39, L. 27.
Taunay [Nicolas- Antoine). Un dessinateur, dont
on ne rencontre guère que des dessins et des illus-
trations de sa vieillesse, sans grand accent du
xvm* siècle. Et cependant, — détail presque ignoré
aujourd'hui, — il a été un moment un des plus lestes
PETIT SALON. 161
et des plus pimpants gouacheurs du xyiii® siècle, un
gouacheur qui, sur la peau vélin, a fait revivre la
claire et pétillante peinture de Pater, avec ses lumi-
neux réveillons, avec ses allumements de couleurs
tendres : les ôendres vertes, les vermillons, les jau-
nes de soufre.
— Ouverture d'un chemin dans la campagne. Homme
brouettant de la terre, charretier chargeant un tombereau
de déblais, femme accroupie renversant une hotte, tra-
vailleurs défonçant la terre à coups de pic ; dans un coin,
un individu déculotté, faisant ses besoins dans un cours
d*eau.
Gouache sur peau vélin.
Signé : N. Taunay, 1784.
Répétition du tableau, que le « Salon de la Correspon-
dance », de la Blancherîe^ annonce exposé, comme faisant
partie du cabinet du comte de Cossé, sous le titre : Des tror
vailleurs qui ouvrent un chemin dans une montagne.
H. 32, L. 25.
— Juge reconduit chez lui aux flambeaux.
Juge assis dans un fauteuil auquel on présente de petits
chiens.
Dessins au bistre gouaches de blanc, Tun a été mis au.
carreau.
Deux scènes de Tillustration des « Plaideurs » de RacinCi
pour une édition de Didot.
H, H,L. 8.
TouzÉ. Dessinateur minutieux appliqué, un peu
parent de Duplessis-Bertaux, et dont le crayon,
comme le sien, va naturellement à la caricature. Je
me trouve posséder par hasard tous ses dessins qui
14.
■^
LA MAISON D*UN ARTISTE.
qui ont en rhonneur de la gravure depuis son
« Charlatan » et son « Conducteur d*ours » acquis
il y a bien des années à une petite vente de Thôtel
des Jeûneurs, jusqu'à son dessin de « Zemireet
Azor », trouvé, pendant l'armistice du siège, chez un
coiffeur de la banlieue, presque démoli par les obus.
— Sur le quai de l'École, dans la foule des badauds, un
sauvage arrachant avec un sabre, du haut de sa voitoret
une dent à un patient monté sur un escabeau.
Dessin sur papier jaunâtre, au crayon noir, rehaussé
de blanc.
Gravé par Miger, soùs le titre : le Chaelatan.
H. 21, L. 26.
— Escorté de musiciens en carrosse, un homme mar-^
chant .dans la foule de la rue, et tenant en laisse un ours,
sur lequel sont deux singes.
Dessin à la pierre d'Italie, rehaussé de blanc sur papier
jaunâtre.
Gravé par Miger, sous le titre : le Conducteur d^ouhs.
H. 21, L. 26.
— Dans un palais de théâtre au fond duquel un trans-
parent laisse voir un sultan, au milieu de son harem, à
droite un acteur à l'apparence d'un homme-bête, à gauche
une actrice chantant.
Dessin sur papier jaunâtre à la pierre d'Italie, rehaussé
de blanc.
Gravé par Voyez le jeune, sous le titre du : Tableau ka-
aiQUE DE Zémire et Azor.
H. 38, L. 32.
Contre on piUer des Halles, un petit bout d'homoM
PETIT SALON. m
ridicule, voulant embrasser de force une marchande, pen-
dant qu*un enfant ]ui yerse, par derrière, une bouteille dans
sa poche. *
Dessin sur papier jaunâtre^ à la pierre dltalie , légère-
ment lavé de bistre et rehaussé de blanc.
Gravé en réduction par Hémery, sou8 le titre : lA
Marchande d*œdfs (1).
H. 45, L. 36.
Trémoluères ( Pien^e-Charks), Un élève de Jean
Baptiste Yanloo, qui dans un dessin, non sans force
et sans puissance, a encore exagéré Tengorgement
des amours de Boucher, qu*on voit chez lui, tout
pantalonnés de graisse, en leurs chairs renflées. En
dehors de quelques rares têtes d'études pastellées,
3 a un seul et unique procédé de dessin : des lavis
au crayon noir sur papier bleu, lavés d'un vilain
bistre jaune, avec de larges hachures au pinceau.
— Groupe de trois amours, dont l'un entoure de ses
luras un coq qui chante.
Croquis au crayon noir, lavé de bistre et rehaussé de
blanc sur papier bleu.
Dessin ovale d'un panneau de lambris.
H. 26, L. 20.
— Fillette regardant un petit gardon, qui dort, le ventre
à Fair, sur le départ d'une rampe de parc.
(1) Malgré la valeur de ratiribution, je serais disposé à Toir
dans ce dessin, d'un faire plus large que ses dessins ordinaires,
une composition de Baudouin, Tofticier aux gardes françaises,
dont il portait au dos la signature. Il n'est pas sans exemple
que des dessins d'amateurs aient été gravés sous d'autres noms
ipie 1m leurs.
164 LA MAISON D*UN ARTISTE. '
Croquis au crayon noir, lavé de bistre et rehaussé de
blanc sur papier bleu.
Dessin pour un panneau de lambris. .
H* 27) L. 22*
•
Trinquesse {Louis), Un crayonneur à la sanguine,
qui a laissé un certain nombre d'études de femmes,
saisies d'après nature dans leur ajustement et leur
accommodement du jour, et qui trouve oi^ surprend
parfois de jolis mouvements, mais dont les dessins
sont gâtés par la sécheresse académique, les ha-
chures sérieuses qu'il introduit dans ses croquis de
la mode et des fanfioles de la toilette. Les deux pre-
miers dessins viennent d'une suite -de 24 études,
où, sur l'une d'elles, il y avait écrit, de la main du
peintre, qu'elles avaient été faites en 1773, d'après
une Madame de Pramery.
— Étude de feipme ,en pied, un chapeau à plumes sur
la tête, assise dans une bergère près d'une servante où est
posé un pot à Teau.
Sanguine.
Signé à la plume : Trinquesse f.
H. 39, L. 24.
— Femme eu robe habillée, couchée tout de son long
sur une chaise longue. Sa tête est appuyée sur une maini
l'autre tient un bouquet dans le creux de sa jupe.
Sanguine.
Signé à la plume : Trinquesse f.
e. 25, L. 37.
PETIT SALON, M
— Femme assise de cdté dans aa fauteuil, les pieds
étendus sur un tabouret.
Sanguine.
H. 34. L. &7.
— Femme assise sur une chaise, nue main tenant nn«
plume, appufée snr une table à nfilÉ d'elle.
Sanguine.
H. ii, h. 22.
— Femme assise de côté sar une table, une jambe pen-
dante, un pied posé à terre.
Sanguine.
H. 34, L. 27.
Trot (Jean-François de). Des dessins, dont l'authen-
tiflcation est diflicile, et dont il faudrait, pour avoir
la certitude complète de Tauthenticité, trouver quel-
que première idée des tableaux gravés du peintre,
ou des tableaux e^r''iités en tapisserie aux Gobelins,
comme la série d'A'siAer, Celui-ci a pour lui le faire
gras du dessinateur, l'espèce d'orientalisme de ses
compositions, imaginé avec des têtes de juifs des
ghetto italiens^ l'attribution d'une écriture du temps
sur la vieille monture, et la mention de son bio-
grapbe, que de Troy a peint une « Femme adultère »
pour le cardinal de Tencin.
— An milieu des pharisiens, la femme adaltÀre en lar-
mes, auprès dé laquelle, Jésus-Christ penché à terre, écrit
de son doigt sur le sol : « Que celui qui n'a jamais péché
loi jette la première pierre, "
Dessin h la pierre noire.
Portant la marque G. P. entre-croisés.
166 LA MAISON D'UN ARTISTE.
Vanloo [Carie], C'est en quelque sorte le dessina-
teur officiel de l'école française de son temps. Alga-
rotti le proclame le créateur d'un nouveau mode de
dessin, par la substitution à Vestompage italien, de
régrenage du crayon, relevé de traits de force : une
façon de faire revivre, dans un mol enveloppement,
les hachures entre-croisées des vieux maîtres. Mais,
indépendamment du procédé, il est accordé, surtout
à Vanloo, parles salonnierSy le grand style du dessin.
Enfin, pour tout dire, l'académie à la sanguine, que
rélève-peintre copie dans le tableau du «Dessinateur»
de Chardin, est une académie de Vanloo. Il y a bien
à rabattre sur cet engouement des contemporains,
et de M°® de Pompadour. Vanloo n'a pas le des-
sin personnel, n'a pas le dessin franchement de
son époque, de sa patrie : son dessin est un compro-
mis bâtard entre le dessin italien et le dessin fran-
çais. Toutefois ses dessins méritent de trouver une
place assez large dans une collection du xviii® siè-
cle, dont il est un des représentants attitrés. Puise
dans les dessins décrits ici, il se trouve une série oix
l'artiste a été sauvé de la convention, et forcé pour
ainsi dire d'être français par l'étude rigoureuse de
la nature. Ce sont les dessins faisant partie de ce lot
mentionné dans son catalogue (1), où il avait repré-
senté dans leur intérieur, et en pied, les peintres
(d) Voici là mention du catalogue de Vanloo donné dans les
«Deuils de cour », à la suite de sa biographie : u Plusieurs por-
traits de la famille et des amis de C. Vanloo, entre autres ceux
des dames Vanloo, etc., des MM. Somis, TrémoUières, Bou-
cher, Dandré-Bardon, etc. »
PBTIT SALON, ' IV
ses amis et leurs femmes. Et peut-être en étudiant
bien les vagues tableaux accrochés à la muraille sur
quelques-uns des fonds, arriverai-je, un jour, à
découvrir le nom des aimables personnages.
— Une femme assise, en déshabillé Pompadour, un
bonnet papillon sur une coiffure basse, une cravate en
chenille au cou, une échelle de rubans au corsage, des
engageantes à la saignée, tenant de sa main droite, posée
sur ses genoux, un mouchoir, pendant que son bras gau-
che repose sur un coussin placé sur une table. Quelques
personnes croient retrouver dans cette étude le portrait
de M™^ Yanloo, qui existe dans le grand tableau de la
famille des Vanloo.
Dessin à la pierre d'Italie sur papier bleu, rehaussé de
blanc avec un léger frottis de sanguine sur le visage et
les mains.
Signé : Caille Vanloo 1743.
Porte la marque du chevalier Danleiy, et provient de
la vente de H. Jules Boillj.
H. 44, L. 32,
— Un homme^ assis de face sur nn fauteuil, au dos
canné. H a Tépée au côté et le chapeau sous le bras. Le
fond de l'appartement est garni de tableaux.
Dessin sur papier jaunâtre (1) à la pierre d'Italie re-
haussé de blanc.
Signé : Carie Vanloo f. 1743.
Vente Lajarriette.
H. 44, L. 32.
(1) Le papier, primitivement bleu, est devenu, à Vexposition
du soleil, tout à fait jaune. Il est ainsi un certain nombre de
dessins, dont le papier n'est plus du tout de la couleur indiquée
dans les premiers catalogues de vente, où ils ont passé.
--jsfeiiiti =*^
:.M
l«a LA UAISON D'UN ARTISTE.
— Aaprâs d'uD petit bureau, un homme assis de face,
teneDt de ta main gauche sa tabatiâre, où il vient de
prendre uoe pme. Quelques tableaux accrochas au mur
du fond.
Dessin sur papier jaonfttre & la pierra d'Italie, rehaussé
de blanc.
0. 39, L. 31.
.— Une vieille femme, tricotant an coin d'une cheminée ;
à sa gauche, une petite table sur laquelle il y a une cor-
beille à tapisserie, des ciseaux, une pelote. Derrière elle
l'angle d'an grand tableau.
Dessin sur papier bleuâtre à la pierre d'Italie, rehaussé
de blanc.
Signé à l'encre : Carie Vatdoo 1743.
H. ¥1, L. 33.
— Tète de jeune femme, vue de trois quarts, aux che-
veux relevés et noués avec un ruban au sommet de la
tête.
Dessin à la sanguine brunâtre, travaillée dans la ma-
nière et avec les entre-croisements de hachures des têtes
d'études de Greuze.
Provenant de la vente de Norblin pËre dans laquelle il
était catalogué sous le nom de H"* de Nesle.
H. 43, L. 31.
— Tête de petite lille, de profil, tournée à droite, une
collerette au cou, un fil de perle et un ruban bleu s'ea-
roulant dans ses noirs cheveux relevés.
Dessin au crayon noir légèrement pastellé.
Étude pour le tableau gravé par Fessard, sous le titre ;
LA Musique, décorant le salon de compagnie de U'" de
Pompadour. au chELteau de Bellevue.
H. 25, L. SO.
PETIT SALON. I99
— Tète de petite fille, de profil, tournée à gauche, un
ruban rose courant dans ses cheveux blonds, roulés sur
sa tête. Elle a un collier de perles au cou.
Dessin au crayon noir légèrement pastellé.
Étude pour le tableau çravé par Fessard, sous le titre :
LA. Peinture, décorant le salon de compagnie de M"*« de
Pompadour, au château de Bellevue.
H. 25, L. 20.
— Personnages groupés dans un salon autour d'une
femme assise dans un fauteuil.
Dessin à la plume, lavé de bistre.
Première idée du tableau gravé par Beauvarlet, sous le
titre': la Conversation espagnole (4).
Provient des ventes Norblin fils et Arozarena.
H. 26, L. 23.
Vebnet [Joseph), De tranquilles et sérieux dessins,
qui ont rompu avec le tapage pittoresque de l'école
paysagiste de Boucher : des effets larges, de grandes
lumières dormantes, le commencement de l'envelop-
pement d'un paysage par une atmosphère.
— Vue de la Seine en face le palais Bourbon. Le cours
de l'eau est animé par des bateaux, des trains de bois,
des batelets remplis de gentilshommes et de dames; au
milieu du fleuve est amarrée une frégate.
Dessin à la pierre noire.
Portant une marque inconnue.
H. 22, L. 37.
(1) Oa igaore assez généralement que le tableau de Vanloo
a été, pour ainsi dire, reproduit par Beaumarchais, dans la mise
en scène, au Théâtre-Français, de la scène IV de l'acte second
du « Mariage de Figaro ».
I. 15
m L&UAISON DON ARTISTE.
— Dn maçon en train de tailler noe pierre prit d'nn
toiiear regardant dans du cahier, sa toise sona le braJL
Dessin à la mine de plomb et à la sangniae.
Étude faite pour les ports de mer, avec des numéros
sur les diverses parties du costume du maçon, qui indiquent,
en marge, les couleurs pour ta peintura à l'huile.
H. 20, L. IS.
Vebiiet {Carie). Le peintre sporlsman, le sec amu'
sear du Directoire, arec des caricatures qui «emblest
exécutées au tire-ligne, et où l'esprit est très mé-
diocre ettrop souvent scatologique. J'ai Kk, de Vernet,
UQ important dessin, qui est un vrai dessin de toater-
closet, et uu jour je l'y ferai encadrer.
— Derrière une porte entre-Millée, un homme «ccroufâ
sur une lunette, pendant qu'attend dehors on antr*
homme très pressé, qni se tortille.
Sépia.
Signé : Carie Vemet,
Gravé par Debucoort, sous le titre : Cbacuii avm todk.
H. is, L. SI.
— Un incroyable donnant le bras à ane femme, et fai-
sant la rencontre d'une merveilleuse, au chapeau impos-
able.
Aquarelle sur trait de plume.
GraTé par Dards, sous le titre : uts UEavBiu.EnBES.
H. 28, L. 33.
ViHGENT {François- André). Un des premiers déser-
teurs du goût du ^vin" siècle, pour arriver à devenir
un des médiocres adeptes de l'art raide et maïuie-
quiné.
k.
--~ Caricature ou plutôt, comme I'od disait alors, dans
Ibs ateliers, Calotine de Jombert. Il est représeaté joaant
dn Tiolon, en bonnet de coton, de grosses besicles sar
le nei.
SaDgi]ine>
On lit an dos du dessin : Jombert (Charles-Pierre), fils de
Ckarles-Àntoine ■ Jombert, éditeur de beaucoup d'ouvrages
Êur les mathématiques et l'art militaire, est entré dans l'é-
cole de Durameau. sous les auspices de jtf. Cochin, et a gagné
lé grand prix de peinture avec éclat sur la punition de
Viobé, lUle de Tantale et d'Amphim. (Collection de H. Ganlt
da Saint-Germain, n* 200.)
H. », L. 17.
— Une t6t« d'homme, surmontée d'un singe promenant
une plume sur du papier.
Dessin â la pierre noire.
Signé : Vincent f. en pleine mer, octobre 1771.
H. 26, L. 17.
Waillt {Charles). Habile architecte qni a passé d«
nombreuses années en Russie. Quoiqu'on lui attribue
les personnages qui se trouTent dans les paysages
de Lanlara, on peut affirmer, en dépit de son uniqu*
signature sur le dessin catalogué ici, qu'il n'est pa»
l'anteur des nombreuses flgures, oti le faire de Ii9-
prince est parfaitement reconnaissable.
— Sacre de Catherine ïl dans la cathédrale de l'As-
' somption, à Moscou.
Sons la TOi^te de la basilique, aux lustrés gigantesques,
entre les immenses piliers peints et historiés, Catherine O
ut représentée debout, devant un prêtre casqué, tenant
ouvert BUT sa poitrine nn livre ouvert i an bas de l'esca-
LAUAtSON D'UN ARTISTE.
ù se tient anr chaque marche un héraut, se déroule
es bas-cAtës nne foule énorme de ïieuï dignitaires
rgé russe dans d'amples dalmatiques et de jeunes
s coiffés à la catogan et habillés de pelisses aux
les fendues des dolmans.
is à l'encre de Chine.
lé : C. de WaiUy in9.
H. 48, L. 72.
iTTEAU {Anloine). Le dessinaleup, sous les doigt»
el les outils elles matières du dessin semblent
latiëres et des outils d'une nature et d'une qua-
■utres que ceux employés par tous les dessl-
irs : c'est de la sanguine qui contient de la
pre, c'est du crayon noir qui a un velouté à noJ
: pareil ; et cela mélangé de craie, avec la pra-
savante et spirituelle de l'artiste, devient, sur
japier chamois, de la chair blonde et rose,
eau, le grand, l'original, l'inimitable dessina-
de l'école française 1
académie de femme, assise de profil, tournée à gau-
ine jambe croisée sur l'autre, une main posée sur
lorbeille.
isin aux trois crayons sur papier chamois.
ide de la figure principale pour la peinture de la
à manger de Crozat, gravée par Desplaces, sous le
: LB Ph[Ntehps.
H. 32, L. 27.
Académie d'homme assis, une coupe à la main, tq
]is quarts et tourné à gauche.
jsin aux trois crayons sur papier chamois.
ide de la figure principale pour la peinture de la
PETIT SALON. 173
salle à mang^er de Crozat, gravée par Fessarcl» sous le titre :
l'Automnb.
H» 2oy Là* 19«
— Un mezzetm dansant, répété quatre fois, de dos, de
faee, de trois quarts.
Dessin aux trois crayons sur papier chamois.
Les deux silhouettes de gauche ont été gravées dans les
FiauRKs de différents Caractères, sous les numéros 18 et 102;
les raatre figures sont des études pour FlNDiFFiaBNT de la
galerie La Gaze.
Vente dlmecourt.
H. 25, L. 37.
— Un mezzetin dansant vu de dos, les bras étendus, la
jambe de derrière relevée.
Sanguine sur papier blanc.
Signé : W. (1).
H. 22, L. \ 5.
-^ Tète de femme, quatre fois répétée sous différents
aspects; au-dessous une tôte de paysanne, un masque,
une tête d'homme.
Feuille d'études aux trois crayons sur papier chamois»
H. 22, L. 28.
«- Deux études d'hommes : l'une d'un pèlerin assis,
sur une rampe de pierre, une main entr'ouverte sur l'un
de ses genoux; l'autre d'un personnage de théâtre, de
profil, tourné à gauche et dans la pose de quelqu'un qui
se penche pour ramasser quelque. chose à terre.
' (i) Quoiqu'on puisse dire, en thèse générale, que Watteau ne
signait jamais ses dessins, il ne faut pas oublier que bon nom-
bre de ses croquis gravés, après sa mort, dans le recueil de ses
datsins publiés par M. de Julienne sous le titre de Figures de
afférents Caractères^ portent reproduit le W, jeté au bas da
es meszetiii.
15.
LA MAISON D'DN ART18TB.
papier bteno.
mont
B,Tue de profil, tonmée à droit«. BaLiUéo
lu Tolant sfiectiouné par le Haltra, elle aat
chaÏM de bois, teouit 4 !& buId m
es de mains de femmes; mie a l'aîr de
i'nn arc, l'antre s'appuie sur la pomme
in^ine et à la mine de plomb.
lollectioas Saint et Despemi
>b deux femmes sont assises an bord d'nne
n bomme pousse devant lui une brouette.
sanguine rehaassé de blanc snr papW
s FiGCBES de différents CaraOin», par Boo-
, où se voit & droite nne nymphe snrprise
à gaucbe one nympbe conchée, entonrée
fuier, aous le titre : ls Bbbcbui.
B. 40, L. 27.
I où sous nn bercean de treilla^ me
I regoit l'adoration de gens agenonillés.
PETIT SALON. 17»
Sanguine.
Gravé par Huquier, sous le titre : le Temple de Diane.
H. 37, L. 27.
— Profil de jeune fille, tourné à droite. Elle a les che-
yenx relevés et torsadés au sommet de la tête, d'où lui
retombe sur la nuque une longue boucle frisée ; sur ses
épaules est jeté un manteau de lit.
Contre-épreuve d'un dessin aux trois crayons (1).
H. 21, L. 16.
— Un vieux remouleur penché sur sa meule, oùégontte
l'eau d*un sabot percé.
CSontre-épreuve d'un dessin aux trois crajons. L'original
est dans la réserve des dessins du Louvre.
Gravé dans les Figubes de différents Caractères, par Gay-
lus, sous le b9 107.
Vente Valferdin.
H. 32, L. fSL
— Un montreur de la curiosité.
Contre-épreuve d'un dessin au crayon noir et à. la san-^
guine.
Un dessin analogue, et qui fait nne sorte de frontis-
pice dans les Figures de différents Caractères, a été gravé
sous le ïi9 132. Le montreur de la curiosité, au lieu d'être
déboat, est agenonillé.
H. 31 , L. 20.
— Deux étades de femmes vues de dos : l'une debout
tenant, de l'extrémité des doigts de sa main droite, sa jupe
relevée; l'autre assise un bras levé, une jambe allongée
(i) Je ne sais pas pourquoi, aujourd'hui, les contre-épreuves
de Watteau ne seraient pas recherchées, comme Tétaient, an
siMe dernier, les contre-épreuves de Bouchardon.
176 LA MAISON D'UN ARTISTE.
sur un tertre. Dans le fond une reprise de la tête de cett^
dernière.
Contre-épreuve d*un dessin aux trois crayons.
Vente Peltier.
H. 23, L. 30.
Watteau dît Watteau de Lille, le père (Zotits). Peintre
et dessinateur qui n'a rien de son illustre ascendant,
mais qui, en cette Flandre toujours piétinée par
ces troupes inspiratrices des premiers tableaux
d'Antoine Watteau, y trouva des motifs de vives et
colorées croquades du soldat en ivresse et en joie,
— Sous des arhres, un grenadier, une femme toute
débraillée sur les genoux, trinquant avec un autre grena-
dier ayant sur sa cuisse la tête d'une femme ivre, couchée
à terre.
Dessin sur papier gris à la pierre noire, mélangée de
sanguine brune avec rehauts de craie.
Au dos du dessin la signature qui était dans la marge :
Wattaux.
Gravé par Beurlier, sous le titre : Bibottb de geenadiees.
Vente Tondu.
H. 24, L. 29.
Watteau lé fils {François-Louts- Joseph). Le peintre
de très charmants tableaux, le dessinateur de modes,
qui^ dans une toilette de femme, a apporté une es-
pèce de style grandiose, et qui en cette collection
d'Esnauts et Rapilly, au milieu des Leclerc et des
Desrais, étonne par Tampleur de ses étoffements
superbes (1).
(1) M. Renouvier attribue au père les dessins de mode du fils.
PETIT SALON. 177
— Une femme, à mi-corps, arrangeant les plumes d*un
chapeau posé sur ses genoux, pendant qu'une fille de
chambre lui attife les cheveux.
Dessin sur papier gris à la pierre noire estompée,
rehaussée de craie (1).
H. 29, L. 25.
Wetlbr {Jean-Baptiste). Miniaturiste pastelliste^
émailleur, auteur du bel émail du comte d'Ange-
Tiller, possédé par le Louvre.
— Une tête de femme vue de trois quarts, tournée à
droite avec le regard à gauche; elle a dans ses cheveux
en désordre, un ruban bleu.
Dessin légèrement pastellé (2).
Signé : Weyîer 1790.
H. 17, L. i3.
WiLLE {Jean-Georges). De pauvres dessins lavés
d'eaux tristes et sans lumière.
— Vue de Paris prise du bas du rempart de FArsenal.
On voit rile Louvièrs couverte de piles de bois, le chevet
de Notre-Dame, le pont de la Tournelle, le fort de la
Tournelle et la porte Saint-Bernard. Au premier plan, un
homme qui porte sur son épaule une épave de la Seine,
Lavis à l'encre de Chine.
Signé sur un mur : /. Gf. Wille 1762.
C'est le dessin, dont Wille parle dans ses Mémoires :
« (May 1762.) Le 19, je me levai de grand matin et je cou-
(1) Il signe rarement; cependant j*ai vu, sur un dessin qui m'a
échappé, et semblable à celui-ci, la signature : Watt.
(2) Le pastel était le procédé préparatoire de 'Weyler, et la
Salon de 1805 annonçait que M™^ Kugler, élève de "Weyler,
possédait la collection d'ébauches au pastel de son midtre.
•i
118 LA MAISON D*UN ARTI8TB.
nis dessiner un piqrsage, tout senl, derrière l'ArseiM^. A
onze heures j'étais de retour. »
H. 23t L. 34.
I
WiLLB fil» {Alexandre). Un dessinateur à Téduca-
tion d'art toute française, mais qui se ressentira,
toute sa vie, de son origine allemande, en ce Paris
dont Tart est fait surtout d'esprit.
— Une page de griffonnis, an milien de laquelle se voient
cinq tètes de femmes; au-dessous une étude d'amour
couché, une tète de chien, etc.
Hume relevée d'aquarelle dans les figures de femmes.
Signé : P. A. WUle filius inv. et del. 1768.
Vente Ghanlaire.
H. 24, L. 22.
— Femme, en caraco à capuchon, en jupe vert^ avec
nne garniture à dessous rose ; elle tient dans la main une
lettre à l'adresse du peintre.
Encre de Chine, lavée d'aquarelle.
Dessin gravé par Louise Gaillard, dans une série de cos-
tumes de femmes, sous le titre : la Mystérieuse.
H. 24, L. 16.
— Une femme du peuple prenant aux cheveux mi
homme, qui frappe, à coups de hâton, ui homme terrassé.
Aquarelle sur trait de plume.
Signé : P. A. WUle filius del. 4773.
H. 22, L. 18.
Une jeune fille de la campagne assise, et tenant une
plome dans sa main, tombée ]n long de son ccrps.
PBTIT BALON. X 11»
Dessin & la pierre noire.
Signé : P. A. Witk /iitw 1773.
Gravé en fu-nmilè dans l'OBurre de DeourtMn.
H. 30, L. 21.
— Dans une chambre, assise près d'une toilette, doTiére
laquelle est debout son mari, une femme examine va
bonnet de nouveau-né que loi présente une lingèrs.
Sanguine.
Sie:né : P. A. WilU fUius inv. del 1767.
Ce grand desùn, d'un travail très fini, a été gravé tout
va titre que je ne retrouve plus.
H. 31, U 26.
WtiiKEiBS. Un Hollandais qui fit deux voyages en
France, un à la An du xriit' siècle, un autre à la fia
duDirectolre, et qui a laissé, sur le Paris de la fin du
siècle, des vues historiques d'un grand intérêt, etani-
mées de petits personnages qui sont mieux que des
dgures de dessinateur de monuments.
— Vue de l'entrée des Tnileries au Pont-Tournant, et
de la loge-rustauraut dn Suisse do jardin. Nombreuses
figures de promeneurs, de gentilshommes, de dames,
d'abbés. A droite, un gardien en livrée dormant assis anr
une chaise.
Lavis & l'encra de Chine.
H. 17, L. 23.
— Vne du château de Madrid an bois de Boulc^e td
qu'il existait encore en 1802. Devant le château passe
un wiski, attelé eu arbalète de six chevaux, et au premier
plan, nn homme traîne un tonneau d'eau.
180 LA MAISON D'UN ARTISTE.
Aquarelle.
Aureyers du dessin est écrit, de la main du dessinateur :
Le château de Madrid au bois de Boulogne. Winheles fUs deh
1802.
H. 16, L. 23.
GRAND SALON
Ici, c'est le petit garde-meuble des plus heureuses
rouvailles de ma jeunesse. Au mur sont accrochés
les dessins supérieurs de la collection; une tapis-
serie de « Vénus aux forges de Vulcain » recouvre
le plafond ; au-dessous, le plus somptueux meuble
de Beauvais que j*aie encore vu, étale ses dix larges
fauteuils et son ample canapé ; un secrétaire et une
commode de cette précieuse marqueterie qui porte
le nom de Marie-Antoinette, emplissent deux pan-
neaux ; dans les angles, sur des gaines de Boule, deux
longs vases en biscuit, pâte tendre de Sèvres, de
ceux que pourrait désirer une Impératrice pour y
mettre des roseaux, jettent leur mate blancheur
dans Tombre ; au milieu du salon se dresse un
bronze à cire perdue, une vasque qui est une des
grandioses et originales fontes du Japon ; enfin dans
la lumière d'une glace sans tain laissant apercevoir
un grand mur fleuri, dans toutes les saisons, de
plantes grimpantes, se voit une garniture de chemi-
née composée d'une statuette et de deux vases en
terre cuite de Glodion.
I. 16
\
182 LA MAISON D'UN ARTISTE.
Le charmeur que ce Clodion avec son art de sculp-
teur pour les appartements, avec cet art où personne
n'a su apporter comme lui la séduction du croquis
de Tesquisse, d'une première pensée, selon l'expres-
sion des anciens vignettistes, d'une chose, en un
mot, qui n'a rien de la lourdeur de la glaise dans
(laquelle elle est faite, et qui est toute improvisation
et tout esprit ; — le seul artiste qui ait modelé les
grâces menues et grassouillettes du corps de la
femme du xvni* siècle, avec un rien de réminiscence
antique.
La statuette de la cheminée représente une petite
Il ûjcaphe nue, assise à terre, les jambes à demi re-
pliées sous elle, et tenant de la main droite un pavot
qu'elle regarde distraitement, pendant qu'elle est
appuyée de la main gauche sur une faucille et une
gerbe de bl^J Cette allégorie de l'Été a le mérite
grand, d'être une des études les plus nature^ qu'ait
produites Clodiop, les plus affranchies de sa manière
et des rondeurs sans ressentiment qu'il eut en ses
derniers temps : c'est tout bonnement son modèle,
une jeune fille un peu grêle, aux longues cuisses^
aux jambes maigriottes, rendue avec le joli de son
faire, dans sa grâce longuette. En cette figurine,
le modelage des parties molles, du ventre avec ce
nombril circonflexe où Clodion met sa signature, a
quelque chose d'une caresse, et il est, ce jeune ven-
tre, palpitant dans une souple élasticité de chair.
Les deux vases sont des vases de cette forme
Médicis adoptée par le sculpteur, avec les deux têtes
QRAND SALON. 193
de bouc d'habitude sur le renflement inférieur. Sur
l'un, des enfants nus courent autour de la surface
ronde en de petits chariots à l'antique, sur l'autre
des enfants se chauffent à des feux de sarments, le
plus jeune d'entre eux encapuchonné à la façon du
vieil Hiver. Un travail des plus habiles avec ces
figures de premier plan saillantes presque en ronde-
bosse, avec ces figures et ces petites académies char-
nues de second plan, dont la sculpture semble indi-
quée d'un trait tracé par une allumette dans de la
terre molle.
j Mais pour que le catalogue des terres cuites/^
de Clodion et de son école soit bien complet,
disons encore un mot d'un petit buste de femme
connu dajisje^cqmmerce, et dont le bronze orne les
pendules modernes de cabinet en marbre noi^Il
s'agit de la tête de femme, aux cheveux dénoués
dans lesquels court un tortil de pampre, à l'ovale
tout mignon, aux yeux dont la volupté moqueuse
est faite de deux pupilles, de deux petits trous enle-
vés d'un preste ébauchoir, au nez friand, mutin,
gamin, coquin, à la petite bouche rieuse, — de cette
figure qui n'est qu'une ironique gaieté et sembb
animée d'une pointe de Champagne : la physionomie
de la soupeuse du temps, sous un accommodage de
bacchante. Une terre cuite de Marin, à ce jeune
moment de son talent, où il est bien difficile de le
distinguer de Glodion.
Ces Clodion de la cheminée, je les ai, oui, mais,
hélas 1 je pourrai dire dans un soupir, tout comme
184 LA MAISON D*UN ARTISTE.
la vieille maréchale de Noailles: «Si vous saviez les
bons coups que j*ai manques U Je me rappelle avoir
laissé échapper en 1856, rue Bonaparte, pour une^
bien petite somme, un bas-relief, une étude de
femme tordant ses cheveux mouillés, une sculpture
où deux petits seins et un genou seuls venaient en
avant des formes fuyantes, du modelage effacé du
reste du corps, comme lointain dans la terre rose.
C'était à la fois la plus charmante et la plus sé-
rieuse représentation d'un jeune corps féminin, dont
la beauté des formes, à demi éclose, semble encore
en bouton. Toutefois ce n*est pas mon regret le
plus énorme.
Je sortais du colfège. J'avais 1,200 francs pour
m'habiller et le reste. L'objet d'art de 50 francs-
était pour moi la commode d'un million pour M. de
Rothschild. Dans ce temps, j'entrais un jour par
hasard à l'hôtel de la rue des Jeûneurs. On venait
de mettre, sur la table de vente, une grosse chose
ronde, sur laquelle j'apercevais, en m'approchant,.
d'un côté, une Renommée sonnant de la trompette,
de l'autre, un Éole aux joues gonflées, et au-dessous
de la Renommée et de l'Éole, autour de la sphère,
des amours, des amours, des amours, dans toutes
les poses, dans toutes les suspensions, dans tous
les renversements, dans toutes les dégringolades,
montrant leurs petits culs nus et leurs dos ailés :
des amours en train de tendre le filet autour d'une
montgolfière, sous laquelle d'autres amours entrete-
naient un feu de gerbes de paille. C'est le plus extra-
GRAND SALON. 185
ordinaire Clodicm que j'aie rencontré, un ouvrage où
le sculpteur prodigue de son talent, a, sans compter,
laissé tomber de son ébauchoir tout un peuple d'en-
fants. La terre cuite était à 200 francs : je la poussai,
avec les émotions d'un homme qui ne sait pas com-
ment il payera, à 500 francs. Il y eut une timide
enchère, et j'eus la perception qu'à 520 francs la
terre cuite était à moi; mais, que voulez-vous? l'a-
cheteur d'objets d'art à 50 francs prit peur et se
détourna du clignement d'oeil de Jean. Cette terre
cuite, je la retrouvai à l'Exposition de 1867: elle
appartenait à M. Beurdeley qui, disait-on, en déman-
dait 25,000 francs. Au jour d'aujourd'hui, ce n'est
pas cher.
Aux Glodion du grand salon sont mêlées quelque
antres terres cuites. C'est d'un sculpteur français,
héritier du talentet presque de la facture de Flamand,
la statuette d'un enfant nu, mordant dans une
pomme : un enfant gras de cette puissante graisse
qui fait des plis sur un corps, ainsi qu'un vêtement
trop large, un enfant à la tête dont on sent l'ossa-
ture encore molle et pétrissable, au front bossue,
aux orbites profondes et comme fluides, à la bou-
che d'un Triton qui souffle dans une conque entre
deux rondes joues renflées. Et c'est encore de Caf-
fleri, la maquette du buste de Piron. Un fier travail
et un dégrossissement de la glaise à rudes coups
d'ébauchoir, que cette maquette, où en dépit d'une
perruque à l'état de copeaux et d'un menton qui
n*est encore qu'une boulette de sculpteur, il y a une
16.
18» LA MAISON D'UN ARTISTE.
Tie si spirituelle sous la broussaille des sourcils
du Bourguignon, et presque des paroles dans la
bouche entr'ouverte par uneilécoupure si parlante.
Les gouaches et les terres cuites du xv!!!** siècle,
— un moment j*eus l'idée de faire ma collection
uniquement de cela, — ce sont des choses telle-
ment plaisantes à l'œil, tellement bavardes pour
la rêvasserie de l'amateur, tellement chatouillantes
pour un goût délicat 1 N'est-ce point du souffle de
peinture, du modelage de rêve, enfin du joli pres-
que immatériel? Et ces gouaches et ces terres cuites,
je les eusse voulues,ainsi que le petit nombre que je
possède, avec l'accompagnement de lumineuses et
tendres tapisseries ; car ces gracieux morceaux de
peinture et de sculpture peuvent-ils avoir au-dessus
d'eux un ciel qui les fasse mieux valoir, qu'un petit
coin d'Olympe riant au plafond, dans la trame de soie
d'une tapisserie des Gobelins (1) ? Et ici, Vénus des-
cend du ciel pour chercher chez Vulcain le bouclier
d'Énée. La blonde déesse, au corps rose, dans sa
(1). Les marchands baptisent les tapisseries du nom de Beau-
vais ou Gobelins assez légèrement, et affirment que toute tapis-
serie dont la trame est de soie, est de Beauvais. Le seul moyen
de reconnaître si une tapisserie est de la première ou de la
seconde manufacture, est de savoir si la tapisserie est fabriquée
à haute ou basse lisse, les Gobelins seuls ayant fabriqué de la
haute lisse. Malheureusement il n'y a guère d'autre preuve de
la fabrication de la haute et de la basse lisse, que s'il ^existe un
dessin ou une gravure de la tapisserie. Si la tapisserie est à
basse lisse, elle est retournée ; si elle est à haute lisse elle n'est
pas retournée. Cette tapisserie, vendue pour une tapisserie de
Beauvais, serait une tapisserie des Gobelins, le hasard ayant
fait tomber sous mes yeux le dessin qui était à vendre, il y a
«ne vingtaine d'années, chez Blaisot.
GRAND SALON. 181
draperie transparente, apparaît au bas de son char,
dont une nymphe retient les cygnes cabrés par les
faveurs qui leur servent de rdnes. Et c'est autour
de la déesse, sur la crête des nuages, des jeux d'a-
mours, des battements d'ailes de colombes, des
flottements d'étoffes, que domine une grande fîgure
volante de femme, habillée comme d'un brouillard
de couleur céleste, et qui effeuille des roses sur la
tête devenus. Tapisserie sur un fond blanc, avec ces
tons rabattm, ces tons gris dont Boucher est l'in-
troducteur, avec cette palette qui n'allait jamais aux
grands noirs, aux grands clairs^ et exécutée avec la
gamme très suffisante de dix i douze tons, tandis
qu'il y a telle tapisserie moderne, telle tapisserie-
tableau, où la gamme a été à vingt-cinq, à trente tons
même (1).
Cet Olympe du plafond, devinez avec quel argent
il a été payé? — Avec le gain de Germinie Lacerteux.
C'est bizarre,n'estrce pas, cette mjrthologie de Natoire,
achetée chez Wail avec le succès d'un noir roman
réaliste 1 A ce nom de Wail, qui revient sons ma
plume, que de souvenirs ! Et les heureuses séances
passées avec mon frère, en ces grandes pièces
obscures, où je vois encore ces deux vieilles, longues,
pâles, silencieuses femmes, vous déroulant automa-
tiquement sur des châssis, pendant des heures^ — et
cela avec de petits rires enfantins, sous leurs étemels
(1) Uaune carrée de tapisserie coûtait autrefois de i,900 à
2,000, à 2,700 livres ; à Theure présente, elle revient à peu près
à 4,400 francs*
LA MAISON D'UN ARTISTE.
bonnets de nuit, — les plus belles tapisseries du
mondai
C'est de chez Wail que vient également le meuble
de Beau vais du salon, i^eprésentant les Fables de La
Fontaine d'après Oudry. Ce dossier est le Coq et la
Perle, ce siège est le Corbeau voulant imiter V Aigle, Ici
c'est le Renard et la Cigogne^ là le Singe et le Chat, et
ainsi, en des tableaux de nature de la convention la
plus aimable et du plus frais coloris, rendissent et
86 bombent les imaginations du fabuliste, sur des
fauteuils à Tévasement fait pour les grands paniers
du siècle. Mais la merveille des merveilles, la. voici
dans ce canapé, qui offre, pour ainsi dire, le Selectae
des fables du bonhomme, et où un paon superbe
étale sa queue ocellée d'azur au milieu de la clarté
laiteuse. Et il a pour bordure, ce canapé, la plus
resplendissante guirlande de pavots, de tulipes, de
narcisses, de pêches, de gros raisins violets du Midi,
de grenades pourprées entr'ouvertes, de fleurs et d^
ruits de pays de soleil, qui ressemblent sur la trame
brillante et argentine, à ces brouillements féerique»
de couleurs que j'ai vus sur une palette de Diaz, du
temps qu'il était peintre de fleurs.
Et dessous et entre ces tapisseries, l'harmonie du
mobilier se complète par les deux petits meubles de
marqueterie en mosaïque avec les suaves nuances
des bois et le bronze doré des baguettes à feuilles de
laurier, des poignées, des chutes de fleurs sur le
ressaut des sabots, des petites couronnes de roses
suspendues à des glands sur l'aplatissement des
GRAND SALON. 1»«
angles coupés. Le fond du secrétaire et de la com-
mode est de bois d'amarante ; sur ce fond, dans
des filets pareils à de l'écaillé, sont encadrés trois
médaillons de bois olive satiné, ofx figurent un tam-
bour de basque sur un livre de musique ouvert, un
chapeau de bergère parmi des instruments de jardi-
nage, une sphère au milieu d'attributs de peinture.
Cela fait en placage avec dis bois jaunes à la cou-
leur de l'ambre, des bois verts à la couleur de Tan-
géiique, et qui brillent dans le vernissage et le poli
des surfaces au centre de beaux reflets mordorés.
Ds sont semblables, ces deux petits meubles, au
mobilier garnissant la chambre de la Reine à Ver-
sailles dont j'ai donné la description d'après l'inven-
taire des 28 et 30 brumaire et 3 frimaire de l'an
deuxième de la République une et indivisible, fait
en présence des représentants du peuple Auguis et
* Treilhard.
Quelques porcelaines de choix sont posées sur la
tablette de marbre blanc de ces meubles. Un hrot
de Sèvres en bleu turquoise, sur lequel se détache
en relief une branche de pêcher aux fleurettes blanc
et or, est un curieux spécimen de l'imitation de la
porcelaine de Chine au xvni° siècle, par la manufac-
ture de M™® de Pompadour. Une aiguière dç Saxe,
au fond jaune, aux cartouches de fleurs, achetée il
y a bien des années chez Lazare à Marseille, semble
une porcelaine faite par la manufacture de Dresde
peur le harem de Gonstantinople. Les fleurs sont
de la plus grande finesse dans leur large fouettage.
L
IM LA. UAISON D'UN ARTISTE.
Il y a des œillets, des tulipes, des pavots peints aveo
ce bonheur que le Saxe a toujours rencontré dans
la représentation des fleurs frisottées , recroquevil-
lées, échevelées et diaprées detons nues, — ne réus-
sissantque très incomplëtement la rose, qu'il dessine
lourde et qu'il violacé trop. Puis c'est avant tout de
cette peinture particulière à la porcelaine que n'a
jamais pu apprendre Sèvres, de cette peinture diffé-
rente de la pointure faite pour le papier et pour la
toile, et donl le charme, l'intérêt, la valeur soot
d'être auti;gy'Je ne parlerai plus que de deux rare»
pièces, de deux pots de blanc de Saint-Gloud avec un
décor en relief de soleils épanouis dans le genre de»
compositions de Pillement, et dont le grand T qui
est sous le S' C. indique qu'ils ont été fabriqués
sous la direction de Tron de i730 à 1762. Ges deux
boites à thé montées en vermeil étaient dans une
caisse à la serrure lleurd;'! isée, où se trouvent encore,
pour le thé noir, une petite cuiller blanche de por-
■celaine de Saint-Cloud, pour le thé vert, une petite
cuiller en porcelaine verte de Chine, à tête de coq.
Parmi tous ces objets du xvm" siècle, dans tout
ce Joli, j'ai estimé bon qu'un important mor-
ceau de l'art de l'Estrôme-Orient apportât, comme
contraste, son originalité et sa force. Et au milieu
du salon sur un trépied, figurant les vagues en colère
de la mer, s'élève un vase de bronze, haut d'un m^
tre, un vase pansu se terminant en forme d'une
margelle de bassin. Sur la panse, sillonnée de
Jlots, se détache, en plein relief, un dragon coniii,
GRAND SALON. 191-
aux excroissances de chair en langues de flamme,
aux ergots de coq, le Tats-makî, le dragon des^
typhons, dont le corps tordu et contorsionné de
serpent apparaît par places, au-dessus des ondes
rigides. Rien de plus terriblement vivant par Tarti-
flce de l'art, que ce monstre fabuleux dans ce bronze
qui semble de cire noircie, et qui est beau de la plus
sombre patine, et qui est sonore, ainsi qu'un métal
de cloche plein d'argent. Un bronze pour lequel j'ai
donné 2,000 francs, en un temps où la japonaîserie
n'était point encore à la mode.
Et nous dirons adieu au grand salon, mais non
sans nous être arrêtés un moment devant les deux
vases de biscuit de Sèvres, qui ne sont pas seule-
ment un tour de force de porcelainier, mais les plus
parfaits types de l'alliance gracieuse, — d'une alliance
à la Fragonard entre le xviii® siècle et l'antique. Les
anses sont formées de deux têtes de satyres; en
haut, au-dessous des oves de la gorge, un nœud de
ruban se tuyaute, et sous le nœud s'allonge un mé-
daillon ovale, d'où se détache un bouquet de roses,
qu'entoure des deux côtés, descendant de la barbe
des satyres, une guirlande de groseilles, de cerises,
de noisettes, de châtaignes aux piquants, qui piquent
— des fruits modelés par une main de céramiste,
cuits dans un four de potier, et qui ont l'air de vrais
firuits, ramassés dans le lit d'une source pétrifiante.^
ESCALIER
En sortant du grana saion,vous rentrez dans le
vestibule, où une baie, drapée d'une verdure, laisse
voir la cage de Tescalier enjuponnée d'une grosse
toile maïs à bordure d'imitation persane.
La pomme de cristal du départ, dont mon prédé-
cesseur était très fier^ a été remplacée par une grue
en bronze, au redressement inquiet et colère de Id
tête, et Ton monte entre des murs couverts de des**
sins du XVIII® siècle, de foukousas^ de kakémonos, d^
plats grands comme des boucliers, et dont l'un, de
la fabrique dlwari, montre, sous un beau coloriage
barbare, une monstrueuse carpe remontant uns cas-
cade. Je trouve que Tescalier dans un logis se prête
admirablement à la galerie, et que les objets qui y
sont accrochés, on les regarde mieux que partout
ailleurs : il y a, tous les jours, quand vous êtes seul;
dans la montée ou la descente des marches, des re-
pos paresseux, des accoudements sur la rampe, qui
donnent tout votre regard à telle sanguine, à teilf
porcelaine, à laquelle vous ne feriez pas atten-
tion, si elle était perpétuellement sous vos yeux.
Au centre de toutes les images de l'escalier, une
gravure, la seule dans la maison qui ait les honneurs
de l'encadrement, invite l'amateur de l'art français
à monter. Cette gravure est l'EitBABQUESBNT poua
CïTiiÈHB.un état d'eau-forte introuvable, de la grande
planche du graveur Tardieu, d'après le Watteau de
Berlin, une épreuve peut-être unique, que je me
rappelle avoir payée 8 francs, il y a de cela, c'est
vrai, une trentaine d'années.
L'escalier débouche, au premier, sur un palier,
semblable à une grande alcôve tendue de ce jaune
nn peu rouillé d'une toile qui n'a pas encore passé
à la lessive, et qui fait un fond doux clair et chaud
aux tives couleurs des choses orientales. Sur des
portoirs-encoignures s'étagent des vases de Sazuma,
autour desquels court un concert avec de petits
tambourinaires rappelant les chanteurs au lutrin de
Lucca délia Hobbia, des cornets de Kaga où un
Olympe japonais a pour cadre une étourdissante
envolée d'oisillons, des bouteilles de Fizen, aux fleurs
rouges et bleues en relief, des poteries d'Owari, de
Kutani, et ces faïences se mêlent à des panneaux
décoratifs pendus comme des tableaux: ces panneaux
dans la composition desquels lesjaponàis sont pas-
sés maîtres, etoù, sur les bois les plus heureusement
ou les plus étrangement veinés, se rencontrent des
fleurs en faïence, des feuilles en ivoire colorié, des
rochers de jade, des oiseaux de nacre, des bestiaux
en pierre dure, des soleils de corail, un assemblage
de matières qui, sous la main d'un Européen, serait
IM LA. MAISON D'CN ARTISTE.
horrible, et que les artistes de l'Extrême-Orient sa-
TËiit rendre harmonieux â&ns nn sertissage de grands
orfèTrtts coloristes.
Sous ces tableaux bas-relief^, entre deux portes, est
un petit meuble en forme de coffre, aux panneaux de
laque rouge, dans lesquels sont incrustées une bran-
che de pivoine fleurie, une branche de pêcher en
fleurs, toutes deux en porcelaine blanche et bleue :
le meuble qui contient la collection des albums
japonais. )
Là sont ces livres d'images ensoleillées, dans les-
quels, par les jours gris de notre triste hiver, par
les indéments et sales ciels, nous faisions chercher
su peintre Coriolis, ou plutôt nous cherchions nous-
mêmes, un peu de la lumière riante de l'Empire, ap-
pelé l'Empire du Levëh nu Soleil. Et voici ces albums
japonais de tout format, aux couvertures de papier
de toutes les nuances, et gaufrés, et sablés d'or, et
lardés de petits carrés d'argent, et reliés d'un ill de
soie courant extérieurement sur le dos du mince vo-
lume, avec, sur un des plats, une bande longitudi-
nale, où il y a comme de petites sangsues de couleur.
Ces albums ouverts et parcourus de l'œil, de la
première ou plus rationnellement de la dernière à
la première page, il vous apparaît, baignée des méan-
dres azurés des mers, des fleuves, des rivières, des
lacs, une terre, aux rivages semés d'écueils baroques,
contre le granit rose desquels brise étemellemeat
ESCALIER. m
le Pacifique ; des plages fourmillantes de vendeurs
et de vendeuses de coquillages et de choux de mer,
qui courent après des pieuvres leur échappant ; des
villages formés d'une seule rue, contournant une
anse dormante de leurs toits, surmontés, aux deux
extrémités, de poissons porte-bonheur sculptés ; des
rizières inondées, où dans les lignes flottantes de
Teau, les brindilles lointaines semblent des croches
sur un papier de musique réglé ; des campagnes cou-
vertes d'une herbe vivace, de la hauteur d'un homme,
toute verte d'un côté, toute blanche de l'autre ; des
villes coupées de ponts bombés, s'élevant sur une
forêt de madriers rouges ; des jardins de plaisir, sil-
lonnés de ruisselets tournoyant à l'entour de planta-
tions d'iris et de roseaux; des intérieurs dont le lisse
bois vernissé enferme comme la clarté humidement
rayonnante de nos écojes de natation, — cette terre
enfin composée de trois mille huit cents îles ou ro-
chers : le Japon.
Et dans ce pays, toute une vie qui paraît remplie,
amusée, rendue doucement rêveuse par le voisinage
amoureux et la contemplation de l'eau. Ce ne sont
sur ces pages que femmes regardant l'eau, ici ac-
coudées sur la toiture d'une cabine, là soulevées sur
la pointe des pieds en haut d'une estacade, la main
au-dessus des yeux ; et partout sur les balcons, au-
près des lanternes posées sur un pied, et. tout en
buvant de petites tasses de thé, ces femmes ont l'œil
et l'attention à l'eau qui coule. On en voit de ces
femmes qui, dans le matin qui s'éveille, au bord
196 LA MAISON D'UN ARTkSTB.
d'une rivière, attachentde petits morceaux de papier,
couverts d'aimables pensées, à la patte de grues
qu'elles mettent en liberté; on en voit qui^ dans la
nuit, blêmes apparitions, une flûte aux lèvres, une
robe noire comme le ciel aux épaules, glissent sur
une barque silencieuse.
Le doux spectacle que celui de cette eau transpa-
rente et de ce qu'elle met avec ses vaporisations de
magique au ciel, à l'heure où le soleil se couche. Il
y a au Japon des ciels absolument roses, et que le
baron Hiibner n'a vus que là, des cielfe pourpre où les
oiseaux ont l'air de voler dans du sang, des ciels
jaune d'or se dégradant en merveilleuses teintes
nankin au-dessus du blanc des lagunes, de l'outre-
mer intense de la mer, des tortils bruns des crypto-
merias de premier plan 1 II y a des crépuscules gorge
de pigeon, et des nuits gris-p^rle. Et ces ciels invrai-
semblables éclairent des arbres et des arbustes dont
les fleurs précèdent les feuilles, et en sent un m(>-
ment la verdure fleurie. Une floraison toute gaie^
toute claire, toute pimpante : des arbres blancs, des
arbres roses, dans lesquels les aquarellistes japonais
n'introduisent même pas les obscurantes ombres de
l'Occident, et qui se détachent dans les albums sur
le soleil couchant comme sur une feuille d'or, ou qui,
le soleil couché, au-dessus des balcons sur lesquels
leurs rameaux pendent, étoilent la nuit noire de vé-
ritables étoiles.
L'eau est la passion du pays, si bien qu'à Kioto,
où un ruisseau est tout le fleuve que surplombe la
ESCALIER. 19T
perspective de ponts gigantesques à dos d'âne, les ,
riverains établissent des barrages, qui leur permet-
tent d'avoir à peu près, pour le soir, une nappe d'eau
qu'ils parsèment d'espèces de tables flottantes, sur
lesquelles deux feuilles d'un album nous montrent
la population soupant, les jambes pendantes, et heu-
reuse de cette rivière improvisée qui les mouille.
Car, là-bas, la nuit c'est la joie de l'eau. Les fleuves,
les rivières des villes se couvrent de djonques, de
yané'funéf longues barques plates aux bandes de
cuivre, aux paravents à coulisses, de bateaux de fleurs
chargés de danseuses et de joueuses de guitare, de
gondoles d'amour vénal, illuminées de lanternes; et
l'encombrement est tel, que les bateliers nus, armés
de longues perches vertes, ont peine à avancer dans
la presse des embarcations. Et sous le ciel déchiré
d'artifices, lés ponts sont couverts d'une foule à les
faire crouler.
Et de la mér, et dés fleuves, et des rivières, les
images vous mènent à la Montagne sainte.
Une série de trois albums nous représente l'ascen-
sion du Fusi-yama en cent cinquante planches,
montrant le cratère éteint, sous un aspect diff'érent
à chaque représentation. D'abord des rizières, des
bois de roseaux et des eaux tranquilles de lacs,
bientôt des rochers, des cèdres gigantesques qu'abat-
tent des bûcherons, suspendus par des cordes dans
l'air, un sentier pierreux que gravit une population
vêtue de blanc, aux chapeaux de jonc, aux grands bâ-
tons, aux clochettes, et où s'engage péniblement une
17.
188. LA MAISON D'UN ARTISTE.
escorte, que dominent, sur leurs mules, deux femmes
de la cour dont la longue chevelure leur bat le dos.
Puis des altitudes, où la pluie raie le ciel et le paysage
noyé, où se déchaînent sous la montagne toute blaû-
ohe, de noirs orages balafrés d'éclairs, où des tour-
mentes de neige enferment, dans des anfractuositésde
roche, des gens^qu'on y voit blottis comme des bêtes.
Enfin, le pic, en sa candeur immaculée, dans le beau
temps. Et à chaque étage de cette ascension, des con-
templations admiratives, des hommes renversés et se
tordant les poignets, en une prosternation, qui est
comme un extatisme convulsif de l'amour de la na-
ture (1).
Tout lé Japon est présent, vivant dans ces albums.
Voulez-vous une matsouri, une de ces fêtes reli-
gieuses de corporations, dans lesquelles, journelle-
ment, les charpentiers promènent la statue de leur
patron, Daïkokû, un maillet à la main, les pêcheurs
la statue de Djesibù, le Neptune japonais. Dans cette
grande planche, où marchent en tête deux maîtres
des cérémonies portant des cannes de fer surmon-
tées d*un anneau, dont ils frappent la terre, la mat-
souri processionne avec son attelage de trente hom-
mes à de grosses cordes, tirant le temple monté sur
des roues dissimulées dans la boiserie, et sous Tau-
vent duquel est un petit théâtre ambulant.
Voulez-vous une lutte de sûmo, d'athlètes japo-
nais (2)? Devant vous, dans ces trois planches en eou-
(1) L'illustration de ces trois albums est d'O-kou-sai.
(2) Voici Torigine de la lutte et des lutteurs : a II y availi
ESCALIER. IM
leur,s6 dresse Tâmphithéàtreà deux rangs de gradins,
où Ton monte par des échelles', et au milieu deTarène
se dessine, entre quatre poutres auxquelles sont ao-
croches un cornet de sel et le sabre d'honneur, le
ring fait d'un rond de sacs de riz posés à terre, et où
luttent et où se poussent les champions surveillés
par le juge de camp, son éventail à la main. Tout
autour, nus, une ceinture à jupons de franges autour
des reins, sont assis, les lutteurs attendant leur tour,
des hommes gras et glabres, aux montagnes de
muscles, des colosses de 340 livres, une race éléphan-
tiasiaque, une humanité phénomène, amoureuse de
la grosseur, qui ne se marie qu'avec des femmes
géantes, et pour laquelle il y a une fabrication d'ob-
jets usuels gigantesques (1).
Voulez-vous une représentation de ces théâtres
qui ouvrent à six heures du matin, de ces théâtres
sans actrices, et où l'acteur est doublé d'une ombre,
d'un officieux vêtu et capuchonné de noir qui lui tend
un tabouret, s'il veut s'asseoir, qui lui éclaire le visage,
quand le jour baisse. Des planches éparses des
sous Sei Nin Ten , — contemporain de Jésus-Christ, — deux
hommes d'une force supérieure, le nommé Tafema-no Kouyé-
faya demeurant dans la province de Yamato ; et l'autre, nommé
Nomi-no Soukoné dans celle d'Idzoumo. Le Dairi les fit venir
pour lutter devant lui. Le premier se cassa la jambe et mourut,
l'autre fut gratifié d'un petit terrain et d'une pension, et resta
dans la capitale. Il fut l'inventeur des poupées de terre glaise
et autres bagatelles. Il fut nommé intendant des travaux publics;
et cette dignité resta à ses fils, petits-fils et à leurs descendants,
dont la famille porta le nom de Taka fara. C'est à cette époque
que l'art de lutter a commencé au Japon. »
(1) Les chefs de troupe des lutteurs ont rang d'officiers et
portent les deux sabres^ signe distinctif de la noblesse japonaise.
D'UN ARTISTE.
livers vont nous doaaer cette représentation
I ses détails. Et d'abord la façade de lagrande
couverte d'immenses peintures, figurant
!S dramatiques de l'ouvrage représenté, et
s d'une cible percée d'une flèche, la logette
ïur d'incendie. C'est devant les guichets, où
înt accroupis les contrôleurs entourés d'une
lonnaies, une foule, une presse, une pous-
nmes et de femmes, de samouraï descendant
1 ou de norimons que les porteurs posent
de traiteurs chargés de déjeuners, de lec-
ares du programme. D'autres planches vous
étrer dans la salle, le grand quadrilatère en
je. L'orchestre en habits sacerdotaux, mêlé
urs, se tient à gauche, à peu près ainsi que
. chaises se tenaient les seigneurs du temps
XIV sur la scène de 1h Comédie-Française,
■eprésentations qui durent toute la journée,
e, on boit, on fume, et dans la salle éclatent
,é, une joie, un plaisir enfantin, qui se témoi-
lez les spectateurs accroupis par des étire-
B bras délirants sur les cuisses. Dans des
oges placées des deux côtés du théâtre, des
d'avant-scènes, qui ont l'air de cabines de
s'entrevoient, tassées et serrées l'une
autre, les élégantes, les femmes de fonction-
I rendant au théâtre incognito. EnQn, d'au-
nches, toujours en couleur, nous ouvrent
isins d'accessoires, les foyers, les loges. On
1 des acteurs repassant leurs rôles, des ac*
ESCALIER. 201
teurs accoudés en un coin d'ombre, méditant un
effet nouveau, des acteurs répétant une tirade' tra-
gique en buvant une tajsse de thé, des acteurs se
maquillant devant des miroirs de métal posés sur
de petits chevalets, des acteurs auxquels le perru-
quier du théâtre fait des sourcils postiches; et cela
dans la dégringolade des domestiques affairés et au
milieu du fouillis des perruques, des chaussures,
des robes essayées, des sabres de théâtre, des cof-
fres entr'ouverts, des boîtes à rouge, des théières,
des chibatchi, des pots de fleurs.
Jusqu'ici ces images nous donnent la campagne,
la montagne, la grande route, la rue, la vie exté-
rieure, mais il en est d'autres qui nous introduisent
dans l'habitation particulière, nous ouvrent l'inté-
rieur fermé du yashki, nous font pénétrer dans l'in-
timité de l'existence secrète des femmes et des
hommes du pays. Nous voici dans ces maisons dé-
pouillées de leur toit et vues à vol d'oiseau par le.
dessinateur, qui nous dévoile le labyrinthe de ces
appartements de paravents, et nous fait voir ces cui-
sines sans cheminée, où des femmes remuent le riz
dans de grands chaudrons voyageant sur de petite
chariots. Nous voici dans ces intérieurs, aux murs
glissant sur des rainures mobiles, et dont le mobi-
lier se compose d'un kakémono pendu à la cloison,
d'un chêne nain dans un petit pot de fleurs, quelque-
fois d'un aquarium o^ nagent des poissons de la
Chine à trois queues, — et où, par une porte en-
tre-bâillée, on aperçoit dans le fond le bain qui
2W LA MAISON D'UN ARTISTE.
chauffe, sa vasque carrée» ses seaux en poterie
brune ornée d'une grecque. Nous voici dans ces jar-
dins tout pleins dés serpentements d'un ruisseau
autour d'un toro, d'une lanterne de pierre ventrue,
en ces fourrés de pivoines éclatantes, où la sieste
des promeneuses confond la flore des robes avec la
flore des massifs. Nous VOici dans les salles d'appa-
rat, où sur une estrade rouge, des musiciennes, en
robe bleue, jouent des choses lentes, que des guesha^
des danseuses, miment dramatiquement dans des
robes amples, entourées de coryphées qui semblent
agiter, derrière leur dos, des ailes de papillon. Nous
voici dans les chambres, où des femmes rampent à
terre sur des instrument^ de musique à cordes, s'oc-
cupent à peindre des éventails, agenouillées près de
petites tables basses où se dressent les pinceaux
dans des cornets de faïence de Satzuma, brodent
des foukousas, composent, d'après des règles et des
traités savants, des bouquets sans faute, — la lon-
gue queue de leurs robes voyantes faisant à côté
d'elles un petit amoncellement, parmi le fouillis des
objets de laque, de bronze, de porcelaine, traînant
sur les nattes du parquet, ainsi que des joujoux dans
une chambre d'enfant. Nous voici sur ces balcons,
«'avançant au-dessus d'une haie d'iris violets et en-
guirlandés de lanternes rouges, sur ces balcons
éternellement peuplés de femmes aux grandes épin-
gles d'écaillé piquées dans la chevelure noire, à
l'heure où une servante monte par un petit escalier,
portant, sur la paume de sa main renversée, le
k
ESCALIER. 103
tay (1), le poisson rose, avec les bâtonnets d'ivoiro
du souper.
Elles sont habillées, ces femmes, de robes, où les
fleurs, toutes vives et toutes réelles en leur relief,
ressemblent à de vraies fleurs, attachées sur la soie,
au moyen d'épingles. Sur ces robes s'épanouissent
des pivoines, s'élancent des roseaux aux feuilles
lancéolées, pendent des branches de glycine, des
gourdes de coloquintes. Il en est qui sont fleuries .
de bouquets de chrysanthèmes, d'iris d'eau, de toutes
les fleurs des arbres à fleurs (^). Mais ce n'est pas seu-
(1) Le toy, le sparus aurata ou chrysphrys cristiceps^ ce déli-
ât ,et beau poisson consacré à Yebis, est un mets affectionné par
1m Japonais, qui se le font apporter sur la table, encore vivant,
•t déjà coupé en tranches, tranches qui se détachent dans une
dernière convulsion, produite par quelques gouttes de vinaigre
jMéefi dans les yeux du poisson. On le sert sur un petit échafau-
dage de bâtonnets de verre de couleur reposant sur un lit
d'algues.
(3) D'après M. Fraissinet, — est-ce bien authentique? — la
nouvelle mariée japonaise recevrait dans son trousseau douze
robes d'apparat, les robes des douze mois de l'année. La pre-
mière serait une robe bleue brodée de tiges de jasmin et de
bambou; la deuxième, ime robe vert de mer à âeurs de cerisier
et à carreaux; la troisième, une robe rouge clair, sillonnée de
branches de saule ou de cerisier; la quatrième, une robe portant
un coucou, ou le signe hiéroglyphique qui représente Foiseau
de bon augure conjugal au Japon; la cinquième, une robe
jaune terne, brodée de feuilles d'iris et de plantes aquatiques ;
la sixième, une robe orange clair, oii sont ^gurés des melons
d*eaa annonçant la saison des pluies ; la septième, une robe
blanche mouchetée de ^ouno^, clochettes pourpre,dont la racine
laiteuse est très recherchée en médecine; la huitième, une robe
rouge parsemée de feuilles de mimosi ou prunier du Japon; la
neuvième, une robe violette ornée de fleurs de la matricaire ; la
dixième, une robe olive représentant des champs d'épis mois-
sonnés où courent les Eigzags de chemins et de sentiers; la
onzième, une robe noire recouverte de caractères représentatifs
i
LA MAISON D'UN ARTISTE.
au règne végétal que le brodeur emprunte
r de rhabillement de la femme, il ose, — et
jfois avec un bonheur singulier, — le deman-
règne animal. Et il brode des robes où sem-
utiner des abeilles, des robes qui simulent le
perlé de la toile où se tient l'araignée le ma-
; robes semées de sauterelles, des robes plei>
mroulements de vignes dont les écureuils
it les raisins, des robes figurant desvaguettes
quelles flottent des canards mandarins, des
illonnées de vols de moineaux, d'oies sauva-
1 cigognes, des robes où se tordent des dra-
ans des ciels d'orage zébrés d'éclairs, des
sur les traînes desquelles s'aperçoivent des
i, des chats, des homards, des carpes dans
ts d'or flottants qui les donnent à voir comme
lans des bourses. D^ns le moment, une feuille
te d'un album me montre une de ces robes
■ de mer, où apparaît, ainsi qu'au fond de
a silhouette noyée d'un gigantesque poulpe,
le rappelle avoir vu une robe représentant
iTse de chevaux devant la cour du mikado, à
me course avec son public et tous ses détails,
■le, toutefois, l'étrangeté du sujet, le voyant
■oderie, l'exagération du relief, sont en géné-
lanage des robes pour la procession de la
SannoA, des robes de courtisanes sur les-
tige et des glaçons; la doaiîème, tma robe poorpn
de signes idéographiques eiprimant lei rigueun d«
ESCALIER.
quelles on rencontre jusqu'à des masques de théâ-
tre comiques et licencieux.
La Japonaise « comme il faut » a des robes plus
sobres d'ornementation, mais dont les tons sont
cherchés dans les colorations de nature les plus dis-
tinguées, les plus artistes, les plus éloignées de ce
que l'Europe appelle des couleurs franches. Les
blancs que la Japonaise veut sur la soie qu'elle porte,
sont : le blanc d'aubergine (blanc verdâtre), blanc
ventre de poisson (blanc d'argent) ; les roses sont la
neige rosée (rose pâle), la neige fleur de pêcher
(rose clair) ; les bleus sont : la neige bleuâtre (bleu
clair), le noir du ciel (bleu foncé), la lune fleur de
pêcher (bleu rose) ; les jaunes sont : la couleur de
miel (jaune clair), etc. ; les rouges sont : le rouge de
jujube, la flamme fumeuse (rouge brun), la cendre
d'argent (rouge cendré); les verts sont : le vert de
thé, le vert crabe, le vert crevette, le vert cœur d'oi-
gnon (vert jaunâtre), le vert pousse de lotus (1)
(vert clair jaunâtre) ; — toutes couleurs rompues et
charmeresses pour l'œil d'un coloriste. Et à propos
de ces adorables nuances fausses, j'ai dans le sou-
venir une robe de crêpe rose, légèrement saumoné,
toute couverte d'éventails brodés, qui était bien le
plus gai morceau de couleur qu'un peintre puisse
(1) Une nuance japonaise est un certain vert pour vêtement
de dessus, nommé Yama bato iro, ou couleur de pigeon de mon-
tagne, et qu*a seul le droit de porter le mikado. Ses robes de
dessous, du moins autrefois, étaient des étoffes pourpre tissées
de fleurs blanches. Ces étoffes pourpre s'appelaient Teivosasi-
nokif et leurs dessins Koumo fate wakou ou nuageux.
I. 18
LA MAISON D'UN ARTISTE.
pour l'égayement de son atelier et le rappel
de sa peinture.
l'originalilé de beaucoup de ces robes, con-
ns le passage des épaules aux pieds, d'une
à une autre, par les transitions et les défra-
ies plus harmoniques. C'est ainsi qu'une
rt d'eau meurt datis do Tiolet, qui, d'abord
: insensible, devient du violet foncé; ainsi
robe blanc de crème, se colore presque im-
iblement et finit dans du jaune d'or. Il y a
cela des fontes et des noyades merveilleuses
lut de robe gros bleu dans un bas de-robe
d'un haut de robe blanc dans un bas de
irge de pigeon, d'un haut de robe brun dans
de robe bleu céleste.
ces robes flottantes et ne tenant pour ainsi
i au corps souple des Japonaises, la gr&ce pa-
e et un peu ratatinée de leurs mouvements
arme enfantin. 11 faut les voir, à demi cou-
le côté et la tète soulevée vers le seigneur
elles tendent son sabre, ou bien épaulées à
ivent, leurs jambes ramassées sous elles dans
ous de l'étofi'e, ou bien encore les deux cou-
és sur leur petite table à écrire, et le menton
sur le dos de leurs deux mains effilées, dans
îe de rêverie. Car on les rencontre rarement
sur leurs pieds ; elles sont toujours accrou-
■les talons, ou agenouillées (1), ou se traînant
ESCALIER. 207
à terre avec de coquets rampements et de volup-
tueuses ondulations. Les gens qui se rappellent TEx-
position#de 1867, ont conservé des Japonaises, qui y
vendaient du thé, comme la mémoire de jolis petits
animaux, qu'on trouvait presque toujours à quatre
pattes sur leurs nattes. Gela aurait-il une raison?
Robin, réminent physiologiste, dans un voyage à
Vienne, demandait à un exposant japonais, s'il trou-
vait vraiment jolies les femmes de l'Europe.
— Oui, oui... mais elles sont trop grandes! ré-
pondait le Japonais.
On dirait que les Japonaises, pour satisfaire à Ti-
déal amoureux de leurs compatriotes, en leur exis-
tence courbée et repliée sur elle-môine, travaillent
à se resserrer, à se diminuer, à se rapetisser, à
faire de leur corps ramassé et réduit, de petits et
mignons êtres d'amour , que les flatteries de la main
d'un maître doivent trouver à la hauteur du dos d'une
gentille bête apprivoisée.
A la suite des albums contenant les toilettes, les
occupations, les plaisirs de la femme japonaise, nous
avons les albums religieux, les albums historiques,
les albums de théâtre, les albums topographiques
des grandes villes et de leur banlieue pittoresque, les
albums d'ornementation, les albums d'industrie ar-
tistique, les albums d'éléments de dessin et encore
toutes sortes d'albums en trois, en dix, en vingt ca-
hiers sur toute espèce de choses : des albums sur la
fauconnerie avec les portraits des faucons célèbres
et la^guration de grandes chasses aux oies sauvages.
208 LA MAISON D'UN ARTISTE.
des albums-catalogues des objets d'art conservés
dans les temples sacrés, des albums sur la compo-
sition des bouquets, talent d'agrément qui fait par-
tie de l'éducation d'une jeune fiUe distinguée, etc.
Les albums religieux, -r- au-dessous de bronzeries
au milieu de lacs et de bois de cryptomerias, et qui
forment en haut des pages comme une série de paysa-
ges saints, posés sur de petits chevalets, — déroulent
des apparitions, des miracles, des décollations de
femmes, où le sabre du bourreau est brisé par un
éclair parti du sanctuaire du temple. On y aperçoit
de petites divinités naviguant, en pleine mer, sur le
dos de grandes tortues, des sennin chevauchant des
cerfs blancs, des diables d'ombres chinoises attelés
à des chariots de flammes, des personnages pour-
suivis par une légion de crabes qui vont se dégra-
dant jusqu'à l'horizon en une perspective pleine
d'effroi. Dans l'apparition de l'être surnaturel, l'ar-
tiste japonais apporte une légèreté de suspension,
un balancement, un flottement tout particuliers, et
cette apparition, il l'arrange, la dispose, la poétise
avec un art infini. C'est ainsi que, dans un album
de cette série que je possède, l'apparition d'une
femme à travers le feuillage d'un saule, la tête nim-
bée d'une clarté rose, et le corps formé des rameaux
pleureurs de l'arbre mélancolique, est tout ce que
peut imaginer de plus aérien le crayon d'un dessi-
nateur en fait d'évocation d'une trépassée. Cet
album (une reproduction des scènes légendaires,
figurées par des poupées, dans le temple de Kannofj),
ESCALIER. 209
acheté en 1852, a été, pour mon frère et moi, la
révélation de cette imagerie d'art alors bien vague-
ment connue de l'Europe, qui, depuis, a fait des
enthousiastes comme le paysagiste Rousseau, et
qui, à l'heure présente, a une si grande influence
sur notre peinture.
Arrivons aux albums historiques , tout pleins de ces
représentations d'hommes à la fois terribles et doux,
dont les annales du Japon nous décrivent lo type,
dans ce portrait de Tamoura maro : « C'était un
homme très bien fait, il avait 5 pieds 8 pouces
de haut, sa poitrine était large de 1 pied 2 pouces,
il avait les yeux comme un faucon, et la barbe cou-
leur d'or. Quand il était en colère, il effrayait les
oiseaux et les animaux par ses regards; mais lors-
qu'il badinait, les enfants et les femmes riaient
avec lui. »
Parmi les albums historiques, les vraies annales
héroïques du pays, je ne parlerai que des albums
qui racontent le dévouement des 47 romns\ et dont
on peut suivre, sur les impressions en couleur, la
légende traduite par M. Mitford (1).
Un daimio, du nom de Takumi-no-kami , portant
un message du mikado à la cour de Yédo, fut cruel-
lement offensé par Kotsuké, l'un des grands fonc-
tionnaires du shogun. On ne tire pas le sabre dans
Tenceinte du palais sans encourir la peine de mort
et la confiscation de ses* biens. Takumi se contint
(1) Taies of old Japon^ by A.-B. Mitfort, London, Macmiilan
and Co, 1871.
18.
j
tlO LA MAISON D'UH ARTISTE.
cette fois; mais, ua autre jour, il ne fut pas mattre:
de lui el courut sur sod adversaire, qui, légëreoient
blessé, put s'enfuir. Takumi fut condamné à s'ou-
vrir le ventre. Son château d'Akô fut confisqué, sa
famille réduite à la niis6re, et ses gentilshommes
tombés à l'état de romns, de déclassés, de déchus,
devinrent des marchands. Mais Kuranosuké, le pre-
mier conseiller du daimio et quarante-six des samou-
raï, attachés à son service, avaient fait le serment de
venger leur maître. Et le serment prononcé, ces
hommes, pour endormir les défiances de Kotsuké
qui les faisait surveiller par ses espions à Kioto, se
séparèrent et se rendirent dansd'autres villes sons
des déguisements de professions mécaniques.
Kuranosuké fit mieux. Il simula la débauche,
l'ivrognerie, à ce point qu'un homme de Salzuma, le
trouvant étendu dans un ruisseau à la porte d'une
maison de thé, et le croyant ivre-mort, lui cria ;
« Oh lie misérable, indigne du nom de samouraiqui,
au lieu de venger son maître, se livre aux femmes,
au vin [ » Et l'homme de Ëatzuma, en lui disant cela,
le poussait du pied et urinait sur sa figure. Mais le
dévoué serviteur poussa encore plus loin la subli-
mité de sa comédie. Il accablait d'injures sa femme,
la chassait ostensiblement de sa maison, ne gardant
auprès de lui que son fils aîné, âgé de seize ans.
Kotsuké, tout à fait rassuré par l'indigniLé de la vie
de son ennemi, se relâchait de la surveillance qàll
faisait exercer autour de son habitation, renvoyait
une partie de ses gardes.
ESCALIER. SU
T^a nuit de la vengeance était enfin arrivée, et la
voici telle que nous la fait voir la suite des planches
d'un album. Une froide nuit d'hiver, et les conjurés
dans une tourmente de neige, se dirigeant silencieu-
sement vers le yashki de Thomme, dont ils se sont
promis d'aller déposer la tête sur le tombeau de
leur seigneur. Ils escaladent la palissade. Ils enfon-
cent à coups de marteau la porte intérieure. Ils
égorgent les samourais de Kotsuké, dans reffarement
grotesque de grosses femmes chargées d'enfants. Ils
poursuivent les fuyards jusque sur les poutres du
plafond, d'où ils les précipitent en bas. Mais de Kot-
suké point. On ne le trouve nulle part, et on déses-
pérait même de le découvrir, quand Kuranosuké,
plongeant les mains dans son lit, s'aperçoit que les
couvertures sont encore chaudes. Il ne peut être
loin ; on sonde les recoins*à coups de lance, et bien-
tôt on en tire de sa cachette, déjà blessé à la hanche.
Une planche nous fait voir le vieillard, habillé d'une
robe de satin blanc, et traîné tout tremblant devant
le chef de l'entreprise. Alors Kuranosuké se met à
genoux devant le blessé, et, après les démonstrations
de respect dues au rang élevé du vieillard, lui dit :
« Seigneur, nous sommes les hommes de Takumi-
no-kami. L'an dernier. Votre Grâce a eu une que-
relle avec lui. 11 a dû mourir et sa famille a été
ruixiée. En bons et fidèles serviteurs, nous vous
conjurons de faire hara-kiri (s'ouvrir le ventre). Je
vous servirai de second, et après avoir en toute hu-
milité recueilli la tête de Votre Grâce, j'irai la dé-
n
212 LA MAISON D'UN ARTISTE.
poser en offrande sur la tombe du seigneur Takumî.
Kotsuké ne se rendant pas à l'invitation qui lui
était faite, Kuranosuké lui coupait la tête avec le
petit sabre qui avait servi à son maître à s'ouvrir le
ventre. Gela fait, les quarante-sept ronins s'ache-
minaient vers le temple où reposait Takumi,' dépo*
saient la tête de Kotsuké, demandaient aux bonzes
de les ensevelir, et se rendaient au tribunal.
La sépulture des quarante-sept ronins, enterrés
autour du corps de leur seigneur, devint bientôt
un pèlerinage, et le premier qui s'y rendit fut l'in-
sulteur, qui n'avait pas soupçonné la supercherie
surhumaine de Kuranosuké. Il déclarait qu'il venait
faire amende honorable à l'illustre martyr, et s'ou-
vrait le ventre sur le tombeau.
Les albums de théâtre, les plus nombreux de tous
et les moins plaisants, à cause d'un certain hiéra-
tisme caricatural, qui vous fait passer et repasser
sous les yeux un type uniforme aux gros yeux sail-
lants, aux narines effroyablement ouvertes, à la
bouche en tirelire, présentent cependant un certain
intérêt par la belle ordonnance des draperies, U
dignité des attitudes, les superbes enveloppements
de dédain, la fierté des défis, les retroussis colères
des bras prêts à frapper, les convulsions des agonies
dans des linges sanglants, le grandiose de la mi-
mique. Ces albums forment là-bas la bibliothèque des
acteurs. La réunion la plus riche rapportée à Paris,.
et qui a fait les petites collections connues, a été
achetée par MM. Siebel, à la vente de Tanoské, le
ESCALIER. 213
Talma du Japon. Ces recueils sont pour les ac-
teurs du pays, les manuels où ils étudient l'épique
qui se dégage de l'exagération héroïque du drame
japonais, étudient les lignes violentes des corps
animés par la passion de la vengeance : tout le
théâtre dramatique de l'Extrême-Orient.
L'amour qui ne peut se faufiler, et comiquement
encore, qu'à la suite d'une prostituée, l'amour et
ses tragédies n'ont pas de place sur les scènes du
Japon. Car, sur l'amour, les Japonais ont une ma-
nière de sentir, des idées, des délicatesses tout à
fait extraordinaires. Ils n'admettent pas qu'il puisse
y avoir d'autre amour que l'amour entre mari et
femme, et encore de l'amour qui n'a pris naissance
que du jour du rapprochement charnel. Et au théâtre
l'amour d'une jeune fille, et l'amour le plus pure-
ment et le plus chastement exprimé, révolterait les
spectateurs de cette contrée paradoxale, où l'impu-
dicité court la rue. Là nous touchons à un ordre de
sentimçnts qui nous échappent. Je me rappelle, un
soir, chez mon ami Burty, Tindignation d'un jeune
Japonais à qui il était demandé ce qu'il trouvait de
choquant de dire à une femme qu'on en était
amoureux, et qui, après une sortie sur la grossièreté
de notre langue, de nos expressions, de nos mots,
s'écriait : « Chez nous, ce serait comme si on disait :
Madame, je voudrais bien coucher avec vous. » Et il
détaillait un certain nombre de formules poétiques
et logogryphiques , au moyen desquelles seules
une déclaration pouvait se faire jour, sans indécence,
t
I
ÎU LA MAISON D'UN ARTISTE.
finissant enfin par cette phrase : « Tout ce que
nous osons dire à la femme que nous aimons,
c'est que nous envions près d'elle la place d'un
canard mandarin ; c'est notre oiseau d'amour, Mes-
sieurs l »
Les albums topographiques dans une succession
de planches à vol d'oiseau qui couvriraient un pan de
muraille, vous donnent la figuration des villes comme
Ossaka, Yedo, etc., et les docks baignant dans l'eau»
et les quartiers de négoce maritime, et les enfilades
de comptoirs, et les intérieurs où des costumes eu-
ropéens se voient parmi des costumes japonais, et
les grands terrains cultivés au milieu desquels se
dresse le toit d'un temple, et la ville proprement
dite avec sa rivière et ses canaux coupés de ponts
courbes à monter avec les pieds et les mains, et ses
perspectives de boutiques aux enseignes dans des
guérites, semblables à une avenue de nos baraques
de foire, et les rues remplies, selon l'expression
d'un voyageur, d'une foule, bleue et couleur chair
bronzée, une foule qui ne fait pas de bruit avec ses
chaussures de paille, et le Sù^o aux assises cyclo»
péennes et aux grands fossés, et l'esplanade oii pa-
radent des soldats japonais, puis encore les entre-
pôts dont les baies ouvertes découvrent d'immenses
emmagasinements de riz et de thé, et qui finissent
en des espèces de lagunes où continuent à se vendre
des produits du pays sous des toits de nattes sou-
tenus sur des piquets ; tout l'immense déploiement
colorié, surmonté çà et là de petites banderoles
ESCALIER. nS
cânninées donnant Tindication et le nom des bâti-
ments représentés.
Les albums d'ornementation demandent surtout
leurs motifs à l'éblouissante flore du pays, en y asso-
ciant l'oiseau.
Parmi ces albums, je veux donner un moment à
la description de l'album qui a pour titre : les
Oiseaux et les fleurs des quatre saisons, dessinés
par Takéoka, une merveille de douce harmonie et
de clair coloriage, qui n'a guère pour les fonds que
le gris d'un ton de glaise. Des oiseaux grimpant le
long des flancs de roseaux, des oiseaux volant au
milieu de la déchiqueture de grands pavots, des
oiseaux becquetant des grenades entr'ouvertes, des
oiseaux blottis dans des rameaux couverts de neige,
des cailles grises entrevues à travers les fleurettes
deà champs, des cigognes blanches à demi cachées
par les ,iris violets, des canaris jaunes sur des ra-
meaux feuilles de boutons de magnolias blancs li-
sérés de rose : c'est toute une suite de tableaux où
se groupent dans des arrangements d'un goût exquis,
d'une originalité singulière, la plante et l'oiseau.
Dans ce recueil, il est une planche qui représente
deux mésanges, posées sur une tige de bambou
desséché, et se détachant de dessus l'orbe pâle de la
lune dans un ciel crépusculaire : une image d'un
effet à la fois réel et poétique auquel n'est jamais
arrivée une composition ornementale de l'Occident.
Ces fleurs et ces oiseaux sont peints, tout pénétrés
de lumière, sans que leur éclat, leur vivacité, leur
116 LA MAISON D'UN ARTISTE.
ensoleillement, soient atténués par l'ombre des demi-
teintes, et \& dessin très savant, très technique, très
botaniste, tout en serrant de tout près la nature, a
dans le contour une grandeur et des ressentiments
pareils à ceux que nos grands maîtres ont cherchés
dans leurs dessins, et surtout dans une suite de des-
sins héraldiques d'Albert Diirer vendus autrefois
par « l'Alliance des Arts » . Oui, il est incontestable que
les Japonais, et les Japonais seuls, ont, dans l'inter-
prétation de la fleur et de son feuillage, un style, —
le style qui n'existe chez nous que pour la repré-
sentation du corps humain.
De petits albums à l'usage des fabricants, et de la
grandeur de nos carnets de poche, contiennent de
charmants modèles de toutes les industries d'art. Un
album de brodeur, derrière sa première planche
remplie par une brodeuse devant son métier, étale
une série d'échantillons d'étofTes brodées, ^d'armoi-
ries de princes, d'œils de queue de paon, de sil-
houettes noires de chauves-souris, de simples flots
de la mer, et de cocottes pareilles à celles que nos
petites ûUes d'Europe font dans un carré de papier.
Un autre donne des patrons de robe, et, entre
autres, une robe qui est comme un léger bou-
quet et une fusée d'herbettes et de fleurettes de
graminées. A ces albums, comme contraste, il faut
o^)poser les albums consacrés à l'habillement et à
l'armure des guerriers, et qui vous représentent ses
différents casques, ses cuirasses, son carquois et ses
flèches, ses hakama (pantalons en forme de jupes),
KSCALIER. 217
ses sandales de bois appelées ghetta, ses selles, le
harnachement de son cheval, enfin Téquipement
pédestre et équestre du samourai; — albums se
terminant souvent par des batailles, moitié sur terre,
moitié dans l'eau, qui, par la furie des éléments
déchaînés par le peintre, par la colère donnée au
paysage, dont les feuilles se dressent comme des lan-
gues de flammes, par le surhumain des coups qu'on
se porte, par l'exagération des blessures et du sang
répandu, par une espèce de terrible fantasmagorie,
ne semblent plus des batailles entre des hommes.
Ces batailles semblent se donner au son de ce
chant d'extermination, composé par l'empereur Zîn-
mou, dont un frère venait d'être tué par une flèche :
« Je suis attristé par la mort de mon général
auquel je pense toujours : l'ennemi doit être haché
en pièces, comme des oignons, avec ses femmes et
ses enfants, au pied des palissades. Cela suffira et
mettra fin à la guerre.
« Je suis attristé par la iqort de mon général
auquel je pense sans cesse : ma colère est pénétrante
comme le goût du gingembre. C'est en les extermi-
nant tous qu'il faut mettre fin à la guerre. »
Des albums sont consacrés aux objets de laque, et
nous y relevons une série de ravissants peignes de
luxe. D'autres albums apportent au travail du fer
des modèles d'une imagination merveilleusement
créatrice^ et nous font passer, sous les yeux, des
couvercles de boîtes, des gardes de sabre, des man-
ches de couteaux qui sont de la vraie bijouterie.
t. 19
as I^A MAISON D'UN ARTISTE.
].es albums qu'on pourrait appeler « Éléments de
dessin » rie peuvent se compter. Je citerai, parmi ces
albums, un petit cahier très curieux, dessiné d'après
ce principe qui avait fait sculpter les joujoux exposés
àla dernière exposition, et qui composaient une série
d'animaux à l'état de premier dégrossissement d'one
sculpture, et d'ébauche rudimentaire de la forme.
L'album contient un méli-mélo d'hommes, d'ani-
maux, cherchés dans le dessin extérieur, dans le
contour spirituel, bizarre, caractéristique, excessif,
de l'être représenté, avec un dedans rempli par une
teinte plate. Gela donne des silhouettes très origi-
nales, et où l'œil n'est distrait par aucun détail
secondaire. C'est, en plein jour, des choses à peu prèé
dessinées comme des figurations d'ombres portées
par une lumière sur un mur. Il existe ainsi des dra-
pements de femmes dégingandées, contournés d'an
gros trait écrasé d'un effet saisissant ; et une plan-
chj de cigognes, — de vrais triangles volant dans
l'air, — est tout simplement étonnante.
Mais vraiment l'on ne peut parler de croquis
d'art, sans ouvrir une parenthèse en faveur d'O-kou-
saï (1) et de ses quatorze petits cahiers classiques,
(1) D'après une curieuse note de Bergerat, sur des indications
fournies par Nanishima, un des Japonais venus en France, Taiï-
Dâe de rexpoaition, Oksai, 0-kou-sal, Fokkusàl, dont le Trai
nom serait Hottéyimon-Miuraya, serait né à Yedo au milieu
du XTin* siècle, aurait travaillé dans Tatelier de Shiun-Sui-Katsu*
K$va,. pitis chez Shiun-Shivo, et aurait débuté par une suite des
jardins de Yedo. Baptisé par son maître du pseudonyme de
hitm-Bô, il aurait, ce qui n'est pas invraisemblable pour un
aponata^i^néi ^& f 164 à 1798, de cinq noms différents, fl*aboa*d
Cet homme a le génie du dessin de premier jet, le
talent unique d'enfermer, dans une ligne tracée en
i.'ourant, la vie d'un mouvement humain ou animal,
la physionomie d'une chose inanimée. Figurez- vous,
au milieu de toutes ces images gardant un rien du
hiératisme chinois, des dessins empreints à la fois
de la modernité d'un Gavarni et d'un Decamps, et
qui cependant n'ont rien d'occidental, mais sont le
triomphe du d'ap}-ès nature oriental. Ce sont des
centaines de croquetons, où pêle-mêle, et au gré
du motif tombé sous les yeux du dessinateur, défi-
lent des hommes, des femmes, des quadrupèdes,
des oiseaux, des poissons, des reptiles, des paysages,
des objets bizarres et imprévus, comme la coupe in-
térieure d'un pistolet, et jusqu'à un pétale de fleur,
un caillou, un brin d'herbe. En ces pages qui ne
finissent jamais, 0-kou-saï montre, grands comme
SAri, puis Salto, puis Tameithi, puis Oakino-Bojin, endii Katsa-
Chika-Fokkusal, le nom sous lequel il est resté célèbre, et qui
veut dire liaison du Nord, par allusion à une maisoa très recu-
lée et très lointaine, qu'il habitait au nord de la vill«.
Son œuTre est très considérable : iadépend animent de ses
quatorze petits cahiers d'études et de ses trois albums de Fusi-
yama, il a été surtout un illusli-aleur de romans, et principa-
lement des romans de Kiokutei, le i-omancier en vogue du Japon,
et aujourd'b.ui les Japonais payent des prix énormes les anciens
tirages de ses planches. Lors du séjour de M, Philippe Sichel au
Japon, un exemplaire des quatorze cahiers d'études d'0-kou-sat,
avec annotations et croquetons du peintre, jetés dans les blancs
de l'album, était en vente au prix de mille dollars à Osaka. Il
est mort dans un âge très avancé, puisque la publication du
Pusi-yamn est de 1S30. Il ; a une légende à Kîoto, lui prêtant
la collaboration d'une Slle belle et intelligente, qui ne voulut
jamais se marier, se dévouant tout entière à son vieux pbre,
d'huineur, par parenthèse, assez fantasque.
t20 LA MAISON D'UN ARTISTE.
le pouce, ses compatriotes, dans les poses, la tenue,
les habitudes de leurs corps, et aussi bien dans l'ac-
tion de leurs muscles parmi les durs travaux des mi-
nes, que dans la détente heureuse de leurs membres
en la fumerie des pipettes. Avec le dessinateur, nous
voyons les Japonais galopant sur de petits chevaux
ébouriffés, plongeant sous Teau à la recherche des
coquillages, se disloquant dans des tours de force
ou d'adresse impossibles, et encore des Japonais
sommeillant, s'éventant, lisant, jouant aux dames,
se promenant, contemplant un pot de fleurs, faisant
'kow-tow, la révérence où l'on touche la terre du
front. Partout sur les feuilles qui se succèdent, foi-
sonne une humanité d'homuncules aux contours
cahotés et ressautants, et dont la myologie est légè-
rement écrite sur la nudité. 11 y a une série de
planches de lutteurs et de bâtonnistes, où les ramas-
sements, les retraites, les développements, les allon-
gements des bras et des jambes forment une suite
d'infiniment petites académies d'une science d'ana-
tomie extraordinaire. Enfin, sous le crayon d'O-kou-
saï, revit, saisie sur le vif, toute la mimique corpo-
relle de ce peuple si expansif, si démonstratif. Et le
tortillage de la femme dans son éternel accroupis-
sement h terre le rend-il d'une manière assez diver-
tissante 1 Dans la figuration rigoureuse, dans la copie
fidèle de ses hommes et de ses femmes, 0-kou-
saï apporte un grossissement comique qui n'est
pas, à proprement parler, caricatural, mais plutôt
humoristique. L'artiste, si l'on peut dire, a la réalité
ESCALIER. 221
ironique. Quelquefois môme cette réalité, tout en
restant humaine, prend chez Tartiste un caractère
fantastique dans des vieillards raccornis et poilus
qui ont l'air de satyres octogénaires, dans des
femmes, sur les épaules desquelles il met la tête
inanimée et cabossée des poupées de là-bas, et sur-
tout dans des phtisiques, que le squelette trans-
perce çà et là, et rend macabres.
Du reste, 0-kou-saï est attiré par le fantastique, et
y va quelquefois résolument. On rencontre parfois,
dans son Œuvre, une /emme-reyenan^, une larve dres-
sée dans le ciel, comme une longue chenille recour-
bée, et qu'enveloppe une tignasse de pendu. Et je
ne sais guère d'apparition plus terrible que ce crâne
chevelu, dans la tête de mort duquel regarde un
seul œil vivant, grand ouvert.
Tournez la* page, après l'image effrayante, ce sera
peut-être une plaisanterie scatologique : une lucarne
de privé que dépasse la tête d'un samourai plongeant
entre les manches de ses deux sabres, tandis qu'au
dehors les nez se bouchent jusqu'à la cantonade.
Et toujours ainsi, l'imagination se çiêlant à la réalité,
une image inattendue mène à une autre. On passe
de répure d'un dévidoir à cocons de vers à soie à la
fantaisie de deux porteurs, dont les nez font le bâton
auquel est suspendu le fardeau branlant ; du tour
d'un jongleur rendant le contenu d'une tasse dans
une envolée de papillons qui lui sort de la bpuche,
à l'action d'une jeune fille qui, en se tordant de rire,
éteint une chandelle avec un pet ; de la méditation
19.
tn LA MAISON D'UN ARTISTE.
d un lapin dans un clapier , à un bain de famille
où un Japonais fait sa barbe, à côté de jeunes
femmes vêtues seulement de leurs épingles à che-
veux, au milieu de petits enfants jouant avec des
tortues.
Mais où 0-kou-saï est vraiment inimitable, c'est
dans le crayonnage de Toiseau, de Tinsecte, du pois-
son, du reptile. C'est là incontestablement la vraie
et la grande spécialité des Japonais, et voici, dans
un album d'inconnu jeté sur la table, une crevette
dessinée avec la grandeur d'un dessin de Michel-
Ange. Mais nul n'a rendu aussi bien que 0-kou-saï,
le galbe, l'aspect, la tache de ces animaux dans le
paysage, nul n'a surpris comme lui le rampement,
la nage, le vol, et surtout l'immobilité frémissante
et animée de l'animalité vêtue d'écaillés ou de plu-
mes, des habitants de l'eau ou de l'air.
Et toutes les habiles figurations de l'artiste sont
plaisantes à l'œil par la coloration particulière de
leurs impressions. Comme fusinées, elles se jouent
dans trois teintes : le gris du papier de Chine pour
le fond, une teinte bleutée pour les vêtements, les
pelages ; une teinte rosée pour les carnations, les
fleurs, etc. Et le dessin et les couleurs semblent
bues par la soie du papier.
L'œuvre de réalité humoristique de 0-kou-saï
nous mène aux albums absolument caricaturaux, en
général de date assez récente. La caricature au
Japon, chez ce peuple moqueur, a une verve, un
entrain, une fu7na indicibles ; il semble qu'elle soit le
BSCALIER Î23
produit de la fièvre d'une cervelle et d'une main, et
parfois son étrangeté lui donne l'aspect d'une hallu-
cination de fou. Elle est copieuse, exubérante, et les
imaginations cocasses, et les bonshommes drolati-
ques de toutes les couleurs jaillissent sur la page
blanche de l'album à la façon de la poussée violente
et de l'éparpillement multicolore, dans le ciel, d'un
bouquet d'artifice. Le caricaturiste n'économise pas
son comique, il couvre, il surcharge la feuille d'in-
nombrables compositions, et le papier jusqu'en ses
recoins grouille, fourmille de gens contorsionnés,
de bousculades réjouissantes, de chutes montrant à
cru des derrières à des idoles, qui s'indignent sous
leur patine verte, de maux de cœur tournés au mal
de mer, d'inénarrables natations de femmes obèses
et ventripotentes. C'est tumultueux, diffus, enche-
vêtré, avec quelque chose du trouble remuant des
morceaux de papier colorié d'un kaléidoscope qu'on
secouerait. Ici, des enfants peignent en vermillon le
ventre de Silène d'un dormeur ; là, un vieux vétéri-
naire examine de tout près l'anus d'un cheval qui
pétarade ; plus loin, un borgne court après son œil
emporté au bout d'un fil par une grosse mouche. Il
s'y trouve, dans ces croquis, tous les contrastes amu-
sants des g7'as et maigres, toutes les déformations
d'un visage vu en long et en large dans une cuiller,
tous les galbes de crânes d'imbéciles, et de cet im-
bécile particulier au Japon, qui a le type d'un Jo-
crisse kalmouck, enfin tous les ingénieux emprunts
faits par notre Granville pour la construction de son
.^
Î24 LA MAISON D'UN ARTISTE.
humanité. Notons en passant que, chez les Japonais,
la pieuvre devient la maquette d'après laquelle le
caricaturiste façonne toute une série d'étranges têtes,
aux protifbérances, aux nodosités d'une calebasse,
au profil creusé comme un quartier de lune. On y
voit encore des femmes, emprisonnées dans leur
parapluie fermé, qu'elles ne peuvent rouvrir, — le
parapluie en papier jaune huilé couvert de grands
caractères noirs joue un rôle important au Japon, —
des goinfreries bestiales d'hommes aux longs che-
veux rouges, des sortes d'Aïnos, autour de platées
de nourritures gigantesques, des promenades ridicu-
les de samourais dans la silhouette farouche de leur
arsenal militaire en marche, des ascensions plaisan-
tes de montagnes saintes par des pèlerins qui ont
l'air de ^arves blanches sur un champignon pourri,
et au milieu du délire général de Tillustration, des
Bouddha, sortant de leur immobilité de bronze,pour
faire la grimace et demander à boire.
Et toujours dans la grosse charge, par-ci par-là,
un détail délicat : la jupe d'une femme renversée,
les jambes en l'air, figurera la volute d'une coquille ;
l'hébétement d'un ivrogne de saki tiendra, du bout
des doigts d'une main, l'orteil de sa jambe allongée
par un de ses serpentins mouvements d'un maître
de notre xvi^ siècle. Nous trouverons même, parmi
ces planches pour rire, la fine et distinguée obser-
vation du peintre de mœurs qui, sans l'outrance de
la caricature, fait risibles de simples mouvements
de l'âme : la colère de celui-ci, l'admiration r.mou-
reuse de celui-là; fait risibles le vautrement conges-
tionné de ce savant sur un rouleau d'écriture, la
pipette de travers dans la bouche, et encore la joie
dansante et disloquée du populaire, et les gr&ces de
la Japonaise disgracieuse.
Les étrangers, les Hollandais, les Anglais, se trou-
vent volontiers sous le pinceau du caricaturiste japo-
nais. Et voici une caricature très réussie de l'Occi-
dent par l'Orient. Un officier de marine anglais,
l'air un peu nigaudinos, et qui se tient les cotes de
bonheur, est embrassé par une pudibonde lady,
coiffée d'un chapeau bibi; — et devant l'amour bête
de ces deux personnages farces, les êtres fantastiques
peuplant la terre, le ciel et l'eau de l'Empire du
Lever du Soleil se livrent à une formidable gaieté.
Bien souvent, en leffet, dans l'Exti-ème-Orient, le
fantastique se mâle k la caricature, aiusi que nous
l'avons vu dans l'œuvre de 0-kou-saî. 11 n'a pas
d'albums spéciaux, et se déverse un peu sur toutes
les pages, mettant à côté du rire son surnaturel, sa
terreur. C'est à droite et à gauche qu'il place ses
effrayants vieillards, balayés de chevelures blanches,
au visage rouge ; ces daîmio mystérieux, tenant entre
leurs mains une tète de femme coupée, ressemblant
à ces petites tètes de suppliciés en terre cuite,
peintes en vert, une grosse larme sous l'œil droit, et
qui pendent aux franges du manteau di:
punisseur des crimes dans l'enfer bouddhîi
personnages à têtes d'oiseaux groupés dans d
ches, ainsi qu'en un arbre de Jessé d'un i
«6 LA MAISON D'UN ARTISTE.
fée ; ces gros hommes aux lobes d'oreille leur
balayant le ventre ; ces femmes poursuivies par des
jambes sans corps, et ces luttes de lutteurs sans
têtes.
Ici, dans l'obscurité d'une chambre à demi éclairée
par une lauterne, la fumée d'une pipe se transforme
en un immense serpent se tordant au-dessus de la
tête du fumeur épouvanté. Là, dans le noir de la
nuit, est tendue à travers la campagne une toile qui
tient le ciel, et oti est blottie une formidable arai-
gnée-crabe dont les pinces sont partout. Les mons-
tres enfantés et aimés par l'imagination nationale
entrent bientôt en scène. Dans cette planche, où un
guerrier galope parmi les flots obscurs, apparaît la
légendaire tortue à la tête de chien, à la queue d'al-
gues flottantes, à l'antique carapace, oii se sont for-
més des rochers, o"^ poussent des arbres. Dans cette
autre planche, sort, des profondeurs des Océans,
le dragon des typhons, dont la présence perturba-
trice de l'atmosphère soulève la mer dans le ciel,
et fait courir, autour du bateau en détresse, des
vagues qui ont comme des griffes, des doigts cro-
chus à leurs crêtes.
Souvent aussi à ces apparitions d'une animalité
de rêve et de cauchemar, l'Orient associe la vision
d'épouvante de l'Occident : le squelette, — qu'en
leur qualité de coloristes, les Japonais aiment à colo-
rier en lilas tendre. Et trouvez, dans notre fantas-
tique à nous, une composition supérieure à celle-ci?
Par une de ces nuits, oti un nuage sinistre est jeté
ESCALIER. 227
avec un art si admirable sur ure lune livide, un
samouraï, les mains sur les gardes de ses deux
sabres, regarde, dans le ciel noir, une bataille de
squelettes menés par une Mort, chevauchant une
carcasse de cheval,, et brandissant au-dessus de son
crâne, aux orbites vides, un long fauchard.
Un fantastique moins terrifiant, plus autochtone,
presque entièrement personnel aux Japonais, et qui
revient Cans tous les albums : c'est l'allongement
des nez qui deviennent des trapèzes autour desquels
des équilibristes font de la voltige, l'allongement
des jambes qui semblent avoir les rallonges de
grandes échasses, — et en première ligne l'allonge-
ment de cous qui prennent le serpentement et la
ténuité d'un ver de terre interminable. Longtemps
j'ai pris ces allongements bizarres pour des visions
de l'ivresse du hachisch» mais aujourd'hui après
l'étude de « la Science politique », il faut abandon-
ner cette interprétation de ces fantaisies physiologi-
ques. 11 s'agit de la figuration d'une superstition
japonaise partagée par quelques tribus indigènes
des îles Philippines. C'est le rok-ri-koubi (la tète à
six lieues) ou la croyance que lorsque le corps est
complètement endormi, le cou s'allonge, devient
mince comme un fil, flexible comme un roseau. Et la
tète de l'endormi peut ainsi s'éloigner à des distances
inânies, et assister à des choses absconses et secrë-
tes, qu'il n'est pas donné de voir à l'homme éveillé.
Une étude des albums japonais serait incomplète
si Ton n'accordait pas un mot aux albums erotiques.
j
LA MAISON D*UN ARTISTE.
L*Orîent n*a pas notre pudear, ou du moins il a une
pudeur autre, ainsi que je Tai indiqué à propos du
théâtre. Le Japon est le pays où un homme tirant
des quatre compartiments d'une boîte, du sable
rouge, bleu, blanc et noir, ainsi qu'un paysan
ensemençant son champ, sème sur le parquet, à
Iqi volée d'une main artiste, des dessins obscènes,
qui mettent en joie un public d'honnêtes femmes et
de jeunes filles. Donc ces sortes d'albums sont nom-
breux, très nombreux. Mais avant tout, il faut le
déclarer, ces images n'ont rien de la polissonnerie
froide de l'Occident et même de la Chine. Ce sont
d'énormes gaietés, et comme le portefeuille d'un
dieu des Jardins oti llndécence des choses est sauvée
par une naïveté de temps primitifs, et, le dirai-je?par
le michelangelesque du dessin. Il se révèle en ces
impressions un amour physique, qui, dans les con-
tractions des orteils des hommes, dans les pâmoi-
sons des femmes, a quelque chose de l'épilepsie, et
apporte au dessinateur une tourmente de lignes
superbes. Ces albums représentent en général des
Maisons de thé^ où, derrière le repliage de quelques
pages figurant l'habitation au grand toit noir, aux
boiseries laquées de rouge, au jardin rose, se dissi*
mulent les scènes amoureuses.
Mais entrons dans une de ces maisons, à l'aide
d'une chanson populaire (1) :
(1) Anthologie japonaise, par Léon de Rosny. Maisonneave
et C»e, éditeurs, 187i.
ESCALIER. 229
« Voyez donc sur cette fleur ces deux jolis papil*
Ions. Pourquoi voltigent-ils ainsi sans se séparer?
— C*est sans doute parce que le temps est beau
et qu'ils se sont enivrés du parfum des fleurs.
— Nous aussi, allons, comme ces papillons,visiter
les fleurs.
— Avez-vous étudié la science des fleurs?
— Je Tai étudiée sous la direction d'un excellent
maître de Yosiwara.
— Cette étude coûte-t-elle beaucoup d'argent ?
— DeVouverture de l'établissement jusqu'à l'aube
du jour, on donne de trois à quatre taels.
— Voilà la grande porte
— Ne connaissez-vous aucun professeur ?
— Je connais le professeur Komourasaki (Pour-
pre foncée). ^
— Veuillez attendre un peu, le professeur Ousou-
goumo (Nuages légers) va venir.
— Le professeur se fait attendre bien longtemps;
je ne comprends absolument pas pourquoi ?
— Les professeurs de Yosiwara perdent beaucoup
de temps à cause des complications de leur toilette.
D'abord ils aiment à employer pour l'arrangement
de leur coiffure la pommade de Simomoura et les
cordonnets de Tsyôzi. Il en est qui adoptent la
mode de Katsouyama, d'autres préfèrent celle de
Simada. Ils ne s'aperçoivent pas que leur peigne
d'écaillé, et leurs aiguilles de tête en corail, pour
lesquels ils dépensent mille livres, augmentent leurs
I 10
LA MAISON D'UN ARTISTE.
dettes. Poudre de riz pour le visage, poudre de ris
pour le cou, fard pour les lèvres, et jusqu'à du noir
potir les dentSf il n'y a rien chez eux qui ne décèle
la prodigalité.
Un instant après le professeur se présente. En
vérité, il est très joli, distingué, aimable. A ses sour-
cils se dessine la brume des montagnes lointaines ;
à ses yeux s'attachent les frémissements des vagues
d'automne ; son profil est élevé, sa bouche petite,
la blancheur de ses dents fait honte à la neige du
Fouzi-yama ; les charmes de son corps rappellent
e saule des champs durant l'été. Son vêtement de
dessus est orné de dragons volants brodés en fils
d'or sur du velours noir. Elle porte une ceinture en
brocart d*or ;eQ un mot^ sa toilette est irréprochable.
— Je suis venjj m'entretenir avec vous à Teffét
d'entreprendre l'étude des fleurs.
— Mais avez-vous bien réfléchi combien est fati-
gante cette étude ?
Veuillez venir dans ma chambre.
La description de ces chambres étant connue de
tout le monde, û est inutile d'en parler en détail.
Sur l'estrade disposée pour recevoir six nattes, on a
suspendu trois stores du peintre Hôïtsou, représen-
tant des fleurs et des oiseaux. On y a rangé le jeu
de sougorokou (tric-trac)^le jeu de go (jeu de dames
très compliqué), des ustensiles pour faire chauffer le
thé, une harpe, une guitare. À côté, dans une
ESCALIKR. m
bibliothèque, on trouve depuis la célèbre histoii-e
des GbeQzi de Mourasaki Sibikou jusqu'aux romans
de Tamenaga Siounsoui.
Or donc, lorsque le professeur se présente pour la
seconde fois, il est habillé de ses vêtements de lit,
comprenant une casaque de crêpe rouge, surmontée
d'une robe de nuit de satin violet ornée de pivoines
et de lions brodés avec des fils d'or. Il laisse tomber
en arrière ses noirs cheveux capables d'enchainer
le coenr de mille hommes, et permet d'apercevoir un
corps dont la blancheur mortiQerait la neige elle-
même. Sa figure, au sourire de prunier, est semblable'
aux Seurs de poirier, émaillées de gouttes de pluie.
« La fleur est faible ; de grâce, arrosez-la sou-
Yent.
Ici commence la libre interprétation populaire de •
rÉioDB DES FLEURS A YosiwARA, par Ics albums.
Les images sont en couleur, mais le plus souvent
elles sont précédées d'un texte entremêlé de petits
dessins imprimés en noir, et ces petits dessins sont
toujours supérieurs aux grands. Il y a là des copula-
tions dont les raccourcis sont dignes d'un Jules Ro-
main, et à côté de cela des imaginations spirituelles
d'une fantaisie charmante. C'est ainsi qu'un de ces
croquis montre le rêve d'une femme, dont le som-
meil agité a rejeté loin d'elle ses couvertures, et qui
Toitune farandole de phallus, habillés à la japonaise,
dansant et agitant de grands éventails. Cette danse
LA. UAISOH D'UN ARTISTE,
Ilus s'éventant est, certes, une des composi-
îs plus excentriques sorties de la cervelle et
yoD d'un artiste en une heure de caprice
i. Ce petit album, que n'a pas signé l'artiste,
le U memigouça ou Révë amouredx.
}inbre, l'abondance, la prodigalité de l'image,
)n, dépasse tout ce qu'on peut imaginer. Ce
as une feuille, c'est presque toujours trois
qui donnent la représentation d'une scène
nque. 11 existe un passage de gué par une
de daimio, escortée dans l'eau de ses neuf
d'honneur portées sur de petits planchers,
développent sur six feuilles. Le voyage d'un
de plaisance sur une rivière en compte
Un catalogue de la chalcographie japonaise, je
pas ce qu'il contiendrait de volumes, tant
ants et les femmes des maisons de thé font
nsommation effrayante de ces livres illustrés
coûtent rien, et en ce pays, où la passion de
! est telle, qu'au dire de M. Humberl, une
le d'absinthe ou de chartreuse décorée d'une
tiquette, se vend le double,
orieox n'est-il pas que nous en sachions si
r ces impressions (i}?ll y a quelques années,
e qu'on savait d'elles, c'est qu'elles étaient
j à tro s atag ^u'elU
ESCALIËR^ 233
imprimées avec des bois, à peu près comme le sont
nos grossières indiennes, mais sans posséder aucun
détail de la fabrication. Aujourd'hui, des conversa-
tions de Félix Régamey, des observations de Brac-
quemond, il résulte que l'impression se fait de la
manière la plus primitive^ et, — on ne s'en douterait
guère, — sans Taide d'une presse. L'imprimeur a
un disque de bois, une feuille de bambou au dessous
rugueux et côtelé ; il replie sa feuille sur son rond
de bois, la noue en haut avec un de ces inimitables
nœuds qu'on trouve sur certaines boîtes de laque et
qui lui sert de poignée. Cela fait, il prend une plan-
che de bois entaillée des deux côtés, et dont le re-
pérage est fait au moyen de quatre petites encoches;
il encre le recto d'une couleur, place sa feuille des-
sus, et frotte sur les aplats, de la couleur à l'eau avec
son rond de bois enveloppé delà feuille de bambou,
absolument comme d'un froton. Alors il nettoie son
verso, encre le recto, — une planche fournissant deux
impressions, -^ puis il passe à la seconde planche, et
à une autre. C'est au fond absolument le procéda
avec lequel, au moyen d'un brunissoir, nos graveurs
sur bois tirent l'épreuve d'un fumé. Mais l'admirable,
c'est le nombre d'impressions que par un procédé si
élémentaire, subit le papier. J'ai compté dans une
planche etquin'estpasdes plus compliquées : 3 verts,
2 gris, 1 noir, 2 roses, 1 brun rouge, 1 jaune, 3 bleus,
en tout 12 tons, et cela sans les planches pour l'or,
pour les divers métaux, pour le gaufrage. Et ces im-
pressions si chères à obtenir en Europe, en chromo-
20.
t34 LA MAISON D*UN ARTISTB.
lithographie, reviennent à quelques ttchibou, par la
simplicité de Tinstallation et de ToutiUage, et par
Tassociation au travail de rimprimeur du travail de
la femme, des enfants, de toute la maisonnée.
Elles ont, ces impressions obtenues si facilement,
une fleur de couleur, une égalité de teintes, une per-
fection de dégradations qui témoignent d'une habi-
leté de main désespérante pour nos ouvriers. Et le
goût de ces albums, et toutes les jolies additions et
inventions autour de la composition principale, et
toute la menue ornementation du papier. Des pa-
piers jouent le basin, et le plumage des oiseaux y
est rendu par un gaufrage dans le sens des plumes,
un gaufrage qui n'a rien de l'ignoble gaufrage euro-
péen. Il y a des papiers, où les personnages se déta-
chent sur des fonds striés en creux au milieu d'une
pluie de petites macules jaunes et violettes, — une
idée bien certainement empruntée par les Japonais
à la contemplation de leurs grandes clématites blan-
ches. Dans quelques-uns de ces albums, en haut de
la page, un kakémono, à moitié déroulé, laisse voir
un motif orné, un rien décoratif : un insecte posé
sur un livre, une brindille fleurie qui pourrait faire
un signet, et presque toujours la dernière page donne
à voir Tessuyement riant des pinceaux de l'aquarel-
liste, qui est comme l'exposition, pour le regardeur,
de sa tendre palette. Et ces impressions, dont nous
n'avons en général que des épreuves très ordinaires,
il faut les avoir comme il en est venu quelques-unes,
il y a une dizaine d'années, à la Porte Chinoise, des
BSCALIER. J3û
épreuves d'artistes, où la fraîcheur du coloris sur le
fort, l'épais, le blanc papier, est comme fondue dans
une moelle de sureau, une bulbe de camélia.
Encore je n'ai parlé ici que des albums des trente
dernières années, mais si l'on remonte à des albums
plus anciens, à des Ibums du siècle dernier, nous
nous trouvons en présence de gravures coloriées, qui
mériteraient une place dans les cabinets d'estampes
de nos collections publiques. Là, ce qu'on peut re-
procher à l'imagerie modc'ne japonaise, le voyant
un peii brutal, n'existe absolument pas. C'est, dans
le coloriage, un assoupissement du ton, un passé de
la nuance, une barmonie délicieusement discrète. On
dirait vraiment que l'art japonais de ce temps a pris
ces couleurs aux émaux des porcelaines de la famille
verte et qu'il a cherché la gamme de ses compositions
dans l'accord d'un jaune œillet d'Inde, d'un vert
éteint, d'un violet de manganèse, — des compositions
presquetoujours détachées d'un fond doucementrosé.
Dans ces impressions la femme développe une
élégance qu'elle n'aura bientôt plus; son dessin
profile les longueurs et les élancements des grandes
époques du dessin occidental. Et même, une remar-
que qui n'est pas sans valeur, le type féminin y est
presque différent, et comme fabriqué d'une pâte plus
raffinée, plus aristocratique. La femme japonaise,
les anciens albums la représentent le front remar-
quablement bombé, les sourcils semblables à un
trait de pinceau, l'ouverture de l'œil tout étroite et
extrêmement fendue avec une prunelle coulée dans
236 LA MAISON D'UN ARTISTE.
un coin sous la mince paupière, un petit nez courbe
d'une très grande finesse, une bouche toujours
entr'ouverte dans le dessin du peintre, comme une
bouche d'enfant, et Tovale longy long, long, mais
parfdtement régulier. On la voit ainsi sous des che-
veux très noirs et bouffants, d*où s'échappe une petite
mèche tortillarde serpentant le long de sa tempe,
avec un visage pâle où l'entour seul des yeux est
fardé, et une physionomie ingénument étonnée.
A des yeux européens, cette femme doit paraître
peu régulièrement belle, et cependant en elle est un
beau, fait d'une construction mignonne de traits aux
fines arêtes, et en quelque sorte, de la délicatesse
aiguë d'une longue statuette de porcelaine. Et je re-
trouve comme vulgarisé dans ce type de la femme
des anciens albums, le type de la femme de Kioto,
dont la beauté est proverbiale au Japon, et telle que
nous la peint M. Bousquet, avec son nez aquilin, ses
yeux bien fendus, son ovale maigre.
Quelquefois on rencontre des impressions ex-
ceptionnelles, ne venant pas d'ordinaire assem-
blées en albums, mais dont on trouve par hasard
une ou deux collées au verso d'une couverture (1).
Ces impressions, en général d'un format restreint,
sont tirées sur un papier de choix, qui est l'idéal du
(1) M. Sato (lisait à Burty que ces impressions étaient pour
la plupart des feuilles détachées de Livres cTamis. Une société,
dans ses réunions, tout en prenant le thé, s'amusait à compo-
ser des vers, à laver des dessins, et, au bout de Tannée, vers et
dessins étaient donnés à un graveur en couleur, qui en tirait un
nombre d'exemplaires limité au¥ membres de la so<)iété.
ESCALIER. 237
papier par son glacé soyeux et sa blancheur cré-
meuse. Sur ce papier, où les légendes et les inscrip-
tions prennent une netteté à prendre en pitié tous les
imprimés de TOccident, et où les rubriques sont du
plus adorable carmin, les linéaments des figures,
tracés d'une manière presque imperceptible, les don-
nent à voir dans une espèce d'effacement vaporeux,
au milieu d'accessoires accusés, pour ainsi dire seu-
lement, par Tombre du creux de l'impression, et
apparaissant comme des objets de pure lumière, où
court ici un mince filet d'azur, où boutonne là le
rose d'une fleur non encore ouverte.
Dans ces impressions, un gaufrage précieux sou-
lève le relief des choses, des fleurs d'une robe, des
sculptures d'une boîte de laque rouge, et l'or, l'ar-
gent et môme les autres métaux introduits avec une
économie exquise sur les saillies et les petits renfle-
ments du papier, vous amusent du trompe-l'œil pres-
que matériel des ferrurres d'argent d'un cabinet, du
bronze vert d'un chibatchiy du disque de fer poli d'un
miroir. Un grand nombre de ces impressions ne sont
que de surprenantes figurations d'objets de la vie
intime et familière. Une feuille représente un sabre
appuyé contre un cofi'ret à armure, une autre une
tasse de fer damasquinée en or avec trois pétales de
fleurs , une autre tout simplement un bonnet de
papier noir laqué de fonctionnaire. Cela est tout, et
cette représentation d'art de si peu de chose suffit à
l'artiste, comme suffisait à Chardin la peinture d'un
verre d'eau à côté de deux prunes !
;^
CABINET DE TRAVAIL
Au plafond, c'est un enroulement colère de lions
de Corée, au milieu d'un champ de pivoines. Se dé-
tachant du fond de velours noir, parmi d'énormes
fleurs de toutes couleurs, les deux monstres trapus,
les yeux injectés de sang, et semblables à une ani-
malité fabriquée dans une rocaille barbare, se con-
tournent dans un ramassement puissant, et foulent
la flore éclatante, — tout tissus et hérissés d*ors de
tons divers. Ainsi clouée en l'air, elle apparaît comme
le noir ciel d'un pays fantastique, cette robe de théâ-
tre du tragédien japonais, dont MM. Sichel ont rap-
porté en France la terrible et farouche garde-robe (1),
Le cabinet n'est que livres. Sur les quatre murs^
de haut en bas sont rangés des volumes, des volu-
mes à la portée de la main, et qu'un doigt peut
atteindre.
(1) Les garde-robes théâtrales au Japon sont immenses et
très coûteuses. M. Real s'est trouvé sur les lieux, quand ©n a
vendu le matériel du prince de Tosa, acheté par le théâtre d'Os-
saka. 11 y avait 6,000 robes et pantalons de théâtre qui furent
vendus 4,200 piastres, 210,000 francs : ce qui mettait à 7 piastres
des robes qui avaient coûté 100 et 150 piastres pièce.
CABINET DE TRAYAIU M»
Tons ces Kvres sont des livres du xvm* siècle, et je
demande au libraire chargé de ma vente, après ma
mort, de donner à cette réunion, ce titre, sur son
catalogue :
BlBLIOTEÈQUE DU XtlU* SIÈCLE.
Livres, Manuscrits^ Autographes, Affiches, Placards.
Ce titre seul peut donner Fidée de mon goût des
livres. Il a fallu toujours qu'il s'y mêlât un peu de
l'inédit épars dans le manuscrit et l'autographe. Et
même dans l'imprimé, le morceau de papier qui
n'était pas un livre, et dont je fabriquais un livre,
au moins une plaquette, avait pour moi une attache
supérieure à celle d'un bouquin vanté. Par exemple,
le petit bulletin déposé chez les suisses des hôtels (1)
pendant la maladie de Louis XV, dans le cartonnage
que je lui ai fait faire, m*est plus précieux, m'est
plus intime, m'est plus inspirateur, que quelque livre
(1) Voici le bulletin du 7 mai : Quoique rétat du Roi n'ait em-
piré in rien. Sa Majesté, de son propre mouvement, a demandé
à recevoir ses sacrements, et les a reçus à sept heures.
BULLETIN DE LA MALADIE DU ROI.
Le redoublement de la nuit a été moins fort et moins long
qjOB celui de la nuit précédente. Il y a eu quelques intervalles de
bon sommeil. La suppuration étend le progrès sur tout le corps,
tandis que les pustules du visage commencent à se dessécher.
Les urines sont bonnes. Les vésicatoires yont bien.
Signé : Le Mounier, Lassone, Lorry, Bordeo,
deLassaigne, la Martinière, Andouillé,
Boiscaillaud, Lamarque, Colon.
• .
téO LA MAISON D*UN ARTISTE.
que ce soit du temps. Il en est ainsi pour Timmense
lettre d'invitation de Grimod de la Reynière pour le
souper du cochon, avec son grand V sur larmes d'ar-
gent. Et il en est encore ainsi; pour la collection
unique des placards, que le révolutionnaire Vincent
faisait de la maison d'arrêt du Luxembourg afficher
dans Paris, au mois de frimaire de l'an deuxième de
la République française une et indivisible.
Dans ces livres couvrant les murs, la théologie est
absente. La jurisprudence manque également, sauf
quelques procès curieux pour l'histoire des mœurs,
répartis dans les autres divisions, et un exemplaire du
Tribunal révolutionnaire, dont il ne manque que
cinq ou six numéros. La philosophie n'est guère
représentée que par un Helvetius, qui court après
une Philosophie de M. Nicolas, philosophie qui
court, elle, après les Confessions de M""* (de Four-
queux). La science, avec toutes ses subdivisions, n'a
sur mes planches qu'un seul et unique volume, le
Traité de géométrie de Sébastien Leclerc 1764, et
encore doit-il sa place, là, aux amours qui montent
dans les A B C des triangles, aux rustiques paysages
de Chedel, aux petites scènes galantes de Gochin,
égayant le bas des théorèmes, vrai livre de science
à la Fontenelle, et dont tous les bibliophiles vou-
dront, quand ils s'apercevront que c'est un des vo-
lumes les plus joliment illustrés du xviii® siècle. Et
la bibliothèque ne commence qu'avec l'art.
Ne voulant pas être interminable, je ne parlerai ni
des ouvrages esthétiques et historiques de l'art frao*
CABINET DE TRAVAIL. 241
çais, ni de la collection des expositions et critî(|ues de
salons, etc., etc. ; je me contenterai de donner un ex-
trait d'un manuscrit inédit contenant le journal des
séances de TAcadémie de peinture et de sculpture
pendant Tannée 1748; une petite biographie des
artistes, faite avec les plaquettes rares, les manus-
crits, les lettres autographes qui se trouvent réunis,
côte à côte, sur les planches de ma bibliothèque ;
enfin un travail raisonné sur les catalogues et les
livres relatifs à la curiosité.
JOURNAL ABRÉGÉ DES SÉANCES DE L*AGADÉMIE
POUR l'année MDCCXLVin (1).
Du vendredi 5 janvier.
Conférence ouverte par le secrétaire, qui j lit un Essai
de la vie de Jean Jouvenet, de sa composition, et ensuite une
Dissertation sur le vrai de la peinture par feu M. de Piles.
M. DE Favanne, adjoint à recteur, est nommé à son rang
pour faire les fonctions de recteur, pendant le quartier
courant, à la place de M. Coypel, qui a prié la compagnie
de l'en dispenser, occupé comme il Test d'ailleurs, pour
d'autres affaires très pressantes qui l'intéressent.
M. DE Troy, directeur de l'Académie de Rome. Lettre de
politesse à la compagnie sur le renouvellement de l'année,
dont est fait lecture.
M. Danoré-Bardon adjoint à professeur, idem d'Aix-en-
Provence.
(1) Extrait du manuscrit intitulé ; Conférences et détails d'ad-
ministration de l'Académie Rotale de Peinture et de Sculpture,
rédigé et mis en ordre par M. Hulst, année MDCCXLVUL Ma-
nuscrit dont tous les articles sont contresignés par Lépicié.
I. 21
^12 I.A MAISON D'UN ARTISTE.
M. L*ABBé DB LowENDAL, associé libre, idem de son abbaye
de la Cour-Dieu.
JDu samedi 27 janvier.
Rapport de la âéputa;fcion faite à M. db Tooinbhbh «q
conséquence de la délibération du 30 décembre dernier.
M. CoYPEL lui a dit au nom de la compagnie : « Moniteur,
l'Académie vient votis rendre ses devoirs. Elle vous présmie
une copie de ce qu'elle a couché sur ses registres depuis «i
^. (Test, monsieur, une longue Uste des lÂenfaits qu^éOB a
reçus de vùus. »
Réponse de M. de Toobnbhbm très polie et très encoucm-
géante.
Ensuite, la même députation s'étant rendue cbez M. de
Vandières, m. Coypel lui a dit : « Monsieur, ^Académie
vient vous rendre ses devoirs et vous assurer qu'elle ne nêgli-^
géra rien pour mériter la bienveillance que vous avés pour
elle* »
A quoi M. DE Vandières a répondu d'une façon très obli-
geante.
Lettre écrite à TAcadémie par les officiers composant le
corps municipal de la ville de Reims, au sujet d*une École
académique quHs désireroient établir en ladite ville.
Réponse ordonnée être faite à cette lettre contenant...,.
M. Restout, adjoint à professeur, nommé pour suppléer
IH. de Favanne, son collègue, bors d'état, par indisposition
de satisfaire à Farrêté de rassemblée précédente.
M. Vanloo, premier peintre du roi d'Espagne, écrit de
Madrid une lettre de politesse sur le nouvel an.
M* La Datte, adjoint à professeur, sculpteur dri roi de
Sardaigne,*i(ieiw de Turin.
Annonce qu'en l'assemblée procbaine M. le comte de
Caylus donnera la Vie d'Antoine Watteau,
Lu samedi 3 février.
Conférence où le secrétaire lit la Vie d'Antoim Watteau,
CABINET DE TRAVAIL. " 243=
eomposée par le comte de Gaylus, à qui M. Coypel adresse
un discours en forme de réponse.
Décès notifié de Pierre d*Ullin, ancien professeur, arrivé
le 28 janvier n48, âgé de soixante- diz-hoil ans.
Le Maire, ancien huissier de rAcadëmie, étant décédé,
Pbrronet, huissier actuel, est mis en possession des gages
attachés à cette place, conformément à la délibération du
27 juillet 1743.
Bu samedi 24 février»
IL Gotpel se fait excuser de se trouver à l^aasemblée
pour cause d'indisposition.
M. Jacqubs-Charlbs Oudrt, fils de If. Oudry, se présente
sor plusieurs tableaux d'animaux, fruits et fleurs, et est
agréé par le scrutin (tout blanc) et chargé d'aller prendre
son sujet de réception de M. le Directeur. Et comme fils
d'officier, il a pris séance
Seconde lettre 4es officiM:^ de la ville de Reims plus
diffuse et moins claire.
M. BloTREAU, graveur et académicien, présente deux
épreuves de la planche, par lui gravée d'après Wouvermans
et intitulée : la Fontaine de Neptune; laquelle planche est
approuvée et mise sous le privilège de l'Académie.
Du samedi 2 mars.
La capitation de 1748 ordonné être répartie et les comp-
tes de 1747 réglés et arrêtés par MM. les Directeurs, Rec-
teurs, Adjoints à Recteurs, Professeurs en exercice et par
les autres officiers étant de tour, sçavoir :
M. Le Clerc, ancien professeur ;
M. Parrocel, professeur ;
M. Nattier, adjoint à professeur ;
M. Do Change, ) ...
„ -, , > conseillers ;
M. TOQDÉ, \ '
M. LéPiaÉ, secrétaire.
M. Lobel, académicien ;
d
kl * LA HAISOK D'DN ARTISTE.
Jour fixé OU samedi 30 mars.
lonfèrenee remplie par la lecture de quelques notes de
M. Antoine Cotpel, premier peintre do Roi.
lécès modifié de H. Allëgrain, peÎDtre, académiden,
iré le 24 février 1748, âge soiiante-dix hait ans.
Du samedi 30 mars.
lelate (sfc) des délibérations dn quartier eipirant.
a capitalion pour 1748 répartie le matin de ce jonr,
is l'arrêt de compte de 1747 renvoyé à nne antre
Qce.
« repas, que les commissaires nommés étaient dans l'a-
e de faire & cette occasion, supprimé, comme contraire
i dignité du corps, aux nsages des autres académies, et
ibant dans ceux de la mallrise.
L Jacques Gat, natif de Marseille, graveur en pierres
cieuses, agréé le 23 juin 1747, présente l'ouvrage à lui
onné alors pour sa réception, ajant pour sujet : Apol-
couronnant le génie de la peinture et de la sculpture,
cutË sur une cornaline montée en hague, est reçu, prèle
nent et prend séance.
iS fait, H. Coypel s'est adressé à la compagnie et a dit :
« Jfessteufï,
L'ouvrage préeievx que S- Gay vient de présenter à la
pagnie, parait avoir été fait pour consacrer à la postérité
irâce que Su Majesté vient d'accorder à son Académie de
Hure en Ui prenant sous sa protection imméi.ti"le. C'est,
sieurs, au chef des arts que nous sommes redevables d'une
iur si longtemps désirée. iVe serait-ce pas fai- e un digne
je de cette pierre gravée que de la lui présenter comme un
tttmenl de notre étemelle ri connaissance. »
ette propoailion ayant été agréée unanimement, il aété
idé que M. le Directeur, avec les officiers en e
CABINET DE TRAVAIL. S45
transporterait vers M. de Tournehem pour Teffectuer au
nom de l'Académie s'il vient à Paris; sinon, que M. Coypel
et le secrétaire Tiront trouver aux mêmes fins à Versailles.
M. Pesne, premier peintre du roi de Prusse et académi-
cien, demande par lettre et obtient la favear d'ôtre mis au
rang des anciens professeurs.
En exécution de la délibération du 29 juillet 1747, les
officiers sortant d'exercice, pour le quartier courant, décla-
rent avoir fait la visite des tableaux, figures et effets
étant en l'Académie et d'avoir troavé le tout en bonne
conservation.
Jugement pour les petits prix dudit quartier, fait par
les mdmes officiers :
Premier. ... le S. Corrêge P.
Second .... le S. Gdiard S.
Troisième. . . le S. Baudouin P.
Lu samedi 6 avril.
Conférence où M. Hulst, associé libre, Dt un mémoire
pour pressentir le goût de l'Académie sur la place qu'il
conviendra le mieux à donner au travail sur ce qui la con-
cerne, ou celui du Journal^ ou celui des Annales, ou celui
des Grandes Époques déterminées par les protectorats.
M. Coypel a répondu à ce mémoire par un compliment
et la compagnie s'est décidée pour la forme des Annales.
Choix fait de huit élèves sur l'examen de leurs esquissée
pour le concours au grand prix, sçavoir :
Lee S. JouLLAiN,
Doyen,
La Taa verse, } Peintres.
Mettay,
IlUTlN,
Du Mont,
Caffiehi, } Sculpteurs.
Perasche,
21.
LA MAISON D'DH AETISTK.
)tifl6 de M. Chbistophc, recteur, srriTé le 20 nun
qnatre-iingt six ans.
me son exercice tombe sar le présent quai^
nué que M. dk Pavanne, adjoint à recteur, Is
et qne les remplacements à faire, en consÀ-
: ce décès, n'auront lieu qa'aprèB l'expiiation
■tier.
Du iomedi 27 aoril.
faite par le secrétaire de la Fie iePierre-Charlai
, adjoint à professeur, composée par le comte
!L répond par un petit discours, oli, par occasion,
la suppresûoD des visites de solliâtation qui se
l'a s'agit de remplir les charges vacantes.
pe les visites de sollicitation demeureront sup-
Du tamedi 4 mai.
ée générale et extraordinaire à l'occasion d'une
[. ni TocRNBHEH en date du 6 courant, portant
l'une Exposition publique des ouvrages des aca-
Bu 2S aofit prochain, et établissement d'un
ir examiner lesouvrages qu'on présentera àcette
et renvoyer ceux qui ne leur paraîtront pas
tre mis sons les yeux du public.
)ar l'Académie de se conformer par devoir, par
lar reconnaissance, à ce qui estprescrit parcelte
L que la dernière assemblée de ce mois, qui de-
ir le samedi 25, sera remise au vendredi 31,
Je la première assemblée de juin ne pourra ëtra
remier samedi, à canse que ce sera la veille da
te.
n du compte du S' Bitdelet, concierge et rec«>
kcadémifl i
CABINET DB TRAVAIL,
Recette 7,809 8
Dépense 6,97S <!(
Reliquat 33 13
L'UTêté de compte, fait le matin de ce jour par les com-
mistaireB nommés le 2 mars dernier, confirma et validé
par l'Académie.
BéglemeiU arrtié en cette séance ponr eette gestion :
Mr. 1".
Le sieur Retdelbt ne poarra faire anenne dépense sans
«D ordre par écrit de H. le Direclear et de messieurs les
otDciers en exerdee : lesquels ordres il représentera lors
4e la reddition de ses comptes.
Aet. Î.
Tons les mois, il fera Toir, fa la dernière assemblée, l'état
de la dépense faite dorant le mois : lequel état sera Térifié
et approuvé par l'Académie.
Aar. 3.
Il aura soin de retirer des quittances de tons les mar-
chands et oavriers auxquels il fera des payements pendant
le courant de l'annÉe i et, à fiiute d'y satisfaire, lesdites dé-
penses ne lai seront pas allouées dans sou compte.
K. DisLE, contrôleur général des bâtiments du Roi au
département de Paris, est proposé par M. Cojpel de la
part de M. le Directeur généviil comme un sujet qui devoit
être agréable à la compagnie pour remplir la huitième
[riice d'ojsoci^ libre, qni est demeurée en réserve, depuis
l'institatioD de cette classe.
Cette proposition reçue aifec plaisir, M. Disle admis par
aeelunation, et M. DaHorrr le Rohaim, professeur en exer-
ooe, député avec U. Matoirr pour aller lui notifier son
tiection.
~rr
■>■■
1
f-f
?'■ -^
t48 LA MAISON D'UN ARTISTE.
M. NoEL Halle, né à Paris, peintre d'histoire, fils de feu
M. Claude Halle, ancien directeur et recteur de l'Aca-
démie, et qui avoit été agréé le 25 juin 1746, présente le
tableau qui lui avoit été ordonné pour sa réception repré-
sentant la Dispute de Neptune et de Minerve, est reçu en
la manière accoutumée, prête serment, etc.
M. Jacques- Charles Oudry, peintre de talent pour les
animaux, fruits et fleurs, agréé le 24 février dernier,
présente deux esquisses pour son morceau de réception;
l'une desquelles est approuvée par le scrutin, et lui est
donné six mois pour l'exécuter en grand.
M. Louis Vâssé, né à Paris, sculpteur, fils de feu M. An-
toine Vassé, aussi sculpteur et agréé de l'Académie, se
présente sur plusieurs modèles de sa façon, et entre autres
celui d'un berger dormant appuyé sur son bâton, est
agréé, et obtient la permission d'exécuter ce dernier mo-
dèle en marbre; terme d'un an pour satisfaire à ce devoir.
Le sieur Presler, graveur, résidant à Copenhague, écrit
de là, à l'Académie, en* date du 23 avril dernier, une lettre
par laquelle il lui présente, comme son élève, le portrait
qu'il a gravé en pied du feu roi de Danemarck et le sup-
plie de vouloir bien l'honorer de son sentiment.
La compagnie, après avoir examiné ledit portrait. Ta
trouvé très bien gravé et d'un très bon ouvrage et le burin
conduit avec force et déhcatesse : elle a chargé le secré-
taire de lui mander ce jugement de sa part.
M. CoYPEL, directeur, retire le tableau de réception de
feu Noël Coypel, son aïeul et aussi directeur de l'Académie,
dont le sujet étoit le moment où Dieu apparoit à Catn, après
qu'il eut commis son firatricide, et en substitue un autre
sur le même sujet, de la même main et infiniment supé-
rieur au premier : ce que la compagnie reçoit avec recon-
naissance.
Réglé que, les jours de conférence^ on fera entrer les
élèves dans la salle d'assemblée, pour entendre la lecture
des discours et dissertations qui en sont l'objet, et que les
CABINET DE TRAVAIL. NI
uifeim de ces ourrages aaront la liberté d'^pooTOir «m»
□er jnsqa'an nombre de six personnes.
Du samedi 8 JuiH,
Assemblée par coDTOcation générale.
M. DisLB, élu associé liltre, le 3t dn mois dernier,
prend séance en cette qualité et fait un remerciement,
H. DB SiLYESTRE, premier peintre dn roi de Pologne
et ancien professeur de l'Académie, est venu en l'as-
semblée de ce jour, et a témoigné à la compagnie le
plaisir qu'il éprouvait de se retrouver au milieu d'elle,
après une absence de tant d'années (32). l.'Académie,
ponr lui prouver comme elle était pénétrée du même sen-
timent, l'a par acclamation fait passer au rang d'anden
recteur où il a pris place sur l'heure.
Lecture a été faite ensuite par le secrétaire d'une lettre
de H. de Todrneheu, adressée à la compagnie et écrite
de Versailles le 4 juin 1748, par laquelle il lui fait part
de ta fondation laite par le Roi de sii places d'tléves
protégés, pour être logés, nourris et entretenus de tout, et
formés dans les arts sous nne éducation commune. Dé-
pntation ordonnée pour remercier H. de Tournehem de
ses attentions si généreuses et si utiles pour l'avancement
des arts, et pour celte députation l'Académie nomme
"l M. CoîPEL et les officiers en exercice.
I Les élèves sont mandés, réunis en l'assemblée. Le se-
crétaire l'ail une seconde lecture de ladite lettre. Ensuite
H. Cuypel fait un discours à cette occasion qu'il adresse
directement à eux.
H. Watelët, associé libre, a lu après cela la première
partie d'une dissertation intitulée : De la Poésie dans VArt
de ta peinltire, précédée d'un avant-propos.
M. Coypel y arépondu par un discours, que la compagnie
a ordonné être transcrit à la suite de cotte séance.
Convenu que le dernier samedi du mob tombant sar la
r» LA MAISON D'UN ARTISTE.
fSte de Sainft-Kerre et Saint-Paul, rassemblée sont «ftneée
d'un jour.
Du samedi 22 juin.
Assemblée publique et extraordinaire, convoquée pour
célébrer TAnnée sécuiaire de L'ÉTABussEiiEifT de l'Académie.
M. le Directeur général s'y rend sur les six heures du soir.
M. le Directeur et les ofticiers en exercice Yont au-deTant
de lui pour le receroir jusque dans le grand salon. Us le
conduisent par le corridor en la salle d'assemblée, et à la
place d'honneur.
M. CoTPEL se i^ace à sa drdte. Les autres officiers ainsi
que les honoraires, siégeant chacun 4 leur rang, forment
le cercle ordinaire de la séance.
Au dehors de ce cercle, plusieurs personnes de consi-
dération, membres des autres académies, gens de lettres,
ont occupé cette portion de la salle sur des sièges ordi-
naires avec les Académiciens. Les médaillistes qui deYoient
avoir part à la distribution des prix, derrière lesdits Aca-
démiciens et externes, ddH)ut.
La séance prise, M. Goypel prononce un discours conve-
nable au sujet de cette fête.
Il lit ensuite une ode de M. Des portes, sur la PROTEcnoN
IMMÉDIATE ACCORDÉE PAR LE Roi A SON ACADÉMIE.
Après quoi, M. le Directeur général a fait, au nom da
Roi, la Distribution des Prix, qui, par des circonstances
particulières n'avoit point eu lieu depuis le 13 novembre
1744, et a été faite au nombre de XLII prix, tant grande
que petits.
6RAMDS PRIX POUR l'aNNÉB 4745 (i).
Peinttire.
Second prix ...... le sieur Lesubiia.
(1) Il n'est question que des grands prix de 1745, parce qiM
les concours de 1746 et 1747 furent jugés si faibles par les
démiciens qu'il n'y eut point de prix du tout.
t
CABINET DE TRAVAIL. ta
Sculpture.
Premier piiz le sieor LAacBBvftQiiE,
Second — — GiuLBT.
nriTS puz.
1743.
Quartier d'octobre.
Premier prix le sienr Duguet S.
Second —....-.. — Reen G.
Troisième — — Conarou P.
1744.
Quartier de jtoviier.
Premier prix le sieur Bbiabd P.
Second — — Sbesi S.
Troisième — — Giaik P,
Quartier d'avrU .
PremieF prix le sieur L'Épime S.
Second — — OnviviEK le J" G.
Troisième — — Cobrèoe P.
Quartier de juillet.
Premier prix le sienr CLénEirr P.
Second — — Doïkb P.
Troisième — — Les Lotb P."
Owu'Ker d'octobre.
Prender prix le sienr Sissi S.
Second — — Cobbëqe P.
Troisifame — — Aobeit P.
ï
tSÊ hA MAISON D'UN ARTISTE.
1745.
Quartier de janvier.
Premier prix le sieur GlainP.
Second — ...... — Dumont S.
Troisième — — Drouais P.
Quartier d^avril.
Premier prix. •...-. le sieur Doyen P.
Second — — Fontaine S.
Troisième — — Pehronnet P.
Quartier de juillet.
Premier prix le sieur Beauvais P.
Second — — Lechevalier P.
Troisième — ...... — Fournier S.
Quartier d'octobre.
Premier prix le sieur Lechevalier P.
Second — ...... , — La Traverse P.
Troisième — •••••. — Deshates P.
1746.
Quartier de janvier.
Premier prix le sieur MellingP.
Second — — EisenP.
Troisième — — Do Pré P.
Quartier d'avril.
Premier prix le sieur Do vivier le J« G.
Second — — Drouais P.
Troisième — — Michel S.
Quartier de juillet.
Premier prix le sieur Sozannb S.
CABINET DE TRAVAIL.
Second prix le sieur Pajou S.
Troisième — — JeauratP.
Quartier d'octobre.
Premier prix le sieur Deshats P.
Second — — Wilton S..
Troisième — — Mettat P.
Cela fait, la séance a été levée, et M. le Directeur géné-
ral a été reconduit avec le même cérémonial qu'on a suivi
à son arrivée.
Dm vendredi 28 juin.
Assemblée par convocation générale.
Le directorat de M. Coypel proposé, à sa réquisition,
à la mutation autorisée par l'article IX des statuts de 1663.
Décidé unanimement et par acclamation que M. Coypel y
sera continué.
Le sieur Reydelet fait vérifier et approuver Tétat de
dépense du mois prêt à expirer.
Les officiers dudit quartier déclarent avoir fait leur visite
et avoir trouvé les tableaux, figures et autres effets de
TAcadémie en bon état.
Jugement fait par eux, des petits prix dudit quartier :
Prençder prix le sieur Lagrénée P.
Second — — Joullain P.
Troisième — — Auvray S.
Du samedi 6 juillet.
Assemblée par convocation générale pour les élections
indiquées, auxquelles il est procédé par le scrutin.
M. DE Fa VANNE a été élu recteur à la place de M. Cluis-
topbe (décédé).
M. DuMONT LE Romain, adjoint à recteur, à la place de
M. de Favanne;
M. Pierre, professeur, à la place de M. Dumont;
M. Halle, adjoint à professeur, à la place de M. Pierre
I. 22
fU LA MAISON D'UN ARTISTE. *
Ensuite M. l£ comte de Cayll-s a lu la Vie de feu Vrat^
çois Lemoine, premier peintre du Boi.
Et H. CoYPEL a prononcé un discours en forme de ré
ponae à cette Vie.
Du samedi 27 juillet.
Lecture de quelques-unes des conférences de fen M. An-
toine CoïPEL, premier peintre du Roi. AI. de Pesng, pre-
mier peintre du roi de Prusse, remercie l'Acadâmie, par
lettre, de la faveur qu'elle lui a faite de lui accorder le titre
et le rang d'ANciEN Professedb-
Du samedi 3 août.
Conférence en laquelle H. DsspoaiBS, académicien, lit
la Fie de Frattçoit Desportes, son père,
U. Coypel répot^d à cette Ft'epar un discours qui 7 peut
servir de supplément.
Nomination, par la voie du scrutin, des officiers qui, avec
H. le directeur, les ancieus recteurs, les recteurs actuels et
MS adjoints â recteurs, doivent former le comité, requis
par la lettre de H. de Tournebem, du 6 mai dernier, pour
examiner et juger les tableaux de la prochaine eipo-
sition.
H. Lbclerc, anden professeur.
M. Vànloo, 1
M. BoucBER, I
H. Natoire, f
M. v,„o»., ?«>'«"««»•
H. OuDftr, i
M. BoUCHAHDOH, I
H. PlGALtE, j
H. Naiiibb, [ adjoints ft professeurs.
U. Slodiz,
M. Massé,
M. Cti-iflDi?(,
! conseillers.
CABINET X)E TRAVAIL. 255
Arrête aussi que l'Académie s'assemblera le vendredi 22
du courant^ pour voir le Tableau et les bas-relîefs faits par
les élèves pour les Grands Prix, et qui sont destinés à être
«xposés, suivant l'usage, à la fête de saint Lonis.
Du dimanche 18 août.
Le comité s'étant assemblé en la galerie d'Apollon, où
tous les tableaux d'exposition avoient été apportés, M. Coy-
PKL fait l'ouverture de cette espèce de tribunal par un dis-
cours convenable aa sujet, et à la fin duquel il propose de
faire un nouveau règlement, paur mieux assurer le bon
choix de ceux qui, à l'avenir, aspireront au rang d'Acadé-
miciens, et dont il communique même le projet.
Ce projet, goûté unanimement par le comité, est remis
à la décision de l'assemblée du dernier samedi du mois.
Après quoi on procède à l'examen ordonné;
- Du vendredi 23 août.
Assemblée extraordinaire pour voir les tableaux et les
bas-reliefs faits par les élèves de l'Académie, admis à con-
courir pour les Grands Prix.
Résolu, après avoir vu lesdits ouvrages, qu'ils seront
exposés, pour le public, le jour de la Saint-Louis et jugés
par l'Académie en corps, le 31 du mois courant, et que les
snfl5rages ne seront donnés que ledit jour, conformément
aux délibérations du 20 août 1740 et 19 août 1741, ce qui
sera porté sur les billets.
• M. Vanloo (Louis-Michel), premier peintre de Sa Majesté
Catholique, fait part à l'Académie, par une lettre écrite de
Madrid, de l'honneur que lui a fait le Roi de lui envoyer le
cordon de Saint-Michel.
M. Sue, adjoint à professeur pour l'anatomie, fait pré-
sent à l'Académie d'un traité qu'il a nouvellement mis au
jour, ayant pour titre : Abrégé de^ l'anatomie du corps de
l'homme.
LA MAISON D'UN ARITISTB.
La compagnie lui a témoigné sa reconnaissance de ce
présent.
Du samedi 31 août.
Assemblée par convocation générale pour jnger les
Grands Prix.
Lettre de M. Coypel adressée à la compagnie, pour s'ex-
cuser envers elle de ce que, appelé à Versailles par un de-
voir indispensable, il ne peut se trouvera cette assemblée»
et pour la prier de vouloir bien se faire lire le projet de
règlement au sujet des aspirants qu'il joint à cette lettre.
Jugement pour les Grands Prix de 1748, parla voie ordi-
naire des boîtes.
Peinture.
Premier prix. le sieur BIettat.
Second ' — — Doyen. '
Sctdpture»
Premier prix le sieur Caffieri.
Second — ...... — Dumont.
Nouveau concours décidé ensuite, conformément à l'avis
de M. Coypel.
Le règlement au sujet des aspirants ayant été ensuite
mis en délibération, l'assemblée a adopté unanimement
le projet présenté par M. le directeur sans y faire auc'un
changement.
M. MoYREAU, graveur et académicien, présente deux
épreuves d'une planche,par lui gravée d'après Wouwermans,
ayant pour titre la : Grotte du maréchal, laquelle planche
a été approuvée et mise sous le privilège de l'Académie.
Du samedi 7 septembre,
*
Conférence où M. le coiifE de Gaylus lit une dissertatioa
par lui composée, sous le titre de TAwa^ewr, à laquelle
M. Coypel répond par un discours.
CABINET DE TRAVAIL. 257
Choix de six, entre dix-sept élèves, pour le nouveau con-
eours sar Texamen de leurs esquisses.
Les sieurs :
La Rue,
Hdtin, ,
U THAVEasE, > P<"°t"»-
Bbiârd,
Pérasche, } ^ ,■
> Sculpteurs,
Jugement des petits prix du quartier expirant :
Premier prix le sieur Drouais P,
Second — — Thomire S,
Troisième — — Larcher P.
M. DucHANGE, graveur et conseiller, âgé de quatre-vingt^
sept ans, présente deux épreuves d'une planche par lui
gravée d'après M. Coypel (Charles- Antoine), dont le sujet est
VEnfant Jésus au berceau : laquelle planche est mise sous
le privilège de l'Académie. ,
M. Halle, adjoint à professeur, nommé pour suppléer
M. Parrocel, le mois d'octobre prochain, dans le service
de professeur, où ce dernier a remontré ne pouvoir va-
quer, à cause des ouvrages qu'il a à faire pour le Roi.
Du samedi 5 octobre.
Conférence que le secrétaire ouvre par la lecture de
deux lettres en fotme de mémoires pour servir à compo-
ser la Vie de M. Robert le Lorrain, sculpteur, recteur de
TAcadémie; Tune de ces lettres, de M. l'abbé Le Lorrain,
son fils, docteur de Sorbonne, accompagnée d'un État des
ouvrages faits par.feu M. Le Lorrain à Saverne et au palais
épiscopal de Strasbourg, l'autre lettre, de M. Lemoine le
fils, professeur, jadis élève du môme maître.
M. le directeur a complimenté en particulier M. Lemoine,
et a ajouté a qu'il seroit à souhaiter que son exemple fû
22.
LA MAISON D*UN ARTISTE.
imité de tous ceux qal sont en état de donner de pareilles
anecdotes.
Du samedi 26 octobre.
M. Lépicié a occupé la séance par la lecture du com-
mencement de son Catalogue raisonné des tabîeaiux du Aoip
qu'il entreprend par ordre de Sa Majesté.
La compagnie a été si contente de cet essai, qu'elle a
fortement exhorté M. Lépicié de continuer cet ouvrage
avec le même zèle et le même goût. Et de plus, dans la
vue de donner à ce même ouvrage toute la perfection dont
il est susceptible, elle est convenue que M. le directeur gé-
néral sera prié de donner des ordres pour faire apporter
à TAcadémie ceux des tableaux du Roi qui seront jugé»
transportablesy afin de la mettre en état de conférer des-
sus et former des avis certains et bien approfondis sur le
talent et le goût spécifique de chacun des grands maî-
tres...
M. P16ALLE, adjoint à professeur, nommé en son rang,
pour suppléer, le mois prochain, le service de professeur
pour M. Coustou, absent.
Convenu que, le premier samedi du mois prochain se
rencontrant avec la fête des Trépassés, l'assemblée seroit
remise à huitaine.
Du samedi 9 novembre.
Conférence ouverte par M. Leclerc, professeur pour la
perspective, par la lecture d'une dissertation sur VUtiHté
de la perspective dans la peinture, et même dans la scnlp*
ture et dans la gravure.
Convenu que la dernière assemblée de ce mois sera
avancée d'un jour, parce que le dernier samedi se tronrem
être un jour de fête (celle de saint André).
Du vendredi 29 novembre*
Examen des tableaux et bas-reliefs.
CABINET DE TRAVAIL. 2S0
V . . . . L'Académie a jugé à propos, pour établir l'éga-
lité et avoir du choix, de ne destiner qu'un prix à la sculp-
ture et d^appliqner les trois autres à la peinture.
De plus, elle a réglé que pour encourager les concur-
rents qui auront le plus de suffrages après c^ux qui auront
remporté le prix, il leur sera accordé nn accessit.
M. LE COMTE DE Caylus a cnsuite lu la Vie d^Eiistachfi Le-
^imir beaucoup plus intéressante et pliis instructive que
celles qui ont été données précédemment.
Et M. CoTPBL j a répondu par un petit discours.
Le service pour le repos des âmes de MM. les offîders et
académiciens décédés dans l'année courante et les précé-
dentes, indiqué pour le samedi 7 du mois de décembre pro-
chain, popr être célébré en l'église de Saint-Germain-
FAuxerrois, et ordonné que tous les membres du corps
académique j seront invités par billets.
Du samedi 7 décembre.
Le service célébré en conséquence ledit jour, à dix heures
du matin.
Jugement pour les prix du second concours par la voie
des boites^ en la manière accoutumée.
Peinture,
Premier prix le sieur Hdtin.
Second — '• — La ÎRAVEapi.
Autre second prix. ... — La Rue.
Accessit . ' — Bbiahd.
Scu^iure.
JEhremier prix le sieur Pajou.
Accessit ^- PEBASpHB.
Gomme le dernier samedi du mois se rencontre avec la
fôte des saints Innocents, convenu que l'assemblée à la
fia de l'année sera remise au mardi 31 courant.
LA MAISON D'UN ARTISTE.
Du mardi 31 décembre,
Jagement pour les petits prix du quartier expirant :
Premier prix. ...... le sieur Jollain P.
Second —.'..... — Guibal P.
Troisième — — Dupré S«
M. Jacques-Charles Oudrt, peintre à talent, agréé le
Î4 février dernier, présente son tableau de réception repré-
sentant sur le* devant une daine (sic) morte, groupée avec
an panier de gibier et autres accessoires, et est reçu par le
scrutin, et prête serment.
M. CoTPEL, après avoir exposé en peu de mots les avan-
tages du Nouvel Établissement de VÉcole royale^ fait la lec-
ture du règlement arrêté par M. de Tournebem pour déter-
miner et diriger les exercices de cette école.
Notifié à rassemblée, par le secrétaire, que M. de Toume-
hem a décidé que les sieurs Mettay et Caffieri iront inces-
samment à Rome, eh qualité de pensionnaires du Roi^ que
le sieur Hutin s'y rendra de même au mois de septembre
prochain, et qu'en attendant il entrera à l'École royale, où
seront reçus aussi les cinq autres élèves qui ont eu des
prix dans les deux derniers concours, sçavoir ; les sieurs
Doyen, Dumont, Pajou, La Traverse et La Rue.
M. Nattier, adjoint à professeur, est nommé à son rang
pour suppléer, le mois prochain, le "service de profes-
seur pour M. Bouchardon, qui a prié d^en être dispensé
à cause de l'occupation que lui donne la figure équestre
du Roi.
La députation qu'il est d'usage de faire au renouvelle-
ment de Tannée vers M. le directeur général et vers M. de
Vandières, son survivancier, réglée par l'assemblée, pour
être composée de M. Coypel, directeur, et M. de Silvestre,
a9cien recteur, et de MM. les officiers en exercice.
Les visites des tableaux, figures et effets étant en l'Aca-
démie, établies par la délibération du 20 juillet 1747| ayant
CABINET DE TRAVAIL. 261
été faites par les officiers en exercice, ils déclarent avoir
trouvé le tout en bonne conservation.
M. LE MARQUIS DE Calvières, associé libre, ayant été
promu au grade de lieutenant-général des armées du Roi,
le secrétaire est chargé à ce sujet de lui écrire une lettre
de féli citation au nom de la compagnie.
M. MoYREAU, graveur et académicien, présente deux
épreuves diaprés une planche par lui gravée d'après Wou- •
wermans, et qui a pour titre ; les Marchands forains. Cette. ,
planche, approuvée et mise sous le privilège accordé à
r Académie par Tarrêt du conseil du 28 juin 1714.
Fin du journal des séances.
Vu:
Lépicié.
Alors s'ouvre une série de biographies particuliè-
res (1) des peintres, sculpteurs, dessinateurs, gra-
veurs, architectes du xviii® siècle, bien maigres bio-
graphies, hélas ! formées en général d'un petit nombre
de feuillets détachés d'un recueil, et de rares notices
de quelques pages, que j'ai cherché à grossir ici, avec
un morceau manuscrit émané d'un artiste, là avec
un petit paquet de lettres, plus loin avec les notes
d'un carnet de poche, plus loin encore avec une
supplique racontant une vie : autographes qui, ainsi
mêlés aux plaquettes imprimées, font un petit corps
tî'histoire artistique, où il se rencontre pas mal d'i-
nédit.
(1 ) Mon analyse ne porte pas sur les biographies de date ré-
cente, à moins toutefois que le petit nombre de leur tirage et
leur publication en province n*en fasse ries raretés.
J62 LA MAISON D'UN ARTISTE.
«
J'ai dit biographies détachées de quelques recueils»
et en effet, sans I'Ordre chronologique des deuils db
COUR, petit in-i2, publié en 1766, et dont la suite a
paru sous lo titre du Nécrologe êtes hommes célèbres
DE LA France, nous n'aurions pour ainsi dire pas
de biographies d'Aubry, de Boucher, de Deshays,
de Drouais, de Gravelot, de Leprince, de Carie Van-
loo, etc.
Passons en revue^ au nom de chaque artiste, quelque
plaquette rare ou quelque bout de papier autographe.
Boucher de Villers. « Précis pour le sieur Bou-
cher de Villers, peintre, dessinateur des médailles
pour le cabinet du Roi, contre le sieur Gostel, apo-
thicaire. » Un procès imprimé, dans lequel la verve
d'un Goqueley de Chaussepierre amusa un moment la
galerie aux dépens d'un Purgon « possédant la plus
jolie figure d'apothicaire sans comparaison qu'il y
eut à Paris », mais qui toutefois se refusait à payer
son portrait, sous prétexte qu'il n'était pas ressem-
blant.
BoissiEu. <c Hommage rendu à la mémoire de Jean-
Jacques de Boissieu par le conseil du Conservatoire
des Arts de Lyon, dans la séance du 9 mars 1810.
De l'imprimerie de Cutty. »
Gaffikri. Une lettre autographe signée de Jean-
Jacques Caffieri à un confrère, nous permet d'ajou-
ter au volumineux volume, publié par M. Guiffrey,
un document inédit, dans lequel le sculpteur fixe le
prix de ses statues et de ses bustes :
CABINET DE TRAVAIL. t8»
Paris, 6 décembre 1791.
Monsieur et cher confrère.
Toi appris avec grand plaisir que VImpératrice de Russie
vous OKoit nommé son premier peintre. Son choix justifie sa
sagàdté et j'aime la voir toujours rendre justice aux talents.
Je vous fais mon sincère compliment de cet événement qui
prouve que si le mérite est quelquefois opprimé , il est aussi
récompensé. Je ne doute pas que dans la place que vous
allés occuper, vous ne méritiez bientôt toute ia confiance de
la souveraine et si par hasard elle projetoit de faire ériger
quelque statue, ou si vous trouviez l'occasion de l'engager à
le faire, je vous prie de vous ressouvenir d'un ancien ami.
Je désire depuis longtemps travailler pour cette grande
princesse et ce seroit un bien honneur pour moi que mes
talents puissent lui être agréables. Je remets mes intérêts
entre vos mains, persuadé qu'ils ne peuvent être mieux
placés, et que vous ferés quelque chose en faveur de l'an-
cienne amitié. Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter, non
des succès, ils sont assurés d*avance, mais une bonne sai}té
et bien des agréments.
Je suis, avec la plus parfaite estime et sincère amitté,
votre très humble et très obéissant serviteur.
Gaff|eei.
Vous trouvères cy-joint une liste des statues que j'ai
faites et des bmtes que je possède. Vous savés que le prix
d'une statue de six pieds en fournissant le marbre est de
vingt mille livres et les bustes de quatre mille livres.
CocHiN. Un recueil de lettres de Charles-Nicolas
Cochin que j'ai données en mon fascicule sur cet
artiste dans « TArt du xvm® siècle ».
CoYPEL. Du peintre au fin coloris, à Taccentuation
aiguë et spirituelle du dessin, de ce Charles Goypel
^i^Sin
«64 LA MAISON D'UN ARTISTE.
si peu connu, le traité d'association pour la publica-
tion de ses dessins de Don Quichotte :
Aujourd'huy vingt-trois mars mil sept cent vingt et un,
nous Charles Coypel, Claude Martinot et Philippe le Re-
boullet, sommes convenus de faire graver à frais com-
muns la suite de l'histoire de Dom Guichot (sic) d'après
les tableaux de mondit sieur Goypel, et pour y parvenir
de fournir chacun, la somme de cinquante livres par mois
qui sera insérée dans un registre, que mondit sieur Coypei
veut bien tenir. Et sommes aussi convenus, que les plan-
ches gravées resteront entre les mains de mondit sieur
Coypei, qui veut bien aussi se charger du soin de l'impres^
sion. Fait triple entre nous à Paris le jour et an cy-dessus.
Charles Coypbl,
Le Reboullet,
G. Martinot.
Palconet. « Éloge de M. Falconet, sculpteur, par
M. Robin peintre, extrait du Tribut de la société
nationale des Neuf Sœprs, Paris 1791. »
Favanne. « Mémoire pour servir à la vie de M. de
Favanne, peintre ordinaire du Roy et recteur de l'A-
cadémie royale de peinture et de sculpture. A Paris,
chez la veuve Pierres, 1753. »
Fragonard. De l'aimable peintre-poète, aux auto-
graphes introuvables, un billet donnant un spéci-
men de son écriture :
Monsieur,
*
Fragonard {Jean-Honoré), artiste peintre d'histoire, cy»
devant logé gallerie du Louvre et de présent 2^ arrondisse^
ment, Palais-Royal, chez Véry, restauratmr,
Requiert comme rentier et peintre, un numéro poii
CABINET BB TRAVAIL. 265
échanger un billet de banque de France de 500 francs^
W03O8.
Je suis avec respect et reconnaissance.
Fragonard,
20 novembre (1).
A Monsieur,
Monsieur De Rouen,
Maire du 2« arrondissement.
François. De l'habile graveur en fac-similé de
crayon, une lettre, datée de 1760, et adressée àCo-
chin, dans laquelle le graveur lorrain sollicite la gra-
vure des dessins du Roy, disant qu'il a le plus grand
besoin de l'obtention de cette grâce. *
Fredou. Un mémoire de ce peintre nous rensei
gne sur les difficultés, qu'en ces temps, un artiste
avait à toucher l'argent d'une commande :
Mémoire,
En 1763, Frédou, premier peintre de monseigneur le
comte de Provence, a été chargé par le sieur Berthier de
peindre les portraits qui lui seroient indiqués par lui et
par le sieur L'Enfant (Lenfant) dans les tableaux de la salle
d'audience de l'hôtel de la Guerre, le marché en ayant
été fait et arrêté entre le sieur Berthier et Frédou, à
soixante-douze livres pour chaque tête, en présence de
Messieurs Lenfant et Causette (Gosette), peintres attachés
à l'hôtel de la Guerre.
Le sieur Frédou, après avoir peint dix têtes des por-
traits énoncés et reçus par les sieurs Berthier et L'Enfant
dans les tableaux énoncés ci-dessus, a discontinué cet ou-
(i) L'année n'est point indiquée.
I. 23
i
fee L'A. MAISON D*nN ARTISTE.
Trage en 1764) à cause des changements que le sieur Ber-
thier a jugé à propos de faire. La demande du payement
en a été faite plusieurs fois au sieur Berlhier, qui a tou-
jours retardé, disant que cet ouvrage n'était pas fini. Le
sieur Frédou, ne pouvant rien obtenir du sieur Berthier, a
présenté un placet, en formç de mémoire, à monseigneur
le duc de Choi seuil, le 14 juin 1765, qui a* ordonné (de payer)
le sieur Berthier le 14 août suivant. Le sieur Berthier a
mandé à Frédou de venir toucher chez le suisse de l'hôtel
de la Guerre, 300 livres, à compte sur celle de 720 conve-
nues pour les dix têtes de portraits faits par Frédou, à
raison de 72 livres par chaque tête.
Il restait donc 422 livres à payer, et Frédou adres-
sait pour toucher son argent plusieurs mémoires, en
1774 et en 1772, qui restaient sans réponse. Enfin
on lui opposait un reçu d'une somme d)e 840 francs,
touchée des mains de la duchesse de Grammont,
pour un portrait du Roi.
Mais (reprend le plaignant) cet article n'a aucun rap-
port à ce que le sieur Frédou demande pour les ouvrages
qu'il a faits pour Je Roy à l'hôtel de la Guerre. Les invec-
tives ont suivi les mauvaises raisons du sieur Berthier, qui
a aussi dit à monsieur Banière que s'il me payoit la
somme que je demande de 420 livres, qui m'est si légitime-
ment due, il seroit tourmenté par une infînité de person-
nes pour pareille demande, et qu'il en couteroit au Roy
plus de quati^e cent mille livres. Ensuite a dit au sieor
Frédou qu'il le feroit arrêter par quatre invalides et le
feroit conduire en prison. Le sieur Frédou l'a déflé de
faire une pareille sottise, en lui disant qu'il ne le craignoit
pas, et qu'on ne fait arrêter que les malfaiteui's et les
fripons. Monsieur Banière lui a imposé silence, en représen-
tant de respecter le lieu où cette scène se passoit, et en
assurant au sieur Frédou (qu'il rcndroit) compte à Votre
CABINET DE TRAVAIL. 26?
Grandeur de ce qui s'est passé dans son bureau entre le
sieur Berthier etluy, en présence du sieur Prévost, peintre
du cabinet du Roy
Gaucher. Une brochurette de la plus grande ra-
reté, intitulée « Voyage au havre de Grâce parC.-E.
Gaucher, à Paris, an VI », contenant une petite
notice sur le graveur.
— Une série de billets de Gaucher, adressés au
citoyen Renouard en 1795, billets dans lesquels,
le délicat et consciencieux graveur parle longue-
ment du soin qu'il apporte au petit portrait de La
Fontaine, se plaignant «rfe sa maudite goutte quiV.emr
'pèche de sortir», et proposant, pour une nouvelle
édition de Télémaque, une étude sur Fénelon par
son beau-frère Poulain de Flins.
Gravelot. Une série ide lettres données sur cet
artiste dans mon fascicule de « l'Art du xviu® siè-
cle ».
Greuze. :< Greuze, ou TAccordée de village, par
M^^de Valori 1813. » Pièce de théâtre qui contient, eu
tête, la notice la plus documentaire sur le peintre do
de la Cruche cassée.
Hall, a Hall, sa vie, ses œuvres, sa correspondance,
par Frédéric Villot, Paris, 1867. » Curieuse étude, à
laquelle manque cette lettre un peu lâche, adressée
en 1790, à rOrateur du peuple (1) qui accusait la jolie
femme du miniaturiste d'avoir jeté, à l'Opéra, des
pommes, de sa loge, aux patriotes munis de martinets,
, (!) Orateur du peuple, vol. III, n» 65, et vol. IV, n» 10.
«68 LA MAISON D'UN ARTISTE.
pour fouetter les femmes en cocardes blanches, ap-
plaudissant le chœur dlphi génie :
Plusieurs personnes, monsieur, ayant attribué^ à ma
femme Tanecdote de l'Opéra, insérée dans VOi'ateur du
peuple, je dois à la vérité d'affirmer que ma femme a
passé toute la soirée de ce jour chez M. Desmarets, mar-
chand de tableaux à l'hôtel BuUion, rue Platrière, avec
M. et M™o Grétry, M. et M""* Sauvage, peintre du Roi,
plusieurs officiers du bataillon de Saint-Eustache, ainsi
qu'avec M. Berthélemy, aussi peintre du Roi, et plusieurs
autres personnes que M. Desmarets pourroit indiquer.
La conformité de nom avec un M. Halle, aussi pein«
tre, et qui a épousé une certaine baronne, pourroit
avoir donné lieu à ce quiproquo pour moi extrêmement
désagréable. La très petite différence du nom m'a été
souvent préjudiciable. Veuillez, Monsieur, après vous être
assuré du fait et de la vérité, insérer dans votre plus pro-
chain numéro que M™® Halle qui a causé la scène de
rOpéra n'est pas M"^® Hall femme du peintre du Roi;
j'attends de vous cet acte de justice et j'ai l'honneur d'être
avec estime, etc.
Signé : Hall, peintre du Roif
Rue Favart, 4,
Ce 22 décembre 1790.
HouDON. « Copie de la lettre de M. Houdon, sculp-
teur, à M. le Président de la Société des Amis de la
Constitution. » — « Réflexions sur les concours en
général et sur celui de la statue de J.-J. Rousseau en
particulier, par Houdon, sculpteur du Roy et de TA-
cadémie de peinture, sculpture et gravure. »
Hubert- Robert. (Extrait du Moniteur du 2^ avril
CABINET DE TRAVAIL. Sd»
1808.) Notice de quatre pages, consacrée à l'aima-
ble et galant peintre des ruines.
Jeaubat. « Notice de la vie et des ouvrages de
M. Etienne Jeaurat, Doyen de l'Académie royale de
peinture, Recteqr et ancien chancelier de ladite Aca-
démie, garde honoraire des tableaux du Roi. A Ver-
sailles. » Rarissime brochure in-4, à laquelle j'ai pu
joindre cette lettre autographe :
A Paris, ce 27 juin 1754.
Monsieur,
Permettez-moy d* avoir l'honneur de vous représenter que
je suis le plus ancien professeur de r Académie roiale de
peinture sans avoir de pension. Celle de M. Cazes est vacante
actuellement par sa mot^t; je vous supplie, Monsieur, de
vouloir bien me l'accorder. Je suis placé immédiatement
après M, de Vermont qui jouit de cet honneur par vos judi-
cieuses attentions. Je me flatte, Monsieur, que vous voudrez
bien me les continuery en ne préférant pas ceux qui ont
rendu à V Académie moins de services que moy : il y a dix-
sept ans que je professe, et j'ose dire avec une assiduité irré-
prochable. Vous connoissez trop les arts, Monsieur, rémula-
tion des artistes y pour que je n'aie pas lieu d'espérer cette
grâce dont vov^ êtes entièrement le maître. Dans cette con-
fiance fay Vhonneur d'être très respectueusement. Monsieur,
votre très humble et obéissant serviteur.
Jeaurat (1).
Lagrenée. L'état des tableaux faits par Lagrenée
l'aîné, le journal sur lequel il les notait, au fur et à
mesure de leur composition, en y joignant les prix
(1) Jeaurat, né le 8 février 1699, mourait le 14 décembre 1789,
âgé de plus de 90 ans.
23.
tn LA MAISON D'UN ABTI3TB.
de vente et les ooms des acquéreurs : journal que
j'ai donné intégralement dans ma seconde édition
des u Portraits intimes du xvm' siècle ».
M" Lebbuh. « Précis Jiistorique de la vie de la ci-
toyenne, Lebrun, peintre, parle citoyen Lebrun. An
deuxième de la République une et indivisible, u Rare
brochure delà Révolution oîi te mari venge sa femme
des calomnies courant le monde, et affirme que le
portrait du ministre Galonné n'a été payé que
â,600 livres en billets de la Caisse d'escompte, ren-
fermés dans une tabatière, qui valait au plu.s 1,300 li-
vres.
Les Mémoires de M"» Vigée-Lebrun, publiés en
1835, ont eu un teinturier, mais ils ont été mis
seulement en bon français, d'après des notes vrai-
ment rédigées par l'artiste, et, à ce sujet, je suis heu-
reux de donner une lettre inédite que je possède,
et qui nous montre M"' Lebrun s'entre tenant, en
1825, avec Aimé Martin, de la composition de ces mé-
moires :
Ce 33 nOTenibn 1825.
Enfin, mon bien bon, j'ai commencé ce que vous m'aviez
tant redemandé depuis plusieurs anitées. Vous savez combien
j'ai d'aversion pour faire ce que vous appelez mes TOémoires.
Car il faut bii-n, malgré tous les ivéïiements dont j'ai été
spectatrice, que je parle de moi. Ce moi est si ennuyeux
pour tes autres que, vrai sous ce rapport, j'y avais renoncé;
mais M. de Gasperini, gui commevous m'a pressé de les écrire,
m'y a déterminé en me disant : « Eh bien, Madame, si vous
ne les faites pas vous même, on les fera après toob, flt
CABINET DB TRAVAIL. 271
Dieu sait comme on les écrira! » J'ai compris cette raisoUj
ayant été souvent si méconÀue, si calomniée, et je me suis
décidée^ depuis quelques mois, à noter ce dont je me rap»
pelle dans tous les temps, dans tous les lieux. Vous n'y trour
verez ni slyl (sic) (i) ni phrases^ ni périodes. Je trace seule-
ment les faits avec simplicité et vérité, comme on écrit une
lettre à son amie.
Vous avez déjà très bien exposé, dans votre notice, quelques
principaux événements de ma vie. On a pu croire par le
be<iu côté que j'ai été la femme la plus heureuse. Eh bien,
mon ami, ces hommages, ces distinctions si honorables, si
flatteuses^ ont été t7*aversés par des peines bien cruelles^
causées par ce qui m'était le plus proche et le plus cher! Aussi
c^est ce qui m'a souvent fait penser qu'il ne faut envier le.
sert de personne, même de ceux que Von croit les plus heu-
reux. Je ne mets pas au rang de ces peines de cœur, les
traits envenimés de la calomnie qui m'a toujours poursuivie.
Je les ai dédaignés parce qu'ils n'étaient dictés que par des
gens qui ne m'avaient jamais connue. Malgré V intérêt que je
porterai sur les événements remarquables, que ma position,
dans le monde m'a mis à même de voir de prés, ainsi que
les personnages les plus distingués de l'Europe que j'ai bien
connus, je crains que mes mémoires ne paraissent fades en
comparaison de tous ceux que l'on fait aujourd'hui. Vous
saurés que je loge à présent, rue Neuve-des-Capucines, n^ 9.
Donnez-moi de vos noiœelles et de celles de votre chère et
aimable compagne.
Venez me voir en attendant que je plante la crémaiére (sic)
qui sera lorsque Je serai tout à fait arranjée (sic).
Je suis toujours les samedis soirs, mais en très petit
comité. »
Le Clerc. Un mémoire de ce peintre adressé à
(1) La lettre est pleine de fautes d'orthographei comme pres-
que toutes les lettres d'artiste que je donne.
' 1^.?
272 LA MAISON D*UN ARTISTE.
François de Neufchateau, le 21 fructidor an VI, et
dans lequel il demande la place de professeur à la
cinquième école centrale de la Seine, nous donne un
petit morceau de la biographie de cet artiste qui
n'en a pas :
... J'étais salarié par l'ancien gouvernement comme
attaché par lui à la manufacture- d'Aubusson; j*étois
chargé de faire les tableaux formant une tenture, qu'elle
en recevoit tous les deux ans
La Révolution ayant détruit cet ordre de choses, j'ai
perdu mon emploi, et avec lui, le fruit de quinze ans de
travaux dans différents genres de peintures propres, à être
exécutées dans cette fabrique, que j'avois fait pour parve-
nir à en obtenir l'agrément.
Comme peintre d'histoire, j'ai constamment exercé
l'étude du dessein. Depuis vingt-cinq ans, plus de six
cents feuilles de principes et d'études ont été gravées
dans le goût du crayon, d'après mes ouvrages. Et le débit
continuel qui s'en fait, tant en France que dans tous les
États de l'Europe, où l'on cultive les beaux-arts, constate
d'une manière certaine leur utilité publique : voilà les
titres que je présentois à l'appui de ma demande, et aux-
quels je joignois les pertes que la Révolution m'a fait
éprouver, notamment celles que je fis sous le règne du
vandalisme, lorsque mon atelier fut dévasté, et une
quantité d'objets précieux et utiles à mon art furent
détruits, sans que j'aie obtenu aucune part des secours
distribués alors, en vertu d'un décret de la Convention,
aux sçavants et aux artistes qui ont souffert de la Révo-
lution.
Si le besoin pressant d'être employé m'a fait, il y a
deux ans, vivement solliciter une place, ma détresse
n*a pu qu'augmenter dépuis ce laps de temps : j'ai une
femme et deux enfants qui, ayant embrassé mon état»
CABINET 1>Ë TRAVAIL. tn
sont dans le cours de le'un études, et par conséquent k
ma charge.
Le Clerc {!),
Peintre, me des Noyers, a* 30.
IiEHOYHB. « Vie OU éloge historique de Jeaii-Bap-
tiste Lemoyne, ancien. Directeur et Recteur de
l'Académie royale de peinture et de sculpture par
Dandré-Bardort, Paris, 1779 » ; rare brochure, ainsi
que celles dont Dandré-Bardon est l'auteur.
Malbeste. Nous publions ici le traité passé par ce
graveur avec le libraire Lamy pour la gravure de
«la Revue de la maison du Roi, par Moreau», traité
qui, avec le petit motif gravé en spécimen, avec les
échelonnements des payements, avec la gratiflca-
tion en cas d'exactitude, avec le nombre d'épreuves
d'eaux-fortes avant la lettre et d'épreuves ordinaires
accordées à l'artiste, peut être considéré comme un
type et comme un modèle des traités passés, en ce
temps, entre un éditeur et un graveur.
Nous, Pierre-Michel Lamy, libraire demeurant à Pans,
quai des Aiigustins, voulant faire graver sur cuivre, ua
dessein fait par Moreau le jeune, représentant « la Revue
faite par le Roy des troupes de sa maison à la plaine des
Sablons 11-, nous, Georges Halbesle , graveur, demeurant
aussi à Paris, rue Saiiit-Martin, n> 242, demandant cet
(I) La Clerc a mis son pnrtraitea tAte d'un cahier de principes
de dessins. Il est représenté dans une gravure au lavis, dessE-
nant soos le jour d'une fenêtre, dans le cadre d'un œil-de-
boeuf, en bas duquel sont entassés une palette, une toile sur un
chevalei, une télé eu plâtre, des cartons, des livres de dessin i
l'usage des commençants.
274 LA MAISON D*UN ARTISTE.
V
ouvrage, et ayant fait un petit groupe (1) d'après ledit des-
sein, pour servir au sieur Lamy à juger de mon talent,
dans cet état, nous dits Lamy et Malbeste soussignés,-
avons fait le traité et convention, cy après écrits.
i* Moi, dit Malbeste, promets audit sieur Lamy et m'o-
blige envers lui de graver exactement ledit dessein, de
même format que la planche de la Revue du Roy, gravée
par Lepaon, de commencer tout de suite les travaux de la
dite gravure, et de ne pas entreprendre d'autres ouvrages
de gravure pour y travailler avant que celle-cy ne soit
finie, m'engageant encore à ne rien épargner pour la
perfection de la dite gravure, afin qu'elle soit au moins
aussi bien faite que le petit groupe, que j*ai fait d'après
ledit dessein, reconnaissant avoir reçu de mondit sieur
Lamy tant le susdit dessein que la planche de cuivre sur
laquelle je dois faire la gravure.
2® Le prix des ouvrages ainsi que des retouches à faire;
s'il y écheoit, pour la perfection de la gravure dudit des-
sein, a été fait et convenu entre nous à trois mille trois
cents livres, payables par moi, dit Lamy, en neuf paye-
mens, dont le premiet* de deux cent soixante-quinze livres
a été fait à l'instant, moi, dit Malbeste, reconnaissant avoir
reçu du mondit sieur Lamy, la dite somme de deux cent
soixante-quinze livres dont je le tiens quitte, et à l'égard
du second terme de payement de pareille somme de deux
cent soixante-quinze livres, il sera fait, lorsque la première
opération de gravure de la dite planche à l'eau-forte sera
à moitié faite, ce que moi, Malbeste, promets avoir, fait
d'ici à la mi-mars prochain. Le troisième payemeut de
cinq cent cinquante livres, aussitôt que la gravure de la
dite planche à l'eau-forte sera finie, ce que moi, dit Mal-
beste, promets avoir fait dans le mois de juin prochain. Le
quatrième payement de deux cent soixante-quinze livres
(1) La petite gravure de l'homme du premier plan auquel le
vent enlève son chapeau.
CABINET DE TRAVAIL. 275
sera exigible, lorsque les deux de ladite planche seront à
moitié faits, ce qui sera dans le mois de septembre pro-
chain. Le cinquième payement, aussi de deux cent soixante
quinze livres, échoira lorsque les cieux de ladite planche
seront finis : ce qui sera dans le mois de décembre de
Tannée prochaine. Le sixième payement, encore de deux
cent soixante-quinze liyres, lorsque les figures de ladite
planche seront faites à la moitié, ce qui sera à la moitié
de février mil sept cent quatre-vingt-sept. Le sepUéme
payement, de même de deux cent soixante-quinze livres,
sera fait lorsque la gravure des dites figures sera achevée,
ce qui sera dans le mois de mars mil sept cent quatre-
vingt -sept. Le huitième payement, pareillement de deux
cent soixante-quinze livres, lorsque la planche sera aux
premières épreuves, ce que moi Malbeste, promets pour la
fin du mois d*avril mil sept cent quatre-vingt-sept. Le
neuvième et dernier terme de payement de huit cent
vingt-cinq livres sera fait Iwsque tous les ouvrages à faire
pour ladite gravure seront finis et que moi, Malbeste, rendrai
ladite planche dûement gravée, ainsi que les sttsdits desseins,
ce que je promets pour la fin de juin mil sept cent quatre-
mngt'Sept*
Déclarant réciproquement que, par l'indication des épo-
ques de payement ci-dessus, pour tout ce qui reste dû du
prix de ladite gravure, nous n'entendons que déterminer
la proportion convenue entre nous de la progression des
payeonents à celle de Favancement de l'ouvrage, de ma-
nière à n'exiger aucune antre avance, et conséquemment
que sans attendre les époques cy-dessus énoncées, si moi,
dit Malbeste, parvients à les anticiper en avançant les ou-
vrages, les divers payements du prix me seront faits aus-
sitôt que je seray parvenu aux différents degrés cy-dessus ;
je serai tenu d'attendre, pour exiger le payement, jusqu'à,
ce que j'aie complété la partie de l'ouvrage correspondante,
sans pouvoir l'exiger plus tôt, et, à cet effet, de donner
connaissance de l'état des travaux h, niondit sieur Lamy.
•270 LA. MAISON D*UN ARTISTE.
3» Indépendamment des termes de payement cy-dessas
stipulés, auxquels moi, dit Lamy, promets de satisfaire à
leur échéance, je m*engage en outre de payer par forme
de gratification audit sieur Malbeste, s'il me rend ladite
planche bien et dûement gravée , finie et prête à en tirer
des épreuves, pour être mises en vente dlci au dernier mai
mil sept cent quatre-vingt-sept, une somme de trois cents
livres, que je lui payerai en môme temps que celle de huit
cent vingt-cinq livres du dernier te.rme cy-dessus stipulé,
laquelle promesse, qui est convenue conditionnelle, sera
comme non avenue et de nulle valeur, si ladite planche
n'était pas gravée, finie et rendue ledit jour dernier mai
rail sept cent quatre-vingt-sept, et, au contraire, dans le
cas, où moi, dit Malbeste, n'aurai pas fini et rendu ladite
planche d'icy au dernier juin mil sept cent quatre-vingt-
sept, je m'engage à souffrir par forme d'indemnité, une
diminution de trois cent livres sur le montant du prix cy-
dessus stipulé de trois mille trois cent livres, au moyen
de quoi le dernier terme de payement ne sera plus dans
ce cas, que de cinq cent vingt-cinq livres au lieu de huit.
cent vingt-cinq.
4<> 11 est réservé à moi, dit Malbeste, douze estampes à
l'eau-forte, douze au fini avant la lettre et six idem avec
la lettre, dont le papier sera fourni et les frais d'impres-
sion payés par moi, dit Lamy, promettant expressément
moi, dit Malbeste, de ne faire tirer aucune épreuve de la
dite planche par aucun autre imprimeur que M. Dubu,
promettant aussi de n'en faire tirer que. deux épreuves à
chacun des différents degrés de perfection de la dite plan-
che, et à mesure que la gravure avancera.
Tout ce qui est écrit cy-dessus a été convenu entre nous
sous notre promesse réciproque de l'exécuter de bonne
foy, à peine de tous dépens, dommages et intérêts. Fait
double à Paris, le douze décembre mil sept cent quatre-
vingt-cinq.
G. Malbeste.
Mabillier. Du vignettiste à la mode, dont l'exis-
tence est tout à fait inconnue, voici une lettre qui
nous le montre, à la fin de sa vie, retournant à son
premier métier, à la gravure :
Beaulieu, le 13 germiiiitl an XII (3 avril 1604).
Il Bit très vrai que l'eau-forte que j'ai faite ■pour vous
m'avoit effrayé par la nouveauté de son objet, par la perfec-
tion du dessin et par mon inexpérience dans la partie d'ar-
chitecture; mais mettant une sorte d'amour-propre à lutta'
contre les diffieultés, j'ai employé pour les vaincre beaueoitp
de temps et de soins. Néanmoins je craignois de n'avoir pas
réussi à votre gré, et je le craignois d'autant plus, que le
vernis de la planche que M. Degentk m'avoit préparée étant
venu à s'écalier (sic) pendant la morsure, je ne présumais
pas que les épreuves pussent offrir un ton de couleur suffi-
sant. Vous avez ta bonté de me rassurer; cependant, tant
que je n'aurai pas vu d'épreuoes, je ei'oiroi que la satisfac-
tion que vous me témoignei est l'effet de votre indulgen'e.
Si raonsieur Degenth, qui a eu la complaisance de me les
faire tirer, ne tes a pas remises à mon frère, je vous prie de
lui dire de tes r^nettre à M. Ferousat. mon voisin, porteur
de cette lettre, qui aura la bonté de me les apporter.
Vous pourra aussi profiler de cette occasion pour me faire
. parvenir mes honoraires, que j'aurais désiré que vous fixas-
siez vous-même; mais puisque vous ms força à m'expliqw:r
sur eet objet, si souj trouoez que huit louis soient trop ^her
relativement aux spéculations commerciales, vous pome:.
réduire cette somme au niveau des autre», attendu que ma
première ambition est celle d'imiter votre honnêteté.
Je vous prie aussi de retenir, sur ce que vous remettrez ù
mon voisin, le prie du port de la planche et du tirage que
M. Degmith a avancé pour moi, n'étant pas juste qu'en
m'obligeant, ii en soit pour ses frais.
I. 24 .
f78 LA MAISON D'UN ARTISTE".
Comme le nouoel exercice que je fais de la gravure, doit
me rendre peu à peu la facilité et Vexpérience que j'avois
acquises en ce genre, je pense que, si vous me chargez de
nouvelle besogne , vous en serez plus content; vous pouvez da
moins être persuadé que j'y apporterais tous mes soins,
rai l'honneur d'être, avec un véritable attachement.
Votre serviteur,
Marillier*
La lettre est adressée au graveur Tilliard qui a
écrit en marge : « Remis au sieur Feroussat pour
M. Marillier la réponse à la présente. J'ai joint un
billet de cent quatre-vingt-dix livres, payable au
20 messidor prochain, et 40 francs que j'ai remboursés
au sieur Degent, font les 8 louis portés en la présente.»
Mabîn. Du continuateur et de Témule de Clodion,
un petit recueil de mémoires et de lettres nous per-
met de donner quelques détails inédits sur sa vie.
C'est d'abord un mémoire daté du 19° vendémiaire,
an IV de la République, où il se plaint d'avoir eu
brisé, au Salon, un modèle en terre représentant la
Maternité, exécuté pour le citoyen Pillot, et brisé
de manière à ne pouvoir être réparé, les têtes ayant
été emportées, sans doute, dit-il, « afin d'en copier
les expressions et les intentions ». Il estime sa i>6rte à
la somme de 5,000 livres et sollicite une indemnité
de la commission d'Instniction.
Dans un autre mémoire, il réclame pour une statue
en plâtre, mesurant S^^SO, et représentant une Paix
offrant l'olivier, exécutée pour la fête du 18 brumaire
an X, et pour en avoir fait faire le moule à atttx perdu,
CABINBT DE TBAVAIL. t7»
remonté et réparé fe plâtre, présidé au transport et à la
mise en place dans le Temple : le tout avec célérité, tant
de jour que de nuit, et remploi dispendieux d'hommes
nécessaires, û réclame 3,000 livres, prix convenu.
Puis, dans une lettre, datée de février 1814, et
adressée a M. Yern, le sculpteur annonce son instal-
lation définitive à Lyon :
Le lendemain du jour (écrit-il) oô je suis arrivé, je me
suis présenté à mes collègues et au directeur de cet établis-
sement, M. Artaux. Us ont pensé que, vu la circonstance, je
devais loger au Palais des Arts, ci-devant palais de Notre-
Dame de Saint-Pierre; vous pensés bien, mon ami, combien
j'ai été sensible à ces douces paroles, et que de suite, sans
délibérer un instant, j'ai été chercher mon petit bagage à
rhôtel du Farc, où j'avais passé la nuit avec grande inquié-
tude,.. Me voilà donc, depuis trois semaines, occupé jpar ce
nouvel emploi, donnant des leçons de sculpture, et dans les
intervalles, occupé à faire quelques petites choses pour moi,
en attendant les beaux jours pour exécuter quelque chose
pour le Salon, si le temps le permet.
Je me suis mis en pension chez une bonne dame veuve,
fort âgée et très dévote, dont la cuisine est douce et bonne..»
Je n'éprouve pas cet ennui mortel que fait éprouver un dé"
placement, je m'occupe beaucoup; sans cela, je tomberais
dans des ré/lexions accablantes, au lieu que par le travail je
m'oublie, et crois souvent être à Paris, et voir toutes mes
affections. Une chose à laquelle j'ai peine à m' habituer, c'est
ce tambour presque perpétuel...
Dans une autre lettre datée du 4 juillet, Marin dit :
Ma place est assez douce, mais les appointements ne sont
pas payés en totalité ; depuis un an, l'on ne touche que les
deux tiers de ce qui est accordé : cela se rétablira peut-être
im jour...^
MO LA MAISON D'UN ARTISTE.
Mais, en dépit de cette perspective, Marin s'en-
nuie à Lyon; il se rappelle au souvenir du maréchal
Gouvion Saint-Cyr, et dit à son correspondant, qui
s'est mis à sa disposition, que la seule chose à faire
pour li\i, est de travailler à le rapprocher de Paris et
de ses amis, et que le jour où il lui en écrira la cer-
titude, ce sera mon bon réveil du matin.
Une dernière lettre du 10 août 1815, toujours da-
tée de Lyon, est une longue lamentation :
Combien le séjour de Lyon me devient insupp07*table et
je cherchais joumeilement à invoquer la raison 'pour me
donner la force de supporter une prioation aussi grande que
celle de ne pas être auprès de mes amis... Quel pays pour
un sculpteur que la ville de Lyon! quel pays où, Von ne peut
pas compter un ami, et dans les instants où Von en pour-
roit avoir plus de besoin l Quelle consolation n'éprouve-t-on
pas après avoir causé avec un ami! Combien vous m'avez
fait éprouver de fois ce bon temps ! Ces instants se retracent
sans cesse à ma mémoire... que de tableaux doux et aima-
bles!... Avec quelle complaisance la mémoire les retrace au
coBur! Aimables rêveries et tendres ressouvenirs, quand
pourrai'je en retrouver les souvenirs enchanteurs... J'ai pé-
niblement travaillé de mon art sans travaux commandés.
Bien ne fatigue le génie comme de se voir dans un pays..,
où les habitants ne daignent pas regarder : c'est l'argent
seul, c'est ce qui en rapporte qui a prise dans cette ville.
Oui certes, il y a de grandes fortunes... mais ce n'est pas le
pays des arts, ni des artistes, grand Dieu! Quel maudit
espoir m'a porté à si bon marché dans cette ville... J'éprouve
encore, mon ami, une contrariété qui n'est pas petite, c'est
de ne pas être payé de la totalité de mes appointements, at
lieu de cent louis par an, je ne touche que 1400 francs
Masqubuer. « Notice nécrologique sur N.-F. Mas-
CABINET DE TRAVAIL. «81
quelier, dit le Jeune, graveur lillois. Lue à la Société
d'Amateurs des sciences etarts de Lille, dans sa séance
du 11 août 1809, par Bottin, membre résident. »
MoREAU. Notice sur M. Moreau (extrait du Monitew^
n° 355, an 1814). Notice qui, jointe aux notes biogra-
phiques par Lemonnier, écrites à la sollicitation de
la Société philotechnique, dont Moreau faisait partie,
et à la nécrologie; perdue dans le volume de Ponce
sur les Beaux-arts, résume ce que les contemporains
ont imprimé sur le merveilleux dessinateur.
MiQUE. «Dénonciation de Richard Mique, architecte
de la Reine, ses cruautés, ses barbaries envers son
frère qu'il a renié et fait mourir à Bicêtre, et pré-
sentée à l'Assemblée nationale par Catherine Mique,
fille de l'infortuné Mique. »
Catherine Mique dénonce son oncle, comme ayant
accusé son père de désertion, de supposition de
personne, de bigamie, de profanation des sacrements.
Cette dénonciation devait, à quelques années de là,
faire périr l'architecte de la Reine, dans la fournée
des 58 personnes du 19 messidor an IL
Natoire. a Mémoire pour le sieur Natoire, peintre
du Roi, chevalier de l'Ordre de Saint-Michel, Direc-
teur de l'Académie royale de France à Rome défen-
deur, contre le sieur Adrien Mouton, ci-devant l'un
des élèves de ladite académie. C'est le mémoire à
propos du billet de confession de Mouton qui fit
tant de bruit. »
Nim. « Jean-Baptiste Nini, ses terres cuites par
A. Villers, Blois 1862. » Petite brochure devenue
24.
LA MAISON D'UN ARTISTE.
rare, contenant un essai de catalogue des médaillons
de l'original ciseleur en terre.
Paris. « Notice sur M. Paris (Pierre-Adrien , ar-
chitecte du Roi et dessinateur de son cabinet (sans
lieu ni date).
Portail. « Notice sur le peintre Pierre Portail par
Dugast-Matifeux » (sans lieu ni date).
QuENEDEY. De l'inventeur du physionotrace, une
lettre autographe, adressée au maire du II® arron-
dissement, le 1*' février 1816 :
Bdme Quenedey, né dans la paroisse de BiGeys-le-Haut
(Aube) le il décembre 1756; un peu moins d'un an de Vàge
requis pour l'exemption naturelle ; mais'ayant des douleurs
rhumatismales alternativement qui souvent me privent dé
Vusage du bras gauche, et ayant tous les hivers un rhume
cathareux qui me fait cracher le sang. En voilà beaucoup
plus, -monsieur, pour me faire préférer de coucher en prison,
pourvu qu'elle soit à l'abri des injures du temps, à faire
faction, au milieu de la rue, de nuit, soit en hiver, soit en
RosALBA. « Diario degli anni MDCGXX et MDGCXXI,
scritto di propria mano in Parigi da Rosalba Gar-
riera, dipintrice famosa, publicato D. Giovanni Via-
nelli. Yenezia, nella Stamperia Goletti, 1793. » G'est le
journal, du séjour en France de la Pintresse au pastel,
et qu'a traduit M. Sensier.
Saint-Aubin. Une série de placets et lettres d'Au-
gustin de Saint- Aubin, dont j'ai donné la plus grande
partie en le fascicule des Saint-Aubin, dans « FArt
du XYiii® siècle » •
Saint-Non. « Notice de Jean-Glaude Richard de
CABINBT DB TRAVAIL. 283
Sairt-Non, abbé commeadataire de l'abbaye da
Poultières, diocèse de Langres, amateur honoraire
de l'Académie de peinture par Gabriel Btizard. De
l'imprinieriede Clousier, 1792.» Notice rare de l'abbé
aquafortiste.
Sauvage. D'une correspondance de ce peintre,
imitateur en grisaille de la sculpture, avec M. de
Fontanel, garde des dessins de l'Académie de Mont-
pellier, j'extrais une lettre :
MoTisieur et ami.
Si je n'<U pat répondu tout de amte à celle gue vous m'a-
vet adressée, c'est que je suis presque toujours absent de
chez mov aioTtl une besogne considérable à Saint-Cloud où
je fais le plafond de la chapelle de la Reine . Je suis là pour
tout l'hiver : quant à ce que vous me demandéi, j'ai fait
toutes les informations possibles sans savoir. Hessieurs les
entrepreneurs de papier ont bien soin de cacher leurs pein-
tres : ce n'est pas la première fois que je fais ces récherekes.
L'été dernier, pour obliger une dame de la campagne, j'ai
fait différents dessins, comptant sur ces mêmes peintres pour
les faire exécuter en papier : je n'ai jamais pu les trouver.
Je dùnnois mes dessins à Robert, marchand de papier sur le
boulevard Montmartre, qui me les fit faire et en mime tems
les fU doubles pour lui. Je suis fâché de n'être pas plus heu-
reux dans mes recherches. Je compte toujours emploier le
prunier moment que j'aurai pour vous remercier de l'excel-
lent vin de Frontignan, que voits avez eu la bonté d'envoier
à madame Sauvage. J'espère que vous Irouuweî ce genre de
boite assez drôle; l'on m'en demande beaucoup, mais je n'en
fais guère, je suis cette année dans le plafond. Je suis à finir
celui du cabinet de M. le duc de Praslin ; toutes ces grandes
choses m'empêchent de m'appliquer au petit, et je n'en suit
pasfdahé. Je m'en trouve bien de toute façon... Je m tait
--ar-r-»-
284 LA MAISON D'UN ARTIS|TE.
si M. de Joubert reviendra bientôt, je n'ai plus de ses nou--
veîkSj et, à son dernier voyage à Paris, je n*ai pas été chez
fui. Je ne le vois plus qu'aux assemblées de VAcadémie,
sans cependant être brouillé, mais je n'ai pas à me louer de
son fils, quoiqu'il ait fait tout au m^onde, pendant le dernier
Salon, pour me dissuader de ce que Von m'avo\t dit. Il m'a-
voit accusé d'avoir engagé son père à se présenter à V Acadé-
mie comme amateur, pour le mieux engager à acheter des
tableaux. Comme je ne me suis jaxnais mêlé à faire acheter
des tableaux à M. de Joubert qu'il ne m'est arrivé qu'une
fois de. lui conseiller d'en faire faire un, par Taunay, étant
à Rome, ce qu'il a fait. Le tableau a été payé 600 livides,
prix que j'ai fait moi-même; j'ai dit après ce propos tenu
que je reprendrai le tableau pour 40 louis, car il les vaut.
Mais tout cela vient d'un nommé Gaudefrois, raccommodeur
de tableaux qui les a empaumés, et cet homme n'aime pas
les artistes dans les maisons où il va. Voilà le mot. Je vou^
dis tout cela entre nous; je vous prie que cela ne passe pas.
M. de Joubert m'a toujours comblé d'amitiés, je lui ai dit
tout bonnement pourquoi je n'allais plus chez lui : apparem-
ment qu'il en a parlé a son fils, qui m'a accosté et à qui j'ai
dit vertement ce que je penscii. Voilà les hommes. Monsieur :
il faut les prendre comme Us sont.
Je suis bien mortifié de ne. pas faire votre affaire; si je
puis découvrir quelque chose à cet égard, vous le saurez tout
de suite. Pour vos pa-^nei^s ordinaires, et même du joli, il y
aune manufacture nouvelle, rue de Seine, à côté duJm^din
du Roi. C'est un Hollandais de ma connaissance, et ami de
M. Spandonck, nommé Wemex, si vous vouliez en essayer,
vous me le manderez, pour la promptitude je l'ai toujours
fait employer avec plaisir.
Je suis pour la vie, Monsieur, votre ami
Sàuvagb.
Surtout motus sur les messieurs Joubert,
Paris, ce 13 décembre 1787.
■d_i
SuRUfiUB. Une lettre du graveur Louis Surugue,
datée da 30 octobre et adressée à M. Lemoine, rece-
veur général des salines du Roi, à Moyenvic en Lor-
raine, nous donne de son vivant le pris de ses gra-
vures. Le portrait de l,i Sylvia coûte 2 livres, t^elui
de la Desmares 2 livres 2 sols, le portrait de la mar-
quise *" {M"' de Mouchy) en habit de bal, 2 livres.
La Gamargo et la Salle, grandes estampes dans des
paysages, sont au prix de 3 livres, chacune.
'SwEBACH. De ce peintre, devenu directeur de la
manufacture impériale de Russie, une volumineuse
correspondance pendant les années i 8i 9-1 820 ,
adressée à Louis Larcher de Saint-Vincent, nous le
montre pendant ces années, brocantant là-has, selon
son expression, « comme un dtable ».
Saint-Pétersbourg, le 13 mars 1809.
Mon cher Louis,
Pour les terres et la maison de Chûfeau-Tkiemj (I), fais
poto" le mieux et comme pour toy, voulant me déb'iiiasser
de ces deux drogues, et ayant l'intention de réuniv le plus
possible en argent comptant, en ce moment ayant en plus de
ce que tu as en main, une trentaine de mille francs, dont
partie est déjà à Paris, et espérant encore, d'ici à mon dé-
part, augmenter mon lopin, quitte à voir ce que j'en ferai
quand je serai à Paris.
Tu seras vraiment étonné quant tu revetras Edouard, qui
est devenu un grand et beau garçon, ayant tris bonne tour-
(1) Je rétablis l'orthographe.
LA MAISON D'UN ARTISTE
nuré et un talent auquel tu ne t'attends pas. Je te promets
que le premier tableau qu'il fera à Paris, sera pour toy.
Quant à mes espérances ici, elles sont bien faibles. On
promet ici beaucoup et on ne tient rien. J'ai affaire aux plus
vilaines gens qu'on puisse connaître. Les Busses ne sont p€të
beaux à voir chez eux, et, je le répète, il faut mériter d'4irû
pendu chez nous pour venir ici.
Le climat et tout ce que l'on m'a fait souffrir ici^ ont dé'
irait nia santé, et de plus je désespère d'être récompensé, et
ce n'est qu'à force de privations que j'ai amassé quelque
chose, pour qu'il ne soit pas dit, que j'avais fait huit cents
lieues, en pure perte.
Écris-moi quand tu pourras, je n'ai plus que toi, les avJres
m'abandonnent. Ma sœur ne me donne plus de nouvelles,
parce que j'ai refusé de lui prêter 45,000 francs; Maillard
parce que je ne veux pas qu'il vende mes tableaux et en
employé l'argent, enfin qu^en bon ami, je ne %ieux pas faire
bourse commune.
r espère après le jour heureux, où je pourrai vous embras-
ser tous, et boire, à votre bonheur, ce bon vin de France, dont
je ne bois pas tout mon saoul dans ce maudit pays.
J'espère à mon retour vivre tranquille au milieu de mes
enfants et du peu d'amis que j'ai. Je serai peu riche, mais
je suis sans ambition, je travaillerai jusqu'à la fin de mes
jours, mais pour m' amuser, et je n'espère qu'après le repoSm
Ma tâche en ce monde approche de sa fin • •
SWEBACH*
CABINET DE TEAVaIL.
Saint-Pëlersbourg, ce 28 juillel "
Mon cher Louis,
Je vient d'expédier •poar Frcmce detix caistes qw
dresse.
Je prépare tout pour mon retour, malgré que je m
pas encore indiquer l'^oque juste, n'étant pas dans i
où l'on puisse faire toujours ce que l'im veut, et doti
tarde fort de sortir.
Je m'ennuie beaucoup, mais je me porte «n peu n
je crois que je pourrai reconduire ma pauvre cart
France, et que nous pourrons rire entore quelquef
dépens des ultra des deux côtés, étant tout naturel gi
âge on soit tout ventre. En rentrant, je pourrai dit
vu de prés toute espèce de forme de gouvernement, et
t'en donner des nouvelles.
Chose assei drôle, &est que dans cefoys, dans le %
nous sommes entourés de trois fortta qui brûlent, dnm
éloignée est à deiu! heure». Ces forits se sont enflamn
ta force et continuité de la chaleur excessive, que nou
éproaoie ici, depuis plus de six semaines. Elle a été
à Pombre. Voilà un avantage de ce pays. Les hivt
longs à la véritÉ, mais ordinairement secs et vraimeni
bes, et l'ité court, mais aussi beau gu'en Italie. Ce q
le climat pemici^uw est la transition subite de la chc
froid, ce que j'ai vu arriuer quelquefois plusieurs fc
un jour. La végétation est superbe et (fune rapiifti
nante, et c'est dans ce pays ip^existent les phts bea
dins â l'anglaise du monde, tes nôtres ne sont que det
titres à côté, en nnson de la cherté du terrain, qa
coiïte rien
28$ LA MAISON D^UN ARTISTE.
Saint-Pëterebourg, 20 janvier 4820.
Moti cher LouiSf
Du reste, mes affaires vont assez bien. Outre les 4,200 fr,
de rente que tu as entre les mains, il y eria encore 4,400 en-
tre celles de M, Baguenault, banquier, plus \ \ ,008 francs
en caisse chez lui, et \2 à \^ à recevoir ici. Mon engagement
est fini, on m'a fait des propositions extravagantes pour me
retenir, que f ai refusées. On s'est rebattu sur m^on fils; fai
refusé de même, Edouard ayant besoin de Paris pour son
talent. Je suis en attendant les papiers qui me sont nécessai-
res, pour partir à Moscou. J'ai vendu tous mes effets, voitures,
chevaux et autres, et je bous d'impatience, attendu qu'il
m'est promis par le ministre l'ordre de Sainte-Anne pour ré-
compense de mes services, et que de jour en jour je Toi*
Ce 2 mars 4820, Moscou.
Mon cher Louis,
Tai fait de bonnes affaires ici. Je rapporte une énorme
quantité de curiosités, telles que pierres gravées et bijoux.
J'ai reçu beaucoup de cadeaux. Enfin je suis fêté d'une ma-
nière extraordinaire, et^s'il ne m' arrive pas d'être malade en
route, tu me verras à Paris fort content. En cas de malheur,
tu sauras quHl me reste encore 16 à 47,000 francs sur
M. Baguenault, banquier. J'en ? apporte encore 40,000 et un
peu plus de 25,000 livres de boîtes dorées, de bagues en bril-
lants et autres pièces précieuses, turquoises superbes, talis-
mans turcs et arabes, antiques, pierres gravées de toute
espèce. Tu vois que mon voyage a mieux fini qu'il n'avait
commencé. Mes tableaux ici font fureur. J'ai constamment
cinq à six seigneurs qui se les disputent, à mesure que je
les fais, et j'en profite pour leur vendre plus cher,,.
1
■
CABINET DE TRAVAIL. 289
Moscou, ce 15 mars 1820.
Mon cher Louis,
Je me 'porte bien et j'ai vendu ici pour prés de 8,000 fr.
de tableaux, et comme il m'en restait encore pour prés de
30,000 francs, et que je n'ai pas le temps de les vendre
comme je le désirerais, j'ai pris le parti de les troquer contre
de belles pierres gravées et beaux camées antiques et autres
bijoux et curiosités de facile transport, ayant Vintention, à
mon passage en Allemagne, de tâcher de m'en défaire avec
avantage» Nous sommes ici continuellement en bombante,
les seigneurs nous envoient leur.'» voitures , et nous allons de
fêtes en fêtes Voilà enfin notre voyage qui tire à sa fin^
assez heureusement; nous passons par rienne et Munich
ajnrés avoir traversé la Pologne et la Russie dans sa plus
grande longueur, et le résultat siir dudit voyage est 60>000 fr,,
25,000 à 30,000 fr, d'objets précieux, et la croix de Sainte-
Anne : toutes ces choses ne sont pas trop bêtes, et il me ser/t"
ble que cela valait la peine de les venir chercher. J'ai bien
souffert à la vérité, mais je crois cependant que je rappor-
terai mes os dans ma patrie.
Si tu vois Maillard, préviens-le de mon arrivée; je rap-
porte en France du lapis , du superbe outremer venant des
Indes et de la Chine par les Boukares, de plus la collection
complète des jades, agates, marbres, porphyres de Sibérie et
d'Asie, en outre plus de cinquante bagues antiques, camées,
pierres gravées ..et autres; en plus, j'ai reçu des cadeaux de
plusieurs seigneurs et j'en ai d'un prince Baratinski et de
Yousof et d'un comte Golowine ([). Tai aussi une collection
de belles améthystes, topazes, aigues-marines , rubis, éme-
raudes, opales et cornalines».. J'ai brocanté dans cette
(1) Dans une dernière lettre, datée de Kiew,-23 mai 1820, oti
il est en route pour revenir en France, Swebach annonce qu*fl
emporte la commande de quinze tableaux*
1. 2a
290 . LA MAISON D*UN ARTISTE.
ville comme un diable. L'outremer se vend ici à îa livre. Je
n'exporte pas de fourrures, elles sont ici plus chères qu*à
Paris...
Vanloo. « Vie de Jean-Baptiste Vanloo, professeur
dlB TAcadémie royale de peinture et de sculpture,
par M. Dandré-Bardon, recteur. Paris, Louis Gel-
lot, 1779. »
Vanloo. « Description d'un tableau représentant
le sacrifice d'Iphigénie par Carie Vanloo,(par Gaylus),.
Paris, Duchesne, 1757. »
Wailly. « Notice historique sur Charles de Wailly,
architecte... Lue à la séance publique de la Société
philotechnique, le %0 brumaire an VU, par Joseph
Lavallée. De L'imprimerie de la Société des amis
dés arts, an VIT. »
WiLLE fils. Une supplique à la duchesse d'An gou^
lême, en date du 9 janvier 1825, du malheureux pein-
tre, âgé de 73 ans, ayant perdu, aux mauvais jours
de-ia Révolution, la fortune amassée par son père, et
incapable de pajer la pension à Charenton de sa
femme, devenue folle.
Nous terminerons cette étude des livres d'art,
par une énumération des livres concernant la cu-
riosité et une revue des catalogues de vente du
xviii'* siècle.
Et d'abord un petit livre rarissime, qui mérite d'ou-
vrir le chapitre de la curiosité : Relation en forme de
LETTRE, sur ks dépenses suggérées par un goût outi^é
pour des curiosités passagères, ou par une passion désor-
donnée pour différents genres de compilations. Terminée
CABINET DE TRAVAIL. SBl
par vn expédient de bienfaisance (1). C'est une facétie
passant en revue les goûts et les manies du tempe.
On y rencontre le collectionneur de médailles, le
collectionneur de coquilles dont les cabinets étaient
si nombreux à cette époque; le colleclionTi«ur d'es-
tampes o qui a enfoui 40,000 écus dans l'obscurité
de 60 portefeuilles >> ; le collectionneur de partitions
de musique, qui possède tous les divertissements,
cantates, eantalilles, recueils de chansons, sonates,
concertos, duos, solos, enfin tout ce qui a été im-
primé ou gravé en fait de musique, depuis quarante
ans; le collectionneur de biscuits et de terres cuites
représentant tous les amours et les savoyards, les
nymphes et les vielleuses, et qui échangerait l'An-
dromède du Puget, pour les statuettes de Manelli,
délaTonnelli,onde quelque virtuose du boulevard;
le collectionneur d'argenterie et de boîtes bapoquci,
demandant, tous les jours, un renotivellement de la
forme , et dont l'opulence inquiète ne veut pas se
contenter de l'orfèvrerie de Balin et du vieux Ger-
main, de la bijouterie de Georges; le collectionneur
de tentures de la Chine, qui se défait de ses tapisse-
ries de Flandres, de Beauvais, des Gobelins, pour se
procurer a les extravagantes beautés des peintres
chinois». Mais de tous ces amateurs le type le
plus passionné est une collectionneuse de p™»rce-
laines, qui. après avoir donné dans la Chine et le
Japon, dégoûtée par l'avilissement apporté à ires
(1] Cette bi-ochure a été publiée anonymement. Elle est d'un
avocat Dommé Yoa, et a paru ea 1757.
I» LA MAISON D'UN ARTISTE.
porcelaines par les envois de la Compagnie des
iDdes, s'est jetée dans le Saxe, et après avoir dit
que l'argenterie n'est bonne que pour des commis,
des ■vieux militaires, s'écrie.: h J'avoue que le Saxe
coûte un peu cher... Mais aussi j'ai huit services
de tables complets, indépendamment de ce que j'ai
déboursé pour faire remonter en Saxe mes glaces,
mes lustres, mes pendules, ma toilette et ma garde-
robe. En vérité, j'ai une passion pour le Saxe qui
va jusqu'à l'adoration. Enfin je suis Saxe des pieds
jusqu'à la tête 11 n'y a pas jusqu'à mon alma-
nach et mes livres de piété qui ne soient reliés en
Saxe, »
A cette brochure il faut joindre: u Réflexions sdr
lA PEINTURE ET LA GRAVURE, accompaguées d'une courte
dissertation sur le commerce de la curiosité et les
ventes en général, par Joullain fils aîné, 1786 »; « le
RiipiîRToiai; DUS tableaux, dessins îît estampes, ouvrage
utile aux amateurs, 1788»; et parmi les livres moder-
n-?«, le LivRii-JounNAL de Lazare Duvaux, marchand
bijoutier ordinaire du Roi, qui contient, de 1748 à
175S, les achats des jolilés et bibelots de tous les
curieux et les curieuses du temps : livres parmi les-
quels doit prendre sa place : n la Confession publique
DOBKOC.WTËun, Amsterdam, 1776 », brochurette où le
sieur Feire-la-Afulr, au moment de mourir dans une
tempête, confesse tous les h-ucs des marchands de
tableaux du temps, trucs bien innocents, quand on
les compare à ceux des marchands de tableaux con-
temnorains.
CABINET DE TRAVAIL. 293
Maintenant, faisons le dénombrement des catalo-
gues originaux.
' Sur deux planches, rangés par ordre de dates, se
succèdent tous ces petits et gros catalogues de vente,
montrant, en une sorte d'obituaire des amateurs et.
des artistes du xviii® siècle, le passage aux enchères,
depuis le règne de Louis XV jusqu'à la Révolution,
detout'le joli et exquis mobilier. d'art du temps :
pauvres petites brochurettes autrefois si méprisées,
et dont, en face l'Institut, j'ai vu remplie toute une
boîte de bouquiniste à 20 centimes, et dans laquelle
j'ai acheté le catalogue de Boucher, et dans laquelle
se trouvait, au même prix, celui du peintre de Troy,
ce catalogue qui vient de se vendre i ,000 francs à la
vente de M. Heiset.
Le catalogue sommaire des dessins de grands
maîtres d'Italie, des Pays-Bas, de France... du cabi-
net de feu M. Crozat (1741), la plus extraordinaire
collection de dessins qui fut jamais, et composée des
dessins de Jabach qui n'avaient pas été cédés au
Roi, des dessins de M. de la Noue, l'un des plus
grands curieux de È'rance, des dessins que made-
moiselle Stella avait trouvés dans la succession de
son oncle, des dessins provenant des débris de la
collection Vasari, des dessins des Ganache achetés
aux héritiers de Pierre Mignard, d'une partie con-
sidérable de dessins de Raphaël, découverts par le
collectionneur à Urbin, des dessins de Rubens sor-
tant du cabinet d'Antoine ïriest, évêquo de Gand,
des dessins provenant des ventes de milord Som^
25.
►
f94 LA MAISON D'UN ARTISTE.
mers à Londres et de Van der Schilling à Amsterdam.
Le catalogue raispnné de diverses cariosités du ca-
binet de feu M. Quentin de Lorangêre (174i); le ca-
talogue de rénorme collection de tableaux, dessins,
estampes, dans lequel est insérée l'intéressante no-
tice de Gersaint sur Watteau.
Lé catalogue raisonné d'une collection considéra-
ble de diverses curiosités, en tous genres, contenues
dans les cabinets de feu M. Bonnier de la Mosson,
Bailly et Capitaine des chasses de la Varenne des
Thuileries {iHi). Et c'étaient chez Bonnier delà Mos-
son : 1** un cabinet d'anatomie, 2° un cabinet de chi-
mie, 3° un cabinet de pharmacie, 4° un cabinet de
drogues, 5° un cabinet du tour, 6** un premier cabi-
net d'histoire naturelle, contenant les animaux en
fiole, 7" un second cabinet d'histoire naturelle con-
tenant les animaux desséchés, 8° un cabinet de
physique, 9° un troisième cabinet d'histoire natu-
relle contenant l'herbier, les coquilles parmi les-
quelles se trouvait la fameuse coquille nommée la
Scalota, la seule existante à Paris, et que M. Bonnier
avait achetée 4,500 livres en Hollande : ces neuf cabi-
nets ornés « de tout ce que l'art a pu imaginer de
mieux et de plus agréable » comme sculpture re-
cherchée et délicate, glaces, dessus de portes, etc.
Le catalogue.... de feu M. le chevalier de la Roque
(1745). M. de la Roque était l'ancien gendarme de
la garde du Roi, à la jambe emportée par la ca-
nonnade de Malplaquet, le privilégié du Mercure,
I, l'ami de Watteau, dont il passait à sa vente les detrx
CABINET DE TRAVAIL. IM
tableaux des « Fatigues » et des n DélassBinents da
la guerre. »
Le catalogue des tableaux du cabinet d(
ZAT, baron de Thiers (1745), l'inestimable
passée en Russie.
Le catalogue raisonné des bijoux, pc
bronzes, laques, lustres de cristal de roche
de goût.... provenant de la succession de A
vicomte de Fonspertuis {i'!i^)■ C'est la coU
plus rares porcelaines de la Chine et du Jà
binet où les amateurs allaient apprendre à
le vrai et le èeau, et qui renfermait les pli
morceaux d'ancien bleu, avant la subst
l'émail à l'azur naturel, et les morceaux le:
et les plus crémeux d'ancien blanc.
Le catalogue de tableaux et des objets
terie... du sieur Grkssemt, ébéniste du pi
feu S. A. L Monseigneur le duc d'Orléans (1
les travaux rivalisaient avec ceux de Boul
l'expert \aQte le contour simple et noble d
modes, et l'incrustation épaisse et plci
boites à pendules.
Et des catalogues, j'en passe, comme j
beaucoup passé, et comme j'en passerai er
faisant une course à vol d'oiseau, àtrave
mense inventaire de la curiosité-
Le catalogue d'une collection de tableau
estampes... de M. Lk Lorrain (1758), lors
l'honneur d'être choisi par l'Impératrice
pour être son peintre.
29e LA MAISON D'UN ARTISTE.
Le catalogue des tableaux... du comte de Vencb
(1760), vente où s'adjugeaient pour 550 livres « l'Écu-
reuse» et le « Garçon cabaretier» de Chardin, ces deux
ïïierveilles de la peinture laiteuse, dont nous avons vu
revendre l'un 23 ,200 fr. , à la vente de Camille Marcille.
Le catalogue de tableaux. ..de feu messire Germain-
Louis Chauvelin, ministre d'État (1762) parmi les-
quels figuraient les tableaux de Watteau, connus sous
les titres de la « Lorgneuse » et de « l'Accord parfait».
Le catalogue de tableaux, dessins, .estampes... de
feu J.-B. de Troy, directeur de l'Académie de Rome
(1764), où se trouvait une collection d'esquisses de
choix de l'école française.
Le catalogue de tableaux, dessins, estampes... de
Deshays, peintre du Roy (1765), vente dans laquelle
étaient livrés aux enchères une grande quantité
d'études et de dessins du gendre de Boucher.
Le catalogue de tableaux, sculptures , dessins,
estampes, porcelaines, bijoux, meubles précieux...
du duc de Tallard (1766). Un cabinet en général
formé de tableaux de l'école italienne, et où le duc
n'avait consenti à admettre des maîtres de l'école fla-
mande « qu'autant qu'ils avaient travaillé dans le
gen re noble et sublime » .Dans les sculptures,bronzes,
meubles précieux, était vendue une série de magoî-
fiques lustres en bronze, à propos desquels l'expert
déclarait que, « quoique les lustres de cristal aient
absolument prévalu pour la décoration des appar-
tements, un lustre de bronze doré a plus de noblesse
et convient bien mieux pour un cabinet de peinture,
CABINET DE TRAVAIL. 297
OÙ un lustre de cristal devient trop brillant et rompt le
bel accord, que tout amateur de peinture doit recher-
cher dans l'assemblage des chefs-d'œuvre de Tart».
Le catalogue... du peintre Aved (i7fi6), auquel il
faut joindre le catalogue de sa seconde vente faite
en 1770. Ce peintre, qui passait pour un des plus
parfaits connaisseurs d'Europe, et qui avait mis dans
sa collection tout son patrimoine et le bien de sa
femme, avait réuni un choix de tableaux et de des-
sins de ses contemporains, et toute une smte de
natures mortes de son ami, et collaborateur dans la
peinture de poi'traits, Chardin.
Le catalogue des effets curieux... du cabinet de
feu M. de Selle, trésorier de la Marine (1766), qui
contenait, parmi des tableaux et des porcelaines,
une suite de marbres, de bronzes, de terres cuites
de François Girardon, Auguier, le Lorrain, Gaspard
de Marsy, Antoine- Goysevoix.
Le catalogue de tableaux originaux de différents
maîtres, miniatures, dessins, estampes sous verre, de
feu M""® la marquise de Pompadour (1766); petite
plaquette de 32 pages, ne contenant que 99 numéros,
et où n'apparaît rien de son somptueux mobilier.
que nous retrouverons plus tard à la vente de sot?
frère, le çaarquis de Ménars. Cette vente ne renferme
de remarquable et de digne de la favorite, que les
deux grandes compositions de Boucher « le Lever
et le Coucher du soleil», qui font aujourd'hui partie
de la collection de M. Richard Wallace.
Le catalogue des statues en pierre, en plâtre, en
«
Î98 LA MAISON D'UN ARTISTE.
terre et bronzes, modèles et ustensiles d'atelier ^qui
■ seront vendus cbez le sieur Aycard, sculpteur, à la
Petite Pologne, près la barrière du faubourg Saiut-
Honoré.
Le catalogue raisnnné des tableaus, dessins,
estampes et autres effets curieux, après le décès de
M. de Jdlibnne (1767), l'anaateur par excelience du
siècle, et dont la vente des tableaux de toutes les
écoles, des laques les plus recherchés, des meu-
bles de l'ébéniste Boule, était annoncée dans une
vignette, par une Renommée apprenant à l'Europe
que le cabinet de M. de Julienne était à vendre.
Le catalogue de tableaux, groupes, figures de
bronze, porcelaines rares... de feu M. G.mgnat, an-
cien secrétaire du cabinet du Roy (1768); une des
collections, dit l'expert Kemy.les plus recommanda-
Wes entre toutes par l'excellence des choix. Les por-
celaines de la Chine et du Japon sortaient des cabi-
nets de S. A. R. Madame la duchesse d'Orléans, de
la comtesse de Verrue, du prince de Carignan, du
comte de Fontenai, le plus grand connaisseur en
porcelaines.
Le catalogue du sieur Ahand, peintre du Roy en
son Académie royale de peinture, devant avoir lieu
le '30 juin 1769 et jours suivants, rue du Cul-de-sac
de la Bouteille, et consistant en tableaux, dessins,
impes et autres ustensiles à l'usage de la pein-
3. Ce catalogue, avec sa courte notice biographi-
:, qui est, ainsi que pour un certain nombre de
its peintres obscurs du xviii' siècle, tout cequ'on
CABINET DE TRAVAIL. 199i
possède à peu près de documents sur leur vie igno-
rée , nous montre la misère d'une vente d'artiste
de ce temps, d'un artiste qui n'est pas à la mode. On
y voit son grand tableau de « Mercure et Argus » se
vendre 49 livres^ son autre tableau de « Psyché aban-
donnée par l'Amour » 52 livres, enfin son tableau
de <( Soliman II devant lequel on déshabille des
femmeS' esclaves », ne pas dépasser 80 livres.
Le catalogue... de feu M. GAYKux,sculpteur (1769);
une importante réunion de dessins, parmi lesquels il
y en avait de Bouchardon, de Boucher, de Vanloo,
de Pierre, de Natoire, de Jeaurat, de Gochin fils, de
Greuze.
Le catalogue des tableaux, figures, bustes de mar-
bre, bas-reliefs é terre cuite, morceaux d'ivoire...
de* M. Lalive de Jully (1769) ; collection con tenant
les plus beaux échantillons de l'art français depuis
Simon Voue! jusqu'ài Vien, et où se trouvait « le
Père de feiraille; lisant la Bible » de Greuze, et le
curieuK portrait de Watteau par la Rosalba.
Le catalogue de tuijleaux, groupes de bronze, por-
celaines... de M. Beringhen, premier écuyer du Roi
(4-770), qui avait toute une collection d'animaux, de
'^ches, de singes, en bleu céleste et violet.
Le catalogue raisonné des tableaux, estampes,
bronzes, terres cuites, laques, porcelaines de dift'é-
rentes sortes... de feu M. Boucher, premier peintre
du Roi (1771). A propos de ce catalogue, répétons
que les catalogues qui n'avaient pas été employés
avant nous, dans la biographie des gens, sont les
.â
■f
300 LA MAISON D'UN ARTISTE.
naturels et les seuls introducteurs, en ce temps, dans
les milieux de leur vie, et que pour l'explication du
talent des artistes, ces inventaires dédaignés appor-
tent de curieux renseignements. C'est ainsi que nous
avons pu donner de la pastorale enrubannée du
Maître, et la cLiarrueet la herse et le petit bateau de
pêcheur: des modèles-joujoux; c'est ainsi que nous
avons pu montrer le coloriste ve7*millonné des der-
nières aimées, peignant dans un tendre embrasement
de tons de coquillages et d'éclairs de matières pré-
cieuses.
Le catalogue de tableaux à l'huile, à gouache et
au pastel, peintures de la Chine, enluminures, des-
sins précieux, estampes... de feu Huquier, graveur
(1771). Une nombreuse réunion de dessins et d'es-
tampes renfermant un grand nombre d'académies,
de tous les maîtres. On y remarquait une suite de
recueils de dessins reliés en volumes,parmi lesquels
il y avait 45 dessins de monuments de Rome par
Poussin, les 150 dessins originaux à la sanguine de
Gillot pour les fables de LainoUc, 39 dessins faits
d'après les plombs de Meissonnier, une suite de
150 charges à la plume et au bistre pour l'illustra-
tion des Songes pantagruéliques de Pantagruel, par
Huquier. Les dessins el les estampes laissés par
Huqaier étaient en si grande quantité, qu'une
seconde vente avait lieu la même année. '
Le catalogue ou plutôt les deux catalogues de
M''*' Clairon (1773), dont la vente se faisait rue du
Bacq, près le Pont-Royal. La collection préférée dft
CABINET DE TRAVAIL. 301
la tragédienne était une collection d'histoire natu-
relle avecles divisions en minéraux, cristallisations^
k
stalactites, pierres calcaires, agates, cailloux, jaspes,
pétrifications, pierres fines, coraux, madrépores-
antroites, méandrites, tubipores, fougipores, mille-
pores, rétépores, lithophites, éponges, alcyons, ver-
miculaires, lépas, oreilles de mer, nautiles, limaires
nérites, buccins, tonnes, casques, rochers, pourpres^
volutes, olives, porcelaines, huîtres, peignes, cœurs,
tellines, moules, oursins, opercules, coquilles ter-
restres, fluviatiles, étoiles de mer. La seconde vente
qui avait lieu un mois après, montrait aux regards
des curieux, au milieu d'habillements de sauvages,
de costumes turcs, de choses exotiques et d'estampes,
les objets de ville usuels et familiers de la grande
actrice : une navette de laque rouge à cartouche de
laque noir et or, doublée de nacre et garnie en or ;
une écritoire de trois pièces, en cristal de roche,
garnie en or, sur un plateau en éventail de laque fond
noir avec arbres et fabriques en or et bordure aven-
turinée ; un souvenir d'or de couleur avec des car-
touches à portraits et cure-oreille d'or d'Allemagne;
une montre ovale, à huit pans, dans une boîte de
cristal de roche d'un travail ancien et délicat ; un
porte-crayon et un dé d'or; un étui^ aiguilles d'or;
un berloquier d'acier garni de cinq flacons, d'une
paire de ciseaux damasquinés d'or, d'une lorgnette
à deux verres, d'un tire-bouchon d'argent en olive
à secret, d'un couteau de nacre de perle, garni de
deux lames dont une d'or.
T. 26,
T^
Sdr LA MAISON D'UN ARTISTE.
Le catalogue de dessins... de M. Lempereuh (1773)
où se trouvait une suite de plus de quarante dessins
de Bouchardôn.
Le catalogue de tableaux... de feu M. Jacomin,
joaillier du Roi et de la Couronne (1773), à la vente
duquel la « Naissance de Vénus » de Boucher, gravée
par Levasseur, se vendait 480 livres, et bon nombre
de boîtes en émail de Mailly et de Bouquet.
Le catalogue de tableaux originaux... de M. le G,
de D. (1774). C'est la vante de Du Barryle Roué, après
sa fuite de France, à la mort de Louis XV. Cette
vente contenait des Watteau, des Boucher, des
Greuze.
Le catalogue raisonné des différents objets de
curiosités dans les sciences et dans les arts qui com-
posaient le cabinet de feu M. Mariette, rédigé par
Basan (1775) ; précieuse collection presque unique-
ment composée de dessins et d'estampes, et qui
montait à 288,500 livres.
Le catalogue des tableaux, figures, bustes... du
duc de Saint-Aignan (1776) qui possédait les deux
jolis tableaux de Subleyras, connus sous les titres
du « Faucon » et des « Oyes du frère Philippe ».
Le catalogue de dessins... de M. Neyman, orné d'un
frontispice de Choffart (1776), et contenant 1,266 nu-
méros de dessins de maîtres.
Le catalogue de tableaux précieux, miniature)^,
gouaches... de M. Blondel de Gagny (1776), vente oïl
repassaient le Murillo; le Rembrandt, le Teriiers, lo
Wouwermans de la comleSsé de Verrue.
CABINET DE TRAVAIL.
Le catalogue de tableaux, dessins prêt
de marbre et de bronze, porcelaines
chois, ouvrages du célèbre Boule.,, qui
le cabinet de M. Rabdoh de Eoisset (177
catalogue d"un financier de goût, aux ach
lés par Boucher, Grenze, Hubert-Robei
plus beaux tableaux flamands et français
avec des marbres les plus rares de l'I
posaient, sur les plus parfaits meubles d<
porcelaines de la première qualité coloriée,
collectionneurs n'en avaient pas vu pas;
depuis trente-cinq ans.
Le catalogue de tableaux italiens, fran
dais... dont la vente se fera le lundi 17
et jours suivants, à trois heures de relevé
Honoré, hôtel d'Aligre. Cette vente ano
Tente faite par M°" Du Barry, dans les pi
barras d'argent de sa disgrâce, et dont
raconté les détails dans son histoire (1'
tableaux importants livrés au:ï enchères
un tout petit tableau (H. 6 p., L. 10 p.) di
Saint-Aubin, représentant un peintre d
modèle de femme nue, couchée sur un c.
que le petit maître a gravé lui-même l
de sa pointe In plus spirituelle. 11 serait in
retrouverce tableautin, qui fixerait surlet
de ce gribouilleur de génie à l'aquarelle
ne possède pas une peinture de genre a
(1) La ng Barry, par Edmond et Jules de Gi
304 LA MAISON D'UN ARTISTE.
Le catalogue de tableaux, dessins, terres cuites...
de monseipjneur le prince de Conti (1777), immense
et splendide collection dont les tableaux montaient
à 897,985 ; — les peintures à gouache et miniatures,
à 14,446 ;. — les dessins à 39,472 ; — les terres cuites
et \ases de bronze, à 29,509 ; — les pierres fines et
bagues, à 39,365; — les médailles antiques, à 6,681 ;
— les bijoux, à 26,466 : total, 1,053,94-4.
Le catalogue de tableaux et' dessins originaux...
de feu M. Natoire (1778) qui consistait en quelques
spirituelles peinture's de Watteau, Boucher, Su-
bieyras, Fragonard, Hubert-Robert, et une suite de
compositions et d'études de Tancien directeur de
l'Académie de Rome.
Le catalogue de tableâdx originaux... de M"® ***
(M'^'* de Cossé), 1778, vente où passait le petit modèle
des chevaux Pégases des Tuileries.
Le catalogue de tableaux, sculptures en marbre,
bronze, plomb doré... provenant delà succession de
feu M. Tabbé Terray, ministre d'État (1778), dont
îa préface dit: « L'amateur qui avoit formé ce cabi-
net, vouloit encourager les artistes ses contempo-
rains, et, sans refuser son admiration aux ouvrages
des anciens, contribuer, autant, qu'il le pouvoit, à
la splendeur des arts en France. »
Le catalogue d'une collection de dessins choisis
de maîtres célèbres des écoles italienne, flamande et
îrançaise... de feu M. d'ARGENViLLE (1779), collection
de dessins qui passait pour la plus capitale après
celle de M. Mariette.
CABINET DE TRAVAIL. SOS
*
Le catalogue d'une belle collection de tableaux ori-
ginaux... composant le cabinet de M. *** (M. Trouart),
contrôleur des bâtiments du Roi (1779), oti se trou-
vait cataloguée Tesquisse terminée du sacrifice dp.
« Gallirhoô » de Fragonard et des terres cuites de
Clodion, k Rue, Houdon.
Le catalogue de quelques tableaux et dessins et
d'une nombreuse collection d'estampes... du sieur
JouLLAiN (1779), un des marchands et experts célè-
bres du temps.
Le catalogue raisonné de tableaux... de M. Poul-
LAiN, receveur général des domaines du Roi (1780),
nombreuse collection formée de tableaux provenant
des cabinets Montmartel, prince de Gonti, Randon
de Boisset, Blondel de Gagny.
Le catalogue des tableaux et dessins précieux qui
composent le cabinet de M. de Sireul (1781), cabinet
presque exclusivement composé de dessins de Bou-
cher, et qui valait à cette collection le nom de Por-
tefeuille de M, Boucher,
Le catalogue des différents objets de curiosité
dans les sciences et arts qui composaient le cabinet
de feu M. le marquis de Menars (1781). Gette vente
du frère et de l'héritier de M""® de Pompadour est
la vraie vente de la favorite, et où passe, mêlé à
quelques beaux tableaux acquis par son frère, tout
le mobilier d'art de la virtuose et de la curieuse (1).
Le catalogue de tabieaax... après le décès de
(1) Voir, pour les détails de cette vente : Madame de Pompadour,
par Edmond et Jules de Goncourt. Charpentier, 1878, p. 329.
S6.
JOi LA MAISON D'UN ARTISTB.
M"*® Lancret (1781), rare petit catalogue qui conte-
nait 21 numéros de tableaux du Maître, et dont le
plus cher, « la Réception d'un cordon bleu», auquel
on joignait encore un « Louis XV tenant un lit de
justice », se vendait 299 livres. Avec ces tableaux
s'adjugeait un millier de dessins, par lots de 40, de
60, qui allaient de 3 à 6 livres.
Le catalogue de vases, colonnes, tables de mar-
ères rares, figures de bronze, meubles précieux...
du duc d'AuMONT, catalogue orné de, trente plan-
ches (1782). Là est décrit le mobilier du xvm® siècle,
où peut-être s'unit le plus fastueusement à la ri-
chesse et à la rareté des matières le précieux du
travail, où le bronze doré s'associe aux plus beaux
marbres tirés des anciens monuments de Rome, un
mobilier, qui n'a de rival dans le passé que celui de
la duchesse de Mazarin, et qui contient à la fois d'in-
comparables tables de marbre et de porphyre, un
choix de porcelaines d'ancien bleu et blanc de la
Chine provenant du cabinet de M.^' le Dauphin,
fils de Louis XIV, une réunion unique de lustres, de
lanternes, de bras ciselés par le célèbre Gouthière.
Le catalogue d'une belle collection de tableaux
de M.*** (Nogaret), 1782, contenant « Jupiter et
Antiope » et « l'Amour se dérobant à la correction de
Vénus » de Watteau, « le Bal » de Pater, « le Mou-
lin de Gharenton » de Lancret.
Ces catalogues, ils se trouvent en général dans
leur brochure de papier peigne, avec le nom du des-
tinaire écrit sur la couverture. Mais quelquefois,
CABTKBT DE TRAVAIL.
par hasard, on a la bonne fortnne de les r"-
reliés en maroquin, plus souvent en veau
veau clair semblable à une planchette de <
décorée de filets sur les plats, d'un dos oi
tranche ornée, et tels que j'ai rencontré le (
Lorangère, le Blundel de Gagny, le Randc
set. -Ces catalogues sont en général des ej
de l'expert qui a dirigé la vente, et ils C(
les prîK et les noms des adjudicataires. Q
même ils sont plus précieux et peuvent p.
de vrais documents d'art, C'est ain«i que j
è. la vente de M. Duchesne du cabinet des
le catalogue de tableaux, sculptures de
du graveur Le Bas (1783) ayant en doubli
fortes du portrait et du fleuron, et contt
fin, un historique manuscrit de la vente d<
et où j'ai trouvé sur Chardin et Moreau
dotes qui ne se trouvent que là.
Le catalogue des tableaux, dessins, mar
zes, terres cuites,., du cabinet de M,*
d'Aïincourt), 1783, cabinet où se trouvai
« l'Enfant prodigue u de Teniers, « le M
Herbes » de Gabriel Metzu, « le Charlatan
Dujardin,<i les Champs-Elysées» de Wattea
de dessins du meilleur temps de Françoi
un amour en marbre, grandeur naturell
Le catalogue d'une collection précieus
bres d'Alsace tels que porphyre, granit,
composée de vases de différentes forni
coupes, cuvettes et fûts de colonnes...
806 LA MAISON D'UN ARTISTE.
bronze doré d*or mat, exécutés sur de beaux profils
et modèles de M. Feuiliet (1784), collection d'échan-
tillons de morceaux taillés de porphyre, dont la taille
était alors toute nouvelle en France, et qu'on offrait
aux curieux jaloux de comparer la matière antique
avec la matière moderne.
Le catalogue de tableaux... du comte de Merlb
(1784), parmi lesquels figurait le tableau de Berghem,
connu par l'estampe d*Alliamet sous le titre de
l'Ancien Port de Gênes.
Le catalogue raisonné d'une très belle collection
de tableaux des écoles d'Italie, de Flandres et de
Hollande qui composaient le cabinet du comte
i)E VaudReuil, grand fauconnier de France (1784),
catalogue dans lequel on annonçait la vente de huit
tableaux de Vernet, propres à la décoration d'une
galerie ou à l'embellissement de deux salons : 1* un
clair de lune; S*" un site montagneux; 3° une tena-
pète ; 4° un soleil couchant ; 5° une vue de mer par
un temps de brouillard ; 6° un coup de vent; 7* un
second soleil couchant ; 8** un feu d'artifice.
Le catalogue de tableaux, dessins, estampes, terres
cultes, marbres, bronzes antiques et modernes...
de M. le bailli de Breteuil (1785), catalogue dont la
pièce capitale était un surtout de table composé de
petites architectures représentantle temple de Flore
pris sur celui de la Sibylle Tiburtine, le temple de
Minerve, le temple de Mercure, un cirque, deux arcs
de triomphe, des obélisques, des trophées, des
colonnes triomphales, des sceaux à rafraîchir, des
CABIl^ET DE TRAVAIL. 309
figures d'Isis : le tout exécuté en lapis, en prime
d'émeraude, en jaspe verdâtre, en rouge antique, et
monté en bronze doré ; un surtout, dont faisaient
partie 75 couteaux aux manches composés des ma-
tières les plus précieuses, aux lames d'or. Dans ce
catalogue du bailli de Breteuil, est encartée, dans
mon exemplaire, une feuille des vins à vendre, et
parmi desquels figurent les vins à la mode du temps,
« les vins de Vosne, de Beaune, de Ghâteauneuf du
Pape, de Champagne rouge, de Carcassonne, d'Ay
de plusieurs âges, d'Ay œil de perdrix, de Sautterne,
de M. le maréchal de Biron, de Tokaï de plusieurs
âges, du Cap blanc et rouge, de Madère doux et sec,
de Malvoisie, de Madère, de Pontac, de Piccolets de
Venise, de Pietro de Ximenès, de Malaga rouge, de
Septuval doux et sec, de Ranciaux, de Procopia, de
Mantillia, de Peralte. »
Le catalogue des tableaux... de M. le marquis
De Veri(1788), catalogue qui renferme la plus nom-
breuse collection de tableaux de Greuze, livrée aux
enchères, et parmi lesquels se trouvaient «la Malédic-
tion paternelle, la Mort du père de famille, THermite
visitée par une troupe de jeunes filles, Tlvrogne, la
Cruche cassée, la Fille au chien, le Tendre Désir, le
Petit Bonnet rorfd ».
Le catalogue d'une belle collection de tableaux,
esquisses à l'huile... de M. Nourri, conseiller au
grand conseil (1785), où l'on vendait 36 livres 2 sols,
le portrait de Molière par Antoine Coypel.
Le catalogue des dessins, estampes, ustensiles de
A
■ }.
JIO LA MAISON D'UN ARTISTE.
peintre... de Lepaon, le peintre ^e bataiUos 4q
S. A. R. Monseigneur le prince de Condé (1786),
pauvre et rare petit catalogue de huit pages.
Le catalogue des tableaux, gouaches, miniatures...
de M. Bergeret (1786). C'est le Bergeret qui emmena
Fragonard et sa femme en Italie, et voulut se payer
de ses frais en s'appropriant les dessius du peintre
faits pendant le voyage. Dans la vente du Turcaret
passent des tableaux, et le mobilier de marbre et de
bronze doré des financiers du temps. Parmi les
sculptures, figure toute une suite de figures et de
bas-reliefs de Glodion, où au milieu des Bacchanales
4es Lupercales, des sacrifices au dieu Pan, la senti-
mentalité de répoque avait introduit un petit monu-
ment en terre cuite, dédié aux mânes d'un serin.
Le catalogue des tableaux... du cabinet de M. Wa-
TELET (1786), contenant une collection de tableaux
choisis de Técole française, où l'on admirait des
Tremolière, des Vanloo, des Chardin, des.Boucher,
des Doyen, des Greuze, des Vernet, des Hubert-
Robert, et le fameux portrait du cardinal Richelieu
peint en émail par "Petitot.
La notice des objets curieux dépendants de la
succession de M. le duc de Choiseul (1786), renfer-
mant les deux figures, grandeur nature, de « l'Au-
tomne » et de « l'Hiver >> peintes par Watteau pour
la salle à manger de Crozat.
Le catalogue de tableaux... de M. de Boullongnb,
conseiller d'État (1789), où se vendait la «Toilette de
Vénus » , de Boucher.
CABINET DE TRAVAIL. 111
Le Catalogne de tableaux, de dessins précieux...
formant le cabinet de M. Coliet, secrétaire du cabi-
net de Madame Sopbie de France (1787); jolie col-
lection d'aimables choses, d'où viennent « le Mer-
cure de France » et n le Concert agréable » , les deus
gouaches de Lawreince, qui font partie de ma col-
lection de dessins.
Le catalogue de tableaux, portraits peints depuis
le xi\' siècle jusqu'à nos jours, miniatures... de feu
M. le duc de Richelieu, pair et premier maréchal
de France, chevalier des ordres du Roi, connéta-
ble, premier gentilhomme de la chambre de Sa Ma--
jesté, lieutenant général de hante et basse Guyenne.
noble Génois, l'un des quarante de l'Académie
française (1788). Une immense collection que cette
collection du duc de Richciien, avec ses subdivisions
en tableaux, miniatures, estampes encadrées, livres
d'estampes, ligures et bustes de marbre blanc,
figures et bustes de bronze, vases de marbre, porce-
laines truite fin, porcelaines d'ancien Japon, porce-
laines bleu céleste, porcelaines céladon, porcelaines
de la Chine coloriées, porcelaines d'ancien blanc, por-
celaines bleu et blanc , pagodes et terres des Indes,
vases de terre d'Angleterre, anciens laques, porce-
laines de Saxe montées et de service, porcelaines de
Sèvres et autres manufactures, porcelaines de Chan-
tilly, pendules de bon genre, lustres et lanternes,
feux, bras ot flambeaux, tables de marbre, meubles
de dilférents genres, boîtes précieuses en cailloux
Q or, et bijou.\ médailles.
81t LA MAISON D'UN ARTISTE.
Le catalogue des bustes et vases de marbre... du
maréchal duc de Duras (1789), vente dont les objets
les plus précieux étaient une commode, un secré-
taire, des encoignures, un bureau bibliopographique,
en laque du Japon et du Goromandel, d*une qualité
tout exceptionnelle.
Nous analyserons encore rapidement quelques
catalogues de ventes faites pendant la Révolution.
Le catalogue d'objets rares et curieux du plus
beau choix... provenant du cabinet de M. Le Brun
(1791). C'est rénorme liquidation du fameux mar-
chand de tableaux, où Ton voit repasser et se vendre,
à des prix inférieurs, toutes les acquisitions, que,
dCDuis une trentaine d'années, il avait faites dans les
ventes célèbres, et dont il n'avait pu encore se défaire.
Le catalogue de tableaux, gouaches, estampes...
de De Launay, graveur du Roi (1792), chez lequel, se-
Ion l'habitude qu'avaient les graveurs du temps,
d'acheter les tableaux elles dessins qu'ils burinaient,
se trouvaient les tableaux de Fragonard qu'il avait
gravés, sous les titres du « Petit Prédicateur » et de
u L'éducation fait tout, » et les deux gouaches de
Lawreince qu'il avait également gravés, sous les titres
de « Qu'en dit l'abbé » et « l'Heureux Moment ».
Le catalogue des objets précieux... trouvés après
le décès du citoyen Donjeux (1793), une autre vente
d'un « négociant de tableaux et de curiosités », dont
on trouve le nom parmi les adjudicataires de toutes
les grandes ventes de la fin du siècle.
Le catalogue des tableaux précieux, figures, bus-
CABINET DE TRAVAIL. SIS
tes en marbre, groupes et figures de bronze...
de feu M. Ciioisehl-Praslin (1793), une coilectioQ
commencée par le père du duc, dès 1750, ei cîi se
trouvaient réunis : « le Fauconcier » de Rubens,
n TEmbaïquement de vivres » de Berghem, « la Pe-
tite Sainte-Famille » de Rembrandt, « .û Boutique -
d'épicerie « de Gérard Dow, « le Colombier u de Wou-
wermans, «la Prairie »de Potter, un superbe Claude
Lorrain.
Le catalogue de tableaux, dessins, estampes... du
citoyen Buldet, ancien marchand d"cstampcs (an V
de la République), où est catalogué n Noire-Seigneur
guérissant les malades», la pièce de Rembrandt, dite
aux cent florins.
Le catalogue de dessins et d'estampes... de Ba-
SAN) le fameux marchand d'estampes, contenant la
gouacbe de Baudouin, gravée par Simonet, sous le
, titre ; « Rose et Colas. »
Le catalogue de tableaux, pastels, gouaebes, des-
sins, figures et bustes de marbre... de feu ûrihod de
LA Reïniéhe (1797), une collection de montres an-
ciennes, et une réunion de tabatières précieuses,
telle qu'il n'en avait jamais été offerte en vente.
Poursuivons cette étude dans le xix' liiècle, où
nous rencontrons de précieux objets d'art du temps
sur des catalogues, après décès, de vieux survivants
du siècle ou de leurs héritiers.
Le catalogue du cabinet de feu M. Augustin de
Saint-Aubin (1808), catalogue où se rencontrenLdes
dessins des deux frères, et où treize peintures de
:. a
LA MAISON' D'UN ARTiaTK.
l Saint-Aubin (sujets de scènes familières,
s tableautins qui n'ont pas même de cadres),
iaient 15 francs 60 centimes.
otice succincte de tableaux, dessins et estam-
irès le décès du graveur CuoffahÎ) (1809), dont
1 numéro contient 440 dessins de Baudouiu,
er, Cochin, Fra§onard, Moreau.
catalogue raisonné d'objets d'art.;, de feu
LVESTRE (1810), ancien maître à dessiner des
,s de France, collection renfermant un cboix
iins excellents, et d'où sont sortis, au prix de
ics, les deux portraits au pastel de Chardin et
Temme, qu'on voit aujourd'hui dans le salon
stels du Louvre.
collection de dessins et d'estampes... de
iGNON-DiJONVAL (1810), la plus innombrable
tien de dessins et d'estampes qui ait étéja-
'éunie par un particulier,
catalogue raisonné de gouaches et dessins du
!t deM.BRUNHNEERGARD (181i),une réunion de
s du xviii* siècle, au milieu desquels les des-
e Prud'bon font, pour la première fois, leur en-
ans les ventes.
catalogue d'une collection nombreuse de
ux, pastels, émaux, miniatures... de feu
:hahd dk Ledan (1816); calalogue dans lequel
rt annonce huit mille portraits du xvi', \v\i°,
.iëcle, peints à l'huile au pastel, en émail, etdont
;ent quarante-cinq garnissent des tabatières,
catalogue de tableaux, gouaches, miniatures,
f—
^ CABINET DE TRAVAIL. «»
tabatières précieuses... de feu M. Quentin Craufubb)
(1820), catalogue dans lequel cet Anglais, amoureux
de la France et de son histoire, avait réuni une im-
mense et curieuse collection de portraits des per-
sonnages illustres du temps de Louis XIV. .
Les trois catalogues de tableaux, d'estampes, de
curiosités, du baron Denon (1828), ce choix d'art de
tous les temps et de tous les pays.
Le catalogue de tableaux... d'HipPOLYTE Lemoyne, le
fils de Lemoyne le sculpteur (1828). A cette vente pas-
sait le tableau de Boucher, représentant un peintre à
son chevalet, qui est Boucher, ayant près de lui sa
femme et son élève Deshays, qui deviendra son gen-
dre. Et passait encore un tableaii de Pierre, daté de
1748, représentant un sculpteur dans son atelier, qui
estLemoyne,aux côtés duquel se tient son élève Pajou.
Etde ventes d'héritiers de peintres et de sculpteurs,
contenant, quelques glorieux morceaux de l'artiste
qui leur a donné son nom, nous allons comme cela
jusqu'à la vente de Caroline Greuze, la fille du
peintre, faite par Thoré en 1843.
C'est le tour des arts industriels, des arts gym-
nastiques, des arts mécaniques.
L'art de la céramique est représentée par un cer-
tain nombre de documents, parmi lesquels je ne
veux citer qu'un document manuscrit inédit, don-
nant la composition d'un service de porcelaine de
Sèvres et les prix des différentes pièces :
LA MAISON D'UN ARTISTI.
>tl PRÉSENT FAIT PAR LE ROÏ A SA HAIBSTË LE ROY DB
EHaRCE ET ADX SEIGNEURS DE SA SUITE, LIVRÉ PAR lA
DFACTDRE ROYALE DB PORCELAINES, LE 9 NOVEMBRE 1768.
ilean. Sujet de soldais 960 fr.
- d'api es M. PieiTe 840
^ d'après M. VaDloo 720
«fond Tert avec le pDL-trait duRoj.' . . . 600
ies peints à bas-reliefs, 480 960
_ _ 432 .. : 864
9te do B07 en sculpture 144
Service en bleu caillouté d'or.
liettes à .
m potiers.
.teaui à deui pots à confitures. 120
iipes à pied ■-' . SI
à glaces 24
à glaces 252
à 1/2 bouteilles I&6
àtopeltes 420
ovales , 156
crénelés 204
lelets et soucoupes blea et or . 30
_ — — _ . 48
helets et soucoupes bleu céleste. 54
lUpe de la Fée Urgéh .
— du Sabot cassé . .
CABINET DE TRAVAIL. 817
2 groapes de la. Loterie à 96 fr. 192 fr.
2 — des Gourmands ..... 42 84
16 enfants de Falconet, 1" 30 480
1 groupe de V Amitié 300
1 — des Grâces 240
1 Amour de Pigale . ^ • 48
1 — de Falconet 96
12 enfants dudit, 2"»« 21 252
12 — de Bo^cher 36 432
4 Flore et Hébé 36 .144
4 piédestaux 15 60
A ce service était annexé un supplément presque
aussi considérable que le service, un supplément mon-
tant à 14,634 dans lequel nous trouvons des beurriers
à 120 livres, des salières doubles à 33 livres, des mou-
tardiers à 78 livres, des saladiers à 144 livres, des
saucières à 78 livres, des plateaux Bouret à 45 livres,
des pots à oyles et terrines à 600 livres, une jatte à
punch et mortier au même prix, et dans la sculpture,
les groupes de Pygmalion et de l'Amour, coûtant
480 livres, et celui de la Fête du château, 144 livres.
Les seigneurs de la suite du roi de Danemarck
recevaient également des cadeaux de porcelaines :
M. de Bulo était gratifié d'un grand déjeuner Dau-
phin, du prix de 600 livres; M. le comte de Holk,
d'un déjeuner losange à jour, de 384 livres, et d'une
tabagie accompagnée de son plateau, de 168 livres;
M. le baron Deschunerman, d'un déjeuner Courteillei
de 408 livres; M. Schuraaker, d'un déjeuner Tiroir,
de 240 livres; M. de During, d'un déjeuner Hébert à
anses, de 192 livres.
17.
a LA UAI80N D'UN ABTIUTB.
L'art de la tapisserie compte très )tea de livres et
ochures. Pour les tapisseries des manufactures
îtat, je ne connais guère que la Notice sdb L4
'ACTUBE NATIONALE DES Gqbelins, par Guillaumot,
II, qui est comme l'embryon des travaux pu-
depuis par M. Lacordaire. Sur la broderie, la
irie occupant les loisirs des femmes, il est une
lure intéressante : le « Traité des différentes
ES DE TAPissEBiES, fit principalement de la tapis-
au petit point et au point long. Yverdon,
» L'auteur qui dédie son livre à la présidente
ibrier, une artiste en laine, après nous avoir
s que la broderie est, en ce temps, le grand
ement de la campagne, et que tout château a
létier dans son salon de compagnie, à l'usage
imies faisant séjour, passe en revue le petit
., le point long abandonné, mais de mode aux
!s passés, et où les brodeuses introduisaient
erles, des grenats, et même des cheveux natu-
ur la lète des personnages, puis la chenille, les
iges sur paille, et conseille les laines d'Ângle-
pour le point long, les laines de France pour
.it point.
l'art de la fabrication des étoffes et des tissus,
re le mieux et le plus pittoresqu ement fait, est
)lume dont je possède un exemplaire en maro-
rouge : c'est « le Dessinateur fouh les fabriques
FFES, d'or, d'argent et de soie, par JoubertdeHï-
jrie, 1765 ». Le livre, outre sa partie technique,
i d'amusant qu'il parle un peu de tout, et^u'il
CABINET DE TRAVAIL. m»
fait faire à son dessinateur un voyage des plus ins-
tructifs dans Paris, ne Tarrêtant pas seulement aux
magasins d*étoffes de soie de MM. Barbier, Bourjol,
Laurozat, Nau, Despeignes, de Gourcy, David le
Roux, Doré, Mercier, Buffault, Martin, Doucet, le
Boucher, Grégelu, Le Sourd, mais le menant au
Louvre, au Luxembourg, au Palais-Royal, dans les
collections particulières, au cabinet des estampes,
dans les manufactures royales, et lui faisant voir les
boutiques des brodeurs et faiseuses d'agréments,
des éventaillistes, des peintres d'équipages. A propos
des étoffes de coton, citons une petite brochure qui
s'élève contre la prohibition de l'impression et la
(gravure des moules propres à l'impression des toiles
de coton en France : ce sont les « Réflexions sur
DIFFÉRENTS OBJETS DE COMMERCE, et cu particulier sur
la libre fabrication des toiles peintes en France.
Genève, 1749. »
Sur l'art du tapissier, un homme du métier a pu-
blié, en 4774, un petit volume technique du plus
haut intérêt, devenu aujourd'hui très rare. Ce sont
les « Principes de l'art du tapissier, ouvrage utile
aux gens de la professic:., par M. Bimont, maître et
marchand tapissier». B : nt nous donne la nomen-
clature exacte du mobil ^ du temps; son livre ren-
ferme rénumération des lits à la duchesse, à la
romaine, appelés baldaquins, à la turque, à la
polonaise, des lits à tombeau, à double tombeau,
des lits à colonne, du lit à pavillon en serge, puis
dê3 sophas, des ottomanes, des duchesses, des fau-
»0 LA. UAISOM D'DM A.BT1BTB.
tcuîls à poches, à cartouches, des fauteuils en Ca-
briolet, des fauteuils de canne, des grandes bergères
de paille, des chaises à la reine, des paravents, des
écrans, etc. 11 indique le prix des étoffes, depuis le
damas de Gfines, de Lyon, de Tours, jusqu'à la
siamoise de Rouen et de la barrière du Temple, et
la façon de chaque meuble est évaluée par article
détaillé, en sorte que nous apprenons que la garni-
ture d'un lit de trois pieds et demi à ta duchesse,
en damas, coûtait à Paris, en 1774, la somme de
857 livres 15 sols.
Dans l'art de la joailleiie. à noter un beau livre ; le
« Traite DES pibiRHEs PRËClEus^:s et de la manière de les
EHFLOïER EN PABUREs, par Pougct fils, à Paris, chez l'au-
teur marchand joaillier, quay des Orfèvres, au /touguet
de diamants; Paris, 1762 », in-quarto. Il est orné d'un
frontispice et de 79 planches gravées par M'" Ram-
beau, représentant une très intéressante suite de
monlures du temps. On y voit des bouquets exécu-
tés chez Lempereur, des aigrettes, pompons, papil-
lons à mettre dans les cheveux, des boucles à Qenrs,
des bracelets ou boîtes à portraits, des agrafes de
corps, des colliers d'applique, des nœuds de col,
des bagues de fantaisie, des becs de tabatière, des
nœuds d'épaule, des ganses de chapeaux, des navet-
tes, des biitons d'éventail, des queues de cachet, des
chaînes de montre, dont l'une représente les attri-
buts de l'Amoui', symbolisant « la Jeunesse et la
Beauté par un panier de fleurs, les Sens par un tro-
phée de musique, deux flambeaux et Quelques fruiU,
CABINET DE TRAVAIL. 321
la Discrétion par deux trompettes enchaînées, la
Jouissance par deux tourterelles bec à bec, couron-
nées de fleurs (1) ».
L'art de la danse, le premier des arts gyjnnasti-
ques, a sa petite bibliothèque. Elle débute par ; « le
Maître A danser, par Rameau, maître à d^mse?* des
pages de Sa Majesté Catholique, la reine d'Espagne »,
un volume oti d'épouvantables tailles-douces vous
«
démontrent, sur des personnage^ en bois, les grâces
du menuet, vous donnent les deux attitudes pour
ôter son chapeau, et toute l'interminable série des
révérences en avant, de côté, en arrière. A propos
de la courante, l'auteur nous apprend que « Louis XIV,
' d'heureuse mémoire, la dansait mieux que personne
de sa cour ». Un autre volume de Rameau intitulé :
Abrégé de la nouvelle méthode dans l'art d'écrire
TOUTES SORTES DE DANSES DE VILLE, et dédié à SOU Altcsse
Sérénissime M'*® de Beaujolais, est suivi « des douze
plus belles danses de Pécour, compositeur de l'Aca-
démie royale de musique », parmi lesquelles nous
relevons la Bourrée d'Achille, la Mariée de Roland,
le Menuet d'Alcide, la Royale. Un autre recueil pu-
blié précédemment par « M; Feuillet, maître et com-
positeur de danse », sous le titre : Recueil de contre-
danses MISES en chorégraphie. Contenait le Carillon
d'Oxford, le Tourbillon d'amour, le Menuet de la
(1) Un complément de ce livre peur l'histoire de Vart de la
joaillerie et bijouterie est le catalogue détaillé des plus belles
pierreries de France qui se trouve dans TInventaire des dia-
mants DE LA. COURONNE. Paris, de l'Imprimerie nationale, 1791.
'■ap
sa I*A MAISON D'UN ARTISTE.
fteine, TÉpiphanie. Le Répertoire des baijS, outhéo^
rie pratique des contre-danses, par k S^ de la Cuisse,
maître de danse, quatre volumes portant la date
de 1762, et contenant les plans des figures des
contre-danses, renferme quelques titres singuliers
comme l'Hôtel de l'Ortie, la Fleury ou les Amuse-
ments de Nancy, les Fontaines du Loiret, les Jolis
Garçons, l'Épicurienne, la Strasbourgeoise, la Clai-
ron, les Échos de Passy, la Huggieri, la Fée Urgèle.
Cet ouvrage est illustré dans son premier volume
de deux planches, Tune pour la Bionni, l'autre pour
'la Griel, du nom du portier du parc de Saint-Cioud,
deux planches chargées d'une multitude de dan-
seuses et de danseurs microscopiques, gravés à l'eau-
forte, répétant dans de petits carrés les figures, et
que j'ai reconnus pour des Gabriel de Saint-Aubin.
Ces deux eaux-fortes jusqu'ici inconnues, et dont Ja
Griel est signée g d s, manquent au catalogue du
petit maître rédigé par M. deBaudicour. Vient, après
le Répertoire des bals, la Lettre sur la danse et les
-BALLETS, par M. ^owerre, pensionnaire du roi et maître
des ballets de l'Empereur, Londres et Paris 4783, un
exemplaire d'envoi avec Vex dono autojns, et relié en
maroquin rouge, et précédé d'un magnifique por-
trait gravé en Angleterre, où le professeur de danse
porte en sautoir sur la poitrine un ordre étranger.
Parmi les danses à la mode en France, au xviii® siè-
cle, il en est une qui fit fureur : la danse qui eut l'hon-
neur d'être représentée par A. de Saint-Aubin, dans
son Bai paré, l'Allemande. Je possède sur cette danse
CABINET DE TRAVAIL.
deux rares petites plaquettes. L* une porte pour titre :
« Almanach dansant ou positions et attitudes dk l'Al-
lemande, dédié au beau sexe par Guillaume, maître de
danse pour Tannée 1770. » Elle est ornée d'un char-
mant frontispice dessiné par Bertault, et de douze
jolies figures, donnant les passes de . cette danse,
figures qui ont une certaine parenté avec le dessin
d'Augustin de Saint-Aubin. Un autre petit volume
avec des figures gravées par M"® Annereau, mais
très inférieures, s'intitule : «Principes d'Allemandes^
par M. Dubois, de l'Opéra. A Paris, chez "auteur. »
Dans l'art de l'équitation, nous citeron I'École bk
cavalerie de la Guérinière, les deux volumes publiés
en 1769 et illustrés des spirituelles et pittoresques
eaux-fortes de Charles Parrocel, montrant la Pésade,
la Courbette, la Ballottade, la Croupade, la Capriole,
le Piaffer dans les piliers, la Course de bague. Nous
citerons encorelaPRATiouED'ÉQUiTATiON par M. Dupaty
de Clam, 1769, petit livre qui a pour frontispice la
rare gravure de Moreau jeune, représentant : « Poi^
ture à cheval dessinée d'après natu7'e, où le cavalier
est vu aux trois quarts et à quatre pieds au-dessous
de la ligne horizontale. » Il y a à joindre à ces deux
ouvrages la brochure intitulée : Mémoire inutile sur
un sujet important, 1788, qui est, en ce temps de fu-
reur des courses, une défense du cheval anglais,
contre Linguet qui s'était indigné de la curiosité de
Paris (« pour ces squelettes de chevaux montés par des
singes anglais».
L'art de rescrinie compte quelques volumes.. Le
t LA MAISON D'ON ARTISTE.
i"= ancien en date est : « le Maistbe d'abhbs, oa l'a-
ï de l'exercice de l'épée, démontré par le sieur
in, maistre en fait d'armes de l'Académie de
bourg, 1737. u Ce livre, publié à Strasbourg avec
mageries provinciales, en est encore à la flan-
ie. Le véritable traité en faveur, au xvni' siècle,
lelle n l'Art ues armes par M. Danet, Syndic-
e des ordres de !a compagnie des Maistres en
d'Armes des Académies du Roi en la ville et
îurg de Paris, aujourd'hui Directeur de l'Ecole
!e d'Armes ». C'est l'école de l'escrime moderne
un chapitre rétrospectif curieux sur les voltes,
lettes, estocades des anciens, et les deux volu-
sont remplis de figures gravées par Tarava).
i encore le « Nouveau Traité de l'Art des abmes
M. Nicolas Demeuse, garde du corps de S. A.
•ince évéque de Liège », un volume orné de
es, publié à Liège en 1786.
s arts, concourant â la toilette de rbomme et
t femme, abondent en brochurettes et petit»
i curieux.
mmençons par la toilette de l'homme (1),
Oraisok funèbre de très habile, Irèn élégant,
nerveilleux CnBiSTUtaE Scheling, maître tailleur
'ca'is, prononcée, le 18 février 1761, dans la
du célèbre Alexandre, limonadier au Boulevarl.
irisj 176!. » — Un petit pamphlet, une char-
te ironie, pleurant le tailleur qui, le prè-
le ne cite pa( U Tailleur, lire de I'Encyclopédis.
CABINET DE TRAVAIL.
mier, mit au jour là nuance mordorée, qui eut le
génie d'ambrer les habits, qui fut l'inventeur de
ces charmants déshabillés, appelés par le peuple
chenilles (1) ; l'artiste donrt la vogue fut un moment
telle, que son hôtel étail assiégé comme un minis*
tère , et que tout Français bien né « se croyait dans
la nudité la plus affreuse, quand il n'était pas habillé
par le divin Scheling». Scheling, l'homme unique
pour les habits de velours moiré, cannelé, ciselé,
de velours plein ,^ de velours à bordure , de velours
à queue de paon , et encore pour les habits de taffe-
tas ondoyant, de taffetas pommelé, de lustrine
mouchetée, de lustrine serpenjtée avec dorures à
glacis, dorures à flocons, galons à tresse, galons à
clinquant, galons sur rubans, broderie relevée,
broderie renversée, demi-Versailles, demi-Fontai-
nebleau; le tailleur, enfin, qui habillait Berlin , en
dépit de la guerre entre la i'rance et la Prusse, et
qui convertit la Pologne à nos modes, le jour, oîi ses
habits furent introduits à Varsovie.
« Éloge funèbre et historique de très court, très
épais et tout adroit citadin , monsieur maître Nicb-
dème-Panïaléon Tire -Point, bourgeois de Paris,
maître et marchand tailleur d'habits, ancien juré
de sa communauté, ancien marguillier de sa pa-
roisse... 1776. » — Satire dont la forme est volée au
précédent, et qui mentionne la polonaise à brande-
bourgs, et parle de basques d'habit d'une broderie
(1) Voir un chapitre sur les chenilles, dans les Lettres criti*
QUBS ET MORALES SUR LES MODES DU TEMPS, AvigUOÛ 1760.
I. 28
m LA HÀISrON D*UN ARTISTE.
si aélicate, qu'ils ne pouvaient « être aperçus qtm
par des yeux de taupe » (4).
« L'Almanach svelte, pour Tannée 1779. A Ratapo-
lis et se trouve à Meaux. » -^Un petit almanach gros
comme rien, et parfaitement inconnu, contenant des
digressions sur les chaussures , sur les chemises ,
sur les vestes, sur les culottes, et nous donnant
dans un récit plein de grâce, l'origine de la vogue de
la couleur puce f inspirée, par la vue d'un tout chaud
cadavre de puce sur une ongle rose de femme, et
qui fit dire au cercle qui l'entourait : « C'est un
noir qui n'est pas noir, c'est un brun trop brun...
voilà une couleur djèlicieuse (2). »
Les culottes, à bien des années de là, amenaientla
publication des « Recherches et considérations médi-
cales sur les vêtements des hommes et particulière-
ment sur les culottes par L.-J. Glairian, médecin
(an XI)», une dissertation savante avec figures, pre-
nant à partie les culottes incroyablement étroites.
Pour la coiffure des hommes, il existe « I'Encyclo-
ïÉDiE PERRUQUiÈRE, ouvragc curicux par Beaumout ,
coiffeur dans les Quinze-Vingts... 1757. » — Le texte
est une plaisanterie de l'avocat Marchand, mais on y
trouve 45 figures représentant les accommodements
(1) A ces pamphlets sur les tailleurs, il faut joindre : Billet
d'entendement d'un maître taillew avec son testament à Filou-
trimanie^ 1760.
(2) On connaît la phrase Je Besenval à un absent de Ver-
sailles depuis six mois, qui redoutait d'avoir |>erdu le ton de la
cour : « Je vais vous mettre au courant. Ayez un habit puce,
une veste puce, une culotte puce, et présentez-vous avec con-
fiance. Voilà tout ce qu'il faut aujourd'hui pour réussir I
CABINET DE TRAVAIL. «7
à la mode du temps, et parmi lesquelles Je relève
les coiffures à la Port-Mahon , à la Rhinocéros, à
rOiseau royal , à l'Aile de Pigeon , à l'Aventure , à la
Dragonnade, à la Comète, à la Gendarme, à la
Gentilly, à la Parisienne, au Petit-Maître, à la
Tronchin, à la Conquérant, à la Plus tôt fart, à
Ravir. Et le livre avait un tel succès, qu'il reparais-
sait en 4762, avec une copie en réduction des figures
de la première édition. A propos de la coiffure des
hommes, il paraissait, en 1778, une espèce d'élu-
cubration fantasque intitulée : « TAmi de l'humanité,
conseils d'un bon citoyen à sa nation, suivis du
Chapeau», — brochure qui recommande aux Fran-
çais de porter leurs chapeaux sur leurs têtes dans
la rue. Et quelques années après que le bonnet rouge
eut remplacé sur les têtes françaises le chapeau,
c'est un dialogue satirique qui a pour titre : le Bonnet
BOUGE DÉTRÔNÉ PAR LE BONNET VERT.
Passons à la toilette de la femme.
« Satire sur les cerceaux, paniers, criardes (1) et
manteaux volans des femmes, et sur leurs autres ajus-
tements. A Paris, chez Thiboust, 4727. » — De mé-
chants vers ridiculisant les troussures équivoques et
ces cercles montés en gradins, qui faisaient, des cotil-
lons, des ruches à miel, se plaignant, au nom des ga-
lants, de l'incivile disposition du traquenardy le pre-
mier cerceau d'en haut, et donnant à voir la femme
du temps avec de tous côtés « un arpent de derrière » .
(1) Jupon de toile gommée, ainsi nommé du bruit qu*il fai-
sait.
«8 LA MAISON D'UN ARTISTE.
« La petite Bibuotbèque amdsakte ;London,Printeil
for Crowder 1781 », contient, à la page 123 de la
seconde partie, un chapitre renseignant sur les pa-
niers et qu'on ne trouve que là. Il y est question des
paniers à gondoles, qui faisaient ressembler la femme
aune porteuse d'eau, des paniers nommés cadets
qui ne descendaient que de deux doigts au-dessous
du genou, des paniers à bourrelets munis d'un gros
bourrelet qui faisait évaser la jupe, des paniers
fourrés, dont les hanches étaient garnies, des paniers
k guéridon, et des paniers à coudes préférés aux
paniers à guéridon, et ainsi appelés, parce qu'ils
étaient plus larges en haut qu'en bas et que les cou-
des reposaient dessus. Un moment, on vit des pa-
niers qui avaient trois aunes de tour. Les paniers
étaient ordinairement cerclés de cinq cercles, ceux
à l'anglaise en comptaient huit. En dernier lieu, la
cage à volaille était remplacée par une jupe de forte
toile, sur laquelle étaient cousus des cercles de ba-
leine. Et avec les paniers les corps baleinés. Ces
corps baleinés amenaient, en 1770, la publication de
« l'Avis IHFORTAHT AU SEXE OU Essoi SUT kS COTpS
baleinés, pour former et conserver la taille aux
jeunes personnes, par M. Reisser l'ainé, Allemand,
tailleur pour femme à Lyon. Lyon, Bégi^illat, li-
braire, » avis dans lequel l'Allemand Reisser s'éle-
vait à la fois contre les corps à . la grecque qui
n'habillaient point les flancs, creusaient au défaut
de la gorge, arrondissaient le dos, et contre les ■
corsets à plastron adoptés par les femmes à emboD-
p~™
CABINET DE TRAVAIL. 829
point et qui leur donnaient l'apparence d'une gros-
sesse.
Le danger autrement sérieux des corps baleinés
faisait paraître la môme année : « Dégradation de
l'espèce humaine par l'usage des corps a baleine, ou-
vrage dans lequel on démontre que c'est aller contre
les lois de la nature, augmenter la dépopulation, e.t
abâtardir, pour ainsi dire, t'homme, que de le mettre
à la torture dès les premiers moments de son exis-
tence, sous prétexte de le former (4), par M. Bon-
naud. A Paris , chez Hérissant. »
Maintenant, ce sont des brochures et des feuilles
volantes, concernant les choses les plus diverses de
la toilette des femmes.
« Les Étrennes fourrées, dédiées aux jeunes frileu-
ses, ou pelisses sympathiques; Genève, 1770, »
nous indiquent les fourrures portées par les femmes
à rOpéra, et les manchons de tourterelles remplacés
par les manchons de plumes de coq, dans lesquels
seuls, à l'heure présente, les femmes voulaient
mettre les mains. Des Déclarations du lloi, du com-
mencement du siècle, défendent aux femmes et aux
filles, non mariées, de commissaires, marchands,
procureurs, notaires, huissiers et artisans, de por-
ter aucune pierrerie de quelque nature que ce puisse
être, à la réserve de quelques bagues; déclarations
auxquelles il est dérogé par de nouveaux arrêtés
qui permettent, à certaines de ces femmes^ de por-
(1) Ces conclusions étaient celles du'travail de l'anatomist*
"Winelow dans les Mémoires de r Académie des Sciences, de 1741.
28.
|Sa LA MAISON D'UN ARTISTE.
ter des boucles d'oreille et pendeloques, une croix,
un coulant -et une boucle de ceinture de dianMints
ou d'autres pierreries, pourvu que le tout n'excède
pas deux mille livres. Une Ordonnance de police de
1782 défend la fabrication ou vente et usage de ru-
bans, chapeaux, éventails, gazes et étoffes et autres
objets de parure brillantes avec du verre, se basant
sur les accidents qui sont survenus par suite de l'em-
ploi du verre blanc pilé, introduit dans ces objets.
Enfin une brochure rarissime : « la Véritable Res-
source Qu'oNPEUT TIRER DU RouGE,enfaveurdes pauvres
femmes et veuves d'officiers » , par le chevalier d'El-
bée, nous renseigne sur l'énorme emploi du fard,
nous donne ce détail curieux que Montelat, mar-
chand de rouge, rue Saint-Honoré , en vendait six
douzaines de pots par an à M""®* Dugazon et Bil-
lioni, et qu'à la Roquette, chez la faïencière Petit,
il se fabriquait, chaque jour, trois mille de ces pots.
Le chevalier d'Elbée estime enfin qu'il se consomme
deux millions de pots de rouge, à six francs dans le
royaume.
Mais il s'agit à présent de la coifl'ure, et voici toute
l'armée des écrivains capillaires : coifl'eurs ou hommes
de lettres.
« Livre d'estampes de l'art de la coiffm^e des darnes
françaises^ gravé sur les dessins originaux d'après
mes accommodages avec le traité en abrégé d'entre-
tenir et conserver les cheveux naturels, par le sieur
Legros, coiffeur de femmes. A Paris, aux Quinze-
Vingts, 1765. » Petit iii-4° qui a deux suppléments
. CABINET DE TRAVAIL. tt
de bizarres figures, rehaussées d'aquarelle. Ce Legros
est un ancien cuisinier, dont le succès dans son nou-
vel art fut fort traversé, et qui périt écrasé sur la
place Louis XV, lors des fêtes du mariage de Marie-
Antoinette; — Traité de la nature des chevkux de
l'art de coiffer, par Tissot, coiffeur. Paris, 4776; —
Traité des principes de l'art de la coiffure des fem-
mes, par M. Lefèvre, maître coifTeur. Paris, 4778; —
« Éloge de la coiffure a la Titus, pour les dames,
contenant quelques observations sur les coiffures mo-
dernes dites à la grecque, romaine, par J.-N. Palette,
coiffeur. Paris, chez Palette, 1810.»
Puis les badinages de lettres et les recherches
agréables sur la matière : « TEncyclopédie carcas-
siÈRE, ou tableaux des coiffures à la mode, gravés sur
les dessins des petites-maîtresses de Paris. Hoche-
reau, 1763, » — livre fait pour les coiffures de
femmes, à Timitation de l'Encyclopédie perruquière,
contenant 44 figures, et oti l'introduction à la con-
naissance intime des allonges, pompons, papillotes
blondes, marlis, est suivie de : la Fille dégoûtée; —
« I'Art des coiffeurs de dames, contre le mécanisme
des perruquiers, poëme. A la toilette de Cythère,
1769, » — méchants vers égratignant les coiffeuses
qu'ils peignent comme des entremetteuses (1); les
(1) Les coiffeuses venaient d'être tout nouvellement instituées,
et parmi plusieurs airèts du Conseil d'Etat du Roi, concernant
les perruquiers, ciff'eurs, coiffeuses, j'en trouve un, qui ordonne
que toutes coiff"euses de femmes seront tenues de se faire in-
scrire tant au bureau de la communauté des maîtres perruquiers
q^^en celui de la police.
M
LA MAISON l. ON ARTISTE.
is nom d'auteur ni d'imprimeur), court
naillé de notes instructives sur les fanRo-
toilelte, et dédié àBeaulard, le créateur
înnets de 100 à 1,000 francs et l'inventeur
lets de côté ; — « le Pahfait Ouvrage, ou
a coiffure, traduit du persan par le sieur
d , coiffeur , neveu du sieur André , perru-
Césarée, i776 »; plate brochure ornée
rontispice ; — a les Panaches, qu les Coiffu-
de, comédie en un acte, représentée sur
du grand monde et surtout à Paris. Paris,
pièce facétieuse dont le héros est M. Dup-
iffeur; — Éloge des coiffures, adressé aux
? un chevalier de l'ordre de saint Michel,
dont l'auteur, d'après les calculs qu'il fait
'S de coiffures publiées par Rapilly et les
;alue, depuis quelques années, les modes
à3,74-i; — Eloge des pehhuques.,., parle
kerlio, un pot pourri sur les perruques
et modernes, les perruques d'hommes et
s; — « LES Tètes tondues, sifflées, critiquées
i comme elles le méritent », — pamphlet
oire contre les cheveux courts, légués par
révolutionnaires ; — « Observations poli-
irales et surtout financières, sur l'origine, de
Je des dames de Paris (par Peydel). Paris,
— brochure qui n'a de curieux que son
Anti-Titus, ou Remarques critiques sur la .
les femmes au dix-huitième siècle. Paris,
- petit volume comparant les têtes coiffées
CABINET DE TRAVAIL. 533
de cheveux d'un pouce de hauteur « à Timage d'un
port-épic ». — Et mentionnons, pour compléter cette
série, le petit recueil de 48 coiffures, qui va depuis
la coiffure en cheveux frisés du règne de Henri IV
jusqu'au chapeau tigré de la fin du xviii' siècle,
et encore le Manuel des toilettes, qui, en regard
d'un texte explicatif, déroule ses galants accom-
modages de têtes à la Mappemonde, à la Hé-
risson, à la Zodiacale, à l'Aigrette-Parasol, à la
Parnassienne, à la Persane, à la Guirlande, à la
Dauphine, à la Calypso, à la Dorlote, à la Triom-
phale.
Terminons cette longue nomenclature de la mode
par quelques ouvrages généraux : l'Aperçu sur les
MODES françaises, pai* le citoyen Ponce, un pauvre
aperçu; les «Essais historiques, sur les modes et la
toilette française, par le chevalier de... Paris, 1824, »
deux minces volumes où sont éparpillés çà et là
quelques renseignements; le Manuel des élégants
ET des élégantes, par Joachim du Bel-Air, au
XIX® siècle, — un tableau de la mode et des fournis-
seurs de la mode au sortir de la Révolution. Quant
aux journaux de modes, hélas ! ceux du temps de
Louis XVI me font défaut, et je n'ai que deux jour-
naux du Directoire ; « le Messager des dames ou le Por-
tefeuille desamours» ; etle «Tableau GÉNÉRALdu goût
des modes et costumes de Paris, an V ». Un journal,
qui contient une série de costumes gravés au bistre,
de ces ébouriffants costumes de femmes à la Carie
Vernet, mais sans l'exagération de la caricature.
m LA MAISON D'UN ARTISTE.
et dont quelques-uns, le dirai-je,ontune grâce allon-
gée, toute charmante.
Rattachons aux arts de la toilette Tart de la parfur
raerie, et citons la « Toilette de Flore », suivie dn
<c Laboratoire de Flore, essai contenant les différentes
manières de préparer les Essences, Pommades, Rou-
ges, Fards et Eau de senteur. Ouvrage utile aux
Parfumeurs, Baigneurs et aux personnes chargées
de la direction des toilettes de Paris, 1773 ». — Les
deux volumes sont un recupil de recettes pour TEau
céleste, la véritable Eau de la Reine de Hongrie,
l'Eau de Mélisse magistrale, TEau Impériale qui dé-
truit les rides, l'Eau très utile après la petite vérole,
rEau de Charme pour conserver le teint, l'Eau de
Venise pour blanchir les visages basanés, l'Eau
pour se préserver du hâle, l'Eau pour faire disparalr
tre les lentilles et les tannes, l'Eau d'Adonis, l'Eau
de M™® la Vrillière, la femme du ministre, pour les
dents, la pommade de (leurs de lavande pour les
cheveux, etc., et le moyen pour parfumer au jasmin
les galits blancs, à la manière de Rome. On y trouve
encore la recette du Parfum pour le plaisir et la re-
cette du Bain de beauté que voici : « Prenez deux
livres d'orge mondé, une livre de riz, trois livres de
lupin pulvérisé, huit livres de son, dix poignées de
bourpche et de violier; faites bouillir le tout dans
une suffisante quantité d'eau de fontaine. Il n'y a
rien qui nettoie et adoucit la peau comme ce bain. »
Nous sommes arrivés à l'art de la cuisine, à cet act
placé tout en bas des arts mécaniques» à cet art 8i
CABINBT DE TRAVAIL.
erclosivement français, et qui, pendant plus de
cent ans, a fourni aux estomacs , délicatement volup-
tueux, des plats d'une chimie sublimée, oti, selon
l'expression d'un spirituel pamphlet du temps, « il
n'entrait plus que des quintessences raisonnées,
dégagées de toute ten^esiréité » .
Nous ne sommes plus au temps de Louis XIV, où
des viandes choisies, quelques ragoûts simples, des
vins excellents, faisaient tout le mérite d'un souper.
Aujourd'hui, dit la Lettre du pâtissier anglois, les
choses sont sur un autre pied. On n'oserait plus
prier des gens de bonne compagnie, si l'on ne débu-
tait par deux services de hors-d'œuvre alambiqués,
relevés de six entrées quintessenciées , suivies du
rôti et de deux services d'entremets, le tout ter-
miné par un fruit monté et historié.
Et le traité complet des potages, des hors-d'œuvre,
des entrées, des rôts, des entremets nous est donné
dans le « Dictionnaire portatif de cuisine, d'office et
DE DISTILLATION publié cu 1772, chcz Lottin le jeune»,
et dont j'ai sous la main un exemplaire en maroquin
rouge, aux armes d'un homme d'éi^Iise, qui porte
dans son manteau ducal une croix d'archevêque.
Un autre livre de la composition du sieur Gilliers,
chef d'office et distillateur du roi Stanislas (1),
publié en ce pays lorrain, la patrie de la fine et ex-
quise gourmandise, complète le Dictionnaire portatif
(1) Le cannaméliste français, ou Nouvellf^ Instruction pour
apprendre rolfice. A Nancy,de l'imprimerie d' Abel-Denis Cusson,
1761.
LA MAISON D'UN ARTISTE.
CUISINE. C'est un gros volume, qui traite de l'art de
iflre les fruits secs et liquides et de faire tous les
rrages de sucre, pastillages, neiges, mousses et
ueurs rarralchissantes; uu volume où, au milieu
planches représentant des desserts, comme brodés
chenille, et peuplés de petits chinois, modelés en
•.re, ou rencontre des recettes de compotes de
inades, de sirops de jasmin, de « candy » de vio-
les, de roses, de jonquilles: des entremets d'o-
ir et de parfum qui semblent les sucreries d'une
de repas des Mille et une Nuits.
>urmi ces manuels du manger délicat, il ne faut
i oublier un petit livre paru en 1778, I'Alhanacb
Coui-:sTiBLE, volume difficile à rencontrer avec'sa
e vignette à la Ëisen, groupant une galante et
lable réunion de convives autour d'une table
vie.
dais, entre tous ces livres imprimés, il est un cu-
jx manuscrit, qui porte en tète : Voyages du Roy ad
\TBAU DE CbOISV AVEC LES LOGEHEBTS DE LA GOUB, ET
MENUS DE LA TABLE DE Sa MajESTÉ MDCCLVII (1).
}e titre se détache d'un fond frotté de sanguine,
,ourant un médaillon, au bas duquel ou lit : Brain
Ste-Marie delin. et scrips.
) Voici les logements d'uo de ces vojagea, le voyage du
( Appartement du Roy.
IÂppartemcat de madame
marquise de Pompadour.
CABINKT DE TRAVAIL. 3ST
Ce sont les 194% 495% 496% 497% 498% 499% 200%
201% 202* voyages au château de Choisy de Louis XV
en compagnie de M°*® de Pompadour, du 4*' mars
au 45 décembre 4757. Les dîners elles soupers se
composent en général de 2 oilles, 2 potages, 8 hors-
d'œuvre, 4 grandes entrées, 4 moyennes, 8 plats de
rôts, 4 salades, 8 entremets chauds et 4 froids. De
temps en temps, on rencontre des désignations de
provenances comme rosbif de mouton de la ména-
gerie de Choisy , faisandeaux et perdreaux rouges
du Roy, lapereaux de M. de Croismard, cailles de
B Mne la maréchale de Mire-
poix.
Entresols par le grand escaUer / C M.le maréchal de Mirepoix.
D M™* la marquise de Châ-
teaurenault.
Corridor des bains. — Rez-de- i G M™« la comtesse de Coi-
chaussée ( gny.
/ H M. le Gouverneur.
Corridor de la Tribune ^ ^'^^ maréchal de Luxem-
bourg.
(
K M. le comte de Clermont.
L M. le duc de Fronsac.
M M. le marquis de Gontaut.
Corridor 1 N M. le Premier.
à / M. le duc de la Vallière.
Mansardes. ] droite, J P M. le comte de Baschy.
Q M. le marqids d'Ëstainville<
R M.
Corridor ( S M.
à T M.
gauche. ( V M.
Grand château.
/ NM6 M. le comte de Cambis.
Ailes des Seigneurs sur no 15 M. le prince de Dessenstein.
1« J^^"^ I NM6 M. le marquis de Ségur
l No 17 M. le marquis de Croissy.
*• 29
r.A MAISON D'UN ARTISTE.
'i Valliëre, ortolans du rôtisseur, et grives et
lies de M"' la Marquise,
la compositioa d'un repas maigre avec ses
uatre plats d'habitude, il y a, de la part do
r, des efforts et des trouvailles d'imagina-
maginables. Qu'on en juge par ce diaer da
2 mars 1757 :
2 0ILLE3.
is aux écrevisses. Une de aantâ.
2 poTAOxa.
2 FLANS.
De Perches a
elette aux croûtons. D'Œiifs au beurre noir.
es en maielotte. D'Harengs Hr Boulogne.
ï l'oseille. De petit* Pâles.
che à la Provençale. De Saurmin fumé.
8 ENTRÉES.
au persil. De Morne à la crèmo.
i de carreiets à l'ita- Une B!;iiii]iii-ttf de Thon.
[ de merlans en hâ- D'AnKuiM'- grillée i cm.
X. Un Hachis.
2 GRAriDS ENTBEUETS KROIIIS.
sses. De pelils tiâtsanx au fro^
CÀ3INET D(E TRAVAIL.
V
6 GEAND& PLATS I>B RÔTI.
Un Turbot. De Carrelets au blanc
De Truites. De Merlans.
De Lottes De Soles^
8 PETITS ENTaSMETS CHA.UDS.
Une Bouillie. D'Asperges au beurre de
Un Pain aux cbampignons. Vanvre.
D'Épinards à la crème. De Fondues.
Dé Salsifix au beurre. De Chiroux frits.
De petits Gâteaux à la Reino.
A ce dîner maigre opposons un souper gras, le
souper du lundi 5 septembre 4757 :
2 OILLES.
Une aux oignons d'Ëspa- Une à la Gré^.
gne.
2 POTAGES.
Un aux laitues. ' Une Julienne.
16 ENTRÉES.
Une marmelade de Per- De Tendons de veau à la
dreaux. Sainte-Menehould à Taspic.
De petits Pâtés de filets de De Filets de mouton glacés
Lapereaux. aux abricots.
De Filets de Faisans sautés De Membres de Faisandeau
aux Truffes. à la d'Uzelles.
Un émincé de Poularde aux De Cannetons de Rouen au
Concombres. consommé.
De Cailles en compote. De Poulets à la Reine aux
Un Dindon dépecé au Sin- Pavis.
gara. De Cervelles de veau en
D*aislerons de Poulardes matelotte.
à la Villeroy? De Tourtereaux sautés.
840
LA MAISON D'UN ARTISTE.
De Filets d'aloyau dans leur De filets de Levraux glacés
jus. à Toiguon cru.
2 RELEVÉS.
De Cabillot à la bonne eau. Une Carpe au bleu.
4 RELEVÉS.
Un Aloyau.
Un quartier de Veau.
4 GRANDS ENTREMETS.
De Chapons de Bruges.
Un Jambon.
Un Pâté.
De Galantines.
De Perdreaux rou-i
ges
De Faisandeaux
De Langues à l'Ëcarlatte.
Une Croquante.
ROTS.
De Rouges-gorges de M. de
la Vallière.
De Dindons.
De Cailleteaux [ ^*^"^y* De Pigeons de volière.
De Campines
De Raies
De Guignards (1).
De Petits Poulets.
16 PETITS ENTREMETS.
Une Crème à la Genest.
D'Haricots verts.
Des Pattes de dindon à l'Es- De Crêtes.
pagnole.
Des Truffes au beurre.
D'Épinards.
D'QEufs au jus.
De Singara.
D'Artichauts à l'Italienne.
De Choux fleurs.
De Pains à la Duchesse.
D'Animelles.
D'Écrevisses à la Sainte-Me-
nehould.
Un Ragoût meslé.
De Tartelettes à la Religieuse.
De Blanc manger en Pots (2).
(1) Guignard, oiseau de passage, de la grosseur du pluvier,
dont on faisait des pâtés à Chartres, que Collin d'Harleville a
chantés.
(2) Une autre série de ces menus, provenant de la coUectioa
Leber, est aujourd'hui conservée à la Bibliothèque de Rouen.
CABINET DE TRAVAIL. S41
Revenons à la cuisine des particuliers. Le diction-
naire portatif de cuisine est Técole de toute la so-
ciété qui mange bien, mais pour les gourmets, pour
les fines gueules du temps , il existe un traité de
raccommodement des victuailles plus recherché ,
plus raffiné, moins bourgeois. C'est le Cuisinier gas-
con (1) dontja préface, un peu ironique, est une
sorte de dédicace au prince de Bombes, ce grand
seigneur cuisinier, que nous avons montré dans la
«Duchesse de Châteauroux» retournant avecLouis XV
des ragoûts dans des casseroles d'argent.
Dans ce livre on parle de sauce au singe vert, de
sauce à l'allure nouvelle , de sauce bachique , de
sauce au bleu céleste, de truite à la houssarde, de
côtes de bœuf à la Monville, de gigot de mouton à la
de Nesle, de gigot de mouton à la galérienne, de
veau en crotte d'âne roulé à la Neuteau, de poulets
à la Pardaillan, de poulets en chauves-souris, de
poulets à la caracatacat, de pigeons à Périgord, de
caisses de canards en crépines, de perdreaux à l'eau-
de-vie, de bécassines à la grecque, de beignets de
nèfles, de tourtes de muscat, etc. Et toutes ces
choses au baptême si affriandeur, les gosiers du
temps les arrosent avec du Bourgogne préconisé par
le médecin Fagon, avec du Champagne qu'on ne
veut plus mousseux depuis le commencement du
siècle, avec les vins d'Espagne qui ont fait aban-
donner les vins d'Italie, depuis que la mode a dé-
(1) Le Cuisinier gascon, nouvelle édition à laquelle on a joint
la lettre du pâtissier anglais. Amsterdam, 1767.
29
l
34» LA MAISON D'UN ARTISTE.
serté les vins doux pour les vins secs, avec du vin
de SetuvaU un vii^noble de Portugal très en faveur
pendant ces ann( s, avec du malvoisie de Madère,
avec les vins blancs et rouges du Cap, provenant des
plants de Bourgogne et de Champagne transplantés '
en Afrique par les Hollandais (1).
Cela dure, cette délicate bombance, tout le siècle
et même pendant les premières années de la Révo-
lution, où les chefs des grandes maisons ruinées, les
Méot, les Robert, les Roze, les Very, les Leda, les
Brigault, les Legacque, les Beauvilliers, les Naudet,
les Edon, deviennent des restaurateurs, des mar-
chands de bonne chère pour tout le monde, — cela
dure jusqu'en l'an III, année qui voit paraître ce si-
nistre petit volume :
LA CUISINIERE RÉPUBUCAIISE
Qvi enseigne lu jnanière simple dacc' moder (sic) les .
pommes de terre ave quelques avis sur les soins néces^
saires pour les conserver (2).
Ces livres tiennent du haut en bas tout le fond de
la pièce. Ici le mur retourne, et c'est un panneau
(1) Précis d'une histoire générale de la vie privée des
Français. Paris, Moutard, 1779.
(2) Une poiite brochure imprimée chez la veuve Mérigot, quai
des Augiistins, 38. Il ne reparaît pas, je crois, de livre sur la
cuisine avant l'an VI, où Derouault publie «< PJtrennes aux vi-
vants, ou Cuisinier pour tous les mois de l'année ». Du reste,
certains produits alimentaires avaient disparu pendant la Révo-
lution ; le gibier n'était plus commun, et Grimod de la Re^nière
f —
CABINET DE TRAVAIL. SU
qu'emplit une bibliothèque de Boule de la première
manière du grand ébéniste, et dans laquelle le cuivre
seul a un emploi dans l'incrustation de la mai'que-
terie. L'enchevêtrement géométrique des lignes et
la complication de l'arabesque sont du goût le plus
sévère, et le dessin de métal avec son luisant d'or
pâle, en le noir de l'ébène, fait le plus harmonieux
effet et le plus sourdement riche. L'histoire de ce
meuble est curieuse, comme un symptôme du mé-
pris qu'au temps dé la Restauration et du règne des
commodes d'acajou, nos grands-parents avaient pour
l'ancien mobilier de la France : il était l'armoire
que ma mère avait à sa pension, dans sa chambre,
quand elle commença à être grande fille. Plus tard
il fut restauré par Monbro, malheureusement en ces
années, où l'on n'avait pas le sentiment de la répa-
ration historique, et où une baguette de cuivre
estampé semblait devoir tenir avec succès la place
d'une baguette en bronze doré, mais un jour où la.
vente d'un livre m'apportera un peu d'argent, je
ferai arracher la restauration de Monbro, €t remettre
le petit meuble en son état ancien.
La bibliothèque de Boule est la boîte par excel-
lence des beaux livres, des belles reliures, faisant
ressortir les riantes et lisses couleurs des peaux
avec le foncé de ses panneaux, où se répète %i revit
un rien de la dorure du dos des volumes. Aussi
dit dans son Almanach des gourmands que les faisans, « les
premières victimes du système (lémocratiquejulopté en France»,
étaient prest^ue une rareté en 1803, année où il écrit.
S44 LA MAISON D'UN ARTISTE.
est-ce en cette bibliothèque qu'est la fleur de mes
livres. Ce sont les livres illustrés par Boucher, par
Gravelot, par Eisen, et parmi lesquels figure un exem-
plaire en maroquin vert des Contes de La Fontaine, de
l'édition des fermiers généraux, un exemplaire au
texte réglé, aux toutes premières épreuves, aux gar-
des doublées de tabis, aux plats de la reliure chargés
d'une riche dentelle;'ce sont de petites raretés comme
le voyage en Italie de M"*® Lecomte avec les spiri-
tuels encadrements à l'eau-forte, par lesquels les
galants pensionnaires de l'Académie ont fêté la venue
à Rome de la maîtresse de Watelet (1) ; ce sont les six
volumes in-quarto de l'édition de Molière de 1734,
le plus beau et le plus monumental ouvrage, illustré
par le xviii® siècle ; ce sont de curieux petits manu-
scrits comme TAdministration de l'argenterie. Me-
nus Plaisirs et Affaires du Roi, dont j'ai tiré de si pré-
cieux détails pour le mariage de Marie-Antoinette.
Il y a là renfermés, un certain nombre de beaux
vieux maroquins sanguins, où la patine du temps a
mis comme une pourpre sombre, — des bouquins
solides et magnifiques qui sont à la ibis des outils de
travail et des joyaux de musées. Et encore des ma-
roquins, aux armes de personnages célèbres du
xviii® siècle, des maroquins aux armes de Trudaine
de Montigny, de Hue de Miromesnil, du lieutenant
(1) Nella venuta in Roma di madama. Lecomte et dei signori
Watei^t e CopETTE. Componime?iti poetici di Luigi Suàleyras
colle figure in rame di Ste/ano délia Vallée Poussin, pensionano
cU S. M. Chris tianisslma, 1764.
CABINET DE TRAVAIL. * 343
de police Sartines, de l'archevêque de Beaumont, de
M. de Marigny, du prince de Ligne, du diplomate
Cobentzel. Mon ambition avait été surtout de faire
une collection spéciale de livres aux armes des Fran-
çaises, qui ont été, un tant soit peu, bibliophiles, au
siècle dernier, mais je m'y suis pris un peu tard, et
au moment oti ces livres commençaient à devenir
des desiderata de banquiers. Cependant, eta ma petite
bibliothèque, la duchesse de Gramont retrouverait
son exemplaire en maroquin vert de THiSTomE du
THÉÂTRE DE L* ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE, 1757, et SOn
exemplaire en maroquin rouge de la Bibliothèque du
Théâtre-Français, par le duc de la Vallière ; la com-
tesse de Provence retrouverait ses deux exemplaires
en maroquin rouge, du Dictionnaire portatif des
beaux-arts, 1759, et des Anecdotes dramatiques, par
Tabbé Clément, 1775; Madame Victoire de France
retrouverait son exemplaire en maroquin vert du
Cours de belles-lettres de l'abbé Batteux (1); enfin
Marie-Antoinette retrouverait son exemplaire des
Lettres juives du marquis d'Argens, de sa bibliothè-
que du Petit-Trianon, — un exemplaire malheureu-
sement relié en veau. Madame du Doffand, elle ! y
est rappelée par un exemplaire des Considérations
SUR LES moeurs de Duclos, un volume où, selon son
habitude, elle a fait imprimer en or, sur le dos, ses
chats aimés, ses chats, dont Cochin a gravé, pour elle
et ses amis, une rarepetite estampe en 174-6. Madame
(1) On sait que les quatre filles de Louis XV avaient chacune
adopté une couleur de maroquin différente pour leurs livres.
3éB LA MAISON D'UN ARTISTE.
de Pompadour n'est pas oubliée en le petit meuble.
Un numéro de sa bibliothèque repose sur les plan-
chettes, le numéro de la Vie des premiers peintres du
Roi, par Lépicié, un livre qui est une confession des
goûts de la favorite, et d'où se détachent ses trois
tours d'or d'un superbe maroquin rouge. Mais un
ouvrage pour moi plus précieux, et où l'on a tous les
rôles joués et chantés par la comédienne et la vir-
tuose, c'est le Recueil des comédies et ballets re-
présentés sw* le théâtre des Petits Appartements, qua-
tre volumes splendidement reliés en maroquin, dis-
paraissant sous la dorure, un exemplaire qui devait
être donné par la favorite à ses familiers ; et après
ces deux livres d'art et de théâtre de la marquise,
vient un curieux et significatif livre, ayant appartenu
à la Du Barry : son Grécourt, où sur le veau du dos,
dans les entrejacs de myrte qui courait sur Targeur
terie de Lucienne, se lit la fameuse légende : Boutes
en avant.
Pêle-mêle avec ces livres, sont nos livres à nous,
les exemplaires choisis de nos romans, de nos étu-
des d'histoire, tirés sur peau de vélin, sur chine,
sur papier de Hollande, et habillés comme des en-
fants qu'on aime, et signés d'un /etd'un jF entre-
lacés, ciselés sur la tranche.
Que je plains les lettrés qui ne sont pas sensibles
à la séduction d'une reliure, dont l'œil n'est pas amusé
par la bijouterie d'une dorure sur un maroquin, et
qui n'éprouvent pas, en les repos paresseux de l'es-
prit, une certaine délectation physique à touclier de
CABINET I>B TRAVAIL. 347
leors doigts, à palper, à manier une de ces peaux
du Levant si moelleusement assouplies 1 La reliure
française a été, de tout temps, un art, dont les adeptes
ont fait preuve d'une adresse charmante, et c'est
aujourd'hui peut-être le seul art industriel, où se
soit conservée la main d'œuvre des choses exquises
façonnées par les artisans-artistes du xvi® siècle.
Mais, il faut le dire de suite, cet art ne supporte pas
la médiocrité : rien ne ressemble moins à une re-
liure supérieure qu'une reliure à bon marché, et
l'assemblage de cahiers de papier imprimé entre
deux cartons, enfermés dans une peau, en un tout
homogène et parfait, un emboîtement qui semble
fusionné dans un moule, n'est obtenu, n'est réalisé
que par les relieurs qu'on paye très cher. Les grands
charmeurs que les Trautz-Bauzonnet, les Cape, les
Lortic, les Duru, les Marius! Je sais qu'il existe des
fanatiques du nom de Bauzonnet qui ne veulent que
des Bauzonnet, qui vont jusqu'à faire casser, sur les
livres qu'ils achètent, les reliures de ses plus illustres
confrères; moi, je l'avoue, je trouve que, malgré la
conscience de son travail et la solidité des dorures,
ses reliures ont toujours un aspect un peu vieillot,
un peu restauratioH , et mes reliures d'affection sont
des reliures de Cape et de Lortic, Le vieux Cape était
inimitable pour la résurrection des reliures riches
du xviii" siècle et de leurs arabesques fleuries. Je pos-
sède une reliure des Maîtresses de Louis XV, exécutée
par lui dans la dernière année de sa vie, qui est
im vrai chef-d'œuvre de goût et d'imitation intelli-
348 LA MAISON D'XTN ARTISTE.
génie. Mais pour moi, — quand il est dans ses bons
jours, — Lortic, sans conteste, est le premier des re
lieurs. C'est le roi de la reliure janséniste, de cette
reliure toute nue, où nulle dorure ne distrait l'œil
d'une imperfection, d'une bavochure, d'un filet mala-
droitement poussé, d'une arête mousse, d'un nerf
balourd,— de cette reliure où se reconnaît l'habileté
d'un relieur ainsi que l'habileté d'un potier dans une
porcelaine blanche non décorée. Nul relieur n'a,
comme lui, l'art d'écraser une peau, et de faire
de sa surface polie la glace fauve qu'il obtient
dans le brun d'un maroquin La Vallière; nul, comme
lui, n'a le secret de ces petits nerfs aigus, qu'il
détache sur le dos minuscule des mignonnes et
suprêmement élégantes plaquettes que lui seul a
faites. Lortic est encore sans pair et sans égal pour
jeter des fleurs de lis sur le plat d'une reliure, et la
reliure de mon Histoire de Marir-Antoinette, où
sur le semis d'or ressaute, dans le maroquin rouge,
le profil d'argent d'une médaille de la Dauphine, est
une reliure qui peut tenir à côté des plus parfaits
ouvrages des relieurs anciens.
Mais, pour ces livres sortis de nous, j'ai voulu
mieux encore que des papiers extraordinaires, que
des reliures splendides; j'ai cherché à les rendre
dignes des enchères des ventes futures, par l'adjonc-
tion de dessins originaux, de gravures rares, d'auto-
graphes, d'émaux, faisant, de ces affectionnés exem-
plaires d'auteur, des espèces de bibelots. Ainsi la
LoRETTE étale ^our frontispice une académie de
r"
CABINET DE TRAVAIL. 349
femme à l'écriteau de location : un des plus jolis et
des plus spirituels petits dessins de Gavarni. Hen-
riette Maréchal renferme : 1° une aquarelle de Ga-
varni pour le costume de M"® Ponsin en muse
de carnaval ; 2° une lettre du dessinateur avec un
croqueton apportant un changement à la coiffure ;
S"* les vers autographes de Théophile Gautier écrits
de cette petite écriture fine, menue et comme gra-
vée. La fille Élisa est illustrée d'une eau-forte de
François Flameng, tirée à deux ou trois exemplaires.
Manette Salomon a, encasltrés dans les plats de sa
reliure, deux merveilleux émaux de Popelin, repré-
sentant Manette, vue de face et de dos sur la table à
modèle, et délicatement modelée dans Tor du métal,
en sa serpentine nudité.
Parmi ces livres, il est un manuscrit qui m'est sur-
tout cher ; un cahier de notes prises en Italie, où
les croquis s'entremêlent avec l'écriture, oii une
poupée antique du Vatican succède à la lampe qui a
fait dire à Galilée : « E pur si muove » , et où une
aquarelle de la place de Bologne, donne une idée
du tempérament de peintre de mon frère et de son
talent d'aquarelliste.
Sur l'attique de la bibliothèque de Boule, entre
les reflets profonds de bronzes sombres, un Amour
charnu, aux yeux bandés, aux petites ailes frémis-
santes et recroquevillées, enferme dans un filet le
globe du monde, et l'aimable statuette de Mayence
détache ses chairs, paiement rosées, du bleu pâle
d'un long et fluet vase bleu turquoise, mettant sur
I. 30
350 LA MAISON D'UN ARTISTE.
ce haut de meuble, frappé toute la journée de lu-
mière, Topposition et l'accord glaceux des deux plus
tendres colorations de la porcelaine de TOccident et
de rOrient.
Au dessus, un peu incliné, se penche dans une
harmonie de poudre, de jaunes dentelles, de blan-
che fourrure de cygne, un portrait de femme incon-
nue, pastellé par La Tour, une femme aux minces
paupières, voilées d'une méditation ironique.
Après le panneau de la bibliothèque vient la che-
minée.
Au milieu de la cheminée , sur un socle de bois
sculpté, se dresse la Baigneuse de Falconet, un bis-
cuit à la longueur fluette, aux mains, aux pieds, aux
petits seins amoureusement modelés et dont la nu-
dité blanche se reflète de dos dans la glace. Aux cô -
tés de la Baigneuse sont posés deux pots-pourris
de Saxe, d'une forme carrée, aux angles adoucis
par un contour rocaille, surplombant ^de son décor
ondulant les quatre faces semées de fleurettes, de
papillons, d'insectes, joliment coloriés. Et à chaque
extrémité de la cheminée se contourne un chan-
delier japonais : une grue, dont le cou, au-dessus
de ses longues pattes d'échassier, se tord dans l'en-
roulement d'une branche d'arbrisseau en boutons,où
s'entr'ouvre une fleur pour la bobèche d'une bougie.
La glace qui ne monte qu'à une certaine hauteur,
ainsi que dans les anciens dessus de cheminée, ^
sur laquelle, brisant la ligne droHe de l'architecture,
pend la gouache de I'Épouse indisckète, on un cadre
CABINET DE TRAVAIL. 351
à rélégaot écusson, est surmontée d'un trumeau.
C'est une trouvaille du temps où, chez les marchands
de bric-à-brac, vos pieds cognaient, dans les recoins
noirs, les plus délicates sculptures : un panneau,
où d'un vase Louis XVI, une grêle imagination
de Salembier , déborde un bouquet de pavots dont
l'épanouissement floche et les grandes feuilles mol-
les sont rendus par un ciseau travaillant dans
du bois, et en ce bois découpant une flore rustique,
qui paraît chiffonnée par des doigts de femmes dans
une feuille de papier humide.
De chaque côté de la cheminée, au-dessous de
deux appliques de jade vert, feuillagées d'un bou-
quet de plumes de paon, sont suspendus à droite et
à gauche des portraits de famille, des miniatures
dans des cadres de cuivre doré.
Celle-ci, c'est ma grand'mère maternelle : Madame
Le Bas de Gourmont Pomponne, mariée au fermier
général guillotiné en 1793. Isabey l'a représentée
sous un toquet de velours liséré d'un ruban feu, jeté
sur sa chevelure poudrée, la poitrine couverte d'une
chemisette transparente, dans l'ouverture carrée
d'une robe de velours bordée de fourrure. Et dans
le pittoresque de ce costume de polonaise du Direc-
toire, apparaît la séduisante femme, avec* ses im-
menses yeux noirs, son nez à la Roxelane, sa bouche
rouge. Ma grand'mère avait été une des beautés de
cette époque de plaisir, une de ces veuves qui ou-
bliaient la Terreur au bal, et le poétereau des M(n>BS
ou la Soirée (Tété (1797) a même décoché quelques
S52 LA MAISON D'UN ARTISTE.
vers contre sa coquetterie et ses toilettes excentri-
ques :
• Mais, est-il vrai, dis, superbe G ont,
Qq'qq casque un jour ait ombragé ton front?
De cette grand'mère, j'ai le souvenir d'une vieille
femme, se tenant du matin au soir, — sauf une
petite promenade à quatre heures, au bras d'un
abbé, dans le passage de l'Opéra, — se tenant dans
le demi-jour d'un appartement très élevé, au mobi-
lier comme emballé sous de vieilles housses, et où
partout traînaient des livres de cabinet de lecture :
les mémoires des temps qu'elle avait vécus. Son
grand corps frileux était toujours empaqueté dans
de jaunes cachemires de l'Inde, attachés sur elle
par un nœud à l'enfant, et sa pâle et encore belle
figure s'amusait de mon bruit, de mes interrogations,
mais sans parler, sans répondre, sans sourire ; enve-
loppée du silence un peu intimidant des vieilles gens
qui ont traversé des révolutions.
Celle-là, c'est ma mère, peinte en 1822, l'année
de son mariage. Coiffée de petits frisons dans les-
quels est posé de côté un floquet de rubans bleus,
un rang de perles au cou, elle porte une robe de
mousseline blanche à rayures satinées qu'attache
une ceinture bleue, et que resserrent, à la saignée des
bras, deux bracelets de la soie et de la couleur de la
ceinture et du floquet des cheveux. Cette toilette de
jeune fille va le mieux possible à ses yeux limpides,
à son teint pur et frais, à cette petite bouche dont
CABINET DE TRAVAIL.
héritera mon frère, à cet air d'ingénuité et de timi-
dité qu'elle a gardé toute sa vie.
Sous le portrait de ma mère , le portrait de mon
frère : une photographie d'après un daguerréotype
exécuté en 1855, le seul portrait qui donne l'enjoue-
ment moqueur de sa figure, et l'expression de cette
spirituelle gaieté, qui faisait so dire entre eux aux
domestiques de la famille : « Monsieur Jules dîne ce
soir, on va rire. »
De l'autre côté de la cheminée, c'est le portrait en
habit galonné d'or, de Laurent l'ingénieur, le créa-
teur du canal de Picardie, le glorieux anobli fait
marquis de Villedeuil, et avec les descendants du-
quel ma famille a eu des alliances et d'intimes ami-
tiés. Des traits carrés, une figure de volonté que ce
Laurent de Villedeuil.
Sous le portrait de Laurent de Villedeuil, le por-
trait d'un parent dont j'ignore absolument le nom
mais le portrait d'un terrible bon vivant de l'an-
cien régime, montrant, au-dessous des frimas d'une
tête poudrée à blanc et d'épais sourcils noirs,
un teint, où l'allumement sensuel de la vie met
comme du fard parmi les bleuissements d'une barbe
vivace.
Auprès de ce portrait, la médaille en bronze doré
de mon grand-père à l'Assemblée nationale portant là
légende ; Louis XVI y restaurateur de la liberté française.
Et à côté de la médaille, la gravure de la collection
des portraits de chez Desjabin, qui le montre, ce
grand-père, avec son petit œil despotique, son im-
30.
854 LJl maison D*UN ARTISTB.
mense nez aquilin, Tavance énergique du bas de
son profil :
M. HUOT DE GONCOURT.
Né à Bourmont, le 15 avril 1753.
Député du Bassigni en Bnrrois à l^ Assemblée nationale
de 1789.
Au coin de cette cheminée, dans les intermèdes
du travail, une cigarette aux lèvres, les yeux errants
sur tout le bric-à-brac qui m'entoure, souvent je me
suis interrogé sur cette passion du bibelot qui m'a
fait misérable et heureux toute ma vie. Et me rappe-
lant les mois de privations, que mon frère et moi
avons passés, plusieurs années de suite, dans des au-
berges de peintre à trois francs par jour, pour payer
une trop grosse acquisition ; et retrouvant dans uia
mémoire ces journées maladives d'achats déraison-
nables, et dont on sort inassouvi, avec l'émotion
d'une nuit de jeu, et une bouche araère, que jseule
peut rafraîchir l'eau de mer d'une douzaine d'huîtres,
je me demandais si cette maladie était un accident,
un mal attrapé par hasard, ou si ce n'était pas plu-
tôt une maladie héréditaire, un cas semblable à la
transmission de la folie ou de la goutte. Alors je
me mettais à remonter ma famille, et j'y trouvais
un des grands et des passionnés collectionneurs du
XVIII® siècle, M. Le Bas de Courmont, de la collec-
tion duquel viennent quelques-uns des beaux ta-
bleaux hollandais du Louvre, mais c'est le premier
r^
CABINET DE TRAVAIL. 356
m:::i de ma grand'mère maternelle, et par le sang
il ne m'est rien. Chez mon grand-père paternel, en
sa belle maison de pierre sculptée de Neufchateau,
il y avait quelques bronzes, quelques meubles, quel-
ques dessins, achetés par lui à Paris, pendant qu'il
siégeait à la Constituante, mais c'était tout simple-
ment du mobilier de la grande ville, apporté par
mode, dan§ la maison d'un provincial, et sans
qu'on y rencontrât ni la trace ni le symptôme d'un
goût particulier. Mon père, lui, était un militaire,
et toute sa vie, depuis l'âge de seize ans passée sur
les champs de bataille, ne l'avait pas disposé à don-
ner son regard, à prêter son attention à ces « bêti-
ses »), et cependant, — c'est singulier, ~ quand il
achetait un objet mobilier, et devant servir aux usa-
ges les plus vulgaires, une brosse par exemple, il la
voulait de choix et jouant presque l'objet d'art;
et il eut pour boire son bordeaux, un des premiers
verres mousseline que le commerce ait fabriqués. En
mon père était, en quelque sorte, une nature d'ama-
teur pour les choses de la vie courante.
Mais je crois au fond que le collectionneur chez
moi ne doit rien aux ascendances, et qu'il a été créé
uniquement par l'influence d'une femme de ma fa-
mille. En ces temps, qui remontent à l'année 1836, un
de mes oncles possédait une propriété à Ménilmon-
tant, une grande habitation en forme de temple, avec
un théâtre en ruine, au milieu d'un petit bois : l'an-
cienne petite maison donnée par un duc d'Orléans à
Mademoiselle Marquise. L'été, ma mère, ma tante et
356 LA MAISON D'UN ARTISTà.
une autre de ses belles-sœurs, dont le fils, Tun de mes
bons et vieux amis, est aujourd'hui ministre plénipo-
tentiaire de France en Bavière, habitaient, toute la
belle saison, cette propriété : les trois ménages vivant
dans une espèce de communauté de tout le jour. Moi
j'étais à la pension Goubaux, et tous les dimanches
où je sortais, voici à peu près quel était l'emploi de
la journée : Vers les deux heures, après un goûter
qui était, je me rappelle, toujours un goûter de
framboises, les trois femmes, habillées de jolies
robes de mousseline claire, et chaussées de ces pe-
tits' souliers de prunelle, dont on voit les rubans se
croiser autour des chevilles, dans les dessins de Ga-
varni de « la Mode », descendaient la montée,
se dirigeant vers Paris. Un charmant trio que la réu-
nion de ces trois femmes : ma tante, avec sa figure
brune pleine d'une beauté intelligente et spirituelle,
sa belle-sœur, une créole blonde, avec ses yeux d'azur,
sa peau blanchement rosée et la paresse molle de sa
taille; ma mère, avec sa douce figure et son petit
pied. Et l'on gagnait le boulevard Beaumarchais et
le faubourg Saint-Antoine. Ma tante se trouvait
être, à cette époqii \ une des quatre ou cinq person-
nes de Paris, énamourées de vieilleries, du beau
des siècles passés, des verres de Venise, des ivoires
sculptés, des meubles de marqueterie, des velours
de Gênes, des points d'Alençon, des porcelaines de
Saxe. Nous arrivions chez les marchands de curio-
sités à l'heure où, se disposant à partir pour aller
dîner en quelque « tourne-bride » près Vincerines,
CABINET DE TRAVAIL. 357
les volets étaient déjà fermés, et où la porte seule,
encore entre-bâillée, mettait une filtrée de jour
parmi les ténèbres des amoncellements de choses
précieuses. Alors c'était, dans la demi-nuit de ce
chaos vague et poussiéreux, un farfouillement des
trois femmes lumineuses, un farfouillement hâ-
tif et inquiet, faisant le bruit de souris trotte-menu
dans un tas de décombres, et des allongements, en
des recoins d'ombre, de mains gantées de frais, un
peu peureuses de salir leurs gants, et de coquets
ramènements du bout des pieds chaussés de pru-
nelle, puis des poussées, à petits coups, en pleine
lumière, de morceaux de bronze doré ou de bois
sculpté, entassés à terre contre les murs...
Et toujours au bout de la battue, quelque heureuse
trouvaille, qu'on me mettait dans les bras, et que je
portais comme j'aurais porté le Saint-Sacrement,
les yeux sur le bout de mes pieds et sur tout ce qui
pouvait me faire tomber. Et le retour avait lieu dans
le premier et expansif bonheur de l'acquisition, fai-
sant tout heureux le dos de trois femmes, avec, de
temps en temps, le retournement de la tête de ma
tante, qui me jetait dans un sourire : « Edmond, fais
bien attention de ne pas le casser!»
Ce sont certainement ces vieux dimanches qui
ont fait de moi le bibeloteur que j'ai été, que je
suis, que je serai toute ma vie.
FIN DU PREMIER VOLUME,
■'»
TABLE
«4
t • •
Prbambulb •••••
Vestibule (les Foukousas) 4
Salle a manger (les Bronzes français du xviiio siècle)
Petit Salon (les pessins français du xvii» siècle). .
Grand Salon (les Clodion, les Tapisseries de Beauvais et
des Gobelins, les Meubles Marie-Antoinette, les Vases de
Sèvres) *^*
Escalier (les Albums japonais) 192
Cabinet de Travail (les Livres, les Manuscrits, les Lettres
autographes sur les arts de la peinture, sculpture, grOr
vure, et sur les arts industriels et mécaniques). •
*aris. — L. Maretheux, imprimeur, 1, rue Cassette